C’est le tour de Marie…Le mĂŞme jour ( 14 juillet 1898, pendant qu’Alexandre et Lucie font l’amour en canot), Ă Paris, Pierre Louis retrouvait Marie après plus de six mois de sĂ©paration. Toujours bienvenu chez les HĂ©rĂ©dia qui le traitaient comme un parent, il Ă©tait au centre des attentions des trois filles, de leur mère et du patriarche. MĂŞme le gendre cocu, son ami et rival Henri de RĂ©gnier, le traitait aimablement. On le pressait de questions sur l’Egypte, on le fĂ©licitait pour son nouveau roman…Mais Pierre ne quittait pas des yeux le ventre rond de Marie qui restait discrète et souriante.A l’heure du cafĂ©, Marie trouva le moyen de s’isoler avec lui dans le boudoir oĂą elle avait reçu Lucie. Elle s’assit dans la causeuse, tandis que son amant restait debout. Pierre ne put s’empĂŞcher de lui poser très vite la question qui le taraudait depuis dĂ©cembre.— Suis-je vraiment le père ?— Aucun doute, je te l’ai dit ! Pourquoi avoir disparu ainsi ?— J’avais besoin de prendre du recul, pour rĂ©flĂ©chir… Et vis Ă vis d’Henri, que faire, que dire…— Je vais te rassurer. J’ai eu une longue explication avec lui. C’est un peu difficile Ă comprendre, mais il avait tout prĂ©vu, tout voulu depuis le dĂ©but.— Comment ? Que veux tu dire ?— Il trouve Ă cette situation une jouissance très intense, un plaisir sombre et douloureux comme il dit.— Tu lui as racontĂ©Â ?— Non, il prĂ©fère imaginer. Il jouit d’être cocu. Il jouit de savoir qu’on me baise…— On ?— Que tu me baises, que tu m’encules… Et que je sois enceinte de toi, c’est un summum pour lui.— Ce n’est pas possible…— C’est ainsi. RĂ©flĂ©chis, ça explique tout. Tu comprends pourquoi il a tout fait pour obtenir ma main ? Il savait que tu Ă©tais mon prĂ©fĂ©rĂ©. En m’épousant il Ă©tait certain de rĂ©aliser son rĂŞve de cocufiage systĂ©matique. Il voulait voir Ă©clore l’œuf d’un autre dans son nid. Mais pas de n’importe qui, de toi. Et c’est pourquoi il reste aussi amical envers toi. Je crois qu’il aime que je l’humilie un peu, tant que cela reste entre nous.— J’ai du mal Ă y croire.— En voici une dernière preuve: nous devons partir en voyage aux Pays Bas cet automne, après la naissance du bĂ©bĂ©. Henri m’a dit qu’il voudrait que tu viennes avec nous.— Il veut tenir la chandelle ?— Non, je ne crois pas… Peut-ĂŞtre Ă©couter aux portes…— Tout cela est troublant, j’ hĂ©site…— Ah, tu n’es pas drĂ´le ! Je t’ai connu plus cochon. Aurais-tu moins d’imagination dans la vie que dans tes romans ?Tout en parlant, elle avait peu Ă peu remontĂ© l’ample robe qui enveloppait son corps et son ventre rond du huitième mois, dĂ©voilant qu’elle ne portait rien en dessous. Une ligne sombre marquait sa peau du pubis au nombril. D’un geste ample elle passa son vĂŞtement par dessus sa tĂŞte et le jeta en boule sur le tapis. Ses seins avaient plus du double de leur petit volume initial. Pierre se laissa tomber Ă genoux et approcha ses mains hĂ©sitantes de son nombril.— Touche le mon amour, c’est ton enfant.Il osait Ă peine l’effleurer, elle s’avança vers lui Ă la recherche d’un contact plus Ă©troit. Sa lĂ©gère caressse circulaire s’élargissait peu Ă peu vers les flancs et sous les seins qu’il osa enfin empaumer, provoquant chez elle un soupir bref mais fort, accompagnĂ© d’un tressaillement de tout le corps. Leurs bouches se retrouvèrent et il commença Ă se dĂ©shabiller. Marie n’attendait rien d’autre, mais ils butèrent vite sur l’obstacle que formait ce ventre qui les obligeait Ă faire l’amour Ă distance. Elle se laissa glisser Ă genoux sur le tapis et posa les coudes sur les coussins chauds, pour offrir sa croupe.— Viens par lĂ , du cĂ´tĂ© de mon vice…Pour Marie et son enfant le grand jour Ă©tait arrivĂ©. En prĂ©vision de ce moment elle dormait depuis quelques jours sous le toit de ses parents. Sa jeune sĹ“ur Louise, la perfide qui intriguait pour lui ravir Pierre Louis, s’en fut, en compagnie d’une bonne, quĂ©rir le mĂ©decin accoucheur.En proie Ă des contractions douloureuses, elle dĂ©couvrit que marcher dans sa chambre et sur le palier la soulageait. Par moments elle pouvait s’appuyer dos au mur en flĂ©chissant les jambes, ou bien, dans les pĂ©riodes de rĂ©pit, elle retournait sur son lit. Sa mère venait rĂ©gulièrement s’asseoir dans un fauteuil Ă son chevet et lui dispenser de bonnes paroles.Seule un moment, elle ressentit l’envie de se caresser pour soulager la douleur diffuse qui subsistait entre les contractions. Elle ramena un Ă©dredon sur elle, pour le cas oĂą sa mère reviendrait, puis glissa une main sous sa chemise de nuit et commença Ă se masturber. Le rĂ©confort que lui apportait ce geste l’encourageait Ă accentuer ses caresses pour se rapprocher de l’orgasme, mais une nouvelle contraction s’annonçait. Elle se leva pour affronter l’onde de douleur qui traversait son corps, fit quelques pas jusqu’au mur pour y plaquer son dos. Soufflant longuement comme pour Ă©vacuer sa souffrance elle pensait dĂ©jĂ Ă la voluptĂ© qu’elle pourrait bientĂ´t se donner. Elle revint sous son Ă©dredon pour s’y branler en paix. Ses seins gonflĂ©s rĂ©clamaient leur part de caresses et elle ne les laissa pas en reste. Les trois doigts glissĂ©s dans son sexe ressortaient chaque fois inondĂ©s et peu Ă peu elle inondait ses draps. Elle comprit qu’elle perdait les eaux petit Ă petit. Malheureusement, le retour des contractions lui interdisait Ă chaque fois d’arriver Ă l’orgasme. Elle rĂŞvait d’un homme attentionnĂ© Ă ses cĂ´tĂ©s, de prĂ©fĂ©rence le père de l’enfant, qui aurait pu continuer les caresses… A quelques occasions, avant sa grossesse, Pierre lui avait introduit la main entière dans le vagin, lui procurant des orgasmes intenses, mais elle savait bien qu’aucun homme n’aurait le cran de l’assister pour cette naissance. Ils auraient trop peur de « faire mal au bĂ©bé », Ă©ternel prĂ©texte de leur lâchetĂ©, de leur peur de la Femme.Toujours Ă la recherche d’un orgasme qu’elle ne trouvait pas, Marie vit le mĂ©decin faire irruption dans la chambre, entourĂ©e d’une sage-femme, de Louise et de leur mère. C’était la fin de la tranquillitĂ©, il fallait jouir tout de suite ou jamais. Abandonnant toute pudeur, elle s’agita dĂ©sespĂ©rĂ©ment sous son Ă©dredon et soudain se cambra dans une jouissance brève et douloureuse que les tĂ©moins compatissants prirent pour une nouvelle contraction. Elle en perdit les eaux restantes, mais on lui changea rapidement son drap. Quelques secondes plus tard, la vĂ©ritable contraction s’annonçait et Marie voulut se lever.— Allons, Madame de RĂ©gnier, restez allongĂ©e, dit le mĂ©decin.— Non, docteur, je vous assure, depuis tout Ă l’heure je le fais et ça me soulage.— Je n’étais pas lĂ , je vais m’occuper de vous maintenant.— Docteur, j’ ai mal, je voudrais me lever s’il vous plaĂ®t.— Je suis mĂ©decin, madame, je sais ce qu’il vous faut. Vous allez contre toutes les prescriptions de l’AcadĂ©mie. Allongez vous, levez les jambes, je vais vous examiner !Le Diafoirus des utĂ©rus Ă©tait un nabot chauve et imbu de lui-mĂŞme, Marie lui cĂ©da avec un mauvais pressentiment pour la suite. Il la tritura sans douceur avant de dĂ©clarer.— Il est descendu, bonne prĂ©sentation, restez comme cela. De l’eau chaude, des linges…— Docteur, je souffrais moins quand je pouvais me lever et flĂ©chir un peu les jambes, je sentais qu’il descendait mieux.— Madame, vous ne voulez pas accoucher accroupie comme une nĂ©gresse ! Dans une telle position, je ne pourrais plus vous ausculter, je ne suis pas contorsionniste !Vaincue par des contractions de plus en plus frĂ©quentes, douloureuses et inefficaces en raison de sa position allongĂ©e, Marie cessa de se battre et resta seule face Ă sa souffrance. Le temps passait et l’accouchement semblait bloquĂ©. Marie criait, pleurait, pâlissait , et avant l’apparition du crâne de l’enfant, elle tomba en syncope.— Mon Dieu, s’écria sa mère.— Cela a trop durĂ©, s’exclama le mĂ©decin, elle ne pousse pas assez et l’enfant appuie sur la veine cave. Je vais devoir intervenir.Comme s’il n’avait pas causĂ© assez de dommages l’obstĂ©tricien-charcutier se prĂ©cipita sur sa mallette et en sortit les fers, avant de chasser la famille. Il prĂ©fĂ©rait agir sans tĂ©moin.Quand Marie reprit ses esprits, la sage-femme lui prĂ©sentait le bĂ©bĂ©, pauvre petite chose de chair sanguinolente, torturĂ©e avant mĂŞme d’être au monde, meurtri et endolori comme la dĂ©licate machine Ă jouir de sa mère.— C’est un beau garçon, madame.Elle tendit les bras, mais dĂ©jĂ on lui retirait l’enfant pour lui administrer quelques soins. La jeune mère se retrouva seule, dĂ©sespĂ©rĂ©e et perdue au milieu de l’agitation de sa chambre. SĹ“urs et mère Ă©taient revenues, on devinait aussi la prĂ©sence du mari et du grand-père juste derrière la porte. Le mĂ©decin s’absenta pour boire un cafĂ© avec les hommes en attendant l’épreuve de la dĂ©livrance. La toute nouvelle grand-mère en profita pour rapporter Ă Marie les propos tenus par le docteur pendant sa perte de conscience.Plus tard, quand tout fut fini, le mĂ©decin ramena l’enfant emmaillotĂ© Ă sa mère, avec un sourire triomphant.— FĂ©licitations, chère madame, il faut nous en faire deux ou trois comme celui-ci, et les boches n’auront qu’à bien se tenir ! La revanche est en marche !— Excusez-moi, docteur, rĂ©pondit la mère qui n’avait pas envie de rire, mais pouvez-vous m’expliquer cette histoire de veine cave. Si j’ai bien compris c’est d’être restĂ©e trop longtemps sur le dos qui a provoquĂ© mon Ă©vanouissement…— Oui, madame, vous n’avez pas accouchĂ© assez vite et le poids du bĂ©bĂ© comprimait…— Excusez-moi docteur, j’ai accouchĂ© aussi vite que j’ai pu, et tout allait bien jusqu’à ce que vous m’imposiez cette position.— Madame je vous l’ai dit, je ne suis pas contorsionniste ! Cette position est nĂ©cessaire Ă l’exercice de mon mĂ©tier…— Docteur, agissez vous pour votre bien-ĂŞtre ou pour celui de vos patientes ? Sortez de ma chambre !