Mon Dieu, quel dédale de petites ruelles ! C’est joli, elles finissent toutes par une petite plage, mais comment savoir laquelle est la bonne ? Ah, ça y est, je les vois, ils sont là . Je gare ma voiture devant le muret du petit jardin et je m’extirpe de l’habitacle exigu. Quand je serai un peu plus riche il faudra vraiment que j’achète une voiture plus grande. Je leur fais un signe de la main, prends mon sac dans le coffre et les rejoins.Je vois le regard de Xavier se porter sur mes chaussures d’un air réprobateur. Quoi, qu’est-ce qu’ils ont, mes escarpins ?— Bonjour Bénédicte, je crois que tu ferais mieux d’enlever tes chaussures si tu ne veux pas les mouiller ! me lance-t-il d’un ton amusé.— Tu crois ? En fait, je ne savais pas comment ça allait se passer. C’est ce que j’ai trouvé de plus pratique, ce sont mes seules chaussures sans talons !Nadège hoche la tête, l’air de dire « décidément, elle n’en rate pas une celle-là  ! ». Bon d’accord, je ne connais rien aux bateaux, mais je ne demande qu’à apprendre. Seulement, si on ne me dit rien…— Bien, tu vois le petit bateau, là  ? m’explique Xavier. Ça s’appelle une annexe, on monte tous les quatre dedans pour rejoindre le voilier qui est là -bas, à l’entrée de la baie.Il va falloir monter là -dedans ? Dans cette petite caisse à savon ? Mais on va couler au bout de quelques mètres ! Ça commence bien ! Je n’aurais peut-être pas dû accepter ce week-end, tout compte fait. Mais bon, pouvoir jouer la star, allongée en maillot de bain sur le pont d’un bateau, mérite bien quelques efforts. Il faut que je rattrape leur première impression négative. Je vais faire la fille courageuse.Fabrice et Nadège embarquent en premier. Xavier me désigne le banc à l’arrière. Je retire mes chaussures, rejoins l’annexe qui flotte dans trente centimètres d’eau et réussis tant bien que mal à monter dedans sans faire chavirer l’ensemble. Je prends mon sac sur les genoux et j’évite de respirer, pour ne pas mettre en péril l’équilibre de l’embarcation qui me paraît hautement instable. Xavier donne une impulsion au petit bateau et s’installe prestement à la place du rameur, face à moi. Nos regards se croisent furtivement.Il est différent aujourd’hui, Xavier. La semaine dernière, quand je l’ai rencontré pour la première fois, il m’a fait l’effet d’un garçon timide et mal à l’aise. Et là , je n’ai plus du tout cette impression. Bon, il faut dire aussi que samedi dernier, c’était clairement un guet-apens monté par Nadège. Depuis qu’elle file le parfait amour avec Fabrice, elle voudrait que toutes ses copines se casent. Alors, crac, elle me présente tous les célibataires qu’elle ou son copain connaissent. Je n’étais pas à l’aise non plus ce soir-là . Ce n’est pas facile de l’être, quand on sent sans arrêt les coups d’œil du couple qui vérifie comment évoluent les choses entre les deux célibataires ! Je l’avais trouvé sympa, mais je n’avais pas été attirée par lui. Et je n’avais pas eu l’impression qu’il l’ait été par moi.À la fin de la soirée, il nous avait proposé ce week-end en bateau. Au programme : Houat, Hoëdic et peut-être Belle-Ile, en fonction du temps. Bien que j’habite ici depuis toujours, je n’ai jamais eu l’occasion d’aller visiter ces trois îles de la Baie de Quiberon. Ça m’avait bien tentée, surtout d’y aller en voilier et pas en ferry. Et comme Nadège et Fabrice ont tout de suite dit oui, j’ai accepté aussi.Et nous voilà aujourd’hui tous les quatre, de bon matin parce que la marée n’attend pas, embarqués sur un frêle esquif au milieu d’une petite baie du Golfe du Morbihan. J’ai toujours aimé le Golfe. Mais c’est la première fois que j’ai l’occasion de le découvrir de cette façon.J’abandonne les réflexions sur Xavier pour découvrir la nature qui m’entoure. Le soleil vient juste d’apparaître au-dessus de l’île aux Moines, levant progressivement son rideau de lumière sur les îles environnantes. Un vol d’ibis sacrés passe au-dessus de nos têtes. Quelques cris de goélands se mêlent au clapotis que font les petites vagues sur le bateau. La légère brise amène des senteurs de pin maritime depuis les côtes, colorées de bleu et de rose par les hortensias. Les palmiers dans les jardins ajoutent une note exotique au tableau. Je me laisse porter par le doux balancement de l’annexe. Je me sens bien. J’ai l’impression que la journée va être belle, placée sous le signe de la sérénité et de la découverte.Nous arrivons déjà au bateau. J’aurais bien passé quelque temps encore au ras de l’eau, à me laisser pénétrer de la beauté du site. Mais il faut embarquer. Xavier monte habilement sur le pont. Il me tend la main pour m’aider. Bon sang, qu’est-ce que c’est difficile ! Les deux bateaux bougent en même temps mais en sens inverse. Je dois avoir l’air d’un crapaud, un pied sur le voilier et l’autre toujours en bas ! Je manque par deux fois de tomber à l’eau, me rattrape à ce que je peux, donne une dernière impulsion et m’écroule dans les bras de Xavier. Il me serre contre lui pour m’empêcher de tomber. Bon, ça y est, je suis stable, tu peux me lâcher ! Il finit par desserrer son étreinte, qui m’a parue un peu plus longue que strictement nécessaire. Tiens, je n’aurais pas cru en le voyant qu’il avait des bras aussi musclés !Son regard me fuit. Il se retourne pour aider Nadège. Ça me rassure, elle est aussi gracieuse que moi ! J’éclate de rire en la voyant écartelée entre les deux bateaux qui s’éloignent l’un de l’autre. Xavier la saisit par les deux poignets et la hisse sur le pont. Pour un peu, elle allait direct à la baille ! Mais décidément le garçon est plus costaud que je ne croyais.Fabrice embarque facilement. Ces deux là ont déjà fait du bateau ensemble, on sent les habitués ! Je fais le tour du propriétaire des yeux. À l’arrière, deux bancs recouverts de teck encadrent une splendide barre à roue. À l’avant, le pont lui aussi en teck pourra accueillir sans problème mon corps alangui par le soleil. C’est parfait ! Découvrons l’intérieur maintenant. À droite de la descente trône une kitchenette. À gauche un petit bureau, la « table à cartes », me dit Fabrice. En face de moi, il y a une banquette de chaque côté, séparées par une table que l’on peut replier.— Là , c’est ta couchette, Béné, dit Xavier en désignant la banquette de droite. En face, c’est la mienne. Les amoureux, vous dormirez dans la cabine double, à l’avant. Les toilettes sont ici, face à la penderie, entre le salon et la cabine double.Ah bon, il y a des toilettes ! C’est une question que je n’avais pas osé poser, mais qui me tracassait. Je vais y jeter un coup d’œil. Il y a bien la cuvette, mais… il manque quelque chose.— Euh Xavier, elle est où la chasse d’eau ?— Il n’y en a pas, il faut pomper ! Mais t’inquiète pas, quand tu en as besoin, tu m’appelles, je ferai !— Ok, ok…La perspective que quelqu’un vienne tirer la chasse après moi ne m’enchante guère. Heureusement, ma mauvaise semaine est passée, c’est déjà ça !— Bon, on décolle ? lance Xavier à l’adresse de Fabrice.— Oui Capitaine ! répond ce dernier en singeant un militaire au garde-à -vous.Le skipper prend sa place derrière la barre et met en route le moteur. L’équipier file à l’avant, prêt à larguer les amarres au signal. Nous voilà partis. Le bateau glisse doucement sur l’eau et slalome entre les différentes embarcations du mouillage. Le bruit du moteur et les relents de gasoil gâchent un peu l’ambiance, mais je ne veux pas bouder mon plaisir. Je m’installe à l’avant, pour être aux premières loges du paysage qui se dévoile devant nous.Nous passons par un étroit chenal entre le continent et une île. En baissant les yeux sur l’eau je peux voir les tourbillons créés par le courant. Je me rappelle que cet endroit subit les plus forts courants d’Europe. C’est impressionnant ! Le bateau accélère, pris dans le flot de la marée descendante, et se met à marcher en crabe. Je me retourne vers Xavier. Il n’a l’air nullement inquiet. Au contraire, il dégage une impression de force tranquille. Je sens qu’il maîtrise ce qu’il se passe. En fait, c’est ça le changement d’attitude que j’ai remarqué en arrivant. Ici, il est dans son univers. Il est à l’aise et… heureux. Ça se sent. Humm, je sens que je vais découvrir un nouveau Xavier aujourd’hui…Je me retourne vers l’avant. Nous dépassons la petite île noyée sous les pins et nous débouchons sur un vaste plan d’eau. Je reconnais sur l’île d’en face, pour l’avoir vu maintes fois en photo, le cercle de menhirs dont la moitié est sous l’eau, preuve « vivante » de la montée des eaux depuis l’époque préhistorique. Derrière lui, sur une autre île, se dresse un tumulus qui abrite un caveau funéraire. Les hommes préhistoriques avaient bien investi ce petit coin de paradis ! Mon petit coin de paradis.Nous dépassons une grosse tourelle, et voilà la sortie du Golfe. Nous franchissons la ligne virtuelle entre les deux pointes. Ça y est, nous sommes dans la Baie de Quiberon, petite parcelle protégée de l’Océan Atlantique. Xavier nous interpelle.— Vous voyez là -bas, droit devant, la petite terre ? C’est Houat. Et à gauche, plus loin, mais on la distingue à peine, c’est Hoëdic. Je vous propose qu’on mette le cap sur Houat dans un premier temps. On verra ensuite en fonction du vent si on pousse plus loin.— Bien Chef, répondons-nous tous en chœur.— Bon, on hisse les voiles, maintenant !Fabrice va au pied du mât et détache tout un amas de cordes. Il a l’air de savoir ce qu’il fait, car en quelques minutes la grand-voile est en place. Xavier tripatouille une corde à côté de lui, et comme par magie une voile se déroule à l’avant. Il coupe le moteur. Ah, enfin le silence !Les garçons règlent les voiles et le bateau devient brusquement stable. Il fait plus chaud tout à coup car nous ne sentons plus le vent, qui vient de derrière. Nadège retire son pull. Elle a mis un débardeur très décolleté, j’ai l’impression qu’elle a envie de bien bronzer ! Je retire mon pull à mon tour, qui ne dévoile qu’un T-shirt. C’est sûr, je suis moins sexy qu’elle mais je m’en fiche, ce n’est pas un concours d’élégance. Et je n’ai personne à séduire.— Je vous fais un p’tit café ? interroge Xavier.— Volontiers, répond Nadège, exprimant la première le sentiment général.— Fab, tu prends la barre, s’il te plaît ?Xavier disparaît dans la cabine. Je ne savais pas que le service était compris sur cette croisière. Je m’adresserai de nouveau à cette agence de voyage pour mon prochain séjour !— Béné, tu prends du sucre ? me demande Xavier, la tête émergeant de la cabine.— Euh… tu as des sucrettes ?— Ah non, désolé, je n’ai pas ça à bord !— Bon, sans sucre alors.Je ne suis pas là pour prendre des calories inutiles ! J’ai eu assez de mal à perdre celles acquises pendant l’hiver, avec un résultat que je juge satisfaisant cette année. Bon, je n’ai pas un corps de mannequin, d’accord, mais je ne suis pas grosse non plus. Et je ne suis pas peu fière des trois kilos que j’ai réussis à perdre au printemps ! Je peux enfin remettre mon petit deux-pièces acheté il y a trois ans, quand j’étais partie au club pour séduire tous les beaux célibataires bronzés qui ne sont là que pour se taper des minettes, c’est bien connu. Mon petit maillot avait eu son succès à l’époque ! Je ne sais pas pourquoi je l’ai pris aujourd’hui. C’est peut-être un peu trop mini, quand même. De toute façon, j’ai aussi pris mon maillot de piscine, un bon une-pièce bien pratique pour nager. Mais je ne pourrai pas bronzer sur le ventre avec celui-là , dommage.— Tiens, ton café. Fais attention, c’est chaud !Xavier me tend ma tasse, s’assoit à côté de moi et récupère la sienne restée sur le toit de la cabine.— Alors, tes premières impressions de navigatrice ? s’enquit-il.— Pour l’instant, ça me plaît bien. J’espère seulement que je ne vais pas avoir le mal de mer, réponds-je, réellement inquiète.— Pas de risque aujourd’hui ! On est au grand largue, c’est-à -dire qu’on reçoit le vent de trois quarts arrière. C’est l’allure la plus stable, le bateau ne bougera pas, ni roulis ni tangage, bronzage tranquille assuré !Je lui suis reconnaissante de m’expliquer les choses en langage clair, sans me prendre pour une idiote.— À cette vitesse là , on va vite arriver à Houat. On se mettra au mouillage sur la grande plage et on pourra se baigner. D’ici là , sors ta crème solaire, si tu ne veux pas ressembler rapidement à une écrevisse ! On cuit vite sur un bateau, avec la réverbération.— Tu as raison, je vais me mettre en maillot et profiter du soleil. Où est-ce que je peux me changer ?— Dans la cabine à l’avant, ou dans les toilettes, comme tu veux, ce sont les deux seules pièces qui ont une porte.— D’accord, merci.Je finis mon café et je regagne le cockpit.— Nadège, tu viens, on se met en maillot ?— Avec plaisir, ma grande !Nous entrons toutes les deux dans la cabine. C’est un peu exigu, on se cogne l’une dans l’autre à chacun de nos mouvements. Nadège sort pour se changer dans le carré. J’hésite sur le choix du maillot, le petit deux-pièces ou le sage une-pièce ? Bon, ce n’est pas tous les jours que l’on peut se dorer la couenne sur un bateau, allons-y pour la version mini ! La culotte épouse mes formes comme une seconde peau, je me demande même si elle ne risque pas de révéler des détails trop intimes. Je vais devoir faire bien attention aux positions que je vais prendre, pour ne pas livrer mon anatomie en pâture aux deux garçons.J’émerge de la cabine sous un soleil radieux. Nadège est déjà allongée sur le pont. Je vais la rejoindre et m’étends à ses côtés. La mer est d’un bleu éblouissant. De tous les points de la côte, on voit les petites taches blanches des voiles s’avancer sur l’eau, pour profiter comme nous de cette belle journée d’été.Je rampe jusqu’à l’avant du bateau et je plonge mes yeux dans l’océan. La coque fend la mer sans la heurter, sans la blesser, sans lever aucune vague. L’eau se laisse pénétrer tout en douceur. Nous avançons poussés par le vent, maintenus par lui, sans un bruit, sans une odeur, dans une totale communion avec la nature. Nous sommes en parfaite harmonie avec le paysage dont nous faisons partie. Je me sens bien. Le soleil chauffe ma peau, le léger vent rafraîchit mon visage, les vagues me chantent une douce berceuse. Je m’assoupis.ooo000oooLe soleil se couche sur la plage. La journée a été formidable, pleine de soleil, de rires, de baignades, de jeux idiots, de promenades sur l’île, d’apéritifs sur le bateau, de copieuses salades et de regards complices. Xavier est un garçon doux. Il a été tout le temps attentif à mon bien-être. Je sens naître en moi l’esquisse d’un sentiment à son égard.L’air est frais maintenant. Nous rentrons tous les quatre dans la cabine. Nadège et Fabrice se serrent l’un contre l’autre sur la banquette qui me servira de couchette. Xavier s’assoit sur la banquette opposée, la sienne. Je n’ai pas d’autre choix que faire comme lui.La conversation s’engage entre mes trois amis. Je fais des efforts pour me concentrer sur ce qu’ils disent et participer à la discussion, mais la tiédeur qui règne dans la cabine, le réveil matinal, la fatigue accumulée, le soleil emmagasiné par ma peau, concourent à me faire glisser vers la somnolence. Je me lève pour aller passer ma tenue de nuit dans le poste avant. J’enfile une bonne culotte en coton, pas sexy pour deux sous mais bien confortable, et un long T-shirt qui m’arrive aux genoux, sous lequel je ne porte rien. Je ne supporte pas de dormir avec un soutien-gorge, j’ai l’impression que l’agrafe me transperce la peau.Je reprends ma place à côté de Xavier. Je n’ai qu’une envie maintenant, m’allonger et dormir. J’espérais qu’ils comprendraient que ma tenue signifie qu’il est temps d’aller au dodo, mais non, ils continuent à discuter de plus belle. Mes yeux se ferment tous seuls.— Béné, tu as l’air d’être fatiguée. Tu peux t’allonger si tu veux, tu n’as qu’à poser ta tête sur mes genoux.Ah, merci Xavier, t’es un chou. Je m’exécute sans me faire prier. La banquette est trop courte pour que je puisse poser ma tête dessus, je suis obligée de faire comme il me l’a proposé. Ainsi mise, la nuque sur sa cuisse, je me trouve à l’aplomb de son visage. Je lui fais un joli sourire de remerciement, puis je laisse mes yeux se refermer.La conversation me parvient en sourdine à travers les limbes du premier sommeil. Elle agit sur moi comme une douce berceuse, lente et régulière. Je sens que je m’enfonce dans un repos réparateur. Les images de la journée repassent dans ce qui me reste de conscience, le sourire de Xavier m’accompagne.J’ai l’impression de sentir quelque chose sur ma tête, comme une réminiscence du vent qui a joué dans mes cheveux toute la journée, une caresse légère et agréable à laquelle on s’abandonne. Mon corps revit les sensations nouvelles des heures passées, le souffle dans ma chevelure, le soleil qui chauffe mon ventre.Les brumes de mon cerveau se dissipent un peu, un voile se déchire doucement, je comprends que ce sont les mains de Xavier que je sens sur mon corps. Sa main gauche me caresse les cheveux, la droite s’est posée sur mon ventre. Il me caresse pour m’aider à m’endormir, il est le vent sur ma tête, il est le soleil sur mon ventre.Je me laisse aller au bien-être de ce léger massage. Xavier est un garçon adorable.Sa main passe et repasse de la racine de mes cheveux à l’arrondi de mon crâne, toujours dans le même geste, léger, tendre, du bout des doigts. Son autre main est juste posée, immobile, à plat, sur mon nombril. J’en sens la chaleur à travers mon T-shirt.Petit à petit toutes mes pensées disparaissent, toutes les images s’estompent, mon esprit s’emplit de cette caresse. Je la savoure, j’attends la suivante, je guette le contact des doigts, j’en suis la glissade le long de mes cheveux. La main qui enveloppe ma tête dans un mouvement régulier semble avoir circonscrit ma pensée à sa seule présence. Je me sens comme une chatte qui ronronne de plaisir sous la paume qui la flatte. Je plonge doucement dans un océan de béatitude.La main sur mon ventre, toujours immobile, irradie sa chaleur dans ma chair. Mon ventre s’échauffe. Un feu couve dans mes entrailles, des braises rougissent entre mes cuisses. Mes seins gonflent de bonheur.La caresse continue, inlassablement, comme un leitmotiv. Je n’entends plus de bruit, Nadège et Fabrice sont allés se coucher dans leur cabine. Je ne pense plus qu’à ces deux mains qui me touchent, qui m’effleurent, qui m’obsèdent. Il n’y a plus dans l’univers que mon corps et ces deux mains. Ces deux points de contact communiquent à travers moi par une onde sensuelle qui se diffuse dans toutes mes cellules, résonne dans mes seins, rebondit sur mes extrémités, et vient se concentrer au foyer de la parabole de mes cuisses.Mes seins doivent pointer à travers mon T-shirt maintenant. Pourvu qu’il ne s’en aperçoive pas ! Je n’ose pas ouvrir les yeux pour le vérifier, j’ai l’impression que cela romprait le charme. Il faudrait que je mette mon bras dessus pour les couvrir, mais ce ne serait pas naturel. Il vaut mieux ne pas bouger et continuer comme si de rien n’était.J’ai chaud. Je sens mon sexe se gonfler de désir et commencer à perler. Ma culotte n’est pas visible, heureusement. J’ai envie de frotter mes cuisses l’une contre l’autre, comme deux silex que l’on entrechoque pour faire naître des étincelles. Le levier de mon plaisir se tend pour signaler sa présence à une main charitable qui voudra bien le manipuler. Oh oui, j’ai envie d’un contact à cet endroit ! J’ai envie que ces mains qui me touchent caressent les centres de ma volupté.Xavier, n’entends-tu pas le cri silencieux de mon corps ? Ne vois-tu pas mes seins qui t’appellent ? Ne sens-tu pas à travers mon ventre le séisme que tu provoques au plus profond de moi ? Caresse-moi ! Tu as allumé un feu, viens le transformer en brasier !Je n’y tiens plus, cette caresse sur mes cheveux me rend folle, cette main sur mon ventre agit comme un soufflet sur des braises. Cette main immobile, je la veux en mouvement ! Je ne suis plus une jeune femme sage et bien élevée, je ne suis plus qu’un volcan en ébullition qui attend que l’on ouvre son cratère pour enfin pouvoir déverser sa lave, pour projeter dans les airs les témoins lumineux de son incandescence.Il faut qu’il comprenne dans quel état je suis, quel chemin ses mains m’ont invitée à parcourir. Alors doucement, je relève mon T-shirt jusqu’à mon ventre et je conduis la main posée là jusqu’entre mes cuisses, que j’écarte légèrement. Je sens sa surprise dans la retenue de son bras. Puis une vague de plaisir me parcourt quand sa main se pose en coupe sur mon sexe.Sa main reste tout d’abord immobile. Mon dieu, la simple pression exercée par son poids est un délice, après cette attente ! Puis son majeur part à la découverte de mon état en appuyant sur le tissu de ma culotte, que je sens s’immiscer entre mes lèvres. J’imagine sans peine que le coton n’est pas une barrière suffisante pour retenir mon humidité. Xavier ne peut plus ignorer désormais mon état d’excitation. La pression de sa paume devient plus forte et il commence de très légers mouvements d’avant en arrière.Sa main englobe mon sexe tout entier, le tient prisonnier de sa volonté à laquelle je m’abandonne corps et âme. Le mouvement de flux et reflux qu’il imprime à mes lèvres vient les faire caresser mon clitoris de leur douceur. L’étoffe s’enfonce un peu plus dans mon intimité à chaque retour de la vague, je la sens maintenant imbibée de mon plaisir. Je ne peux retenir les petits soupirs d’aise que provoque sur mon bouton l’arrivée du point dur de l’articulation de sa phalange.Mon ventre est en feu maintenant, ma source coule abondamment. Je ne veux plus cette barrière artificielle entre sa peau et ma chair, je veux qu’il m’arrache cette culotte que je ne supporte plus, qui devient presque douloureuse à force d’être superflue. Je veux sa main sur moi, je veux ses doigts en moi.Je soulève mon bassin pour venir à sa rencontre. Il comprend le message, je sens la chaleur de sa paume me quitter et immédiatement après ma culotte glisser sur mes cuisses. Quelques mouvements de jambes me permettent de m’en débarrasser. J’ouvre largement mes cuisses pour offrir un accès illimité à tous mes trésors luisants. L’arrivée soudaine de l’air sur mon intimité exposée me procure le plaisir de l’exhibition qu’on réserve à son amant, annonciatrice des délices à venir.Son majeur reprend contact, s’insinue sans peine entre mes lèvres glissantes et désormais béantes. Je sens la pulpe de son doigt butiner ma fente de haut en bas pour y récolter le miel de mon plaisir. Il joue ainsi à papillonner de droite et de gauche, de long en large, en évitant soigneusement de survoler mon point le plus sensible. À peine ses ailes l’effleurent elles, qu’elles m’envoient une décharge électrique. La tension s’accumule dans le ciel de mon bas-ventre, l’éclair qui la déchargera promet d’être d’une rare intensité.Enfin le contact tant désiré arrive. Son doigt rôde autour de mon pic que l’excitation a fait sortir de sa cachette. Il me frôle délicatement dans une ronde délicieuse sur un rythme moderato. C’est incroyable, on dirait qu’il sait ce que j’attends, que mon corps lui parle, car il reproduit exactement la danse que j’exécute dans mes soirées solitaires. Il entreprend maintenant l’ascension et s’arrête au sommet arrondi de mes joies. La farandole reprend, sur un tempo plus rapide qui m’arrache des soupirs que je ne peux retenir.À l’aide, quelqu’un, venez écoper le flot brûlant qui s’échappe de ma soute, sous peine de voir le bateau sombrer ! Je ne suis plus que ce point incandescent au centre de mon corps, ce trou noir qui aspire toute ma matière charnelle et spirituelle dans l’infinité du plaisir qu’il me donne.Je veux désormais que ce garçon, ce demi-dieu qui m’entraîne vers son olympe, emplisse mes cales de chair humaine. Mon ventre devient anthropophage, il ouvre grand sa bouche pour avaler le membre qui passera à sa portée. Le doigt qui bientôt se présente sur la margelle glissante de mon puits est immédiatement aspiré dans mes profondeurs violacées. Je le sens d’abord perdu, il se tourne en tous sens pour se repérer, il prend ses marques en traçant des sillons de chair promptement refermés, il s’oriente en revenant au point de départ, reprend courageusement sa descente vers l’inconnu et, enfin, trouve la pierre légèrement saillante.Sa paume est restée bien plaquée sur mon sexe qu’il couvre en entier, le renflement de sa peau appuie sur celui de mon plaisir, son majeur suit le lit de ma rivière, et son extrémité immergée force sur la racine sous-marine de ma jouissance. Il me tient toute entière dans sa main, sa prison de chair incarcère mon alpha et mon oméga, tout ce que je suis, tout ce que je veux être en cet instant précis. La prison se met à bouger, lentement d’avant en arrière. L’étreinte n’est pas relâchée pour autant, elle se fait même plus vigoureuse.Je sens l’étincelle que je connais si bien mettre le feu aux poudres, allumer la mèche qui relie le détonateur de mon sexe à l’explosif de mon cerveau. Les mouvements s’accélèrent, la mèche se consume en remontant ma moelle épinière, je dois crier maintenant, ou murmurer, ou ne rien dire, je ne sais pas, je ne sais plus, je m’en fous. Le bruit de clapotis qui envahit l’habitacle ne doit rien à l’arrivée des vagues sur la coque cette fois, je n’entends que lui, il doit couvrir mes cris. La mèche se raccourcit, je vois distinctement le point rouge se rapprocher de mes yeux, je sens ma colonne vertébrale me brûler à son passage, il passe dans ma nuque, mon ventre se liquéfie, le tonnerre gronde, l’éclair se prépare, les nuages se rapprochent, ça y est ils se touchent, la lumière m’aveugle, mon cerveau explose, je jouis dans un long cri…Je flotte. Le ciel est clair, bleu, le soleil au zénith réchauffe tout mon corps de ses rayons puissants. J’ouvre les yeux. Xavier me sourit. Il est beau. Je souris à mon tour et referme les yeux, pour profiter encore de cette béatitude divine.ooo000oooJ’émerge lentement du sommeil. Le bruit d’un ronflement me parvient de la cabine avant. J’ouvre les yeux. La lumière du petit jour filtre à travers les rideaux tirés sur les hublots. La tête de Xavier surplombe la mienne. Il dort. Nous sommes dans la même position qu’hier soir, lui assis, moi allongée la tête sur ses cuisses. Ce garçon est un amour, il n’a pas voulu me réveiller en s’installant plus confortablement. Je repense aux événements de la veille. La journée sur le bateau, le sourire de Xavier, la prévenance de Xavier, la gentillesse de Xavier, le corps de Xavier, les yeux de Xavier, les mains de Xavier… les caresses de Xavier. L’orgasme extraordinaire qu’il m’a procuré me revient en mémoire, j’en revis la montée puissante, inexorable.Je suis submergée d’une vague de tendresse pour lui. N’est-ce seulement que de la tendresse ? Il est trop tôt pour le dire. J’ai envie de le rendre aussi heureux que je l’étais cette nuit. Je tourne la tête vers lui. Il porte toujours son short de bain aux jambes larges. L’une d’elle baille largement sur sa cuisse, ouvrant un chemin indécent vers la cage du fauve endormi. Je glisse doucement ma main sous l’étoffe. Je la fais ramper jusqu’à l’objet de mon désir. Je le sens maintenant sous mes doigts. Il est tout petit, tout recroquevillé, tout mignon, émouvant de fragilité.Je flatte un peu la bête pour l’éveiller en douceur. Je sens rapidement les premiers signes de vigueur. Xavier bouge. Il ouvre les yeux, semble confus. Puis son regard s’illumine, la mémoire lui revient. Il me sourit et regarde la bosse que fait ma main sous son short. Son sexe gonfle d’un coup. Le vêtement n’offre plus assez de place désormais pour loger son habitant et sa visiteuse. Je retire ma main, puis fais glisser le caleçon de bain pour libérer le fauve, que je n’aurai pas besoin de dresser puisqu’il l’est déjà .Je prends le temps de contempler ce sexe, fièrement tendu devant mes yeux. Je suis émue, comme je le suis toujours quand je constate que j’ai le pouvoir de provoquer le désir d’un homme. J’en apprécie les contours harmonieux, les courbes délicates, les replis de peau maintenant écrasés par la tension, le parcours sinueux de la grosse veine qui le parcourt, et la turgescence obscène de son gland qui est un appel aux caresses les plus douces. Mon sexe salive devant le spectacle du sien.Je saisis la verge à sa base et commence à lécher ce bâton d’amour à grands coups de langue, comme la gourmande que je suis le fais à une glace italienne, les chaudes journées d’été. Le léger râle que je perçois m’indique que le traitement est apprécié. J’imagine ce sexe en moi, la dureté de son volume, la douceur de sa surface, mon bas-ventre est déjà prêt à l’accueillir les bras ouverts. Je pose ma bouche sur la friandise que mes entrailles appellent de leurs vœux, et je l’engloutis goulûment. Le râle se fait plus fort. Mes lèvres enserrent durement ce morceau de choix, ma langue en arrière-garde lui apporte la douceur semblable à celle de ma chaude intimité.Xavier accompagne le mouvement de son bassin, projetant à rythme régulier sa lance de guerrier aguerri au plus profond de ma bouche. J’ai envie qu’il jouisse en moi, je veux le faire exploser de plaisir au sein de mon corps. Pour la première fois de ma vie je vais accepter qu’un homme éjacule dans ma bouche, sans qu’il me le demande, parce que je désire qu’il le fasse. J’accélère le rythme, j’accrois la pression, Xavier me suit. Je sens l’ultime raidissement, annonciateur de la fin du chemin.Il explose en poussant un cri étouffé. Mes muqueuses se tapissent de sa quintessence liquide et crémeuse. Je serre bien les lèvres pour ne rien laisser s’échapper de la jouissance que je lui ai donnée. Je déglutis lentement en le regardant dans les yeux. Ce regard échangé, partagé est une déclaration mutuelle d’amour.ooo000oooNadège et Fabrice sortent de leur cabine une bonne heure après. Ils nous trouvent dans la position où ils nous ont laissés quand ils sont allés se coucher. Le regard malicieux que me jette mon amie me laisse à penser qu’elle ne dormait pas encore, hier soir, quand certaines choses se sont passées. Peu m’importe, je n’ai pas envie de me cacher. Et puis après tout, c’est grâce à elle que tout ceci est arrivé.J’aime Xavier, j’en suis sûre maintenant. Nous avons passé la dernière heure à discuter, chuchotant presque pour ne pas réveiller le couple établi, pouffant comme des collégiens qui lisent dans le dortoir après l’extinction des feux, découvrant que nous avons mille et une raisons d’être amoureux l’un de l’autre.Et je suis certaine d’une chose : chaque fois qu’il posera ses mains sur moi, mes sens seront transportés par leur onde sensuelle.