Cette collection parle de femmes qui, par leur pensée, leurs écrits, la liberté de leurs mœurs, ont été des précurseurs dans l’histoire.L’apogée de l’Empire romain correspond à une période de libération des mœurs, depuis les femmes de l’aristocratie romaine, jusqu’aux impératrices, au sommet de l’État.Messaline, épouse de l’empereur Claude, est à jamais célèbre pour les dérèglements de ses sens. Faustine, l’épouse de l’empereur philosophe Marc Aurèle, a joui également d’une « sacrée » réputation. Comme Cléopâtre avant elles, il est toutefois probable que les historiens romains ont quelque peu « chargé la barque » de ces deux impératrices.***Messaline, l’« Augusta Meretrix »Valeria Messalina fut la troisième épouse de l’empereur romain Claude. Issue de la haute aristocratie romaine, Messaline est la fille de Marcus Valerius Messalla Barbatus et de Domitia Lepida. Par sa mère, elle est l’arrière-petite-fille du triumvir Marc Antoine, l’amant de Cléopâtre et rival d’Octave, le futur Auguste. Née probablement vers l’an 20 de notre ère, elle épouse Claude en 38 ou 39. Claude a au moins trente ans de plus que sa jeune épouse.Méprisé en raison de ses déficiences physiques, en particulier du fait de son l’élocution et de sa démarche mal assurées, Claude était le mal-aimé de la famille impériale que l’on tenait à l’écart de toute activité publique. Érudit, cultivé, Claude sera pourtant un grand empereur.Le couple aura deux enfants : Octavie, née en 40, future épouse de Néron et Britannicus, qui naît le 12 février 41, à peine trois semaines après l’accès de Claude au principat. La paternité de Claude ne semble jamais avoir été remise en question. Le début du mariage fut heureux, mais les choses se gâtèrent après l’élévation de Claude à l’empire, par les prétoriens qui venaient d’assassiner l’empereur Caligula. Claude vit dans ses appartements avec son harem de concubines et ne se soucie guère de la vie libertine de sa jeune femme. Messaline profite quant à elle de la crédulité de son mari pour exercer sur lui une emprise absolue.***Messaline symbolise l’appétit de luxe, la soif du plaisir et l’esprit de lucre de la haute société romaine. On ne compte plus ses amants, qu’elle choisit de préférence parmi les esclaves et les affranchis impériaux. Elle se plaît à faire proscrire des Romains pour s’emparer de leurs fortunes, elle vend les droits de cité aux plus offrants, elle négocie les commandements des légions, les gouvernements des provinces.La tradition antique unanime a fait de Messaline « l’Augusta Meretrix », la putain impériale. Parmi les nombreux amants de Messaline, Mnester, un acteur qui avait été l’amant de Caligula. Après la mort de Caligula, Messaline va s’intéresser à lui. Mais Mnester refuse ses avances. Messaline va alors le contraindre…, en demandant à son mari, l’Empereur Claude d’ordonner à Mnester de faire « tout ce que Messaline lui commande » !Messaline ira jusqu’à inciter de jeunes patriciennes à s’abandonner à leurs amants, au cœur même du palais impérial. Mais elle ne s’arrêtait pas là : elle obligeait leurs maris à assister à la scène. S’ils acceptaient, elles les récompensaient. Sinon, elle en faisait des ennemis mortels.Les historiens Suétone, Tacite, Dion Cassius et le poète Juvénal nous racontent les multiples scandales et crimes de Messaline. Vorace, cruelle et jalouse, elle faisait souvent exiler, voire assassiner ses amants. Elle explora tous les recoins de la débauche, à en faire rougir un pornographe. Selon ces auteurs, Messaline la nymphomane était aussi cruelle que criminelle. Elle fit ainsi éliminer trois rivales réelles ou potentielles :• La première de ses victimes fut Julia Livilla (18-41), sœur de Caligula et d’Agrippine la jeune. Livilla avait mené une vie dissolue à la cour de son frère et avait été exilée en 39, compromise dans un complot. Après la mort de Caligula, sa sœur Agrippine et elle rentrèrent d’exil sur ordre du nouvel empereur, l’oncle Claude. A-t-elle tenté de séduire son oncle et de prendre la place de Messaline ? En tout cas, Messaline, qui ne manquait pas d’air, la fit accuser d’adultère avec le philosophe Sénèque. Comme Julie, fille d’Auguste, Livilla fut envoyée à Pandateria et exécutée, sur ordre de Claude, fin 41 ou début 42.• La seconde fut Julia Drusi (5-43), petite-fille de l’empereur Tibère. Messaline la fit également accuser d’adultère et d’immoralité. Claude, sans lui laisser l’occasion de se défendre, la fit exécuter. Sa cousine Pomponia Græcina, épouse du général Aulus Plautius, le conquérant de la Bretagne, a porté son deuil publiquement, défiant ainsi l’Empereur et Messaline, sans encourir de sanction, certainement du fait de la popularité militaire de son mari.• La troisième fut Poppée, Poppæa Sabina, la mère de la future épouse de Néron. Cette Poppée, dont la beauté, disait l’historien Tacite, « surpassait celle de toutes les femmes de son temps », gênait d’abord Messaline parce qu’elle avait été la maîtresse de l’acteur Mnester, qu’elle convoitait. Poppée avait aussi été la maîtresse du sénateur Valerius Asiaticus (-5/+47) qui sera poussé au suicide en 47. En éliminant Asiaticus, Messaline voulait en même temps s’emparer de ses luxuriants jardins, ayant autrefois appartenu au célèbre Lucullus et qui dominent Rome depuis la colline du Pincio.Parmi les autres victimes de Messaline, il y a aussi ceux qui sont morts pour avoir refusé de coucher avec elle :• Caius Appius Iunius Silanus, son propre beau-père, époux de la mère de l’impératrice, Domitia Lepida. Messaline voulut l’avoir pour amant, mais y consentir c’était tromper son ami Claude et se rendre coupable d’adultère et d’inceste, se déshonorer. Avec l’aide de l’affranchi Narcisse, qui sera plus tard son ennemi, Messaline se vengea de ce refus et finit par obtenir en 42 l’exécution de Silanus, accusé de complot contre l’empereur.• Marcus Vicinius, consul en 45, veuf de Julia Livilla, fut également tué en 46.***La valse des amants ne suffit pourtant pas à satisfaire Messaline. Selon l’écrivain Juvénal, Messaline se serait prostituée dans les bordels de Suburre, le quartier chaud de Rome. Voici ce qu’écrit à ce sujet Juvénal :Dès qu’elle sentait son mari endormi…, la putain impériale s’encapuchonnait et s’évanouissait dans la nuit… Camouflant ses cheveux noirs sous une perruque blonde, elle gagnait un bordel moite aux rideaux rapiécés où un box lui était affecté, elle s’y exhibait nue… Elle faisait goûter ses caresses à qui entrait, se faisait payer sa passe, renversée, ouverte, une foule la besognait et y déchargeait, et quand le bordelier libérait enfin ses filles, elle s’en allait tristement, n’ayant pu qu’être la dernière à fermer boutique, brûlante encore de la tension de sa vulve raide…Dans les ruelles de Suburre, on vole, on trafique, on tue. Et on fait l’amour également. C’est un des hauts lieux de la prostitution romaine : dès la neuvième heure du jour, heure légale d’ouverture des bordels sous l’Empire, Suburre est un gigantesque lupanar. C’est dans ce quartier, le plus pauvre, le plus populeux, le plus déshérité de Rome, que Messaline, telle une mante religieuse, jamais rassasiée, se rend. Dissimulant ses cheveux noirs sous une perruque blonde, Messaline, sous le pseudonyme de Lysisca, « petite louve », se livre à la lie de Rome pour regagner, repue de sexe, le palais au petit matin.Un jour, dit-on, Messaline se prêta même à un curieux concours avec une prostituée : il s’agissait de savoir combien de « mâles assauts » chacune pourrait subir en une nuit. Et l’histoire dit que l’impératrice aurait remporté son concours après avoir couché avec vingt-cinq types à la suite !***Messaline finit par dépasser les bornes. Tout se gâta en 48, quand elle tomba follement amoureuse du beau Caius Silius, un sénateur, consul de Rome. Messaline n’aurait point été inquiétée dans sa folle lubricité si ses exactions n’avaient revêtu un caractère politique.Tacite nous décrit ainsi le scandale :Car elle brûlait pour C. Silius, le plus beau des jeunes Romains, d’une ardeur telle qu’elle fit rompre son mariage avec Junia Silana, une femme noble, et voulut avoir son amant pour elle seule. Silius, de son côté était conscient du scandale et du danger ; mais, sachant qu’il périrait à coup sûr s’il refusait, et gardant quelque espoir de tromper l’opinion, considérant, aussi, les avantages considérables de l’aventure, il fermait les yeux sur ce qui se passerait et se consolait en profitant du présent. Et elle, sans se cacher, mais avec une suite nombreuse, venait souvent chez lui, l’accompagnait quand il sortait, lui prodiguait richesses, honneurs ; enfin, comme si les situations eussent été d’ores et déjà inversées, les esclaves, les affranchis, tout ce qui faisait le luxe du prince, tout cela, on le voyait chez l’amant de sa femme.Silius, jouant le tout pour le tout, lui propose de l’épouser, lui assurant qu’il adopterait ses enfants. D’abord réticente, car elle craint d’être ensuite écartée au motif d’adultère, Messaline finit par céder. Elle profite d’un voyage de Claude à Ostie, le port de Rome, pour le satisfaire, et l’empereur n’y vit d’abord que du feu. Messaline, se servant de la crédulité et de la superstition de Claude, avait prétexté un de ses rêves qui annonçait que son mari allait périr, pour obtenir de Claude qu’il avalise son divorce et son remariage, avec Caius Silius. Le départ de Claude, pour inspecter les travaux en cours sur le port d’Ostie, facilite la réalisation du complot de Messaline et de Silius. L’objectif est non seulement de faire de Silius le nouveau mari de Messaline, mais aussi de l’installer sur le trône des Césars.L’union avec Silius est célébrée dans les règles, selon une date annoncée d’avance, avec un contrat préalablement signé devant témoins, cérémonie avec prise des auspices, sacrifice aux dieux et banquet nuptial. Au lieu de se rendre maîtres de Rome, les mariés mènent dans leurs jardins une fête des vendanges qui tourne à la bacchanale. Pour cette grande fête, Messaline et Silius ont convié de nombreux invités. Il y a là tous les anciens amants de Messaline et tous leurs proches.La riposte va venir des affranchis qui gouvernent l’empire au nom de Claude, en particulier de Narcisse, qui met en garde l’empereur, car, derrière le mariage, Silius ambitionne de remplacer Claude sur le trône des Césars. Claude réagit, rentre à Rome et décide l’exécution de Silius et de ses complices. Claude confie les pleins pouvoirs militaires à Narcisse. Après quelques mots adressés aux Prétoriens sur son infortune, Claude rentre au palais et préside un tribunal improvisé. Arrêté sur le forum, Caius Silius prie qu’on hâte sa mort. D’autres anciens amants de Messaline sont exécutés, y compris Mnester, qui proteste qu’il n’avait fait qu’obéir à l’ordre de Claude.La colère de Claude retombe. Claude demande alors à écouter sa femme, avant de la condamner. Connaissant la faiblesse de l’empereur envers Messaline et comprenant le danger d’un possible retournement du Prince, Narcisse envoie ses sbires dans les jardins où se sont réfugiées Messaline et sa mère. La mère presse sa fille de mettre elle-même fin à ses jours. Selon le récit de Tacite, un affranchi envoyé par Narcisse fait irruption et accable la malheureuse d’injures. Messaline s’empare alors d’un poignard et tente de se suicider. Elle n’y parvient pas, elle est froidement exécutée par un soldat et son corps est abandonné à sa mère. Le Sénat décide la « damnatio memoriae » de Messaline, ce qui implique la destruction de ses statues et le martelage de son nom sur les inscriptions.***La « Vie des douze Césars » de Suétone et surtout le livre XI des « Annales » de Tacite sont les principales sources au sujet de Messaline. Le tableau que les deux auteurs dressent des événements est particulièrement sombre et sans concession. Les deux historiens étaient certainement influencés par la société dans laquelle ils vivaient et pour laquelle ils écrivaient. Cependant, écrits plus de soixante ans après les événements, leurs ouvrages reflètent les intérêts politiques de la classe à laquelle ils appartiennent, à savoir le Sénat et les chevaliers romains. Pour autant, compte tenu de leurs fonctions, tous deux avaient accès à des archives officielles et des documents de première main. Ce qui veut dire que, s’ils ont à l’évidence forcé le trait, le libertinage de Messaline semble bien avéré.Messaline incarne pour la postérité la femme libertine, assumant pleinement sa sexualité et ses désirs, même les plus secrets. Ce qui explique pourquoi Messaline est devenue un nom commun, synonyme de nymphomane, héroïne de films X ou de bandes dessinées érotiques.En matière de BD érotique, un exemple : les six tomes de Jean-Yves Mitton, « Messalina », aux éditions Ange, publiés entre 2011 et 2016 et dont les titres sont tout un programme : « Le temple de Priape », « Le sexe et le glaive », « La putain de Rome », « Des orgies et des jeux », « Le palais des supplices » et « Dernier orgasme ». Comme le reconnaît l’auteur, tout en s’inspirant de l’histoire, le contenu est assez largement fantasmé.Une autre bande dessinée, « Messaline », le tome 4 de la série Succubes (éditions Soleil, 2014) est plus proche de la « réalité » historique, telle que l’ont rapportée les historiens romains, avec le procès à charge de Messaline, sa libido insatiable, son appétit de pouvoir, son absence totale de scrupules.La réputation de Messaline a fait aussi d’elle une héroïne de roman et un personnage fantasmé. Le plus ancien de ces romans a été écrit par Alfred Jarry en 1901 : « Messaline, roman de l’ancienne Rome ». Plus près de nous, je citerai « Messaline », de Guy Rachet et Violaine Vanoyeke (Robert Laffont, 1988) ou encore, dans la collection « reines de légende », « Messaline », de Jacqueline Dauxois (Pygmalion, 2002).L’empereur Claude avait rédigé ses mémoires, une autobiographie en huit volumes, où il critique sévèrement ses prédécesseurs et les membres de sa famille. Ces « mémoires » ont malheureusement disparu. L’écrivain anglais Robert Graves (1885-1985) les a « reconstitués », sous forme d’un roman historique « Moi, Claude », ouvrage publié en 1934. Dans le troisième et dernier tome, « le divin Claude et sa femme Messaline », Claude raconte son règne personnel, marqué par les débauches de sa femme. Le roman de Robert Graves reste un modèle du genre, repris ultérieurement par Marguerite Yourcenar (Les mémoires d’Hadrien, 1951) et Pierre Grimal (Les mémoires d’Agrippine, 1992).Les ouvrages des historiens contemporains sont, quant à eux, indiqués à la fin de cette publication.***Pour la postérité, Messaline représente, comme Julie, fille d’Auguste, ou l’impératrice de Byzance, Théodora, le désir féminin incontrôlé et incontrôlable, l’incarnation même de la nymphomane. Messaline symbolise la soif du plaisir et l’esprit de lucre de la haute société romaine. Messaline, femme ambitieuse, a sans aucun doute utilisé ses charmes pour son propre plaisir, mais aussi à des fins politiques pour assouvir toutes ses ambitions.Le grand mystère reste cependant l’attitude de l’empereur Claude, même dans un contexte de libération des mœurs. Aveugle ou complaisant, pouvait-il ignorer les frasques de l’impératrice qui faisaient de lui le plus grand cocu de Rome ? Les auteurs antiques ont forgé pour la postérité l’image d’un empereur peureux, facilement manipulé par ses affranchis et son épouse. Claude est dépeint comme un vieillard imbécile, trompé à son insu, parfois même avec sa complicité involontaire, comme ce fut le cas avec l’acteur Mnester. La réalité semble avoir été plus complexe. D’une part, le procès posthume de Messaline a été fait à charge, en vue d’accabler Claude et la dynastie Julio-claudienne, afin de mieux célébrer les « bons empereurs » du second siècle, les Antonins.Tout en relativisant les « exploits » de Messaline, nul ne remet cependant en cause la réalité de l’inconduite de l’impératrice. Les débordements des grandes dames, les orgies licencieuses organisées par les matrones issues de la noblesse ne sont pas une invention. Si l’histoire a noirci le personnage de Messaline, le comportement qu’on lui attribue n’est pas sans équivalent dans la société impériale. Après l’austérité du règne d’Auguste, symbolisée par le sort cruel de Julia, les mœurs se sont libérées brutalement.Il semble plus conforme à la réelle personnalité de Claude de retenir l’hypothèse, sinon de la complaisance, du moins de l’indifférence de l’empereur, à partir du moment où Messaline lui a assuré une descendance dont la légitimité n’était pas contestée. Il faut dire que Claude n’est pas en reste, Messaline veillant à ce que la couche impériale soit toujours « garnie » : chacun de son côté en quelque sorte. Ce seront d’ailleurs deux de ces concubines, Calpurnie et Cléopâtre, qui, avec l’affranchi Narcisse, révélèrent à Claude le scandale du mariage de Messaline avec Silius. C’est la dimension politique de cette affaire, la menace que représente pour la vie de Claude cette tentative de prise de pouvoir par Silius, qui vont pousser Claude à réagir et non l’ultime frasque de son épouse à la libido incontrôlable.Messaline est une étrange combinaison de fureur et de plaisir, avec une diabolique persévérance dans la volupté. Elle incarne l’image de la femme libertine, assumant à 100% sa sexualité, ses désirs même les plus secrets, prenant en main sa vie sexuelle et choisissant ses amants comme bon lui semble. Une Messaline est libre et totalement libérée. Elle n’est pas l’objet de désir d’un homme, ni le faire valoir d’un mari en quête d’aventure extra-conjugale avec permission.***Faustine et les gladiateursFaustine la Jeune, Annia Galeria Faustina (130 – 175), est l’épouse de l’empereur philosophe Marc Aurèle. Elle est la fille de l’empereur Antonin le Pieux et de Faustine l’Ancienne. Elle épouse Marc Aurèle, son cousin germain, en avril 145. Elle devient la mère du futur empereur Commode en 161. Au total, le couple aura treize enfants. Le 7 mars 161, à la mort d’Antonin le Pieux, Marcus et son frère Lucius Verus deviennent coempereurs. Faustine accompagne son époux dans ses campagnes militaires, ce qui lui vaut d’être appelée « Mater castrorum », « Mère des camps », par les soldats.L’historien Dion Cassius, ainsi que l’Histoire Auguste, dressent d’elle un portrait peu flatteur. Elle serait impliquée dans la révolte d’Avidius Cassius en 175. Inquiète de la santé défaillante de son époux, elle aurait ainsi cherché un protecteur, son fils Commode n’ayant alors que treize ans. Durant l’hiver 175/176, elle meurt, à la suite d’un accident, en Cappadoce, dans un camp militaire. Marc Aurèle est profondément affecté par sa mort ; il l’enterre dans le mausolée d’Hadrien à Rome, dans un sarcophage de marbre sculpté. Elle reçoit les honneurs divins : sa statue est placée dans le temple de Vénus à Rome et un temple lui est dédié.L’histoire semble avoir prononcé une sentence définitive sur le compte de Faustine, qui aurait combiné l’ambition d’une Agrippine aux débauches d’une Messaline. Faustine aurait trompé son mari avec des gladiateurs et des légionnaires. Comme Messaline, elle s’affichait avec des esclaves ou des marins. Ses débauches, à Rome, à Gaëte, à Baïes, furent, selon l’Histoire Auguste, ignobles et publiques. L’empereur Commode, qui se révélera être un tyran, ne serait pas le fils de Marc-Aurèle, ce qui expliquerait la grande différence de caractère entre le père et ce fils, qui fut un empereur abominable. Faustine aurait conçu Commode avec un gladiateur. Après avoir eu des relations coupables avec son gendre et beau-frère Lucius Vérus, elle l’aurait empoisonné. Sur la scène, un comédien eut l’audace d’indiquer par un jeu de mots, compris de tout le peuple, le nom d’un de ses amants.Plusieurs fois, on osa conseiller à Marc-Aurèle de répudier son épouse. « Il faudrait rendre la dot », aurait-il répondu ; la dot, c’était l’empire. Le rédacteur de l’Histoire Auguste ne rapporte aucune de ses allégations sans y joindre un signe de doute. Il prend cependant soin de nous dire que, dans sa pensée, la vie de Marc-Aurèle, une vie si sainte, si parfaitement innocente, ne pouvait être flétrie par aucun fâcheux voisinage, même par celui d’une « épouse infâme ».Deux reproches étaient faits à la mémoire du saint empereur : le premier, de n’avoir pas déshérité Commode ; le second d’avoir trop pleuré une femme qui ne méritait pas de larmes.Une chose incontestable, c’est que Marc-Aurèle eut toujours pour sa femme l’affection la plus tendre. Si les désordres de Faustine furent réels, de deux choses l’une, ou son mari les ignora, ou il les dissimula. Avec toutes ses vertus, l’empereur avait au moins un dangereux défaut : il était ennuyeux. Ceci explique sans doute la conduite et la réputation de Faustine.***Pour ceux et celles qui voudraient aller plus loin, je les renvoie aux ouvrages historiques suivants :• Guy Fau : l’émancipation féminine dans la Rome antique (Les Belles Lettres, 2009). Ce livre comprend également un chapitre sur Messaline.• Gérard Minaud : « Les vies de douze femmes d’empereurs romains. Devoirs, intrigues et voluptés » (L’Harmattan 2012)• Jean-Noël Castorio : « Messaline, la putain impériale » (Payot, 2015)• Virginie Girod : « La véritable histoire des douze Césars » (Perrin 2019)***À suivre : Théodora, la prostituée devenue impératrice de Byzance.