Résumé de l’épisode précédent :Mélanie, aide à domicile, a épousé son propriétaire agriculteur. Celui-ci vient de mourir d’une crise cardiaque au volant de son tracteur. Elle se retrouve seule dans la ferme avec Julien, l’apprenti.— Julien… mais bien sûr que je vais te le faire ce contrat. Comment veux-tu que je fasse sans toi ? Tu me vois, toute seule dans cette grande exploitation, tout assumer ? Je sais bien que tout à l’air de fonctionner comme sur des roulettes, mais je ne sais rien de tout ce que vous faisiez. Tiens, il faudrait faire les vendanges, je ne sais pas faire, ni faire le vin…— Ben… c’est que moi non plus. Je suis spécialisé dans la production animale, alors le reste… Si, bien sûr, faire les champs, les aliments du bétail, piloter le tracteur. Mais la vigne, les légumes… c’est pas mon truc.— Merde alors, comment on va faire ? Tu ne connais pas quelqu’un qui pourrait ? Sinon ça va se perdre…— Si, j’ai un copain que ça pourrait intéresser. Il était en BTS aussi, mais spécialité maraîchage. C’est un type bien, mais qui ne pourra jamais s’installer, comme moi. Lui, il est orphelin, accident de voiture, je crois. Alors il se loue à droite à gauche. Là, il fait les vendanges en Bourgogne, il a fait les moissons dans la Brie. L’hiver, il fait du bois en Dordogne. Il va partout avec sa vieille Clio et sa tente.— Appelle-le, dis-lui que c’est urgent.Trois jours plus tard, une Clio sans âge ni couleur, bringuebalante et pétaradante fit son entrée dans la cour. En sortit un petit bonhomme trapu et brun, le teint hâlé par les travaux d’extérieur. Il frappa à la véranda.— Bonjour, c’est bien ici Montclou ?— Mais oui, et vous êtes le fameux Ludovic, demanda Mélanie ?— Fameux, je ne sais pas, mais Ludovic c’est sûr. Appelez-moi Ludo. L’est pas là, le Julien ?— Si, si, il a dû vous entendre, il va venir. Entrez, je vous en prie.— Belle ferme en tout cas. Et la vendange bientôt à faire, c’est ça ?— Elle devrait déjà être faite, je crois. Mon mari la faisait toujours le quinze septembre.— Y a pas de date, c’est la vigne qui choisit. Là, il faut encore attendre deux-trois jours. J’me suis arrêté et j’ai goûté. Mais y a pas grand-chose, juste une ou deux ouvrées ?— Euh… peut-être, c’est quoi « ouvrée » ?— Ah ! Désolé, j’arrive de Bourgogne. Là-bas, une ouvrée, c’est ce que peut faire un ouvrier en un jour. Avec Juju, ça ira vite. J’espère qu’il n’y a pas que ça à faire ?— Non bien sûr. Il y a tout ce que faisait mon époux : le maraîchage, l’entretien des terres, le bois l’hiver, l’étang, les bâtiments, le matériel, les clôtures… Bref, tout ce qu’il faut pour un contrat à plein temps, comme Julien.— Ah ouais ? Pour six mois ? Un an ?— Indéterminé. Je ne peux pas faire tout ça. J’ai assez avec le pain, les pâtés, les volailles, le marché. Et Julien est vraiment spécialisé dans le bétail, il ne peut pas tout faire non plus.— Bon sang, un CDI ! Juju a bien fait de m’appeler. Et y aurait un coin abrité où je pourrai planter ma tente ? Elle a des fuites…— Pas besoin, vous serez logé, comme votre ami Julien. Tiens, le voilà. Venez, on va visiter l’exploitation.Le jeune homme sembla apprécier le potager, les élevages, l’étang, le paysage, mais il s’extasia quand Mélanie ouvrit le second appartement de la deuxième ferme, identique à celui de Julien. Germain l’avait fait faire au cas où, tant que les entreprises étaient là.— Tout ça, juste pour moi ? Avec une douche, des toilettes, une vraie chambre et une salle ? J’n’en ai jamais eu autant !— Ça sent encore un peu le renfermé, mais ça va passer. Avec Julien, on est allé acheter les mêmes meubles que lui, la petite télé, l’équipement de cuisine. Vous pouvez passer par la route, au village c’est la première à gauche, direction Chacrin. Et libre à vous d’aménager autre chose. Je crois qu’il y a une cave et un grenier.— Dites, M’dame. Monsieur Germain, il faisait tout tout seul, non ?— Avant l’arrivée de Julien, c’est exact. Mais il s’est trop fatigué, il en est mort.— À nous deux, on ne va pas tarder à s’ennuyer, vous croyez pas ?— Je suis sûre que non. Il y a tant à faire, tant à améliorer. Et puis Monsieur Germain travaillait pour lui et ne comptait pas ses heures. Vous, c’est trente-cinq heures par semaine, un jour de repos, un mois de congés payés…— Euh… si vous ne nous mettez pas une pointeuse, c’est pareil pour nous. On ne comptera pas nos heures, soyez sûre. Bon, ben ce soir je vais m’installer, et demain, vous me montrerez le matériel viticole, je le préparerai pour la vendange. Juju pourra m’aider ?— Évidemment. Moi aussi si vous voulez, et si vous me montrez.— Pas de problème.Ludo les fit se lever deux jours plus tard à cinq heures trente pour commencer la cueillette dès le lever du jour. Ils passèrent la journée courbés sur les rangs, remplissant les paniers, les hottes puis les caisses de bois placées dans la remorque. Aussitôt, le solide garçon se mit au pressoir. Il en tourna la grande roue jusqu’à la dernière grappe sous les yeux des deux autres, rompus de fatigue et de courbatures.— C’est une force de la nature, pensa Mélanie admirative.Il transvasa le précieux jus dans des barriques, et le lent travail de fermentation commença. Mélanie avait anticipé, et un bon repas les attendait qu’il n’y avait plus qu’à réchauffer. Ludovic remonta deux bouteilles de la cave, l’une de blanc, l’autre de rouge. Au fil du repas, il goûta l’une puis l’autre, regardant le breuvage dans la lumière, le humant, le chante-flûtant.— Ce n’est pas si mal, mais un peu raide, âpre et manquant de longueur en bouche. Pas de doute, il faudrait plus de cépages chardonnay pour les blancs, M’dame, et du pinot noir améliorerait certainement le rouge.— Eh bien, s’il y a encore de la place, plantez.— OK, mais nous sommes bien d’accord, ce n’est que pour dans trois ou quatre ans. Il faudra patienter d’ici là avec le même vin ou à peu près.— Ça ne me dérange pas, j’en bois très peu.— Et… pour bien faire, ou du moins essayer de faire mieux, l’idéal serait d’avoir un cheval pour labourer correctement cette vigne sans faire descendre toute la terre. On pourrait peut-être en louer un ?— Un cheval ? Quelle bonne idée ! J’ai toujours rêvé de monter à cheval depuis toute petite. On en achète un !— Euh… certainement, mais, je parlais d’un cheval de trait, pas de selle. Enfin, on essayera de trouver un compromis. C’est ton domaine ça, Juju.— En effet, mais j’ai déjà une ou deux idées, bien dans le style de Montclou.Pour acheter un cheval, il fallut d’abord acheter la remorque pour le transporter, remettre en service l’une des anciennes écuries et lui trouver un enclos. Puis Mélanie et Julien descendirent dans l’Ariège chez un éleveur contacté par Internet. Ils revinrent avec un magnifique cheval de Mérens, d’une de ces races presque oubliées qui existe pourtant depuis la nuit des temps, le cheval des peintures rupestres de Lascaux. La race avait tout vécu : un des premiers domestiqué à l’âge de bronze, animal de bât pour les Romains, puis de trait et de randonnée aujourd’hui. Noir des sabots à l’œil, Mélanie le baptisa « Tornado » en souvenir de Zorro. L’animal est rustique et passe sa vie dehors, sauf en cas de grosse chaleur. Docile, très endurant, puissant, mais élégant, ni trop grand ni trop lourd, Ludovic le trouva parfait pour la vigne, Mélanie parfait pour la monte, et Julien dit que ce serait une sacrée publicité d’aller au marché avec une carriole, style « amish ». Tout le monde ricana, mais l’idée fit son chemin.Car Mélanie n’omettait jamais de faire le marché chaque samedi. Ce n’était plus une nécessité, mais une sorte de sacerdoce. Elle y vendait toujours fromages, lait, beurre crème et œufs, mais aussi quelques volailles et quelques surplus de légumes ou de conserves, exactement comme faisait Gus. Mais surtout, elle avait ses petits clients dont elle prenait soin. Vendant ses poulets plumés et vidés au prix fort du bio aux bourgeois, elle réservait les abats pour quelques petites vieilles aux maigres retraites. L’une d’elles lui confia :— Oh, Madame Germain, vous êtes l’envoyée du Bon Dieu. Je me fais une grande marmite de soupe avec ça, et un jour je mange le gésier, un jour les pattes, un jour la tête et un jour le cou avec un peu de légumes. Et le soir, je me fais un vermicelle avec le bouillon. Grâce à vous, je mange à ma faim quatre jours par semaine et je n’ai qu’un paquet de vermicelle à acheter…— Tenez Madame Punet, prenez ça aussi, je ne peux pas les vendre, ce sont des œufs de canes. Ça vous fera une petite omelette ou un flan aux poireaux pour les autres jours. Et puis voyez, il y a ce fromage un peu écrasé, je vous le mets avec.Elle se souvenait de sa période de galère et de la bonté émouvante de Gus avec son couffin de provisions. Ce n’était peut-être pas normal qu’une fille qui travaille ne mange pas à sa faim, ça ne l’est pas plus pour une petite dame qui a travaillé toute sa vie. Et elle n’était pas la seule. Ce vieil homme très digne, marchant droit avec sa canne dans son costume élimé, et qui faisait le tour du marché juste avant sa fermeture. Lui aussi crevait la faim.— Vous n’auriez pas un os et quelques déchets pour mon chien, demandait-il au boucher ?Mais c’est lui qui faisait le chien, d’un ragoût de ces déchets. Tous les commerçants le savaient bien et lui gardaient qui un talon de jambon, qui une baguette cassée « pour vos poules ». Et Mélanie lui donnait un sachet de légumes un peu biscornus, mais tout aussi bons, quelques œufs de canes ou d’oies.— Un seul œuf, Monsieur Bruche, et vous faites une omelette pour deux !— Au Premier de l’an, je vous ferai la bise, belle Mélanie.Ancien militaire, il n’avait pas fait assez de temps pour prétendre à une pension convenable. Il avait tout abandonné à trente-cinq ans pour soigner sa femme très malade jusqu’à son décès. Mais quand il voulut retrouver un emploi à plus de cinquante ans, ce fut impossible, hormis quelques missions événementielles pour une boîte de sécurité. Il se retrouva donc à soixante ans, Gros-Jean comme devant, avec trois cents et quelques euros par mois, « le prix de l’amour » disait-il. Seule sa fierté du devoir accompli lui donnait cette prestance et cette tenue dans la misère la plus noire. Il y avait ceux-là, et puis il y avait cette grosse dame d’environ quarante ans, traînant trois gamins entre cinq et dix ans, sales, malpolis. Elle dandinait sa graisse et son essoufflement d’étal en étal.— Z’auriez pas un petit truc qui vous reste, c’est pas tant pour moi que pour les gosses…Et elle sortait un téléphone mobile de six ou huit cents euros pour pianoter sur on ne sait quel réseau social… Devinez où passaient les allocations ! Là, c’était pas de chance, il n’y avait plus rien.Quand Mélanie rentrait pour se consacrer au déjeuner de ses deux gars qui dévoraient comme des ogres, elle avait ce sentiment de plénitude et ce lointain sourire que confère la bonne action accomplie. Ce qui ne manquait pas de faire dire à Ludovic :— Je te dis qu’elle a un galant au bourg. Quand elle revient, elle plane.— Mais non, protestait Julien, après l’amour elle n’a pas cette tête-là.— Ah parce que tu connais sa tête après l’amour ! Serait-ce que tu l’as…— Pas du tout, hélas !Et à Julien de lui narrer l’épisode de la grange à foin.— Nom de Zeus ! T’es sûr que tu l’as pas rêvé ?— Certain. Mais vraiment, je peux te dire qu’elle est gaulée comme une déesse. Un corps sublime.— Ça vaudrait le coup de tenter notre chance, tu crois pas ? Enfin toi au moins. Un, parce qu’elle t’a à la bonne, et deux parce que moi je suis trop petit. Et puis un orphelin, faut pas rêver.— Déconne pas, t’es bâti comme un athlète, on dirait un haltérophile. Non, moi c’est à cause de la mort de Germain. Sortir un cadavre d’un tracteur en pleine nuit, ça crée des liens. Mais ce n’est pas le moment de tout foutre par terre. On a du boulot, petite paye, mais aucuns frais, beaucoup de liberté, on est comme des coqs en pâte, ici. J’ai presque le sentiment de travailler pour moi, depuis que le patron est mort.— C’est vrai, j’ai jamais eu une telle chance. Des fois, j’y crois pas. Excuse-moi, je suis toujours un peu influencé par un passé difficile.— C’est à dire ?— Je te raconte vite fait. Onze ans de bonheur tranquille, et puis mes parents s’explosent contre un platane. Tout bascule. Après quelques mois d’orphelinat, je suis placé en famille d’accueil. Des paysans, mais pas comme ici. Tu vois la vieille ferme pourrie, une salle, avec une chambre et un grand placard à côté transformé en chambrette pour leur fille, toute peinte en rose à gerber. Dans la salle, il y avait une échelle de meunier qui donnait sur une sous-pente où j’avais une paillasse. C’est peut-être pour ça que je suis resté petit, la peur de me cogner. Lui était pochtron au dernier degré, il nous cognait quand il rentrait sans savoir pourquoi, il paraît que nous on le savait. Elle était plutôt sympa, une grande Alsacienne blonde aux yeux bleus, la gamine était blonde aussi. Y avait juste un évier avec un robinet d’eau froide, pas de salle de bains. Alors on faisait la toilette une fois la semaine dans un grand baquet avec l’eau tiédie sur la cuisinière. C’est la mère qui nous décapait l’un après l’autre, il fallait qu’on soit propre, question d’image. Toujours sa fille en premier, Isabelle qu’elle appelait, Zabou. Moi, j’avais droit à son eau de rinçage. Et puis un jour, j’avais peut-être treize ou quatorze ans, quand elle m’a astiqué la mécanique, je me suis senti tout drôle et je me suis mis à bander. Elle a gueulé « Zabou file dans ta chambre » en cachant ma gaule dans sa main. « Mais dis donc, mignon, c’est qu’on devient un vrai petit homme ! » Et sans prévenir, elle s’est mise à me sucer le poireau. Tu penses, une sensation comme ça, ça n’a pas traîné. Je lui ai tout balancé dans le gosier, la tête qui tapait et les jambes flageolantes. Le lendemain, elle a envoyé Zabou faire des courses à l’épicerie, deux bornes aller, deux bornes retour. « Pourquoi il y va pas, lui ? », « Il est puni ! » Ma punition, ce fut de « faire câlin » comme elle disait. Grimper sur la mère et lui enfoncer mon poireau dans la tirelire. Sûr que l’autre ivrogne ne devait pas la faire reluire souvent. Alors elle trouvait toujours un moment pour me coincer sans sa fille et se payer un tour de manège. Mine de rien, elle m’a tout appris. Moi, j’ai trouvé ça agréable au début, mais je me disais que ce serait sûrement mieux avec Zabou. Elle n’était pas terrible, mais mieux que sa mère, plus fine, plus fraîche. On a fini par conclure, parce qu’elle aussi les hormones la travaillaient. J’arrêtais pas, un coup la mère, un coup la fille. Et ça lui a donné de la maturité, à la petite. À vitesse grand V, ses seins et son poil se sont mis à pousser. L’ivrogne s’en est aperçu aussi et il s’est mis à s’enfermer avec elle dans sa chambre. Elle avait beau brailler, rien n’y faisait, et la mère faisait semblant de ne rien entendre. Jusqu’au jour où elle s’est retrouvée en cloque, de qui, on ne le saura jamais, sauf que c’est moi qui ai été accusé. Et hop ! Du balai ! Internat au lycée agricole, là où on s’est connus. À dix-huit ans, j’ai touché ce qui restait de l’assurance de mes parents, c’est à dire pas grand-chose, juste de quoi passer le permis et m’acheter cette bagnole. J’étais presque heureux, j’avais un « chez-moi ». Je dormais dedans tous les week-ends ou à la belle étoile. Ça m’a permis d’aller bosser toutes les vacances là où il y avait du boulot.— Putain, dis donc ! Sacrée expérience ! Tu aurais aussi bien pu virer clodo ou loubard…— Ouais, pas mon genre. J’ai gardé le souvenir de mes parents, des gens bien. Mon père travaillait aux impôts et ma mère dans une école maternelle, pas instit’, une aide. Ils étaient simples, mais honnêtes. Mais la mère et la fille de ma famille d’accueil m’ont filé une triste idée des femmes…— Je comprends. Mélanie, c’est différent. Je t’assure qu’elle est bien. Mais quand elle baise, c’est une furie.Le temps passa. Tornado devint la mascotte du marché. Mélanie l’attelait à une véritable carriole amish, trois places sur le banc avant couvert par une capote et un grand plateau à ridelles derrière. Elle le plaçait dans un enclos réservé aux bestiaux les jours de foire et le plateau servait d’étal. Il fit également merveille dans les vignes et même dans le potager. Il permettait de labourer sans tasser la terre, sa puissance, son endurance et sa docilité étaient sans égales. Les garçons l’utilisaient même pour débarder les plus gros troncs dans les bois, en plein hiver. Mélanie avait également un très bon contact avec lui et le montait facilement sans avoir jamais appris. Elle parcourait ainsi son domaine, dominant le site autant que du haut d’un tracteur, mais sans bruit et avec l’excitante sensation de cette masse chaude entre ses cuisses. Elle n’en disait évidemment rien, mais Gus lui manquait beaucoup, tout au moins ces deux ou trois séquences sexuelles qu’ils avaient quotidiennement. Elle culpabilisa un temps, pensant avoir fatigué le cœur de ce pauvre homme, jusqu’à entendre dire, dans une émission médicale, que faire l’amour était bon pour le cœur. En fait, peut-être l’avait-elle prolongé de quelques mois…Et puis ces deux jeunes gens qu’elle côtoyait chaque jour, solides, vigoureux, pas moches du tout, lui donnaient des idées. Pour Julien, ce n’était pas nouveau. Il avait beaucoup des attributs du prince charmant dont elle rêvait adolescente, grand, blond, musclé et fin à la fois, très gentil. Sauf qu’il avait une démarche redoutable, un peu penché en avant, se dandinant sur des jambes écartées. Ludovic ne lui avait pas plu au départ, son regard surtout qui semblait la déshabiller. Et puis, une fois habituée, elle trouvait cela plutôt flatteur d’attirer la convoitise d’un jeune homme. Certes, il était petit, mais tellement puissant et trapu qu’il laissait à penser avoir une endurance hors du commun. Hélas, pour l’instant il ne lui restait que ses doigts pour la faire jouir un peu, trop peu… L’incident survint un matin, à la livraison bihebdomadaire du restaurateur. Le « Berlingo » arriva en trombe dans la cour en klaxonnant, Mélanie en descendit écarlate en claquant violemment la portière.— Asseyez-vous, faut que vous sachiez, ordonna-t-elle aux deux garçons. Voilà, nous venons de perdre notre plus gros client, le chef étoilé. Je l’ai livré comme d’habitude, comme d’habitude nous sommes allés dans le bureau pour le chèque mensuel, et là, ce salaud, ce traître qui se disait l’ami de Germain, son témoin à notre mariage, a essayé de m’embrasser. Si, si, il voulait me sauter là, dans son bureau, avec sa femme à deux pas dans l’établissement. Je l’ai giflé, il m’en a renvoyé une qui m’en a fait voir trente-six chandelles tout en continuant à vouloir me forcer. Alors je lui ai griffé la joue au sang des quatre doigts en lui disant qu’il explique à sa femme comment il s’était coupé en se rasant. Je me suis sauvée comme une furie pendant qu’il s’épongeait le visage, devant les marmitons éberlués. Il m’a traitée de tous les noms en hurlant que ce n’était pas la peine de livrer samedi, qu’il se passerait de moi. Voilà !— Vous avez très bien fait, M’dame, dit Julien.— Vous voulez que j’aille lui mettre le pif en vrac, proposa Ludovic ?— Non, merci, il a son compte, je crois. Entre ses employés et son épouse, il ne doit pas passer une bonne journée. Et puis… c’était pratique d’avoir les bons produits à domicile deux fois la semaine. Comment il va faire maintenant ? Rungis ? Deux heures du matin, deux nuits par semaine ? Ceci dit, nous perdons une rente d’environ soixante-dix mille euros. Sans compter la viande des Parthenaises et des porcs qu’il nous a fait élever. Il est capable de changer de boucher aussi.— Mais oui, il n’a que deux étoiles. Il va se mettre à faire du bœuf de Kobe à deux cents euros le kilo pour avoir la troisième. Ils sont tous givrés ces grands chefs.— N’ayez pas d’inquiétude, M’dame. Avec la qualité des produits que nous sortons, ce ne sera pas difficile de le remplacer. Mais dites, les soixante-dix mille euros, vous les trouvez où ? questionna Ludovic.— Ben, mille euros par semaine de légumes plus les extras.— Et c’est quoi les extras ?— Ah, c’était la spécialité de Gus. Des champignons, des noix fraîches, des châtaignes, du cresson, et puis surtout des écrevisses et des truffes.— Des écrevisses ?— Des truffes ? Mais où ?— Ben, les écrevisses dans l’étang et surtout dans le ruisseau avant l’étang, et les truffes là-haut, dans le bois au-dessus de la vigne.— Putain ! Vous faites bien de le dire, moi qui voulais déboiser pour agrandir la vigne ! Au contraire, il va falloir replanter, en pagaille, même, des chênes et des noisetiers truffiers. Il les cherchait au cochon ?— C’est ça, oui, mais je ne sais pas exactement où, je ne l’ai jamais accompagné.— Pas de soucis, je m’en charge. Et toi, Juju, tu te charges des écrevisses. Ça, ça pince ! Et pour les écouler, pas de problème avec Internet. On va se faire un site, une sorte d’AMAP pour bobos.— Si vous croyez…Et ça marcha au-delà de leurs espérances, ils n’arrivaient pas à fournir malgré le surcoût du port en emballages spéciaux. La poste du village en profita également. Elle était vouée à fermer, mais ce regain d’activité repoussa l’échéance. Ludo profita de la fin de l’hiver pour planter des arbres truffiers, un mélange de chênes pubescents, noisetiers charmes et bouleaux, et même quelques tilleuls. Tout semblait presque idyllique, mais Mélanie avait tendance à cafarder le soir, seule dans cette grande maison. Pour retarder l’échéance, elle leur proposa de venir dîner avec elle au lieu d’emporter quelques produits à réchauffer chez eux. Ils acceptèrent avec enthousiasme. Parfois les soirées se prolongeaient un peu devant la télé ou autour d’une discussion animée. Elle allait ainsi se coucher très vite et s’endormait sans avoir eu le temps de mesurer sa solitude.Le printemps revint avec ses jours plus longs, des températures plus clémentes, mais aussi un surcroît de travail considérable. Les deux copains ne se quittaient plus guère, faisant à peu près tout ensemble. Ils avaient pris ce pli durant l’hiver, autant pour faire le bois que pour les vêlages. Qu’importe, du moment que le travail soit fait et il était très bien fait. Ils avaient l’œil, l’énergie et avaient pris cette bonne habitude de ne rien laisser traîner par-devers eux, dussent-ils y passer une partie de la soirée. Mais toujours Julien prévenait Mélanie que tout retard désormais inquiétait.En cette fin d’après-midi de juillet, c’était juste avant les moissons, il faisait une canicule insupportable. Mélanie, qui aimait bien voir les yeux des garçons sortir de leurs têtes, portait une tenue sciemment ravageuse. Un chemisier de fine cotonnade jaune, manche courte, col classique, mais qui s’arrêtait sous la poitrine avec deux longues bandes pour y faire un nœud. Il se portait sans bouton et… sans sous-tif ! Pour compléter, elle s’était fabriqué un short dans un vieux jean taille basse réduit à la ceinture et la braguette devant, aux deux poches revolver derrière. Autant dire un boxer en denim. La taille basse de ce short minimaliste laissait voir à l’arrière les trois sangles rouges reliées par un anneau de son string. Un brin allumeuse, mais surtout coquine. Sa bonne humeur était revenue avec la chaleur et le temps avait cicatrisé la douleur de la perte de Gus. Il faut dire que sur un popotin de ce calibre, l’effet était dévastateur et les deux oiseaux mataient le bec ouvert, attendant leur pâtée.— Oh oh, les garçons ! Ben oui, j’ai un cul, et comme il fait chaud, je l’aère. Vous n’avez jamais vu de fille en maillot de bain ?— Scusez-nous, M’dame, pas l’habitude. C’est… très beau !— Oh oui, très beau, ça, c’est vrai.— Merci, ça me touche les garçons. Mais cessez de m’appeler Madame, j’ai l’impression d’être une vieille mémère. Je n’ai que trente et un ans après tout. Et vous ?— Vingt-quatre.— Vingt-cinq.— Ben, voyez, ce n’est pas si éloigné. J’avais vingt ans d’écart avec Gus et je l’ai appelé longtemps Monsieur Germain aussi. Mais nous, nous sommes presque de la même génération. Alors c’est décidé, vous m’appelez Mélanie et vous me tutoyez. D’accord ?— D’accord M’dame… euh… Mélanie.Après le repas et en retournant au travail, Julien confia à son copain :— Je me demande si je me branle tout de suite ou si j’attends ce soir…— Oh putain, t’avais raison. Ce cul et ces nichons ! Moi j’attends ce soir, il faut que je trouve un système pour rafraîchir la serre. Je pense que je vais la couvrir. Ça cuit là-dedans !— Et si on faisait un puits canadien, ce serait pas mal ?— C’est quoi, ça ?— Tu creuses une tranchée, droite ou en rond, comme tu veux. Tu enterres un gros tuyau et tu fais circuler de l’air dedans. Ça fait comme une cave, frais l’été et chaud l’hiver.— Mais c’est génial ça, dis donc.— Ouais, avec un petit panneau solaire pour la turbine et tu vois, si on mettait la bouche d’entrée dans le petit bosquet là-bas, elle serait à l’ombre l’été et protégée des vents l’hiver.— Super ! Surtout qu’on a la pelleteuse, ça reviendrait pas cher. Ce soir, on lui propose ça.— Y aura pas de souci. Moi, je vais mettre Tornado à l’écurie, il craint la chaleur.Ils travaillèrent dur tout l’après-midi, mais chacun de leur côté, l’un à irriguer et brumiser, l’autre à vacciner les cochons et les vaches. Julien arriva le premier au puits, au milieu de la cour, et y plongea le seau pour se rafraîchir, torse nu. Dans le soleil descendant, sa tignasse dorée semblait lui faire une auréole.— Un vrai beau gars, pensait Mélanie derrière son voilage en se doigtant énergiquement.Ludovic arriva et fit de même et, comme deux ados, ils se mirent à s’asperger d’eau glacée et à se poursuivre en riant autour du puits. C’était bon de les voir jouer et de les entendre rire. Et ce Ludo, bâti comme un athlète avec des muscles impressionnants. Deux beaux petits mecs, en vérité.— Je ne vois pas pourquoi je me priverais, songea Mélanie, au bout d’un an, mon veuvage est terminé…Elle sortit donc les rejoindre en prétextant que cette eau était trop glacée et qu’ils allaient attraper du mal. Ce qui devait arriver arriva.— Mais non, Mélanie, au contraire ça fait du bien. Viens !Elle reçut une première aspersion qui la suffoqua un peu, se vengea bien sûr et termina bien trempée. Là, les garçons arrêtèrent, la bouche ouverte et les yeux comme des soucoupes. Le petit chemisier, non content d’être minimaliste, était devenu transparent montrant, presque comme s’il n’existait pas, deux aréoles d’un rouge sombre pointant deux tétons fortement érigés. Suivant leurs regards, elle s’aperçut du spectacle offert.— Ben oui, j’ai des seins aussi. Y a un problème ? Il semble évident que je sois une femme. Allez, mes deux nigauds, venez boire quelque chose de frais.Ils demandèrent une bière en s’étonnant :— Tiens, c’est un truc qu’on ne fait pas.— Pourtant c’est la mode des brasseries artisanales.— Ouais, mais il faudrait de l’orge, du houblon et on n’a plus de place.— Vous en faites déjà tant, on verra ça plus tard. Allez, pour une fois je vous accompagne, j’en bois une aussi. Mais on se met à l’intérieur, il fait vraiment trop chaud dans la véranda. J’ai beau faire des courants d’air, fermer les stores, c’est insupportable.— Comme dans le tunnel, répondit Ludo saisissant l’occasion. Mais Juju a peut-être une solution intéressante, un puits canadien.Julien expliqua, Mélanie trouva cela astucieux et dit d’accord pour le tunnel à condition d’en installer un dans sa véranda. Les deux conduites pouvaient partir du petit bois, mais pour la véranda, il fallait passer dans la cour et donc démonter les pavés, un sacré boulot. À force de réflexion et d’échanges, il leur apparut que le plus simple serait de passer par la cave et d’éviter la cour. Un trou dans le bas du mur de la cave suffirait.— Et vous croyez qu’on pourrait en mettre un aussi à l’étage ? Ici il fait bon, mais là-haut il y fait chaud, dans la chambre et le bureau. Même à poil, je sue comme un goret, dit Mélanie en servant une deuxième bière…— Une fois qu’on est dans la maison, ça doit être possible. Mais il faudra prévoir deux circuits, un pour l’étage où il fait pas loin de trente, mais c’est grand, et un pour la véranda qui est plus petite, mais qui monte à plus de quarante.— Allez, c’est dit. Il n’y a plus qu’à trouver le matériel et on le fait rapidement, enfin… si tu veux bien, évidemment.— Pas de souci. Il y a un « Frans Bonhomme » à la périphérie du bourg, on ira voir.— Vous êtes géniaux, mes p’tits loups. Oups, j’ai trop bu, pas l’habitude… Faites-moi une place entre vous deux, sur le banc. Ah ! Ce que c’est bon de vous avoir, toujours partants, toujours des idées…Installée entre les deux jeunes gens restés torses nus, elle les serra contre elle en les prenant par les épaules. Ils passèrent un bras dans son dos, lui rendant son étreinte.— Ouah ! Ce que ta peau est douce, s’étonna Julien.— J’allais le dire, renchérit Ludovic.— Mais la tienne aussi, mon Julien, elle est douce et chaude, répondit Mélanie en se mettant à caresser le torse du jeune homme. Hummmm ! Mon Julien… Depuis le temps que je rêvais de ce moment…— Je… je vais vous laisser, murmura Ludo.— Mais non, ne fais pas le benêt. Je t’aime bien aussi, Ludo. Mais Julien, ça fait trois ans qu’il est ici et on partage un moment très douloureux, où il a été formidable de sang-froid et d’attention. Hein, mon Julien, tu le savais qu’il était mort, Germain, quand tu l’as sorti du tracteur ?— Ben oui, il était froid…— Et tu l’as sorti quand même, la nuit, au milieu d’un bois…— Il fallait bien, tu étais tellement… bouleversée, mais j’en étais malade.— Tu vois ça, Julien, c’est le véritable courage : accomplir quelque chose malgré sa peur. Une autre forme, c’est continuer de travailler malgré sa fatigue. Et sur ce point, vous êtes aussi courageux l’un que l’autre. Tu sais Ludovic, quand je suis venue vivre avec Monsieur Germain, je n’avais même pas ton âge, il avait vingt ans de plus. Je n’étais pas amoureuse de lui, je ne l’ai jamais été, et je le lui ai dit. Je me sentais simplement bien avec lui, en sécurité, avec un début de vie pas facile.— Pourtant tu l’as épousé, ensuite…— Oui, mais c’était « technique ». On avait un copain du groupement bio qui s’est fait écraser par sa remorque de paille et sa copine n’a rien pu garder. Ils n’étaient ni mariés, ni en société. Tout s’est vendu à l’encan. Alors Gus a décidé de nous mettre en société, de m’associer, et puis de m’épouser aussi pour que j’hérite de tout, sauf de frais considérables évidemment. C’est grâce à cela qu’on est là aujourd’hui tous les trois. Mais ce que je voulais te dire, Ludo, c’est que je ne suis pas amoureuse de toi, mais que j’ai beaucoup d’affection pour toi et que tu me manquerais si tu n’étais pas là. En revanche, je crois que je suis vraiment amoureuse de Julien, et depuis longtemps. Mais je ne voudrais pas vous perdre, ni l’un ni l’autre. Es-tu jaloux, Julien ? Serais-tu jaloux si ton ami me touchait ?— Je… je ne sais pas, je ne crois pas. Ce serait un autre, ce serait différent, mais Ludo… Non, je ne crois pas. On se masturbe tellement ensemble en parlant de toi…— C’est vrai ? Oh les coquins ! Moi aussi, tout à l’heure je vous regardais par la fenêtre en me faisant du bien. Puisque c’est comme ça, alors je suis à vous deux, même si mon cœur est à toi, mon Julien.Mélanie approcha son visage de celui du jeune homme et leurs bouches se joignirent, timidement d’abord puis fougueusement, au point que leurs dents s’entrechoquèrent. Soudain, un éclair se fit dans la tête de Mélanie tandis que leurs langues dansaient la samba. Elle n’avait jamais embrassé Germain ! Elle l’avait sucé, tout fait, sauf embrassé. C’était donc ça la limite de sa libido. Comme autrefois le copain de sa mère, puis Germain et aujourd’hui Ludovic dont elle n’était pas amoureuse, elle n’avait aucune envie de les embrasser ni de se laisser embrasser. Au contraire de Julien, son petit prince charmant, qu’elle dévorait à pleine bouche. Ludo, un peu gêné, tenta une main sur ce somptueux cul à demi tourné. Non seulement elle ne protesta pas, mais se souleva pour qu’il puisse lui retirer son petit short. Le voluptueux fessier lui apparut dans sa blanche plénitude, la ficelle du string cachée très loin au fond du profond sillon. Le jeune homme y plongea aussitôt sa main puis sa bouche gourmande. Julien ne perdait pas de temps non plus et vint rapidement à bout du nœud qui fermait le chemisier. Il voulait sentir ces gros seins durs et tendres s’écraser contre sa poitrine. Le chemisier vola, Mélanie se redressa.— Vous les aimez, mes gros seins ? Allez-y, mes chéris, régalez-vous. Il y en a un pour chacun. Sucez-les, tétez-les, pelotez-les et rendez-moi folle…Ce fut la ruée, comme les petits cochons sur la truie. Deux jeunes chiens fous sautant sur leur os favori. Et l’autre qui jubilait, tête en arrière, déjà basculée dans l’autre monde, dans la peau de Miss Hyde. Instinctivement, elle écarta les jambes, révélant le triangle rouge de son string, bien incapable de couvrir la totalité de son buisson brun dépassant largement de part et d’autre. Deux mains différentes s’emparèrent des cuisses épaisses et tendres, remontant toutes deux vers la vulve aux bourrelets dilatés par la bride tendue. Les doigts curieux fouillèrent la chair tendre et velue, déjà humide. La femme râlait, abandonnée dans leurs bras, et cela les excitait encore plus.— Oh, mais c’est qu’ils bandent déjà, mes petits chéris, dit-elle de sa voix rauque en redressant la tête. Oh là là ! Ils ont envie de me baiser. Faites voir vos jolies queues toutes fraîches et toutes raides…Elle se mit à genoux, les garçons debout, pressant leurs sexes dressés contre son visage. Elle les caressa, les lécha, puis les goba et les suça énergiquement tour à tour, admirant la longueur lisse de celui de Julien, l’épaisseur brune de celui de Ludovic. Elle rêvait déjà de les sentir vibrer en elle, y prendre et y donner des heures de plaisir absolu. Mais inutile de les vider prématurément, elle se releva et les entraîna vers la chambre. Ils eurent du mal à y parvenir, s’arrêtant dix fois dans l’escalier pour tripoter les fesses oscillant sous leurs nez, les seins encore, arracher le string, voler un nouveau baiser. Elle poussa Julien sur le lit en s’excusant auprès de son copain :— Tu permets, Ludo ? Priorité à mon amoureux.Elle se jeta sur Juju, l’embrassa à pleine bouche puis descendit doucement en semant des petits bisous sur son chemin, à ses tétons d’abord, à son nombril ensuite pour terminer sur son sexe hypertrophié. Puis elle l’enjamba et s’empala lentement sur son mât maintenu par une main en criant triomphalement :— Ah, mon Julien, depuis le temps que j’avais envie de cet instant…Le jeune homme n’en revenait pas de sa chance, cramoisi, le menton dans la poitrine et les veines des tempes dilatées, il contempla cette vulve gourmande aspirer goulûment sa queue. Quelle superbe façon de perdre son pucelage ! C’était divinement chaud, doux, humide, procurant une sensation inégalée. Il n’allait pas pouvoir se retenir et bientôt exploser, mais il sentit soudain son gland buter contre le fond de la grotte, et Mélanie aussi :— Putain ce que t’es long, mon chéri ! Il va falloir m’étirer pour tout rentrer, bordel !Elle se souleva et réitéra sa descente, une fois, deux fois, progressant centimètre par centimètre, jusqu’à ce que le tendre fessier vienne lui écraser délicieusement les couilles. La jeune femme poussa un soupir de satisfaction, mais Julien se contracta soudain et dans un râle explosa au fond de sa chérie.— Scuse-moi… pas pu me retenir… trop bon…— Mon chéri, ne me dis pas que c’était ta première fois ?— S… Si…— Oh, mon amour, j’ai eu le privilège de te dépuceler ! Mais c’est merveilleux !Elle se vautra sur lui et l’embrassa fougueusement sous l’œil amusé de Ludo qui se branlait tranquillement près d’eux. Toujours enchâssée sur Julien, elle se tourna vers lui :— Allez, à toi, Ludo, lui dit-elle en écartant ses fesses à deux mains. Loge-toi là, il y a encore une place, mais mets du gel, là, dans la table de nuit. Avec ton gros machin, j’ai peur que tu me fasses mal.Ludovic s’exécuta, oignit copieusement la rosette distendue et son dard gros et court. Mais malgré leurs efforts conjugués, le gros gland resta à la porte. Les dandinements du popotin de Mélanie pour accueillir Ludo avaient redonné de l’énergie au pénis de Julien au fond de son fourreau. Alors la jeune femme eut de la présence d’esprit :— Attends, Ludo. Couche-toi là. Depuis le temps qu’il n’a pas servi, mon trou de balle a rétréci. Juju en a une plus fine, il va faire le passage.Elle quitta Julien et chevaucha Ludovic, ahanant pour s’empaler sur son gros trognon. Julien se plaça derrière elle et lui enfila assez facilement l’issue de secours.— Ah ! Putain, mes chéris, ce bonheur ! Vos deux queues au fond de moi ! Le rêve !— Putain, Juju, je sens ta queue !— Moi aussi, Ludo. Comme c’est serré, comme c’est bon…— Oh ouais, putain ! Qu’est-ce qu’elle est bonne, cette meuf !— Oui, mes chéris ! Allez-y ! Défoncez-moi le fion et la chatte, bordel ! Ah ce pied !La nuit fut courte. Mélanie s’émerveilla d’avoir vécu « le rêve de toute femme », d’après elle, à savoir d’être prise en même temps par ses deux amants, ainsi que de la vitalité de ces jeunes gens qui reprenaient forme très vite. Lorsque leurs deux portables sonnèrent le réveil presque en même temps, ils n’en dirent pas tout à fait autant, plutôt vaseux pour aller traire les vaches. Mais après une bonne douche, un bon café, arrivés dans l’air vivifiant du petit matin, ils se tapèrent les paumes et les poings.— Tu te rends compte de la chance qu’on a ? Pour un premier emploi, c’est plutôt super, non ?— Tu parles, en plus c’est une femme exceptionnelle. Jamais j’aurais cru…— Mon pote, à nous d’être à la hauteur. On ne va pas laisser ces merveilles, elle et l’exploit’, à des gougnafiers. Il faut les mériter.— T’as raison. On fait la traite, on lui laisse faire les fromages et puis on va en ville chercher le matos pour les puits canadiens.— Ça roule !De retour de traite, ils se firent un petit casse-croûte réparateur et Mélanie enfin réveillée apparut. Nue !— Les garçons, j’ai décidé qu’aujourd’hui je resterai à poil. Comme vous avez l’air d’apprécier mes formes et que je rêve de faire du naturisme depuis longtemps, pourquoi me priver ? Ici, on ne voit jamais personne…— Sauf le facteur !— Quand on parle du loup, justement le voilà…Mélanie s’enfuit à toutes jambes dans une pièce du fond et les deux nigauds éclatèrent de rire. Fausse alerte !Ils bossèrent à s’en abrutir, creusant deux tranchées à cinq mètres d’écart depuis le bosquet jusqu’au pignon de la maison. Comme il fallait traverser le ruisseau, ce qui ne serait pas le cas en direction des serres, Julien décida de fermer la bonde de l’étang et de suivre le lit du cours d’eau sur quelques mètres, pensant y trouver une source supplémentaire de fraîcheur. Au bout d’une semaine, tout était rebouché, les tuyaux enterrés. Il ne leur restait plus qu’à percer au piqueur le mur de la cave, y installer la turbine, en fait une grosse VMC, à partir de laquelle ils pouvaient faire partir plusieurs tuyaux de distribution. Les deux premiers étaient courts et aboutissaient tout simplement dans un ancien soupirail qui donnait dans la véranda. Une jolie grille camouflait le mécanisme.Moment fatidique : la mise en route. Armés de thermomètres ils entamèrent les mesures. Température extérieure à l’ombre, 32° ; température du flux d’air, 18° ; température sous la véranda, avant 38°, après, 26°. Gé-nial ! Il y faisait moins chaud que dans le reste du rez-de-chaussée qui était à 28° et 32° à l’étage. Pour atteindre cet étage, ils décidèrent que le plus simple était de passer par la colonne des deux toilettes superposées en longeant le tuyau d’évacuation, quitte à camoufler tout cela ensuite avec on coffrage bois. Deux jours de travail plus tard, trois bouches crachaient de l’ai frais dans le bureau, la chambre et sur le palier. La température tomba également à 26°, ce qui semblait très supportable, et comme l’air froid a tendance à descendre, le rez en profita, tombant à 24° sous l’effet conjugué des deux sources de fraîcheur, étage et véranda. En quelques jours, la température s’uniformisa et le bâtiment perdit une partie de la chaleur accumulée pour se stabiliser à 24° partout. Comme la canicule perdurait, ils trouvèrent cela extrêmement confortable et reposant. Ils allèrent plus vite pour le tunnel de maraîchage, sans ruisseau à traverser, sans mur à percer, juste un tuyau arrivant à chaque extrémité. En conjuguant le puits canadien avec une rampe de brumisation utilisant l’eau fraîche du puits, Ludovic parvint à passer de 42° à 28°, ce qui lui sembla fort convenable.Ils purent même installer une dérivation des deux dispositifs dans l’étable, ce que les vaches apprécièrent beaucoup. Elles y venaient fréquemment se rafraîchir. Et ce que les garçons voyaient bien également, c’était la fin du gel en hiver sous les tunnels de production. Pas de quoi la poursuivre complètement pendant la mauvaise saison, mais la possibilité de prolonger la vie de nombreux légumes, carottes, salades, poireaux, navets, de conserver bien en forme du persil et de la ciboulette, bref, de ne pas interrompre la vente sur le marché. Forts de cette réussite, mais avec moins d’urgence, ils équipèrent de la même façon le « laboratoire » et la « boulangerie-conserverie », rendant le travail moins pénible, tout comme l’écurie de Tornado.— Mes amours, leur déclara un soir Mélanie, j’ai pris une grande décision. Ludo, je ne sais pas si tu es au courant, mais Juju le sait, la forme juridique de l’exploitation est une société, sage précaution qu’avait prise Gus, c’est comme ça que j’ai pu la continuer avec votre aide. Je me dois d’être aussi sage que lui. Actuellement, je ne suis plus que l’unique associée de la ferme de Montclou, détenant 100% des parts du capital s’élevant à 20 000 €. Nous avions commencé très bas, nous l’avons étoffé un peu par la suite pour faire plus sérieux. Ce que je vous propose, c’est de vous récompenser pour vos efforts, et notamment pour cette réalisation extraordinaire de puits canadien qui n’est pas dans vos attributions, mais qui nous rend la vie bien plus agréable. Je compte donc vous verser une prime de deux mille euros chacun.— Wahou ! C’est super ! Je vais pouvoir changer ma vieille guimbarde !— Attends Ludo, je n’ai pas fini. Ce que je comptais faire, c’est de transformer ces primes en parts de capital afin que vous deveniez mes associés. Chaque année, si la société fait des bénéfices, et c’est le cas, vous pourrez en percevoir dix pour cent chacun et moi quatre-vingts. Et bien sûr, vous participerez aux prises de décisions.— Oui, mais toi, je crois que tu ne retires pas tes revenus. Pourquoi ? demanda Julien.— C’est simple : un, je n’en ai pas besoin, on a tout ici. Deux, il me semble que la société nécessite un solide matelas en cas de gros pépin, panne de matériel, épidémie, orage, tempête, que sais-je encore. Si on a les reins solides, on peut se relever très vite, sans même attendre les assurances, juste à faire des photos. Cela dit, rien ne vous oblige à en faire autant. Vous aussi, à titre personnel, vous avez besoin de vous constituer un « matelas » en cas de coup dur, ou pour vous installer ailleurs, ou changer de voiture, voire investir aussi dans le capital pour être à parts égales avec moi, tous à égalité.— Je t’arrête tout de suite : m’installer ailleurs est hors de question. Mais devenir ton égal, j’dis pas non.— Merci, mon chéri, j’espérais un peu cette réponse.— Moi, je ne suis certain de rien, déclara Ludo. Mon expérience de vie a été tellement difficile et j’ai… une revanche à prendre, quelque part. Pourtant, je suis merveilleusement bien ici, quoique je me sente parfois un peu de trop. Ne le prenez pas mal, mais vous seriez si bien tous les deux, sans moi… Bon, et puis il faut que je vous fasse un aveu, vous êtes ma seule famille. En faisant le marché, j’ai rencontré une petite qui me plaît beaucoup, et je crois bien que je lui plais aussi…— Cachottier ! Le voilà donc qui en pince pour une mignonne. Qui c’est ? Je la connais forcément si elle est sur le marché…— Ben… je ne sais pas. Ma ceinture était morte, usée, décousue. Alors après ma vente, je suis allé voir dans le camion des fringues, si j’en trouvais une. Et c’est une jolie mignonne qui m’a entouré la taille pour prendre la mesure, qui m’a aidé à choisir et tout et tout. Petite comme moi, très blonde et bouclée, une tête de poupée…— Non, je ne vois pas, regretta Mélanie. Pourtant j’y ai acheté des fringues plusieurs fois à ce camion.— En fait, elle ne doit être là que pendant les vacances. Elle termine un bac pro soins et services de je ne sais quoi…— Ah oui, une future collègue ! Accompagnement, soins et services à la personne.— C’est ça, exactement. Tu as fait ça aussi ?— Non, je me suis arrêtée au CAP, il fallait que je travaille.— Mais c’est pour ça que tu sais tout faire. Elle fait les retouches, même dans le camion, elle sait faire la cuisine, le ménage et tout et tout…— Vouais, vouais, vouais… Tout ça, ça me donne des idées…— C’est à dire ?— Eh bien, depuis que vous bossez tous les deux, la production globale a vachement augmenté. Plus de lait, donc de boulot au labo, plus de produits donc plus de conserves, plus de porcs, donc plus de pâtés, de terrines, de conserves… Et mon Juju a dû doubler ou presque le nombre de volailles ; vous mangez comme des ogres, donc plus de pain, plus de cuisine. Moi j’ai du mal, là. On serait deux, ce serait rudement mieux. Vous vous installez dans la ferme du bas qu’on refait complètement selon les goûts de la jeune fille, et moi je reste ici avec mon Juju. Qu’en dites-vous ?— Ouais, joli scénario, sauf que c’est pas encore fait.— Accroche-toi, Ludo ! Tu nous la présentes quand ?— Doucement, doucement. Je voulais justement vous demander… enfin non, vous informer que samedi soir je comptais l’emmener guincher.— Pas de souci, on se débrouillera sans toi.Ce n’est que quelques semaines plus tard, au début d’un automne qui ressemblait encore à l’été, que Ludovic amena un dimanche Coralie à Montclou. Et encore fut-ce de haute lutte et parce que Madame Germain avait rencontré le papa sur le marché et l’avait finalement convaincu de laisser sa fille unique et chérie venir déjeuner et visiter l’exploitation. Il fallut promettre qu’elle serait rentrée avant la nuit, soit pour dix-huit heures à cette saison. La jeune fille était restée au magasin aider sa mère, aussi Mélanie ne fit-elle sa connaissance que ce dimanche.— Oh putain, le joli petit boudin, pensa-t-elle en la voyant descendre de voiture. Taillée pleine pulpe, moelleuse à souhait. Je comprends le Ludovic. Rien qu’à la voir, on a envie de la tripoter, comme un bébé. Pourtant je suis plutôt hétéro à 200%, mais là, même à moi elle fait envie…Effectivement, la petite poupée qui sortit de la voiture était assez… ébouriffante. Pas un mannequin de magazine de mode, portemanteau sur pattes, non, plutôt l’inverse. Petite, malgré ses sandales à très hauts talons, blonde comme les blés avec des boucles qui semblaient naturelles, de grands yeux bleus, un petit nez mutin et une bouche en cœur, le léger chemisier rouge comme les sandales ne parvenait pas à dissimuler une poitrine très généreuse, pas plus que la jupette n’occultait des hanches et un postérieur d’une rondeur inouïe. Une taille de guêpe renforçait le voluptueux de ces courbes magnifiques. On ne peut pas dire qu’elle fût grosse, juste potelée comme un beau bébé. Du reste, elle conservait un léger pli aux poignets comme en ont les jeunes enfants. Sa peau, si blanche qu’elle frisait le translucide, semblait d’une infinie douceur, comme son regard et sa timidité qui l’empourpra dès qu’elle aperçut ses hôtes.— Bienvenue à Montclou, Coralie. Moi, c’est Mélanie et voici Julien, copain de Ludovic, qui travaille ici également. D’ailleurs, tu nous excuseras, mais nous n’avons pas eu le temps de nous changer.— Bonjour, Madame, bonjour Monsieur, répondit une petite voix dans un souffle. Je… je ne voudrais pas vous déranger…— Mais pas du tout. Utilisons nos prénoms et un « tu » amical, si tu veux bien. Ludo a dû t’expliquer, ici c’est liberté et bonne franquette. On ne fait pas de chichis, on est nature. J’espère que tu n’y vois pas d’inconvénient.— Pas du tout. Qu’est-ce que c’est joli chez vous… Et comme c’est grand !— Oui, immense. Du plus loin que tu puisses voir, ce sont mes terres, devant et derrière. Un sacré travail !— J’imagine…— Mais avec ces deux zèbres, ça se fait plutôt bien, très bien même. Ludo te fera faire le tour. Tu l’emmèneras en haut, sur le Mont Clou. On voit jusqu’à trois ou quatre départements par temps clair, et c’est le cas aujourd’hui. Ils auraient pu construire la ferme là-haut, mais il valait mieux y mettre une éolienne. Ici on est protégé du vent d’est et du nord. Allez, passons à table.C’est un repas de fête qu’avait mitonné Mélanie : foie gras, écrevisses, rosbif de Parthenaise, fromages et salade de fruits de la ferme, arrosé d’un peu de vin local dont Coralie but un demi-verre. Elle avait un joli coup de fourchette et s’extasia sur la qualité des produits, étonnée qu’ils vinssent tous du domaine. On lui expliqua le ruisseau et l’étang, les vignes, les vaches, et l’option d’excellence bio qui avait été prise avec un réel succès commercial.— Tiens, au fait, Ludovic, j’ai vu une émission de télé qui parlait du « yuzu » .— Quézaco ?— Une espèce de citron japonais dont les grands chefs raffolent. J’aimerais bien qu’on essaye d’en faire pousser. Ça se vend six euros pièce ! Tu imagines ? Trente mille euros la tonne…— Oh putain ! Ça, c’est bon plan, mais il faut voir si ça pousse ici. Je vais me renseigner.— Ludo, s’il te plaît, évite de dire « p… » à tout bout de champ. Chez moi, ça ne passera pas, implora Coralie. Excusez-moi…— Mais pas de problème. Tes parents sont… très à cheval sur les principes ?— On peut dire ça comme ça, en effet. Comprenez, je suis leur fille unique, adorée, vénérée, adulée. Pour eux, j’étais promise à un bel avenir avec un beau mariage à la clé.— Ah oui ?Mais… je croyais que tu étais dans le sanitaire et social ?— Oui, oui. Mais je crois que ma mère, et peut-être surtout mon père, me voyaient travailler dans un hôpital et, par la magie de mes beaux yeux, épouser un jeune chirurgien qui deviendrait un jour un de ces mandarins riches et respectés. Du moins, c’est le scénario que j’ai extrapolé de leurs remarques et réactions. Alors me voir avec Ludo, simple ouvrier agricole, ils ont du mal à le digérer…— D’abord, Monsieur Ludovic Surserre, ici présent, travaille dans la société dont il est actionnaire. Certes, je suis propriétaire des terres, mais nous prenons les décisions à trois, n’est-ce pas les garçons ?— Oui M’dame, répondirent-ils en chœur.— Les chameaux ! Pas facile de discuter sérieusement avec eux, sauf concernant le boulot.— Attendez, je ne comprends pas vraiment, vous pouvez m’expliquer ?— C’est simple. Je suis propriétaire des terres, mais les terres si elles ne sont pas travaillées, elles ne rapportent rien. Et moi, je ne suis pas agricultrice, bien incapable d’élever les vaches et de faire pousser tout ça. C’est pourquoi c’est une société qui exploite la terre, et dans cette société, nous sommes trois associés, qui nous partageons le travail et, bien sûr, les bénéfices.— D’accord, je comprends mieux. Mais cette société fait des bénéfices ? Mon père dit que c’est la crise dans l’agriculture, « tous des crève-la-faim sans avenir »…— Je serais curieuse de comparer mon compte en banque avec le sien. Nous avons fait le choix des produits d’exception en bio. Le grand luxe ! Et ça marche au-delà de nos espérances. Avec une viande bovine à seize euros et le porc à soixante euros le kilo, rien qu’avec la viande nous faisons cinq cent mille euros de chiffre d’affaires. Les légumes, les volailles, les œufs, les écrevisses, les truites, quelques truffes, les fromages, la crème et le beurre, tu ajoutes cent mille de plus.— C’est fou ! C’est énorme. Mais il doit y avoir beaucoup de frais, des engrais, des aliments, du carburant…— Surtout des semences, précisa Ludo. Le reste, c’est bio, c’est naturel, on le fabrique ici. Même l’électricité, le gaz et le carburant. On n’achète que le poivre et le sel.— Non, ne me dis pas que vous faites six cent mille de bénef ?— Tu as raison, Coralie, parce que chaque année on investit. Quand mon défunt mari était seul, il avait du mal à tout faire avec deux cents hectares. Maintenant, ils sont deux avec chacun sa spécialité, élevage et culture. C’est donc beaucoup plus réparti et on a pu acheter cent hectares de plus, pour élever les cochons et pour produire le carburant, faire plus de maïs, etc. Cette année, on va équiper l’étable de caméras pour ne se déplacer que quand c’est utile au moment des vêlages. On a agrandi la vigne et acheté des plants, un cheval. Il faudra que je te présente « Tornado ». Et puis on a fait un solide matelas en cas de pépin qui, bien placé, gonfle tranquillement tout seul. Disons qu’une bonne année, on dégage environ trois cent mille de bénéfice avant impôts, ce qui nous permet de choisir toujours le meilleur matériel sans réfléchir au prix.— Là, c’est moi qui vais le dire : pu-tain ! je n’en reviens pas. Mes parents, entre le magasin et le camion, les frais, les impôts, le stock et tout et tout, ils tirent à péniblement leurs deux salaires et connaissent des mois difficiles. Et moi, j’aide gratis. Ben ça, ils ne vont pas en revenir… Mais ce « matelas » , il se monte à combien, environ ?— Euh… (elle jeta un coup d’œil à ses associés qui opinèrent du chef). Environ un million, sans les intérêts.— Hein ? Rhôôô… re-putain ! Et toi, dans tout ça, tu fais quoi alors, si tu ne bosses pas sur l’exploitation ?— Ha-ha ! Mais si, j’y bosse. Je ne fais que ça, même que je n’ai pas une minute à moi. D’abord, je fais les comptes et je m’occupe de toute la paperasse, et dieu sait s’il y en a. Ensuite, je fais les fromages, le beurre. Je prépare les pâtées pour les volailles et les cochons. Je fais le pain, les conserves, les confitures, les pâtés, les terrines. Je fais la cuisine, le ménage, la lessive et autant que je peux je vais faire le marché et les livraisons. Au secours ! J’ai besoin d’aide.— J’ose pas dire, mais ça me plairait bien, c’est plutôt dans mes cordes. Sauf que… il faudra attendre que je termine mes études, ils y tiennent.— Normal, et c’est bien ainsi. Mieux tu seras formée et plus tu seras performante. Mais si ça te tente, il y a une place pour toi. Et la perspective d’avoir de l’aide m’aidera à tenir pendant un an.— Même pas. Jusqu’en juillet de l’année prochaine. Dans huit mois.— Enfin, la seule question que tu as à te poser, c’est est-ce que tu tiens vraiment à Ludo. Parce que vivre ici, c’est bien, mais on est loin de tout.— Je crois que c’est ça qui me plaît. Je suis plutôt timide, très, même. Et la ville, la foule, l’agitation d’un hôpital, ça ne me dit rien du tout. Ici, on a l’impression de vivre !Ludovic lui fit faire le tour du domaine. Ils s’attardèrent un peu dans la seconde ferme, les logements des garçons, pour exprimer ses souhaits.— Oh, mais c’est une longère ! Très bien… Mais quel dommage d’avoir caché les poutres. Et puis l’ancienne grange ferait un superbe living… Oh, et là une terrasse abritée avec des poutres et un barbecue… Il faut au moins trois chambres, nous aurons des enfants… Et une immense salle de bains avec une immense baignoire à bain bouillonnant…À dix-huit heures, elle était remise en bon état aux parents et Ludo en avait ras la casquette qu’il ne portait pas. Il s’en confia à ses associés.— Mais c’est normal, Ludo, lui dit Mélanie. Elle a envie d’un bel endroit pour vivre et n’oublie pas qu’on est au milieu de rien. Il faut lui accorder des compensations. Regarde, ici j’ai fait tout refaire à Gus.Ce garçon simple trouvait déjà beau d’avoir un toit sur la tête plutôt qu’une toile de tente. Alors les détails… Ils firent malgré tout venir un artisan auquel il transmit tous les souhaits de sa belle. Et dans la foulée, il lança les vendanges, jugeant les raisins mûrs et le taux de sucre convenable. Cette année, il avait décidé de revenir aux pratiques ancestrales et de faire une cuvée foulée aux pieds. Pour cela, il avait dégotté auprès de ses contacts en Bourgogne un immense baquet d’occasion qui pourrissait dans un coin, la pratique étant abandonnée depuis des lustres. Convenablement retapée, posée sur un socle de parpaings, la cuve fut remplie de grappes le soir même de la cueillette.Mélanie fut spontanément désignée pour y monter fouler le raisin de ses pieds mignons. Les deux gars ne firent pas dans le détail et la mirent à poil avant de la propulser dans la cuve. Ah le beau spectacle que ce corps magnifique piétinant les fruits juteux ! La belle se teinta de rouge jusqu’aux genoux, puis jusqu’aux cuisses, mais les garçons la trouvèrent un peu légère pour une pression correcte. Ils y grimpèrent à leur tour. Ça chahuta fort dans le grand baquet. Ils la firent tomber « pour ajouter du jus de fesses au jus de raisin », la léchèrent sur tout le corps, ce qui la rendit folle, et elle finit empalée sur Ludo, sodomisée par Julien, cette « bête à quatre pattes » semblant très efficace pour exprimer… tous les jus ! C’était décidé, ils appelleraient ce futur vin « la cuvée d’amour », mais l’étiquette ne préciserait pas tous les « adjuvants » que l’on y trouverait, à l’instar du tableau du roman de Marcel Aymé, « La jument verte ».Cet épisode guilleret mit quelques doutes dans la tête de Ludovic, car sa Coralie se refusait toujours à lui, rien avant le mariage. Bon, rien, mais il y avait tout de même des baisers échangés et quelques caresses. Sauf que Coralie ne supportait pas la comparaison avec Mélanie qui partait au quart de tour dès qu’on lui tripotait les seins. Coralie restait impassible, tout juste trouvait-elle cela « agréable ». Le second épisode se déroula quelques semaines plus tard, sur le marché. Le père de Coralie vint converser avec Mélanie sur un ton qui crispa la jeune femme :— Alors ? Il paraît que vous faites dans le luxe ? Pourtant vous êtes bien contente de vendre sur le marché.— En effet, j’y ai de bons clients, prêts à payer le prix pour des produits exceptionnels. Et puis j’ai mes petites mamies que j’aime bien choyer un peu. C’est agréable de rencontrer du monde quand on vit à l’écart toute la semaine.— Oui, mais enfin… Coralie m’a parlé de sommes considérables qu’elle n’aura sûrement pas bien comprises, à moins… qu’on ait voulu la tromper !— Mais pas du tout, tout ce qu’on lui a dit est vrai. Et elle a pu voir de ses yeux comment le domaine est tenu.— Ça lui a plu, en effet. Vous vous y entendez pour caser votre… poulain.— Dites, c’est Ludovic qui a amené Coralie. C’est Coralie qui a posé des questions, et je lui ai répondu. Ils sont majeurs et capables de choisir leur avenir sans personne d’autre. Je ne suis pas sa mère !— Bien sûr, un orphelin que vous avez recueilli…— Mais pas du tout ! Un employé qui, par son efficacité, est devenu mon associé.— Ah oui, une « société », un moyen d’échapper à l’impôt !— Si vous aviez à payer les impôts de notre société, vous seriez ruiné…— C’est sûr, je ne fais pas dans le luxe, moi. Je travaille pour les gens simples et honnêtes.— Eh bien justement ! Si, au lieu de vendre des frusques fabriquées en Chine par de pauvres ouvriers en quasi-esclavage, vous vendiez des vêtements français, plus chers, mais plus beaux et plus solides, vous en vendriez moins, mais vous gagneriez plus.— Écoutez-la celle-ci qui veut m’apprendre mon métier, à moi qui l’exerce depuis trente ans. Une paysanne marchande de choux…La discussion s’envenima Mélanie ne supportant pas qu’on attaquât sans fondement l’œuvre prolongée de Germain qui fonctionnait si bien, ni qu’on la traitât de menteuse. Le rouge lui monta aux joues et elle finit par lui cracher à la figure que sa fille, qui avait des goûts de luxe, lui faisait aménager une maison à grands frais. Le bonhomme coupa court :— Eh bien gardez-le votre taudis en pleine cambrousse, ma fille n’y mettra jamais les pieds !Mélanie plia son étal et rentra difficilement, pleurant à chaudes larmes tout le long du trajet. Non pas qu’elle ait été blessée par cet imbécile, mais parce qu’elle pensait aux conséquences pour Ludovic, à sa peine dont elle serait en partie la cause. En arrivant à Montclou, et dès qu’elle put étouffer ses sanglots, elle se jeta aux pieds de Ludovic pour implorer son pardon, essayant de lui narrer ce qui s’était passé le plus fidèlement possible et sans le commenter. Le jeune homme ne parut guère étonné.— Tu sais, Mélanie, je ne suis pas surpris. Chez elle, je n’ai jamais dépassé la limite du paillasson. Pour eux, nous sommes des culs-terreux, des bouseux ; eux sont des mâârchands, des côômmerçants. Ils se croient être le dessus du panier, petits bourgeois parvenus. Je regrette deux choses : l’une est de ne pas avoir sauté Coralie qui a tout de même un sacré cul et de sacrés nibards, l’autre c’est que les travaux de la longère soient bien engagés…— Je suis d’accord avec toi, mais en ce qui concerne les travaux, ce n’est pas bien grave. On la louera comme gîte, ça fera un revenu supplémentaire et une diversification. En plus, elle n’avait pas que des mauvaises idées, j’y suis passée et je trouve ça pas mal.— T’inquiètes, je dors toujours à l’étage et tous les matins je leur fais une explication de texte. Ils auraient bien tendance à faire n’importe quoi, si on n’est pas sur leurs dos.Mais Mélanie était persuadée qu’au fond, ce gentil garçon venait de prendre une nouvelle claque de la vie et que ça devait certainement le révulser. Il ne méritait vraiment pas ça. Elle demanda à Julien de veiller sur lui et de le distraire un peu. Nul besoin d’artifices pour le distraire, le boulot s’en chargea. De nombreux vêlages, le taureau « Seigneur » avait bien donné, mais certains furent difficiles et leur prirent des nuits entières. Il y eut une tempête et il fallut réparer quelques toitures, l’éolienne et remplacer la bâche du tunnel en urgence. Le printemps s’enquilla sur ces tracas avec la préparation de la terre, les semis, la vigne, le nettoyage de l’étang et l’herbe qui poussait dès qu’ils avaient le dos tourné. Le plus possible, ils bossaient à deux. Le travail allait plus vite et ils apprenaient l’un de l’autre. Ils devenaient peu à peu polyvalents et interchangeables, se disant que ce serait chouette de pouvoir un jour offrir de vraies vacances à Mélanie qui restait leur égérie.Ne comptant plus sur Coralie, elle commença à chercher à recruter une aide. Mais l’isolement et le travail faisaient peur. Ses annonces chez les commerçants restèrent vaines. C’est en parlant de ses difficultés lors d’une réunion du groupement bio que le problème trouva une éventuelle solution. L’un des exploitants avait une nièce élevée dans une ferme « traditionnelle ». Son père avait usé et abusé des produits phytosanitaires, engrais, herbicides, insecticides, fongicides, et ce sans trop de précautions. Le jeu avec ses voisins était de savoir lequel aurait le plus de quintaux à l’hectare, sans se préoccuper ni de leur santé, ni de celle des consommateurs, pas plus que de celle de la planète. Résultat, Parkinson à cinquante ans. La gamine venait d’avoir seize ans, elle laissait tomber ses études pour s’occuper de son père pendant que sa mère allait gagner de quoi faire vivoter la maison. Cinq ans de fauteuil roulant plus tard, le père est mort et dans la foulée, la mère s’est suicidée. Vingt-deux ans, sans diplôme, la gamine habite dans une chambre de bonne de six mètres carrés et fait des ménages. Elle serait ravie de retrouver une ferme et un vrai travail. À voir.Le dimanche suivant, Mélanie alla chercher Audrey dans son pigeonnier sous les toits et l’amena à la ferme. Rien que le lieu lui fit venir une bouffée de larmes aux coins des yeux, vite essuyée d’un revers de main. C’était une fille solide, bien bâtie, les épaules basses, les attaches fortes, un visage assez banal, de longs cheveux châtains réunis en une natte qu’elle portait devant. Le reste était difficile à percevoir sous sa robe tablier à petites fleurs et son grand gilet marronnasse déformé par le temps. Elle ne dit pas grand-chose à table, juste :— C’est rudement bon !Mais quand Mélanie se leva et dit aux garçons de lui faire visiter l’exploitation, elle s’écria :— Non, non, Madame, laissez, je vais faire. Y en a pour cinq minutes, on ira après.Effectivement, il ne lui fallut que quelques minutes pour débarrasser la table, faire la vaisselle et donner un coup de balai. Une vraie fée du logis ! Le soir, quand Mélanie eut ramené Audrey après le dîner, elle échangea avec Julien :— Vous l’avez impressionnée, la petite. Elle n’en revenait pas de vos purins d’ortie et de consoude.— Oui, elle m’a surpris. On sent bien qu’elle est née dans une ferme. Elle a admiré nos vaches et nos cochons, mais elle s’est surtout intéressée aux méthodes de culture. Elle a vraiment le chimique en horreur. Par exemple, elle a demandé à Ludo ses rendements en céréales, et comment il arrivait à soixante quintaux sans intrants. Tu vois ? Méfiante. Mais quand il lui a expliqué la rotation des cultures, l’absence de labour, le sol toujours couvert, l’utilisation de trèfle, de fumier, de BRF, elle a vachement apprécié.— C’est bien, et puis elle n’a pas les deux pieds dans le même sabot. Elle se lève à cinq heures, ménage dans une entreprise de cinq heures et demie à huit heures, ménage dans des bureaux de dix-huit heures à vingt heures trente et quelques particuliers dans l’intervalle. Tout ça pour manger et payer sa mansarde…— Et alors, elle est intéressée par ta proposition ?— Tu penses ! Un SMIC, logée nourrie, c’est Byzance pour elle. Elle commence le premier du mois prochain.— Super, ça va te changer la vie.Audrey s’installa, elle aussi dans la fameuse longère encore en travaux. Mais les chambres de l’étage avaient été préservées avec leurs salles de bain. Ce n’est que l’espace central commun qui a été démoli pour réaliser une mezzanine au-dessus de l’ancienne grange, couvrant l’espace cuisine de l’immense living. Il y avait encore quelques angles de plafond mansardés, mais rien à voir avec son ancienne chambrette. Elle disposait d’une vraie fenêtre en pignon, de grands placards, d’une belle salle de bain, et puis la présence de Ludovic à l’autre bout du couloir la rassurait. Première au travail, elle préparait le petit-déjeuner pour tout le monde et ne rechignait pas à la tâche.— Audrey, vous voudrez bien faire le ménage ? Moi je vais faire le pain…— Bien sûr, Madame, mais… si je peux me permettre… si j’allais faire le pain avec vous, j’apprendrais et je pourrais un jour vous remplacer. Si vous voulez…— Mais oui, bien sûr, tu as raison. Le pain ce matin, les fromages cet après-midi.— Chouette ! J’ai très envie d’apprendre des choses nouvelles.La première fois, Mélanie fit et Audrey regarda. La seconde, Audrey fit sous les conseils de Mélanie. La troisième fois, Audrey fit seule le pain. Les fromages, ce fut un peu plus long, car la chose est plus délicate. Et tout le reste se passa ainsi, c’est à dire fort bien. En quelques semaines, pour toute activité en dehors des comptes et de la commercialisation, Audrey pouvait se substituer à Mélanie. Pire, elles étaient devenues complices. Aussi, un vendredi soir, Mélanie se permit de lui dire :— Demain, tu viens au marché avec moi. Dès qu’on a fini, on fait les magasins. Je ne veux pas te faire de peine, mais tu es nippée comme l’as de pique !Cette fois encore, Audrey n’en revint pas… Et quelque part Mélanie non plus. Quand elle incita la jeune fille à choisir des dessous fantaisie, lui disant :— Ne t’inquiète pas, c’est moi qui paye. Cadeau de bienvenue. Mais choisis des trucs jolis, sexy, qui te fassent penser « ah si vous saviez messieurs ce qu’il y a sous mes vêtements ! Les culottes en coton, c’est bien quand on a ses règles… »Alors Audrey essaya des petits ensembles, colorés, en dentelle, coquins, et elle fit entrer Mélanie dans la cabine d’essayage en lui disant :— Tu crois que ça me va, ça ? J’ai l’impression d’être un saucisson de Lyon…— Putain, dis donc, mais t’es vachement bien gaulée ! Si je m’attendais… Bien sûr que ça te va. Tu es superbe, même moi, tu me fais envie.Elles revinrent par la longère pour poser la multitude de paquets, une vraie garde-robe. Audrey était rouge de plaisir et reçut l’ordre de mettre une tenue « à faire tomber les garçons ». Si bien que quand les deux nigauds arrivèrent pour déjeuner, ils restèrent un instant mâchoires pendantes et bouche bée. Mélanie se marrait derrière sa serviette, elle avait eu le temps de donner à Audrey un trait de mascara et un soupçon de rouge à lèvres. La jeune femme paraissait soudain plus grande et élancée, grâce à des sandales à talons compensés qui la grandissaient de dix centimètres, et à sa natte roulée en chignon au sommet du crâne, cheveux bien tirés. Pour le reste, c’était jean élastique moulant ses jambes au millimètre et petit pull mohair moulant des seins bien mis en valeur par un soutif connu des seules deux femmes. Adieu l’Audrey terne et triste comme un jour sans pain, l’Audrey nouvelle est arrivée avec de belles promesses bien rondes et une jolie silhouette.— Quoi, dit-elle en louchant, j’ai une punaise sur le nez ?— N… non, mais… t’es rudement transformée…— C’est Mélanie la bonne fée. Elle m’a dit de m’habiller « à faire tomber les garçons ». Et ça ne vous plaît pas ?Évidemment, ils ne manquèrent pas l’occasion de tomber de leurs chaises et de se rouler par terre. Et à chaque fois qu’Audrey se levait pour aller chercher un plat, deux paires d’yeux la suivaient et les messes basses allaient bon train :— T’as vu ce cul rond et fendu comme une pêche ?— Ouais, et ces nib’s ! Incroyable. Elle cachait bien son jeu…Si bien que, le repas terminé, ils ne quittaient pas la table et que Mélanie dut les mettre dehors. Au programme, décaper les tomettes fraîchement posées de la longère, un boulot harassant, à genoux et au savon noir, mais à l’abri, car il pleuvait des cordes. Ils firent tant et si bien qu’au milieu de l’après-midi ils commencèrent à rapporter les meubles stockés dans la grange et à réaménager l’espace. Des éléments des deux cuisines, ils en composèrent une seule, plus grande et mieux équipée, notant à chaque fois ce qu’il faudrait racheter, mais aussi revendre. Mélanie leur indiqua une source intéressante : son grenier où se trouvaient de vieux meubles de la famille Germain. Ça brossa, lessiva, gratta, ponça, cira et astiqua tout le dimanche, pluvieux également. Le résultat était assez stupéfiant. Le vaste espace un peu vide se remplit de meubles et d’objets détournés, exactement comme s’ils avaient fait les brocantes. L’étagère d’un vaisselier servait de rangement aux CD et DVD, une armoire normande cachait le téléviseur et, au-dessous, un bar à apéritifs, une table ronde aux pieds tournés, laquée en blanc comme les quatre chaises paillées, constitua un coin repas sympathique. Les deux canapés devinrent canapé d’angle autour d’un vieux miroir à cadre doré faisant office de table basse. Les dames furent assez épatées, mais remarquèrent :— Ça manque de voilages et de plantes vertes, ici, sinon c’est vraiment sympa. Mais ça, c’est notre boulot !Mélanie tint à aller jusqu’au bout de la restauration, même s’il n’était plus question de Coralie. Clôture, abri de voiture, terrasse, allées et crépis, tout fut refait à neuf. À la fin du printemps, Audrey et Ludovic se croyaient, sinon dans un palace, tout au moins dans une maison de rêve. La jeune fille assurait l’entretien de l’intérieur, le jeune homme celui des extérieurs, dans une symbiose à la fois forte et spontanée. Mélanie avait misé gros là-dessus, espérant rattraper la rupture avec Coralie dont elle se considérait toujours responsable. Et au final, elle en était ravie parce qu’Audrey avait bon esprit malgré plus de simplicité et moins de diplômes. Elle lui racontait qu’ils avaient regardé la télé ensemble jusqu’à point d’heure, ou qu’ils étaient allés se promener au clair de lune, parfois qu’ils avaient joué avec les petits cochons laineux… Ils se rapprochaient, c’était évident, et il n’était plus besoin de dire à la jeune fille de soigner son apparence. Jusqu’au jour où Audrey, dans le labo entre deux fromages, questionna Mélanie :— Mélanie… j’suis embêtée, entama-t-elle en rougissant jusqu’aux oreilles… Avec Ludo… euh… enfin ça va bien entre nous, et…— Et ?..— Tu vois, je me sens fortement attirée par lui… et lui aussi, je crois…— Ben, c’est plutôt pas mal, ça. Qu’est-ce qui te gêne ? Vous êtes libres et majeurs tous les deux, non ?— Si, bien sûr, mais… Il voudrait bien… mais moi, j’ai jamais fait…— Oh, ma puce ! Mais c’est merveilleux, tu lui fais un sacré cadeau, là.— Peut-être, mais j’ai un peu peur… je sais pas comment faire.— Ha-ha ! D’accord. Alors un, ne te fais pas peur. Y a des milliers d’années que tout le monde y est arrivé sans mode d’emploi, sinon on ne serait pas là. Ensuite, pour une première fois, je te conseille une chose : tu prends les choses en main, si j’ose dire. C’est toi qui fait, parce que c’est toi qui sens ou ressens. Tu diriges, il doit te laisser faire.— Ben oui, mais je fais quoi ?— Dans un premier temps, tu le laisses te bouffer le minou, de façon à être bien mouillée, bien prête. Mais s’il veut aller plus loin, tu l’arrêtes en le prenant en main pour lui rendre la pareille, et tu le suces.— Ça, je sais pas faire…— On va t’entraîner. Ensuite tu le colles sur le dos et tu le positionnes à l’entrée, et c’est toi qui descends dessus, à ta vitesse, comme tu le sens. Y en a qui ont un peu mal, d’autres pas, certaines saignent un peu et d’autres non. Tu verras, mais au moins c’est toi qui gères. Mais une chose est certaine, tu devrais d’abord voir un toubib pour prendre la pilule. Pas la peine de choper un Mickey dès le premier tour de manège !— Ah OK. C’est compliqué…— Mais non. Tiens, dès qu’on a fini avec ça, je t’emmène chez le médecin.Pensant au calibre de Ludovic, elle lui donna une carafe pour s’entraîner et l’emmena chez son vieux toubib.— Hum… je vois, dit le vieux sage. Le problème, c’est que j’ai besoin de vous faire un frottis du col de l’utérus, et actuellement je ne peux pas. Si vous pensez que l’hymen n’est plus, de nos jours, une membrane indispensable, je pourrais peut-être vous l’inciser…C’est ainsi qu’Audrey perdit sa fleur, sans toutefois perdre sa virginité, de manière indolore sous l’effet d’un spray anesthésiant.Quelques jours plus tard, la jeune fille et son voisin de chambre avaient les yeux dans des valises et un sourire béat au petit déjeuner. Mélanie et Julien étaient dans le même état presque tous les jours, mais la futée ne manqua pas de questionner sa cadette dès qu’elles furent seules :— Alors ? C’était comment ? Raconte…— Ben… ça se voit tant que ça ?— Oh oui !— Super. Absolument super. Je comprends tout, maintenant : pourquoi on parle de septième ciel, de petite mort, pourquoi les gens mettent autant d’ardeur pour faire ça. Vraiment, sublime.— Ahhh ! Tant mieux. Je suis ravie pour vous deux.— Cependant, puisqu’on en parle, y a un truc qui m’a choquée…— C’est à dire ?— Ben… Ludo s’intéresse beaucoup à… mon trou de balle.— Ha-ha ! Ben oui, normal.— Ah bon ? C’est normal qu’il y glisse un doigt quand je suis sur lui ou qu’il le lèche ?— Ben, bien sûr !— Mais c’est dégoûtant, non ? C’est sale.— Est-ce que ça te fait mal ?— Ben non.— Est-ce que ça t’excite ? Est-ce que c’est bon ? Est-ce que ça te plaît ?— Euh… on peut dire ça, oui, mais c’était un peu gênant.— En amour, rien n’est gênant. Tu lui as bien sucé la queue, n’est-ce pas ?— Oui, sur ton conseil…— Pourtant c’est bien par là qu’il fait pipi, non ?— C’est vrai, maintenant que tu le dis…— Bon, eh bien une femme dispose de trois orifices, la bouche, le sexe et l’anus. Trois endroits pour faire l’amour, sans compter les mains, l’entre deux seins ou n’importe où ailleurs.— Faire l’amour dans l’anus, s’écria-t-elle affolée.— Attends, ma chérie, si personne n’avait utilisé cette voie depuis la nuit des temps, on ne serait pas sept milliards sur terre, mais cinquante ! C’est la pilule du pauvre, le moyen de se faire plaisir sans faire de marmots.— Ouah ! J’imaginais pas…— Seulement, il faut prendre quelques précautions, surtout avec ton Ludo et son gros calibre.— Ah, parce que tu connais le sexe de Ludo ?— Arf ! Désolée, mais oui. Figure-toi que bien avant que tu n’arrives ici et même qu’on te connaisse, j’étais seule avec ces deux loustics et… ben un jour… on s’est retrouvé au lit tous les trois.— Tous les trois ? Ah la vache !…— Tu l’as dit, je n’ai jamais tant joui. En fait, j’étais amoureuse de Juju depuis bien longtemps, il a fait son apprentissage ici avec mon défunt mari. Je n’étais pas amoureuse de Gus, je le lui avais dit et je ne l’ai jamais trompé. Quand il est mort, je n’allais pas jouer les veuves joyeuses et me jeter sur Julien pour m’envoyer en l’air. J’ai attendu. Et puis Julien a fait venir Ludovic. Et un jour d’été torride où ils jouaient comme des gamins avec l’eau du puits, on a joué ensemble, on a chahuté et puis… C’est Julien que je voulais, mais on n’allait pas laisser Ludo tout seul sur le bord du chemin. Voilà. Mais ne t’inquiète pas, Ludo est à toi, Juju me suffit. N’empêche qu’il a fallu que Juju fasse le passage avant que Ludo puisse se carrer entre mes fesses.— Ho-ho-ho ! J’en découvre des choses… Mais c’est pour ça que la chambre de Julien est toujours impeccable, le lit fait. Je m’étonnais en faisant le ménage. Je suis vraiment une cruche…— Mais non, tu es toute droite, toute franche et naïve et c’est très bien comme ça, ne change rien.— Remarque c’est super, chacune notre homme et tout le monde est heureux.— Tout à fait.— Alors qu’est-ce qu’il faut faire si Ludo veut… par là ?— Il faut te préparer, tranquillement, et agrandir ton petit trou. Tiens, je vais te prêter un petit appareil que j’utilisais quand j’étais seule, un godemiché. C’est comme une bite, mais en plastique, avec un flacon de gel pour le lubrifier. Quand tu seras arrivée à le faire rentrer tout entier dans ton cul, alors tu seras prête.— Oh merci Mélanie. Sans toi, je serais restée une cruche toute ma vie.Quelques jours plus tard, à la façon dont Audrey prit son café debout, Mélanie devina qu’elle avait franchi le pas et qu’elle ne serait plus jamais constipée…