Antoine se redressa sur les coudes et tourna la tête vers la porte de la salle de bain depuis laquelle provenaient des bruits d’eau. Il soupira d’aise puis se recoucha, enfouissant sa tête dans l’oreiller moelleux de cet hôtel de charme. Il adorait ce moment où il se sentait tellement bien. Quand il avait joui, il avait l’impression d’être le roi du monde. Il avait l’habitude de voir cela comme des vases communicants. À mesure que ses sacs se vidaient, son bien-être emplissait son esprit et il devenait un homme, un vrai. Il sourit à cette idée. Évidemment qu’il était un homme, quelle question ! Cependant, le sexe le lui faisait encore plus sentir. Comme il aimait labourer une femme et la remplir. C’était un tel plaisir. La porte de la salle de bain s’ouvrit enfin et la jeune femme qui l’occupait en sortit. Antoine ne la trouvait pas extraordinaire, mais elle avait au moins le mérite d’exister. Il lui sourit, mais elle ne lui accorda pas même un regard. Elle mit ses chaussures, ramassa son sac et se dirigea vers la porte.— On échange nos coordonnées ? proposa Antoine.La jeune femme se tourna vers lui, le regarda enfin puis souffla d’une voix froide :Antoine accusa le choc avec difficulté. Même si elle n’avait pas été parfaite, il avait tout de même bien apprécié cette soirée. Il fit la moue, mais la jeune femme ne s’en préoccupa nullement. Elle ouvrit la porte et disparut dans le couloir.— Au revoir quand même, murmura Antoine, dégoûté.Il se leva, se lava rapidement puis sortit. Après avoir payé la chambre – une note qu’il trouva plutôt salée pour la seule heure qu’il l’avait utilisée –, il rentra chez lui. Il alluma immédiatement l’ordinateur et lança le chat qui lui avait permis de rencontrer Ary, la jeune femme qui venait de le quitter plutôt abruptement. Désireux d’avoir des explications, il lui envoya un message auquel elle ne répondit pas et pour cause, elle le bloquait. Il jura sur son siège.— Encore ! Mais ce n’est pas possible ! C’est la quatrième ce mois-ci ! Qu’est-ce qu’elles ont toutes !Il maudit ces femelles stupides qui n’expliquaient même pas leurs raisons. C’était à chaque fois la même chose. Elles lui parlaient volontiers, acceptaient de le rencontrer puis de le rejoindre dans une chambre d’hôtel après la discussion préalable et ensuite, une fois l’acte fait, elles partaient sans dire un mot et refusaient de lui adresser la parole. Non, décidément, il ne comprenait pas. Lui n’avait qu’une hâte : recommencer. Ces soirées étaient toujours géniales, mais visiblement, l’autre partie n’était pas de cet avis. Il contacta Lucie, une amie de Ary, via le chat afin de lui demander des explications.— Tu es nul au lit, voilà la raison, répondit Lucie sans détour avant de le bloquer à son tour.Antoine se retint avec justesse de ne pas exploser son écran qui n’y était strictement pour rien si ses pixels avaient formé ces mots. Antoine se leva, fit les cent pas, sentant une rage profonde pénétrer ses entrailles. Pas doué au lit ? N’importe quoi ! Il était très fier de son canon qui était d’une taille plus qu’enviable. Comme une femme pouvait-elle ne pas apprécier ? C’était ridicule, tout simplement ridicule ! Antoine tourna en rond, cassa un verre qu’il dut ensuite ramasser avec précaution pour ne pas se blesser puis partit prendre une douche froide histoire de se calmer. Finalement, il se coucha de mauvaise humeur et dut prendre un calmant pour parvenir à trouver le sommeil.Le lendemain, au travail, il fut d’une humeur exécrable, surtout après que Harry, son collègue de bureau, lui ait lancé :— Alors, encore une qui t’a jeté ? Mon pauvre ! Tu dois vraiment être nul, comme je te…Il n’avait pas pu terminer, car Antoine lui avait envoyé son bloc note à la figure. Harry s’était donc tu, mais un petit sourire n’avait pas quitté son visage de toute la journée. Au restaurant de l’entreprise à midi, Antoine vit Harry en grande discussion avec d’autres collèges qui le désignaient et lui lançaient régulièrement des petits regards moqueurs. Antoine se maudit d’avoir une fois parlé à Harry. Comme il regrettait aujourd’hui de s’être confié à cet abruti, permettant à son collègue de le couvrir de ridicule à la moindre occasion. S’il s’était décidé à lui parler quelques mois plus tôt, c’était parce que Harry, bien que marié, avait de nombreuses maîtresses qui semblaient l’adorer et le réclamaient avec ardeur. Antoine avait cru trouver de l’aide auprès de lui, mais il n’avait gagné que mépris et moqueries. Le soir venu, il fut heureux de retourner chez lui, même si c’était pour retrouver un appartement miteux au septième étage. Il s’installa devant l’ordinateur, se connecta sur le chat et discuta jusqu’à minuit, s’étant arrêté à peine trente secondes pour aller faire chauffer un plat tout prêt dans le micro-onde et l’avoir avalé en lui portant si peu d’attention qu’il aurait été incapable de dire ce qu’il avait mangé.Le lendemain matin, en passant devant la boîte aux lettres, il avisa que cela faisait trois jours qu’il n’avait pas vérifié son contenu. Il l’ouvrit donc et des lettres, nombreuses, tombèrent sur le sol. Trois jours ? Hum, plutôt deux semaines. Enfin, tant pis, se dit Antoine. Il ramassa le tout, le fourra dans sa mallette et n’éplucha le tout qu’une fois installé dans le bus. Il trouva une facture d’électricité ainsi que sa lettre de rappel. Il soupira en l’ouvrant. Après avoir signé à l’emplacement prévu à cet effet, il mit le tout dans une enveloppe qu’il timbra. Il avait en effet toujours avec lui tout le nécessaire à courrier, étant habitué à régler ces problèmes dans le bus. Il mettrait ensuite les enveloppes dans la boîte à courrier de son entreprise et s’éviterait ainsi de devoir trouver une boîte aux lettres – il vivait dans cet appartement depuis plus de cinq ans, mais ignorait toujours où se trouvait la plus proche. Il continua à trier son courrier. D’autres factures – eau, téléphone, gaz, Internet – suivirent, entrecoupées de publicité qu’Antoine posa sur le siège libre à côté de lui. Dans le lot se trouvaient deux calendriers très simples en carton. Il les regarda à peine et les posa sur le siège « publicité ». Une fois arrivé, il les jeta dans la première poubelle venue avec le reste puis partit travailler.Pendant deux semaines, Antoine dut se contenter de sa main, car aucune fille n’accepta de le rencontrer. Apparemment, Ary avait prévenu tout le monde. Résigné, Antoine changea encore une fois de chat et passa une soirée entière à draguer sans trop de résultats. Lorsqu’il regarda le courrier le lendemain dans le bus, il remarqua deux autres calendriers et lança à voix haute :— Mais c’est quoi ces cons qui essayent de me refiler un calendrier de l’année passée ? N’importe quoi !Il les jeta donc avec les autres pubs.Deux semaines plus tard, ils étaient encore là et cette fois, Antoine s’énerva tout seul.— Mais… mais foutez-moi la paix ! Ce n’est pas possible ça ! Ils viennent de qui, d’abord, ces calendriers ?Il les retourna – l’un était de l’année passée et le second de l’année en cours –, mais il n’y avait pas d’expéditeur. Plus surprenant encore, ils n’affichaient aucune marque. Qui essayerait de refiler des calendriers sans même en donner la raison et encore moins annoncer le nom de la société le faisant ? Le but de distribuer gratuitement des choses était de se faire connaître. À quoi bon si on ne disait pas qui on était ?— Encore des chômeurs ou des sans-papiers qui nous offrent leurs merdes, soupira Antoine avant de se débarrasser pour la troisième fois des objets.Le lendemain, en passant devant sa boîte aux lettres, Antoine s’arrêta et regarda l’objet en fer avec suspicion. Il l’ouvrit et se retint de lancer une injure bien sentie en voyant les calendriers trôner à l’intérieur. Il s’en saisit et les déchira avec rage avant de partir travailler. Mardi, ils étaient encore là . Mercredi, jeudi, vendredi, impossible de s’en défaire. Samedi, il attendit le facteur pour lui demander qui lui envoyait ces calendriers et fut estomaqué de constater qu’il ne lui apportait rien. Pourtant, lorsqu’il ouvrit sa boîte aux lettres, les calendriers s’y trouvaient. L’expéditeur se déplaçait donc lui-même pour apporter ces « cadeaux ». Antoine, bien décidé à mettre un terme à tout cela, frappa à la porte de sa concierge, qui lui annonça n’avoir jamais vu personne d’autre que le facteur déposer quoi que ce soit dans sa boîte. Antoine soupira puis remonta chez lui, les calendriers à la main. Alors que son ordinateur s’allumait, il regarda les calendriers. Il remarqua alors que certains jours étaient cochés. Il ne l’avait jamais remarqué, jusque-là , n’ayant pas vraiment eu envie de s’attarder sur ces objets de peu d’importance. Sur celui de l’année passée, presque tous les jours avaient été cochés et certains avaient même été entourés. Antoine secoua la tête. On lui donnait un calendrier déjà marqué ? C’était vraiment n’importe quoi. Toujours l’année passée, deux mois affichaient une différence. Là , aucune coche mais presque tous les jours entourés. Sur celui de cette année, chaque jour était coché et certains – dans un aléatoire apparent – étaient entourés. Dernier entouré : avant-hier, et aujourd’hui n’avait pas été coché. Antoine regarda cela avec un désintérêt total, jeta les calendriers sur son lit depuis son siège d’ordinateur et se connecta à un chat.Il discutait avec une fille lorsqu’il eut une illumination. Il se leva et alla chercher les calendriers. Les deux mois différents l’année passée faisaient maintenant écho à ses souvenirs. À ce moment-là , il était avec Mireille, la seule femme avec qui il avait passé plus d’une soirée. C’était une folle, une nymphomane et une maso. Au début, Antoine avait apprécié, mais plus le temps avait passé et plus ça avait été compliqué et il l’avait finalement larguée. C’était d’ailleurs la seule femme avec qui il ait rompu, les autres l’ayant toujours devancé. Il regarda ensuite le calendrier de l’année en cours. Avant-hier, entouré et ensuite, un mois et une semaine avant de retrouver un autre jour entouré. Entre temps, tous les jours avaient été cochés. Avant-hier, il avait couché avec Madon, une femme rencontrée via un site de rencontre – inutile de préciser qu’elle était partie en courant une fois l’acte terminé – et un mois et une semaine auparavant, c’était Ary. Antoine n’en croyait pas ses yeux. Ainsi, quelqu’un le surveillait, le suivait et notait les jours où une femme le rejoignait dans un lit. Il sut immédiatement quoi faire. Il prit son manteau, mit ses chaussures, emporta les calendriers et se rendit immédiatement au commissariat.— Vous désirez, monsieur ? demanda le policier derrière le guichet.— Je voudrais porter plainte contre X et recevoir une protection policière.— Ah… veuillez vous asseoir. Un lieutenant va venir s’occuper de vous.— Je vous remercie.Antoine attendit une petite demi-heure avant de voir arriver un policier en uniforme d’une trentaine d’années. Il se leva et le suivit jusqu’à un bureau où une de ses collègues l’attendait. La femme policière, âgée d’une quarantaine d’années, imposait le respect à quiconque l’approchait. Antoine s’assit lorsqu’on le lui proposa.— Alors, monsieur, expliquez-moi ce qui vous arrive.— Voilà , lieutenant, depuis maintenant plusieurs semaines, je reçois ces calendriers dans ma boîte aux lettres. J’ai beau les jeter, ils reviennent. L’expéditeur ne se lasse visiblement pas de me pourrir la vie.— Monsieur, dit le lieutenant, c’est de la publicité. On ne peut rien contre ça. Moi aussi j’aimerais ne pas en recevoir. Mettez un panneau « Pas de pub » sur votre boîte aux lettres. Parfois, ça les retient.— Lieutenant, vous ne comprenez pas. Les calendriers reviennent dès que j’ai pris le courrier et que je les ai jetés. Je veux dire… à chaque fois que j’ouvre ma boîte, il y a ces calendriers à l’intérieur, que je vérifie mon courrier tous les jours où toutes les semaines. L’expéditeur me surveille.— Cela ne prouve rien, dit le policier. C’est probablement une coïncidence.— Ma concierge m’assure que personne d’autre que le facteur ne me dépose du courrier et ces calendriers ne sont pas envoyés par la poste, j’ai vérifié.— Votre concierge ne peut assurément pas surveiller vos boîtes aux lettres toute la journée, dit le lieutenant. Elle l’a raté, tout simplement. À moins que vous n’ayez d’autres précisions à apporter, je crains que de ne rien pouvoir faire.Antoine regarda la femme policière. Cela le gênait d’en parler devant elle.— Votre collègue ne pourrait-elle pas nous laisser. Je… je préférerai parler à un homme seulement.— Monsieur, dit le lieutenant, je peux vous assurer que ma collègue a entendu et vu beaucoup de choses. Rien ne peut plus la choquer alors parlez sans crainte.— Soit, dit Antoine en prenant une grande inspiration. Si vous regardez bien ces calendriers, vous verrez que certains jours sont entourés. Ces jours-là , j’ai fait l’amour avec une femme.Les deux policiers examinèrent les calendriers et s’envoyèrent un regard légèrement moqueur.— De plus, dit Antoine sans se laisser démonter, les deux mois différents l’année dernière correspondent à ma relation avec Mireille, que j’ai quittée le jour indiqué sur le calendrier. C’est clair, non ? Quelqu’un me suit depuis plus d’un an ! Je veux être protégé par la police !— Monsieur, dit la policière qui parlait pour la première fois, loin de moi l’idée de paraître déplaisante, mais… nous n’avons guère le temps pour ce genre de choses. Avez-vous été menacé d’une quelconque façon ?— Euh… non, pas vraiment, mais celui ou celle qui écrit ces calendriers pourrait…— Hé bien, voilà , continua la femme, s’il vous arrivait quelque chose ou si cette personne entrait par effraction chez vous, nous agirions. En attendant, nous ne pouvons rien faire.— Vous voulez dire que vous allez attendre que je me fasse agresser pour agir ?Les policiers ne répondirent rien, mais leurs regards le firent pour eux.— En même temps, monsieur, dit la femme, si cette personne vous observe depuis plus d’un an, elle aurait eu tout le temps de vous faire du mal. Si elle se contente de vous envoyer des calendriers, ce n’est pas très grave. Si cela venait à empirer, nous vous aiderions, mais pour le moment, nous ne pouvons rien faire. Rentrez chez vous et n’oubliez pas de fermer votre porte à clef.Antoine sortit du commissariat furieux en insultant copieusement, mais silencieusement les agents des forces de l’ordre. Il rentra chez lui dépité et dégoûté. Il lui semblait incroyable que ces policiers ne l’aient pas pris au sérieux. Les preuves étaient pourtant nombreuses ! Il était parfaitement évident qu’il était surveillé et pourtant aucun des deux n’avait montré le moindre intérêt pour son histoire. Il claqua la porte en rentrant, décidément énervé. Il s’installa devant son écran, mais ne se trouva pas l’envie de chatter. Il avait l’impression d’être surveillé et préféra lire un livre.Il tint quatre jours avant de se remettre à draguer sur le net. Antoine avait été surpris de ne pas recevoir de calendriers le lendemain, mais en fut ravi. Cela lui prit onze jours pour obtenir un rendez-vous avec une chatteuse et deux de plus pour l’amener dans son lit. En voyant son canon, elle sembla réellement impressionnée et ses yeux se mirent à briller. Pourtant, un quart d’heure plus tard – après avoir pris une douche, elle quitta la chambre sans un mot, comme les autres. Antoine n’en revenait pas. La jeune femme était délicieuse, sublime, intelligente, raffinée. Elle lui aurait beaucoup plu, mais elle l’avait fui. Antoine était dépité. Il rentra chez lui, sincèrement déçu. Il avait eu l’orgasme désiré, mais ce n’était visiblement pas le cas de cette jeune femme. Il secoua la tête et s’endormit.Le lendemain soir, il ne chatta pas. À quoi bon baiser si ses partenaires n’aimaient pas ? Il fallait s’y résoudre. Il se contenterait de sa main, qui, elle, ne se plaignait pas. Il ne supportait plus les regards noirs de ces femmes avec qui il avait été seul à avoir du plaisir. Pendant deux semaines, il lut chaque soir et ne dragua pas sur Internet. Le 17 avril, il trouva un calendrier dans sa boîte aux lettres. Les jours étaient correctement cochés. Antoine se demanda comment le prendre. Il se sentait triste ces derniers temps et ne parvint même pas à se mettre en colère. Il rangea le calendrier et continua à lire.Mi-mai et mi-juin, il reçut à nouveau un calendrier. Il se contenta de les ranger dans un tiroir sans même les regarder. Le sexe lui manquait, mais il ne voulait plus avoir à subir les rejets des filles qu’il côtoyait. Le jeudi 5 juillet, en rentrant chez lui, il trouva un bout de carton plié en deux accroché à sa porte. Il regarda autour de lui, mais il était seul. Il décrocha la carte et la déplia.« Bonne fête, Antoine. »Il regarda l’objet avec stupéfaction. Cela venait-il d’un voisin ? Ça serait bien la première fois. Il entendit le téléphone sonner chez lui et se dépêcha donc d’entrer.— Bonne fête Antoine !— Maman ? C’est gentil d’y avoir pensé ! répondit Antoine.Ils discutèrent, sa mère lui demandant des nouvelles puis il parla avec son père. Enfin, il reprit sa mère et lança :— Dis maman, c’est toi qui m’as envoyé une carte pour me souhaiter une bonne fête ?— Mon chéri, si je t’avais envoyé une carte, d’abord je l’aurais signée et ensuite, ça aurait voulu dire que je me savais incapable de te téléphoner.— C’est vrai, admit Antoine.Il embrassa sa mère puis raccrocha, interloqué. Qui pouvait bien lui avoir envoyé cette carte et pourquoi cette personne n’avait-elle pas signé ? Antoine se demanda un instant si ce n’était pas Mireille puis mit cette idée de côté : ce n’était pas son style du tout. S’il y avait eu un fouet et des menottes sur la carte, pourquoi pas. Mais là , elle était bleue sans aucun motif. Il y avait différents tons de bleu, mais ni dessin ni symbole. Rien ne pouvait désigner un expéditeur. Antoine se demanda soudain si… Il regarda les calendriers. Eux non plus n’avaient pas d’expéditeur. Il comprit alors que l’absence de signature en était une. La personne qui le surveillait venait de faire un pas de plus. Antoine regarda la carte. C’est une délicate attention, se dit-il. Lui qui avait toujours désiré voir quelqu’un d’autre que ses parents lui offrir ce genre de carte ne put pas ne pas sentir un pincement au cœur. Oui, cette carte lui faisait vraiment plaisir. Il la posa sur sa table de chevet et soupira. Il s’assit sur son lit et enfouit son visage dans ses mains. Il ne comprenait pas. D’abord, quelqu’un lui annonçait qu’il était surveillé, lui fichant la peur de sa vie et maintenant, cette personne se montrait agréable, très agréable. Qui que ce soit, l’inconnu venait de toucher un point faible et Antoine en était retourné. Il dut prendre un somnifère pour trouver enfin le repos ce soir-là .Le lendemain soir, en rentrant du travail, il trouva un petit sachet de velours noir accroché à sa porte. Il entra et l’ouvrit une fois seul à l’intérieur ; il contenait un petit émetteur-récepteur. Il était muni d’un interrupteur permettant de l’éteindre et de l’allumer. Bien que petit, l’objet n’en parut pas moins ingénieux à Antoine. Que cette merveille de technologie soit capable d’envoyer et de recevoir du son à des kilomètres à la ronde ne l’étonnerait pas. Il l’alluma et attendit, mais rien ne se produisit. Timidement, il lança :Il n’eut aucune réponse. Il le posa près de son lit et partit prendre une douche. Une heure après, il avait complètement oublié sa présence et encore plus lorsqu’il éteignit pour se coucher.Antoine sourit à la douce et magnifique voix de femme qui l’appelait. Il était en plein rêve érotique. Il voyait une splendide rousse aux mensurations parfaites lui faire signe de le rejoindre dans le lit doux et moelleux dans lequel elle était déjà couchée et offerte.— Antoine ? insista la voix.Antoine bougea légèrement, contrarié par ce bruit et soudain, il se rendit compte que la voix était réelle. Il se réveilla en un instant et se retrouva assis sans même l’avoir consciemment demandé.— Désolée, je ne voulais pas te faire peur.Antoine regarda autour de lui. La lumière filtrant par les rideaux lui apportait une clarté largement suffisante pour voir correctement, preuve qu’il devait être près de dix heures. Il était seul dans la pièce. Était-il en train de rêver tout éveillé ?— Tu as bien dormi ?Antoine se rendit alors compte que la voix sortait du petit appareil posé sur sa table de chevet. Il le prit dans ses mains, n’en croyant pas ses yeux et ses oreilles. Le son était parfait, tellement qu’on avait l’impression que l’interlocutrice était là , juste à côté de lui. Il accepta rapidement ce fait puis décida de réagir.— Ma foi oui, et toi ? répondit-il en choisissant volontairement de tutoyer la femme, lui rendant ainsi sa politesse.— Comme toujours, merveilleusement, répondit la femme.— Qu’est-ce que tu me veux ? demanda Antoine d’un ton froid en se levant.— Moi ? Rien que tu ne désires, assura la femme.— Je veux que tu te barres et que tu me fiches la paix, répliqua Antoine en passant un jean.— Tu ne semblais pas de cet avis en recevant ma petite carte, rétorqua la femme d’une voix espiègle.— Ta gueule ! s’exclama Antoine. Je ne t’ai rien demandé alors ne viens pas me faire chier !— Quelle agressivité ! dit la femme d’une voix calme. Qu’ai-je fait pour mériter cela ?— Tu m’as espionné, commença Antoine en passant le tee-shirt posé sur le dossier de sa chaise d’ordinateur. Tu m’as fait passer pour un idiot devant les flics et tu m’as envoyé une carte sans la moindre raison. Alors, maintenant, lâche-moi !— Je ne crois pas t’avoir fait passer pour un idiot devant les policiers. Je ne t’avais pas demandé d’aller les voir. N’es-tu pas un peu excessif ?Antoine sentait que son interlocutrice se moquait de lui et il n’appréciait pas du tout.— Bien sûr ! J’apprends que je suis surveillé. Que crois-tu ? Que je vais laisser faire ? Bien sûr que je vais voir les flics, qui ne le ferait pas ? s’exclama Antoine en passant un pull.— Plein de gens, assura la femme.— Ah ouais ? Ben pas moi ! Tu sais quoi, je vais éteindre ce bordel miniature et me passer de ta présence.Antoine tendait la main lorsque la femme lança :— Tu comptes vraiment aller draguer des filles dans cette tenue ? Quelle chance crois-tu avoir ?Antoine attrapa l’appareil et l’éteignit avec rage. Qu’elle ose se moquer de lui était la cerise sur le gâteau, la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Il ouvrit les rideaux et sortit sur le balcon. Il allait lancer l’émetteur-récepteur lorsqu’il se figea. Comment savait-elle ce qu’il portait ? Ses rideaux étaient clos, elle ne pouvait donc pas le regarder par des jumelles ! Il y avait donc des caméras chez lui. Il rentra et ralluma l’appareil.— Tu as mis des caméras chez moi ? s’exclama-t-il rageur.— Non, répondit la femme avec une réelle sensualité dans la voix.Antoine capta le charme dans la voix et cela l’énerva encore plus.— Arrête ça, ça ne prend pas ! Je vais aller voir les flics !— Comme tu veux, Antoine. Tu es libre d’agir comme tu le souhaites.Antoine sortit et retourna au commissariat. Il fut reçu par les deux mêmes policiers.— Alors, monsieur Blore, du nouveau ? demanda le lieutenant.— En effet, ceci, dit Antoine en posant l’émetteur-récepteur. Elle m’a envoyé ça pour discuter avec moi.— Elle ? Répéta la femme policière.— Elle m’a parlé ce matin et c’est sûr, c’est une femme.— Elle vous a menacé ? demanda le lieutenant.Antoine réfléchit un instant avant de lancer :— Non, pas du tout. Mais elle m’a dit que j’étais mal habillé. Seulement pour ça, elle devait me voir or mes rideaux étaient clos. Je pense qu’elle a mis des caméras chez moi. Je voudrais que vous envoyiez une équipe vérifier.— Rien que ça, dit le lieutenant alors que la femme policière détaillait Antoine de haut en bas en faisant la moue.— Quoi ? s’exclama Antoine en se levant et en s’énervant sur la femme. Vous trouvez qu’elle a raison, c’est ça ? C’est bon, allez vous faire foutre, je me débrouillerai tout seul !— Monsieur Blore, calmez-vous, je vous prie, dit le lieutenant.— C’est bon, je me casse. Je savais que les poulets n’étaient pas doués, ben, maintenant, j’en suis totalement convaincu. Adieu.Sur ces mots, Antoine quitta le commissariat et nul ne tenta de l’en empêcher. Il ne retourna pas chez lui, faisant d’abord un détour par un vendeur de matériel électronique. Il fut cordialement accueilli.— Que puis-je pour vous, monsieur ?— J’aimerai savoir si vous pouviez déterminer le rayon d’action de cet émetteur-récepteur, annonça Antoine en sortant le petit objet.Le vendeur hocha la tête, s’en saisit et utilisa un petit tournevis pour l’ouvrir. À l’intérieur, il n’y avait rien d’autre qu’un bout de métal alourdissant l’objet, probablement pour faire croire qu’il contenait quelque chose.— Mais ? bredouilla Antoine. Comment… comment est-ce possible ?— Ce n’est qu’un bout de plastique, assura le vendeur. Voulez-vous que je le referme ?Antoine réfléchit puis hocha la tête. Le vendeur s’exécuta.— Désirez-vous autre chose ? demanda l’homme en lui rendant son bien.— Existe-t-il un moyen de trouver des caméras ou des micros cachés chez soi ? demanda Antoine.— Bien sûr, venez.L’homme lui en montra de nombreux et Antoine opta pour l’un d’eux. Il testa minutieusement chaque millimètre de son appartement, du sol au plafond en passant par les murs, sans rien trouver. Finalement, il ralluma « l’appareil ». Immédiatement, une voix s’éleva :— Alors, convaincu qu’il n’y a rien ? Tu vas pouvoir constater que je ne te mens jamais.— Tu m’as déjà menti ! répliqua-t-il .— Vraiment ? Quand ça ?— En me faisant croire que cet objet contenait une quelconque technologie ! Comment fais-tu pour me parler alors qu’il n’y a rien là dedans !— Demande-moi ça encore une fois, et je m’en vais définitivement. Mon identité, la raison de ma présence et ma façon de réaliser toutes ces choses resteront à jamais secrètes pour toi.— C’est vrai ? Tu partiras si je le demande ?— Oui, répondit la femme.Antoine hocha la tête. Il avait donc un moyen très simple de la faire partir. Il sourit et décida de continuer à jouer un peu. Elle l’intriguait et sa curiosité l’emportait.— Je ne dois pas te demander la raison de ta présence, mais puis-je te demander ce que tu souhaites ?— Je ne désire que ton plaisir, annonça la femme.— Mon plaisir ? Comment cela ?— J’ai cru remarquer que tu avais quelques soucis avec les femmes. Je viens t’apporter mon aide, répondit la femme.Une bouffée de rage s’empara d’Antoine. Il hurla :— Je n’ai pas besoin de ton aide, ni de celle de personne. Je peux me débrouiller tout seul. Va te faire foutre, connasse !Antoine envoya l’appareil valser dans la pièce. Il s’explosa contre le mur et éclata en morceau. Antoine n’en croyait pas ses oreilles. De quel droit lui parlait-elle de cette façon ?— Sale pute ! Je n’ai pas besoin de toi et je vais te le prouver !Il alluma l’ordinateur et une femme tomba très vite dans ses griffes. Il parvint à obtenir un rendez-vous le jour même. Ravi, il se rendit au dîner sans s’être changé. Le repas fut délicieux, mais lorsqu’il proposa à sa rencontre de le rejoindre à l’hôtel, celle-ci refusa poliment.— Pourriez-vous… me donner la raison de ce refus ? demanda-t-il poliment en retenant la rage qui montait en lui. J’avais pourtant l’impression que je vous plaisais.— Je suis navrée, Thor, répondit la jeune femme en appelant Antoine par le pseudo qu’il se donnait sur Internet, mais…Elle sembla chercher ses mots puis lança :— Je ne parviens pas, comment le dire gentiment, alors je vais être sincère. Thor, dites-moi, depuis combien de temps n’avez-vous pas changé de vêtements et pris une douche ?Antoine en eut le souffle coupé. Il y eut un petit silence gêné puis Antoine, reprenant constance, s’écria :— Mais ce n’est pas possible, vous vous êtes donné le mot ou quoi ? Allez toutes vous faire foutre avec mes vêtements ! C’est ça, tire-toi, lança Antoine alors que sa conquête du jour s’en allait en secouant la tête. Bon vent ! finit-il.Il rentra alors chez lui et serra les dents en constatant qu’un nouveau sachet de velours noir contenant un faux émetteur était accroché à sa porte. Il l’emmena à l’intérieur avec lui, alluma l’appareil puis s’écria :— Quoi ? Quoi ma tenue ? Elle a quoi ma tenue ?La femme se contenta de rire aux éclats. Antoine envoya à nouveau l’appareil s’exploser contre le mur, ses restes allant rejoindre ceux de son précédent et infortuné collègue. Antoine avala ensuite deux somnifères et s’endormit tout habillé. Il passa son dimanche enfermé, seul, à remuer de sombres pensées. Lundi matin, il se leva, avala un rapide café fait la veille et réchauffé au micro-ondes, attrapa son manteau gris puis se dirigea vers la porte. Il allait l’ouvrir lorsqu’il remarqua qu’une petite carte y était accrochée. Il la saisit en ouvrant de grands yeux terrorisés. Pour la première fois, elle avait prouvé qu’elle était en mesure d’entrer chez lui. Il déplia la carte.« Tu as oublié de te laver et de te changer. »Sa peur se transforma immédiatement en haine. Il déchira la carte en mille morceaux en ayant l’impression d’entendre son inconnue éclater de rire derrière lui. Il détestait cette façon qu’elle avait de se moquer. En arrivant au travail, il entendit Harry lui lancer :— À voir ta tête, on dirait que tu es encore moins en forme que d’habitude. Aurait-elle carrément refusé de monter avec toi, cette fois ?Antoine tenta de lui envoyer son poing en pleine figure, mais Harry fut plus rapide et ce fut lui qui se retrouva à l’infirmerie quelques minutes plus tard, le nez en sang. Il reçut un blâme de son directeur et un avertissement. Son agressivité risquait de lui coûter son poste s’il ne réagissait pas rapidement. On lui conseillait au mieux un cours de yoga et au pire un psy. Le trajet de retour fut sombre. Antoine ne trouva même pas la force de s’énerver en voyant le sachet de velours noir accroché sur sa porte. Il entra, s’assit sur le lit et alluma l’appareil sans même savoir ce qu’il désirait : qu’elle parle ou qu’elle se taise. Elle décida de parler.— Bon, d’accord, j’ai compris. Ta tenue, c’est un sujet sensible. Mais tu sais, je ne dis pas ça pour me moquer. Je cherche vraiment à t’aider.Antoine ne répondit rien. Son nez était douloureux et il était fatigué.— Je vais te laisser te reposer, tu as besoin de dormir. Oh, Antoine, fais-moi plaisir : éteins simplement l’appareil quand tu n’as plus envie de parler. Inutile de le détruire. Je respecterai ta volonté.Antoine éteignit l’émetteur sans un mot et la voix disparut. Antoine se coucha et s’endormit comme une masse, éreinté par sa longue journée. Le lendemain, il fut réveillé bien avant son réveil par une violente douleur dans son nez. Il prit un anti-douleur puis, conscient qu’il ne parviendrait pas à se rendormir, alluma l’émetteur puis lança :— Tu es là ?— Je suis toujours là , répondit la femme d’une voix douce et apaisante.— Même à cinq heures du matin ! C’est inespéré.La femme ne répondit rien. Antoine attendit un instant avant de trouver la force d’annoncer :— Bon, d’accord. J’ai une heure à perdre avant de partir travailler. Dis-moi ce qui ne va pas avec mes vêtements.Antoine portait les mêmes habits que le week-end passé. Il ne les avait même pas enlevés pour dormir.— Tu veux vraiment l’entendre ? Tu ne vas pas t’énerver ?— Non, vas-y. J’ai trop mal pour me mettre en colère !— Tu souffres beaucoup ? demanda la femme, visiblement touchée.— Oui, merci de t’en préoccuper.— Il y a des médicaments plus puissants sur ton paillasson. Je te promets qu’ils sont bons pour ce que tu as.— Tu es médecin ? répliqua Antoine.— Non, mais fais-moi confiance. Je sais ce que je fais.Antoine haussa les épaules et se leva. Il trouva un petit sachet en papier contenant un anti-douleur beaucoup plus fort à l’intérieur. Il regarda la posologie avant d’avaler un cachet.— Bien, maintenant, pourrais-tu me dire ce qui ne va pas ?— Antoine, voyons, tu le sais très bien, répliqua l’inconnue. Ton jean, ça fait presque trois semaines que tu le portes. Je suis presque sûre qu’il tient tout seul debout. De même pour ton pull, qui, d’ailleurs, est très laid. Tu ne devrais pas porter les cadeaux de ta grand-mère, sauf pour lui faire plaisir quand tu vas la voir. Ta chemise, ça fait presque dix jours qu’elle est collée à toi. Quant à ton caleçon et tes chaussettes, ils sont en place depuis quatre jours. Tu sais, ce genre de chose se change tous les jours. Enfin, changer de vêtement sans se laver ne sert à rien. Nous sommes au 21ème siècle, pas au moyen-âge. La mode du bain annuel est finie depuis longtemps.— Tu n’as pas bien regardé mon appartement, on dirait ! Je n’ai pas de machine à laver et ma douche tombe en morceaux. Ça ne donne pas très envie de…— Et ton compte en banque, lui, il dit quoi ? Antoine, ça sert à quoi de travailler si c’est pour ne pas utiliser son argent ? Achète-toi une nouvelle douche et une machine à laver. Ce ne sont pas achats inutiles.Antoine soupira puis hocha la tête. Elle n’avait pas tort. Cela faisait longtemps que le jeune homme prévoyait de faire cela mais par fainéantise, n’avait jamais trouvé le temps de le faire. Il se rendit donc dans la salle de bain et ouvrit la porte de la douche. Le calcaire et la saleté régnaient en maître. Il soupira, dégoûté.— Ce n’est pas aujourd’hui que je vais pouvoir me laver, maugréa le jeune homme.— Si tu me promets qu’avant dimanche, il y aura une nouvelle douche et un lave-linge dans cet appartement, alors je suis d’accord pour te faire un cadeau.Antoine réfléchit puis haussa les épaules avant de lancer :— C’est d’accord. Je te promets. Je vais même passer la commande maintenant par Internet.— Vas-y, j’attends.Antoine s’exécuta et la commande fut rapidement passée.— Alors, ce cadeau ? dit-il une fois la dernière formalité effectuée.— Va dans la salle de bain, dit la femme.Antoine fut émerveillé en entrant. La petite pièce était propre du sol au plafond. Les carrelages cassés l’étaient toujours, un tuyau n’avait pas cessé de fuir, mais l’endroit était propre. Antoine put donc se prendre une longue douche chaude et apprécia l’absence de calcaire sur la pomme de douche. Il se changea ensuite entièrement, mettant un nouveau jean, un tee-shirt propre et un pull non tricoté par sa grand-mère. Les chaussettes et le caleçon étaient propres et il passa même un coup de brosse sur ses baskets.— Ça te va ? dit-il avant de sortir.— Ça n’est pas à moi que ça doit aller, mais à toi. N’es-tu pas plus à l’aise ainsi ?— Si, admit Antoine. Bon, maintenant, je vais travailler. À ce soir.— Bonne journée, dit la femme alors qu’Antoine refermait la porte de son appartement.De toute la semaine, Antoine et la femme ne se parlèrent pas. Samedi, à neuf heures du matin, la machine à laver fut livrée et montée. Lorsque les ouvriers sortirent, Antoine lança :Elle ne répondit pas. La douche fut installée à dix-neuf heures et Antoine l’essaya immédiatement. Bien qu’elle fut petite – l’appartement l’était également – il la trouva très bien. Il se sécha, laissa traîner la serviette par terre puis se rendit nu dans sa chambre pour changer de vêtements alors que la machine tournait pour la troisième fois de la journée. Antoine se saisissait d’un caleçon lorsqu’une remarque lui traversa l’esprit.— Dis-moi, belle inconnue, si tu peux savoir comment je m’habille, cela signifie que tu me vois en ce moment.— En effet, répondit la femme. Je me demande ce qui peut bien te faire croire que je suis belle.— Ta voix, répondit Antoine. Et puis, je préfère t’imaginer belle que moche. Mais n’essaye pas de changer de sujet, s’il te plaît. Alors comme ça, tu me mates ?— J’aurai tort de me gêner et sincèrement, tu es carrément craquant quand tu es propre et que tu sens le savon.— Je croyais que les femmes aimaient les hommes qui sentent fort ! répliqua Antoine.— L’âge de pierre est un peu dépassé, Antoine. Il est temps de t’en rendre compte. Seules les femmes de Cro-Magnon appréciaient de sentir la sueur et la crasse sur un mâle.Antoine sourit à cette remarque. Il s’habilla enfin et une fois caché des yeux coquins de l’inconnue, il s’assit sur le lit et lança :— Il me semble que tu avais dit être là pour m’apprendre à baiser une femme. J’attends.— Tout d’abord, il va falloir que tu changes de vocabulaire. Les femmes détestent la vulgarité.— Pas toutes, répliqua Antoine.— Tu veux d’une autre Mireille ?— Non, répondit immédiatement Antoine avant de faire la moue.— Alors, laisse la vulgarité à ceux qui l’apprécient. Il faut de tout pour faire un monde et si tu ne veux pas de ce genre de femme, alors il va falloir devenir le prince charmant de celles que tu désires. C’est à toi de faire un effort pour monter vers elles, pas l’inverse.Antoine hocha la tête.— C’est ça, ton premier cours : m’apprendre à parler ?— Je n’ai rien à t’apprendre. Tu sais parler. Tu es simplement trop fainéant pour faire l’effort. D’ailleurs, tu as prouvé la semaine dernière de quoi tu étais capable. Tu as emballé une fille en moins de quelques heures rien qu’en lui parlant. Tu es doué, c’est évident. Je ne crois pas que la parole soit un obstacle. Quand tu veux, tu es parfait. Cesse de prendre la mouche tout le temps, accepte l’humour, ne te laisse pas aller à l’agressivité et tout ira bien.— Si ce n’est pas la parole l’obstacle, c’est quoi ?— Antoine, ai-je vraiment besoin de te le dire ?Le jeune homme baissa les yeux et regarda obstinément ses pieds. Finalement, il les releva et lança avec une pointe de haine dans les yeux :— Je suis doué physiquement. J’ai ce qu’il faut pour ça, non ?— Il est indéniable que la nature ne t’a pas oublié, sur ce coup-là . Cependant, dire qu’elle est énorme serait mentir. Disons qu’elle est un peu plus grande que la moyenne, mais il n’y a tout de même pas de quoi en faire un fromage. Tu es bien bâti, mais il ne suffit pas d’avoir l’objet, encore faut-il savoir s’en servir.— Je sais m’en servir. Pas besoin de mode d’emploi, répliqua Antoine. Même à la préhistoire, ils parvenaient à faire des bébés.— À l’âge de pierre, les femmes étaient des objets et non des êtres libres. De plus, je ne crois pas que tu désires procréer, mais faire l’amour, en retirer du plaisir et parvenir à faire revenir ta partenaire dans ton lit au lieu de la faire fuir.— Sans aucun doute, dit Antoine. J’imagine que tu sais pourquoi elles s’en vont !— Mais voyons, tu le sais, Antoine. Lucie te l’a dit : tu n’es pas doué au lit. Elle n’a pas eu beaucoup de tact, sur ce coup-là , mais elle a eu le mérite d’être franche, directe et sincère.— Je refuse de le croire. J’ai ce qu’il faut et je m’en sers correctement. Où est le problème ?— Ne t’inquiète pas, nous aurons tout le temps de détailler tous les problèmes. Dis-moi, serais-tu opposé à l’idée d’une sortie ce soir ?— Absolument pas, dit Antoine.— Tu vas aller dans un bar. Une femme t’y attendra. Ce ne sera pas moi, car moi, tu ne me verras jamais. Cette femme, je l’ai payée, sache-le. Tu vas dîner avec elle et être courtois et aimable comme tu sais l’être quand tu veux. Ensuite, elle t’amènera dans une chambre. Tu n’auras pas le droit de la toucher, jamais. Il va falloir te laisser faire, et ce, quoiqu’elle te fasse. C’est une pro. Elle va te faire jouir et ça va te plaire. Tu devras partir quand elle te le dira. Tu es d’accord ?— Je n’aime pas beaucoup les prostituées, répliqua Antoine.— Tu acceptes ? insista l’inconnue.Antoine fit la moue puis hocha la tête.— Parfait, alors vas-y. Elle t’attend.Antoine ne se le fit pas dire deux fois. Il se rendit au bar désigné où il rencontra une sublime blonde au corps tellement parfait qu’il était difficile de croire qu’il put exister. Antoine se montra charmant, galant et attentif envers la jeune femme. Elle avait un fort accent de l’est et probablement pas plus de deux neurones dans le cerveau, mais on ne lui demandait pas de parler. À vingt et une heures, Natacha lui proposa de monter et il accepta volontiers. Elle l’amena dans une chambre dans laquelle il était évident que des dizaines d’hommes devaient passer tous les jours.— Déshabillez-vous et allongez-vous sur le ventre, proposa Natacha. Je vais aller me mettre à l’aise moi aussi.Alors que la blonde disparaissait dans la salle de bain, Antoine commença à ôter ses chaussures. Lorsqu’elle reparut, Antoine s’était confortablement installé sur le matelas assez peu tendre. C’était peu dire que Natacha était à ses aises. Elle n’avait gardé que de la lingerie : soutien-gorge, string, porte-jarretelles et bas, le tout en noir. Elle avait lâché ses longs cheveux et s’était remaquillée. Elle était sublime. Antoine avala difficilement sa salive et sentit le désir monter rien qu’à cette vue idyllique. La jeune femme s’avança d’une démarche féline et vint directement se placer à califourchon sur Antoine. Le jeune homme n’avait qu’une envie : se retourner et la prendre, là , tout de suite. Cependant, il avait promis de ne rien faire qui n’ait été demandé et se força donc à ne pas bouger. Natacha ouvrit un flacon qu’elle tenait caché dans son dos et recouvrit ses mains de son contenu avant de les poser sur le dos du jeune homme et de commencer à le masser. L’huile parfumée délassa Antoine à un point qu’il n’aurait cru possible. Il se sentait bien, reposé, calme et en forme. Elle lui massa le dos, les épaules, la nuque puis les fesses – Antoine trouva cela très agréable – puis les jambes. Lorsqu’elle lui pétrit les pieds avec professionnalisme, Antoine retint quelques gémissements de plaisir. Oui, c’était vraiment très agréable. Elle lui demanda alors de se retourner et Antoine ne se fit pas prier. Natacha entreprit de lui masser le torse, les bras, les mains et les jambes et finit à nouveau par les pieds. Une fois le massage terminé, elle partit se laver les mains et rangea le flacon d’huile puis revint.Elle s’assit à côté d’Antoine sur le lit alors que ce dernier la dévorait des yeux tant elle rayonnait. Elle lui passa une serviette tiède et humide sur le corps afin d’ôter les restes d’huile qui n’avait pas pénétré l’épiderme. Puis, elle retourna dans la salle de bain pour y déposer le tissu éponge et revint se placer à côté du jeune homme dont le regard ne s’éloignait pas d’un cheveu d’elle. Il n’attendait qu’une chose : qu’elle s’offre et lui propose de la prendre. Cependant, elle ne fit rien de tel. Elle s’assit près de lui et approcha son visage de lui. Il pensait qu’elle allait l’embrasser, mais elle posa sa bouche sur sa poitrine. Sa main droite lui caressa le ventre tandis que la gauche lui permettait de se tenir. Elle était douée, car en quelques coups de langue et de lèvres, Antoine se mit à frissonner. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation. Natacha continuait ses caresses. Ses lèvres s’enroulèrent autour de ses mamelons. Elle les lécha, les suça et les mordilla même. Personne n’avait jamais fait une telle chose au jeune homme. Au début, il trouva cela étrange, voir même choquant, mais rapidement, il se détendit et commença à profiter des caresses très professionnelles. Elle ne caressait que le haut de son corps et même si sa main droite descendait assez souvent assez bas pour faire sursauter Antoine, elle se contenta du haut. Lorsque ses lèvres quittèrent les mamelons pour remonter et embrasser la gorge d’Antoine, sa main droite descendit caresser l’aine du jeune homme et Antoine gémit de plaisir. Son sexe était déjà fièrement dressé, mais il ne sentait pas l’envie de « labourer » sa partenaire, comme à son habitude. Il appréciait de se laisser faire et de ne pas agir, pour une fois. C’était tellement reposant de recevoir le plaisir sans avoir rien à faire sinon apprécier.La blonde agit alors de concert : tandis que sa bouche suçait avec sensualité le lobe de l’oreille gauche d’Antoine, sa main droite caressa les testicules du jeune homme et Antoine se cambra de plaisir. Les mordillements de son oreille lui envoyaient des décharges de plaisir absolument sublimes alors que la main de sa partenaire entreprenait de le masturber avec douceur d’abord, puis plus fortement. Antoine remua ses reins et sa partenaire s’aligna sur ses mouvements au plus grand plaisir du jeune homme. Antoine se rendit compte qu’il grognait maintenant plus qu’il gémissait. Il avait l’impression d’être une bête aux mains d’une experte et il ne voulait qu’une chose : qu’elle continue. Il ne désirait plus du tout la prendre, juste être à elle et qu’elle ne cesse jamais. Bientôt, il se sentit submergé, car les caresses de la belle étaient vraiment extraordinaires.— Je… je vais jouir, parvint-il à articuler.— Faites, ne vous gênez pas. Cet endroit est fait pour ça, répondit Natacha d’une voix sensuelle et douce que l’accent de l’est rendait carrément craquante.Antoine se laissa aller et bientôt, il jouit dans les mains de sa partenaire. Elle continua à caresser gentiment son sexe qui ramollissait lentement puis cessa. Elle lui nettoya avec un chiffon très doux puis s’assit près de lui, le laissant reprendre son souffle.— Merci, c’était merveilleux, dit-il lorsqu’il fut remis de ses émotions.— Je vous en prie, répondit-elle.— Que va-t-il se passer maintenant ?— Vous allez rentrer chez vous et vous reposer, dit Natacha. Vous en avez bien besoin.Antoine eut un léger regret qu’il oublia rapidement, car cette soirée avait vraiment été sublime. C’était la première fois qu’en présence d’une fille, il prenait du plaisir sans la pénétrer et il avait adoré. Il obéit donc sans rechigner et rejoignit son appartement.— Comment as-tu trouvé Natacha ? demanda l’inconnue dès qu’Antoine fut entré.— Sympathique, répondit Antoine en tentant de dissimuler un grand sourire.Il l’entendit tousser légèrement. Il sourit alors vraiment et lança :— Bon, d’accord, c’était génial. Merci beaucoup, mais je me demande ce que j’ai fait pour mériter ça.— Antoine ! gronda l’inconnue.— Oui, je sais, pas de pourquoi. Pardon. Je te promets de ne plus le refaire. À quand la prochaine séance ?— Serais-tu pressé de voir ceci se renouveler ?— Hé bien, disons que je n’y suis pas opposé.— Mmm… Je vais y réfléchir. On verra, dit l’inconnue.— Y réfléchir ? répéta Antoine. Comme si tu n’avais pas déjà tout prévu ! Ne me fais pas croire que tu ignores ce qui va se passer maintenant !— J’avoue, répondit l’inconnue. Maintenant, tu vas dormir d’un sommeil d’ange. Bonne nuit, Antoine.Antoine comprit que l’inconnue ne voulait plus parler. Il hocha donc la tête, se prit une douche puis, comme prédit, dormit d’un lourd sommeil sans qu’aucun somnifère n’ait été nécessaire.Antoine partit travailler le cœur léger ce matin-là .— Tiens, la soirée aurait-elle été bonne ? lança Harry en le voyant.— Ta gueule, répliqua Antoine.Harry n’insista pas et Antoine regretta immédiatement cette réplique. Son inconnue lui avait demandé de ne plus être autant agressif et de cesser de prendre la mouche et il faisait exactement l’inverse. Or, il avait envie de lui faire plaisir, rien que pour les cadeaux qu’elle pourrait lui faire. Contre une douche et une machine à laver, il avait obtenu sa soirée avec Natacha. Que lui réservait l’avenir s’il parvenait à faire disparaître sa colère ? Il s’en réjouissait d’avance. Il passa une excellente journée, le souvenir de la veille lui revenant régulièrement en mémoire. Lorsqu’il rentra ce soir-là , il lança :— Alors, quelles sont les réjouissances prévues ?— Tu penses le mériter ? répondit-elle d’une voix froide.Antoine n’en croyait pas ses oreilles. Il se figea, abasourdi.— Pardon ?— Tu n’as pas été très aimable avec ton collègue de bureau, annonça-t-elle clairement.— Comment… comment peux-tu savoir cela ?— Antoine ! gronda-t-elle.— Quoi ? répliqua-t-il sans comprendre.— Cette question t’est interdite ! s’exclama-t-elle, d’une voix laissant transparaître que sa patience n’était pas loin d’être à bout.Antoine ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, sans trouver quoi dire. Finalement, il lança :— Je suis désolé… pour ma question… et pour mon comportement avec Harry. Je ferai mieux demain.— Je l’espère. À demain.Antoine passa une soirée morose. Le lendemain, il sourit à son collègue qui ne lui envoya aucune pique. Alors que la journée avait été parfaite, Antoine se fit accoster par un chômeur lui demandant de l’argent. Antoine détestait ce genre de racolage. Il envoya donc méchamment promener le demandeur. En rentrant, l’inconnue ne répondit même pas à son appel. Elle le méprisait, en toute simplicité.— Étais-je censé lui donner de l’argent ? Je dois devenir un saint, c’est ça ?— Non, mais un « Non, merci, mais bonne journée quand même. » aurait tout de même été mieux que ton « Dégage, connard. », tu ne crois pas ?Antoine se rembrunit puis lança un petit « Moui, bon, peut-être » dégoûté.— À demain, Antoine, lança la voix.Antoine fit la moue. Il aurait vraiment aimé une nouvelle soirée sympathique. Il était déçu par lui-même. Il se promit d’être plus calme. Le lendemain, cependant, il eut une autre crise de violence lorsqu’une comptable lui renversa par mégarde un verre d’eau fraîche sur la chemise. Il l’avait copieusement insultée malgré le peu de répercussions de la mésaventure. En rentrant, Antoine était vraiment désespéré. Son moral tomba encore plus bas lorsque son inconnue refusa obstinément de lui adresser la parole. Cependant, il retrouva le sourire en trouvant une carte sur la table de la cuisine.« Le yoga aide à calmer les nerfs. »Antoine ne se le fit pas dire deux fois. Il prit rendez-vous sans attendre. Pendant un mois complet, il prit des cours de relaxation et se sentit plus calme et enfin capable de se maîtriser. Tout ce temps, son inconnue n’avait pas reparue et Antoine s’était contenté de se donner seul du plaisir, ne voulant pas draguer une nouvelle fille avant d’avoir reçu les cours adéquats. C’est pourquoi il sentit son cœur bondir en entendant la douce voix de son inconnue en entrant ce soir-là chez lui après son cours de yoga.— Tu sembles enfin avoir cessé d’être en permanence sur les nerfs. Voilà qui est bien mieux.— Je vous remercie, ça m’a été très utile.— Tu me vouvoies ?— Ça vous dérange ?— Ça me ravit, dit l’inconnue. Tu sembles enfin avoir compris quelque chose d’important.— J’ai accepté l’idée que j’ai besoin d’aide et j’accepte volontiers la vôtre.— Je ferai tout pour ne pas te décevoir.— Jusque là , ça a été parfait.— Espérons que ça continue en ce sens, dit l’inconnue.— J’ai hâte de savoir ce qu’il y a de prévu pour ce soir, lança Antoine.— Ce soir ? Un très vaste programme et ça s’appelle la patience, répondit une voix espiègle. Tu n’auras rien et cela continuera tant que tu demanderas. Tu vas devoir apprendre à me laisser les rênes. Je décide et si ça ne te plaît pas alors tant pis. À demain, Antoine.Le jeune homme fit la moue et grogna, mais ne répliqua rien, acceptant la sentence. Il se débrouilla donc tout seul puis s’endormit sans somnifère, le yoga lui ayant appris à se calmer suffisamment pour trouver le sommeil de manière naturelle. Le lendemain, il n’eut rien et il sut qu’il n’avait pas intérêt à se plaindre. Même s’il avait fait ce qu’elle attendait de lui, il sentait qu’il allait lui donner de bien meilleures preuves de sa soumission. Soumission ? Oui, il lui semblait que c’était bien cela que cette femme attendait de lui. Il se sentait étrangement fébrile à cette idée. Il n’avait jamais laissé les rênes à une femme, lui qui avait toujours commandé, guidé, mené.— Vous savez, je ne comprends toujours pas, dit-il un soir.— Quoi donc ? demanda l’inconnue.— Comment ça se fait que Natacha ait réussi à me donner autant de plaisir ? Ça ne m’était jamais arrivé avant.— As-tu seulement déjà laissé le temps à une femme de prendre soin de toi ? Allons, Antoine, laisse-moi décrire ton arrivée dans une chambre avec une fille. Tu la déshabilles, non, pardon, tu lui arraches presque ses vêtements. Tu la jettes sur le lit, tu la baises – oh pardon, tu la laboures, comme tu aimes tant le décrire, tu éjacules et, selon ton procédé de vases communicants, tu jouis. Après quoi tu te retires et tu t’éloignes, sans autre forme de procès. Quand là -dedans une femme aurait-elle le temps de te donner quoi que ce soit ?Antoine réfléchit puis ne trouva rien à redire. En fait, il était surtout surpris qu’elle soit en mesure de décrire avec autant de précision ses relations sexuelles. D’où tenait-elle sa vision des vases communicants ? Il ne se souvenait pas en avoir jamais parlé à quiconque. Il soupira puis lança :— Donc, si je comprends bien, je devrais, un peu plus, laisser faire ma partenaire.— Disons que ça sera déjà un bon début si tu arrives à ça. La suite sera pour après, dit l’inconnue.Antoine hocha la tête. À priori, le programme lui convenait. Laissez des femmes s’occuper de lui, ça présageait bien.Vendredi soir, son inconnue refit parler d’elle, à la plus grande joie de son élève qui trouva sur son clavier d’ordinateur un petit mot écrit sur une carte qui commençait à lui être familière.« Demain, tu as rendez-vous à 19 h au restaurant « Le cigalon » avec Irène, une jeune femme que tu devras séduire (elle, je ne l’ai pas payée. Je lui ai juste promis une agréable soirée avec un charmant jeune homme, alors, ne me fais pas mentir). Ensuite – à toi de faire en sorte qu’il y ait un ensuite – tu devras la laisser agir et ne rien tenter de ton propre chef. »Antoine ne tenta même pas de s’opposer à l’idée. Il passa une nuit pleine de rêves et passa le lendemain à se préparer. D’habitude, il ne faisait rien de particulier avant de rencontrer une fille draguée sur le Web. Seulement maintenant, il voulait prouver à sa belle inconnue qu’il était capable d’être parfait quand le besoin s’en faisait sentir. Il ne voulait surtout pas la décevoir. Il prenait cela comme un défi, comme un combat qu’il ne comptait certainement pas perdre. Bientôt, les femmes se jetteraient à ses pieds et le supplieraient de les prendre, encore et encore. Et partout dans la rue, il voulait qu’on parle de lui. Que les filles soient nues et qu’elles se jettent sur lui, qu’elles l’admirent, qu’elles le tuent, qu’elles s’arrachent sa vertu. Que toutes les nuits, essoufflées dans leur lit, elles trompent leurs maris, dans leurs rêves maudits. Il se voyait déjà entouré des plus belles femmes que la Terre ait jamais portées, jalousé des uns, désiré des autres. Il s’imaginait dans une marée de femelles en chaleur et la vision le fit sourire, surtout parce qu’il savait parfaitement que c’était totalement imaginaire et qu’il n’aurait jamais cela. Non, en fait, il espérait surtout qu’une femme, rien qu’une, l’aimerait et accepterait de partager sa vie avec lui, car, avant toute chose, Antoine se sentait terriblement seul. Il savait bien que cette Irène ne serait pas celle-là , mais il espérait que ses « cours » avec celle qui donc, tout naturellement, était sa « maîtresse », lui permettrait de trouver, de séduire et surtout de garder la femme de sa vie.Il s’était donc lavé, changé, coiffé et avait même mis du déodorant. Il avait fait des efforts remarquables, à ses yeux, pour en arriver là et était donc satisfait. Il sortit et rejoignit le restaurant désigné par la carte et remarqua avec joie qu’une table avait été réservée et qu’une femme y était déjà installée. Elle se leva à son approche et lui fit deux bisous en guise de bienvenue. Elle était banale. Brune, les yeux marrons, un visage commun, un corps classique, rien d’extraordinaire, mais rien de repoussant non plus. Elle portait un gilet mettant légèrement en valeur sa poitrine sans toutefois trop en dévoiler. Sa jupe longue ne laissait apercevoir que ses chaussures à talons. Ses petites lunettes fines ne l’enlaidissaient pas, au contraire, elles lui allaient à merveille. Ses cheveux longs ne semblaient pas spécialement coiffés et retombaient au gré de leurs envies sur le dos de la chaise contre laquelle elle s’appuyait à peine, gardant son dos bien droit. La soirée fut très agréable, Irène ayant, contrairement à Natacha, un cerveau normalement constitué. Une fois le dessert terminé, Irène proposa à Antoine de la rejoindre dans une chambre. À peine entrée, elle lança :— Dévêtissez-vous.— Vous n’y allez pas par quatre chemins, vous, au moins ! répliqua Antoine.— C’est-à -dire que vos vêtements me désespèrent. Je préfère que vous les retiriez.— Qu’est-ce qu’ils ont ?— Ce n’est pas à moi de vous le dire. Enlevez-les, c’est tout.Antoine ne se fit pas prier. Cependant, il garda avec soin la remarque dans son esprit et se promit de demander des explications à sa maîtresse en rentrant. En attendant, il évacua rapidement le souci en ôtant toute trace de tissu. La jeune femme avait allumé quelques bougies pendant qu’il obéissait à son ordre et lorsqu’elle se retourna, il était dans le plus simple appareil.— Ma parole, vous avez agi comme si votre vie en dépendait. Vous n’étiez pas obligé de vous les ôter au risque de vous les arracher. J’espère que vous êtes capable de plus de modération, de patience et de tendresse au lit.Antoine entendit cela comme un reproche et apprécia. C’était la première fois qu’une femme lui disait clairement ce qui n’allait pas et cela lui permettait de changer en mieux. Il hocha la tête et intégra le nouvel élément.Antoine s’avança et se laissa embrasser, sans oublier de lui rendre sa charmante attention. Lorsqu’il posa les mains sur les boutons du gilet pour le lui ôter, elle s’éloigna et s’exclama :— Non ! Vous obéissez et vous ne faites rien.— Pardon, dit-il sincèrement. Je suis désolé. Je ne le referai plus, promis. Vous me pardonnez ?Il fit un vrai air de chien abattu qui fit sourire la jeune femme. Comme elle ne disait toujours rien, Antoine insista et s’il avait été un chien, nul n’aurait pu ne pas s’apitoyer sur le sort de ce pauvre malheureux. Irène se mit à rire et souffla :— Vous êtes pardonné. Allons, approchez.Antoine reprit un air séducteur et charmeur et s’approcha, ravi d’avoir gagné cette bataille. Irène l’embrassa avec douceur et le lécha. Antoine ne bougea pas et se laissa entièrement faire. Les mains de la jeune femme étaient très précises, douces et fermes quand il le fallait. Elle le masturba longuement, sachant quand s’arrêter pour faire durer le plaisir encore plus longtemps puis le prit en bouche. Elle n’hésita pas à l’enfoncer jusque dans sa gorge et Antoine se raidit, de peur qu’elle ne se fasse mal, mais se calma en constatant qu’elle semblait au contraire apprécier cela. Finalement, il s’abandonna et accepta les caresses et sucions avec plaisir. Il regretta cependant que sa partenaire ne se soit pas dévêtue. Il aurait aimé pouvoir mater ses formes qu’il devinait jolies, mais n’en dit rien. Il se contenta d’observer son visage fin allant et venant sur son membre bien dressé. Elle était vraiment douée. Mireille lui avait déjà fait des fellations, mais elles ne valaient certainement pas celle-là . Lorsqu’il sentit la main d’Irène lui caresser les fesses, il sursauta d’abord de surprise puis se laissa aller : c’était tellement bon. Elle suivait ses mouvements de reins, léchait et suçait avec délectation. Antoine sentit alors un doigt doux et tendre écarter ses fesses et suivre la raie jusqu’à l’anus, avant de le caresser gentiment. Antoine n’avait jamais pratiqué un quelconque sexe anal et n’était pas sûr de beaucoup apprécier. Il se raidit et se crispa alors qu’Irène, à genoux devant lui, le regardait d’un air disant « détends-toi, tout va bien ». Antoine ne parvint cependant pas à trop se relaxer, car le doigt forçait de plus en plus l’ouverture sans toutefois le faire souffrir. Elle y allait doucement, mouillant de temps en temps son doigt en le léchant d’un geste langoureux. Antoine, bien que gêné, finit par se relaxer, car Irène était très douée. Totalement dominé par le plaisir provenant de son membre fier, il ne se rendait presque plus compte de la main qui caressait son anus. Lorsque le doigt explorateur entra enfin dans l’endroit tant désiré, Antoine sursauta et se contracta et l’importun ressortit. Irène n’abandonna toutefois pas et après beaucoup de patience et de douceur, elle parvint à lui faire accepter cette présence étrangère. Enfin, il fut suffisamment en phase pour qu’elle puisse finir cette fellation.— Jouissez quand vous en aurez envie, dit-elle avant de remettre son membre en bouche.Tandis que sa main gauche lui caressait les testicules, le majeur de sa main droite entra dans le colon d’Antoine et titilla sa prostate très proche. Antoine en hurla de plaisir et ne put retenir l’orgasme et l’éjaculation qui l’accompagnait. Totalement pris par surprise, il en fut secoué, surtout par le fait qu’il n’avait pas pu prévenir Irène. Lorsque, quelques minutes plus tard, il fut à nouveau en mesure de parler, il s’excusa.— Ne vous inquiétez pas, je connais la réaction des hommes à cette caresse et je m’y attendais.Antoine en fut rassuré. Il hocha la tête. Elle lui lança un clin d’œil puis s’exclama :— Bien, maintenant, je suis fatiguée et vous semblez l’être également. Rentrez chez vous et reposez-vous bien.— Merci, vous aussi, Irène.Ils se quittèrent ainsi, après que Antoine ait remis ces vêtements qui avaient tant semblé déplaire à Irène. Antoine se coucha dès qu’il fut rentré. Il était exténué. Les questions furent remises au lendemain.— Elle était sérieuse en disant que j’étais mal habillé ? s’exclama Antoine au petit déjeuner. Ou alors a-t-elle dit ça pour se donner une raison de me demander de me dévêtir ?— Elle était sérieuse, dit l’inconnue.— Quoi ? s’écria Antoine en manquant de s’étrangler, car il avait un morceau de biscotte dans la bouche.Il avala avant de continuer :— Je m’étais changé et lavé. Que lui fallait-il de plus ?— Il ne suffit pas d’être propre pour être beau…— Ok, d’accord, ils ont quoi, mes vêtements ?— Hé bien, il n’y a pas que le pull de la grand-mère. Tu sais, le jean déchiré et à moitié délavé, ça marche pour attraper les ados de quatorze ans. Si tu veux une femme, choisis plutôt un pantalon de ville. Par conséquent, il faut des chaussures de cuir, car avec des baskets, ce n’est pas le mieux. Enfin, le tee-shirt avec marqué dessus « Je n’aime que les gros nichons », là encore, ça marche sur les adolescentes. Une chemise – repassée cela va de soi – est de meilleur goût.— Super… va falloir que je refasse toute ma garde-robe.Antoine resta silencieux une seconde puis s’exclama :— Voilà que je parle comme une gonzesse maintenant ! Vous avez fait de moi une fille !— Non, Antoine. J’essaye juste de t’apprendre à te camoufler pour mieux attirer les canards afin que la chasse soit fructueuse.— Ce sont les femmes que vous identifiez à des canards ? s’étonna Antoine.— Oui, bon, je l’admets, ma métaphore n’était peut-être pas la meilleure, mais l’idée y était.Antoine haussa les épaules puis souffla :— Donc, aujourd’hui, shopping. Faisons chauffer la carte bleue.Antoine ne rentra chez lui qu’en milieu d’après-midi, les bras chargés de paquets. Il lui fallut deux heures pour ranger sa penderie – il dut trier tous ses vêtements. Ensuite, il partit donner les habits inutiles à des bonnes œuvres puis revint chez lui pour faire un brin de ménage. Une fois l’aspirateur rangé, il s’affala sur le lit, éreinté. Il passa la soirée seul à se reposer et en fut ravi. Il se regarda un film puis s’endormit avec bonheur. Le lendemain, en sortant le café de son placard, il trouva une carte posée près de lui. Cela le fit sourire. Il s’assit avant de la déplier.« Un colis s’impatiente sur ton paillasson. »Ah bon ? Pensa Antoine en souriant. La tournure de la phrase l’avait fait tiquer. Un colis impatient ? C’était étrange. Il s’attendait donc à voir un être humain, une femme, peut-être, mais fut déçu de constater que ça n’était qu’une tournure littéraire, car il s’agissait bel et bien d’une boîte sans vie. Curieux, il ferma la porte en la poussant du pied, trop concentré par son cadeau pour se préoccuper du boucan que fit la porte en claquant. Alors que sa machine à café lui préparait sa boisson chaude du matin, Antoine ouvrit le paquet et son contenu exacerba plus sa curiosité qu’il ne la contenta : des menottes. Il les sortit et les regarda en souriant.— Votre désir de me dominer est maintenant plus qu’évident ! s’exclama Antoine.— Moi ? Je te domine ? Depuis quand ? répondit la voix de la femme.— Allons, à quoi cela va-t-il servir ?— Antoine, je croyais que tu avais compris, dit la femme avec douceur, mais fermeté. Jamais je ne viendrai en personne te voir. Ce n’est donc pas pour moi que tu t’attacheras.— Oui, enfin, je m’attacherai sur votre ordre. Alors même si c’est une autre femme qui est présente, ça revient au même. Ce cadeau vient de vous, c’est tout ce qui compte. Et puis, pourquoi le niez-vous ?— Parce que je ne cherche pas à te dominer ! s’exclama l’inconnue.— Vous ne devriez pas refuser d’admettre vos envies, surtout lorsqu’elles sont aussi évidentes !— Antoine ! Je ne cherche pas à te dominer, c’est la vérité. C’est pour ton apprentissage et pour rien d’autre.— Que vais-je apprendre ? À me laisser faire ? N’ai-je pas réussi avec Irène ?— On va aller encore plus loin. Fais-moi confiance. En ce qui concerne la domination, si ça t’excite de l’imaginer, ne te prive pas, mais je te le répète, ce n’est pas ma volonté.Antoine n’insista pas, mais il n’en pensait pas moins. Il était transparent qu’elle était sa maîtresse. Il sourit tout le reste du petit déjeuner. Lorsqu’il eut fini, il partit se laver les dents puis regarda ses placards remplis de ses nouveaux vêtements. Il se choisit un pantalon, une chemise, une paire de chaussettes noires – comme le pantalon, puis se regarda dans un grand miroir collé aux portes d’un de ses placards.— Comment te trouves-tu ?— Sublime, répondit Antoine. Merci, maîtresse.Antoine la sentit tiquer à ce titre puis il crut l’entendre rire, mais n’en fut pas certain.— Et maintenant, maîtresse ? Avez-vous quelque chose de prévu pour moi aujourd’hui ?— En effet, mais ça sera pour ce soir. En attendant, tu as ta journée de libre.— Merci, maîtresse, répondit Antoine d’une voix espiègle.Antoine profita donc de son temps libre pour se promener dans un jardin puis dans les rues. Il put constater que de nombreuses femmes se retournaient sur son passage et il apprécia. Il déjeuna dans une petite brasserie puis rentra pour surfer sur le Web. Il attendait le soir avec impatience et il arriva plus tôt qu’il ne l’aurait cru. Il sursauta lorsqu’on sonna à sa porte et sourit en trouvant une carte sur son paillasson.— Vous aimez bien m’écrire vos ordres hein ! C’est tellement plus sympathique que de me parler !— Les mots disparaissent, les écrits restent, dit l’inconnue.Antoine hocha la tête à cette remarque pleine de bon sens.« 10 rue de la Patience. Prends mon cadeau avec toi. »Antoine partit immédiatement, le bras alourdi du colis contenant les menottes. À l’adresse indiquée, deux charmantes créatures lui ouvrirent la porte. Il les suivit à l’intérieur d’une chambre sublime et les deux sirènes furent bientôt rejointes par une troisième non moins délicieuse. Il se fit déshabiller sans qu’aucune d’elles ne lui dise quoi que ce soit et il ne lutta pas. Elles l’obligèrent à s’allonger puis l’attachèrent au lit. Enfin, l’une d’elle prit la parole :— Ordonne, et nous t’obéirons. Je serai la rousse. Mes camarades la brune et la blonde. Ça sera plus pratique que des prénoms, surtout lorsque ton cerveau sera embrumé par le plaisir.Antoine en sourit d’avance et sentit son désir monter, à la plus grande joie de ses dames.— Seule restriction : ce que tu nous ordonnes ne doit pas nous obliger à ôter nos shorts, annonça la blonde.Elles étaient en effet vêtues d’un soutien-gorge et d’un short très court et très moulant qui mettaient en valeur leurs corps sublimes. Antoine sourit à l’idée. Quelque temps auparavant, il en aurait conclu qu’il n’aurait aucun plaisir. Aujourd’hui, il voyait les choses très différemment. Il était convaincu que le plaisir serait au rendez-vous. Il se demanda un instant quoi demander à ses trois déesses puis opta pour la facilité :— Faites en sorte que j’ai du plaisir.Les trois filles se regardèrent en gloussant, mais ne bougèrent pas.— Quoi ? s’exclama Antoine.Sous leur regard insistant, il finit par admettre qu’il ne jouait pas correctement et céda :— Ok, bon, la brune, embrasse-moi le cou. Des petits baisers avec la langue et n’hésite pas à jouer avec mes oreilles. J’adore ça.Elle obéit immédiatement.— La blonde, continua Antoine alors que les baisers de la brune commençaient à lui monter au cerveau, occupe toi de ma poitrine. Caresse-moi le ventre et les seins et suce-moi les tétons en mordillant de temps à autre.Elle s’exécuta et Antoine trouva difficile de donner des ordres à la dernière qui attendait, apparemment avide de recevoir sa demande qui, elle s’en doutait, porterait sur l’anatomie avantageuse du jeune homme.Antoine sursauta de plaisir sous les actions coordonnées des sirènes blondes et brunes. Il dut attendre un peu avant d’être en mesure de commander la rousse.— La rousse, répéta-t-il dans un superbe effort de volonté, caresse-moi le sexe de tes mains.Elle agit immédiatement. Antoine était aux anges. Il regardait agir ses déesses avec une délectation magique. Il eut un premier orgasme entre les mains de la rousse qui nettoya avec un linge propre avant de continuer ses œuvres et le membre d’Antoine retrouva rapidement sa raideur. La blonde lui lançait régulièrement des petits regards aguicheurs. La brune lui titillait les tétons avec un mélange de douceur et de brutalité qui faisait qu’Antoine ne savait jamais à quoi s’attendre d’elle et il adora cela. Lorsqu’il regarda la rousse, il remarqua qu’elle semblait déçue. Il supposa qu’elle désirait le sucer. Lorsqu’il voulut parler, il s’en trouva incapable. Son cerveau était tellement embrumé qu’il n’y parvenait pas. Il avait envie de crier « Oh ! Une seconde de répit, je voudrais bien demander à la rousse de me faire une fellation, mais vos caresses divines m’en empêchent ». Usant de toute la volonté dont il pouvait faire preuve, il se força à faire fi de la brune et de la blonde, juste le temps de lancer :— La rousse, fais-moi une fellation.En réponse, ses yeux pétillèrent de joie et elle s’exécuta sans attendre. Antoine rugit de plaisir et ne put retenir son orgasme de venir.— La blonde et la brune, allez prendre un verre. J’ai envie de profiter de la rousse toute seule.Les deux jeunes femmes lui envoyèrent une moue haineuse puis rirent en s’éloignant.— Que puis-je pour vous ? dit la rousse d’une voix sensuelle.Antoine reprit ses esprits. Allait-il vraiment être en mesure de tenir une troisième séance ? Il l’espéra, car il voulait vraiment profiter au maximum de ce temps auprès de ces sublimes sirènes.— J’aimerai une fellation, profonde, complète et si vous savez le faire, un doigt dans l’anus.— Tout pour votre plaisir, répondit la rousse avant de se mettre au travail.Antoine, bien qu’éreinté, fut en mesure d’atteindre une troisième fois la jouissance, mais il sortit sur les genoux. Il s’endormit à peine rentré, incapable même de se changer avant.En arrivant au travail ce matin-là , il avait une mine affreuse.— Mauvaise soirée hier ? demanda Harry.— Non, sublime, mais elle a duré tard, répondit Antoine.— Oh ! Mes félicitations à la demoiselle en ce cas.— Aux demoiselles, corrigea Antoine en envoyant un clin d’œil à son collègue qui sembla ravi de cette marque d’amitié.Le soir, les cheveux encore mouillés après sa douche, il s’assit sur le lit et lança :— Vous savez trouver des femmes d’exception ! Je ne sais comment vous remercier !— Ce sont elles qu’il faut remercier, Antoine, pas moi, dit l’inconnue.Antoine réfléchit un instant puis souffla :— Les remercier ? Comment ? Des fleurs ?Antoine entendit son interlocutrice rire aux éclats.— Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?— Antoine ! Elles t’ont offert une sublime nuit de plaisir. Comment crois-tu pouvoir les remercier ?— En revenant et en leur proposant de recommencer ?— Antoine ! s’écria-t-elle. Tu leur proposerais, pour les remercier, de remettre ça ?— Ça avait l’air de sacrément leur plaire ! répliqua Antoine.— Tu ne connais vraiment rien aux femmes. Antoine, tu as eu du plaisir, et pas elles. Allons, fais marcher tes neurones : comment les remercier ?Antoine ne voyait vraiment pas.— Eh bien, ma présence n’est pas du luxe, souffla-t-elle.Antoine ne la contredit pas là -dessus.— Nous savons déjà que tu sais parfaitement ce que tu veux, continua-t-elle. Inutile donc de revenir là -dessus. Ce que j’aimerai maintenant, c’est que tu comprennes une chose. Pour recevoir du plaisir, il faut aussi en donner.— Je sais bien, dit Antoine.— Ah bon ? On ne dirait pas, répliqua-t-elle.— Je donne toujours du plaisir à mes partenaires ! s’insurgea Antoine.— Qu’as-tu donné à mes trois sirènes ?— Je parle de mes partenaires, pas des femmes que vous mettez entre mes pattes ! Répliqua Antoine.— D’accord, comme tu veux, alors, laquelle de tes partenaires a eu du plaisir avec toi ?— Quoi ? Mais toutes !— Ah bon ? Eh bien, ce n’est pas l’impression que j’en ai eue et elles non plus. Antoine, je ne veux pas te contrarier, mais la plupart des femmes ont souffert entre tes mains et ce n’est pas étonnant vu la façon dont tu t’y prends. Ne t’inquiète pas, je vais t’aider et tu seras un excellent coup après.Antoine se sentit triste et misérable. Il n’avait jamais voulu faire souffrir personne, mais si effectivement c’était le cas alors il comprenait qu’elles soient toutes parties sans demander leur reste.— Apprenez-moi, s’il vous plaît. Je ferai ce que vous voulez.— J’en suis ravie. Ce soir, il te faut surtout dormir, car tu ne t’es pas encore remis de la nuit dernière. Et ne te fais pas de mouron, tu deviendras exceptionnel.— Je serai le meilleur, souffla Antoine plus pour se convaincre que parce qu’il le pensait.— Ah non, ça, ce n’est pas possible, dit-elle.Antoine releva la tête, regarda le bout de plastique censé relayer la voix de son interlocutrice, fronça les sourcils et souffla :— Ah bon ? Pourquoi ?— Parce que le meilleur, je lui ai mis la main dessus depuis longtemps.— Vous voulez dire que vous avez un mec ! s’exclama Antoine.— Crois-tu sincèrement qu’une fille comme moi pourrait être seule ?— Mm… Non, évidemment, dit Antoine, mais, il sait ce que vous faites avec moi ?— Nous ne nous cachons rien, dit-elle. Maintenant, dors !Antoine fit la moue, mais comprit qu’elle ne voulait pas en dire plus et n’insista donc pas. Cependant, le lendemain, avant de sortir, il lança :— Il me regarde, lui aussi ?— Non, répondit-elle en sachant immédiatement à qui Antoine faisait référence. Nous nous disons ce que nous faisons, mais n’interférons pas dans les affaires de l’autre. Il sait ce que je fais, mais uniquement par mes dires. Il ne nous regarde pas et ne nous écoute pas. Nous sommes seuls, toi et moi.Antoine hocha la tête et sortit rassuré. Il préférait cela. De toute la semaine, elle ne refit pas parler d’elle. Antoine l’imagina avec son amant, lui racontant les progrès de son protégé et cela le fit sourire. Il attendit le week-end avec impatience, se doutant qu’elle attendrait ce moment de liberté pour lui faire part de la suite du programme. Samedi matin, il reçut ses nouvelles instructions sur une carte, cette fois déposée sur le paquet de biscottes.« Jusqu’à nouvel ordre, ton « canon » t’est réservé à toi seul. Tu recevras des lieux de rendez-vous régulièrement. À chaque fois, une femme t’attendra et tu devras lui donner du plaisir sans en recevoir d’elle physiquement. Dans ton ordinateur, tu trouveras un nouveau dossier contenant une sélection de divers sites Web pouvant t’aider dans ce but. Potasse bien et ensuite, tu auras des rendez-vous. Les premières femmes seront très directives et te diront clairement ce que tu devras faire. Au fur et à mesure, ce sera à toi de prendre les initiatives. La récompense sera de revoir les trois déesses, mais il te faudra les mériter. Elles attendent que tu les remercies à la hauteur du plaisir que tu as reçu et tu comprendras très vite que satisfaire trois femmes en même temps n’est pas à la portée de tout le monde. »Antoine fit la moue. Cela, il n’en doutait pas. Il se demanda s’il serait un jour en mesure de les remercier comme il se devait.Antoine compulsa les différents sites. Il reçut de temps en temps des livres par courrier, tous offerts par un expéditeur anonyme. Enfin, après un mois de lecture acharnée, il reçut son premier rendez-vous. La première femme s’appelait Samantha et elle lui dit clairement ce qu’elle attendait de lui. Antoine parvint plus ou moins à lui donner ce qu’elle demandait, mais ressortit mécontent du plaisir moyen que sa partenaire avait eu. Pendant trois mois, il eut cinq femmes à satisfaire, mais jamais ensemble. L’inconnue n’avait pas menti : le temps passant, il avait pris de l’assurance, de la maturité, de l’expérience. Désormais, il était capable de savoir ce que voulait sa partenaire sans qu’elle ne le demande. Le samedi 22 décembre, il ne put s’empêcher de hurler de joie en recevant une carte annonçant :« Les trois déesses t’attendent au 10 rue de la Patience ce soir à partir de dix-huit heures. »Elle le considérait donc comme prêt. Il en exultait de joie. Il fut excité comme une puce toute la journée. Il passa un long moment à se préparer et à se bichonner. Maintenant, il savait faire. Vêtements, parfum, coiffure, propreté, tout y passait. Il repassait même ses vêtements et y passait un certain temps, désireux d’être parfait, et ce, même s’il devait retirer sa chemise à peine entré. Il prit un goûter nourrissant à seize heures trente afin d’être sûr d’avoir l’énergie nécessaire et enfin, un peu avant dix-huit heures, se rendit à l’endroit désiré. Il était aussi excité qu’un adolescent, mais se forçait à rester calme, car le défi était haut. Il allait devoir faire plaisir à trois femmes en même temps et cela lui semblait mission impossible. D’habitude, il n’y en avait qu’une et déjà , il avait du mal, mais là , c’était carrément inimaginable. Il espéra qu’elles le guideraient un peu, car s’il devait en plus les comprendre, il se savait perdant. Après tout, lui les avait guidées, elles lui devaient bien ça ! Enfin, il arriva devant la porte des sirènes et ce fut la blonde qui lui ouvrit en lui envoyant un sourire sublime. Elle était légèrement maquillée et encore habillée. Sa robe violette moulante la mettait remarquablement en valeur. Dans la cuisine, il salua la brune qui préparait de la citronnade et ce fut dans la chambre qu’il retrouva la rousse, indéniablement sa préférée des trois. Il lui envoya un sourire charmeur auquel elle répondit volontiers sur le même ton. Le cœur d’Antoine battait à mille à l’heure. Ce n’était pas le moment de flancher. Sa maîtresse lui offrait un cadeau en même temps que ce qui lui semblait être la dernière bataille à livrer. D’habitude, avec les autres femmes, il était confiant. Depuis plus de trois semaines il parvenait à toutes les faire jouir sans difficulté, seulement, les autres, ils les connaissaient. Ces trois merveilles, il ne les avait jamais touchées. Il allait falloir tout refaire, tout trouver. Cela l’excitait, mais le terrifiait également. Il espérait être à la hauteur. Il ne voulait à aucun prix décevoir sa maîtresse. Il s’approcha de la rousse qui était allongée sur le lit, l’embrassa avec douceur et elle se laissa faire. Il s’assit près d’elle, la posa contre lui et lui caressa les cheveux et le visage. Elle se cala plus confortablement, appréciant visiblement sa douceur. Il y a quelque temps, dix minutes après être entré, Antoine aurait déjà terminé. Aujourd’hui, il savait prendre son temps et retirer du plaisir de cette attente. La rousse se laissa câliner en ronronnant comme une chatte. Lorsque la brune entra et qu’elle vit Antoine avec sa copine, elle regarda la blonde et fit la moue. La blonde haussa les épaules. Apparemment, elles avaient compris qu’elles ne seraient pas aussi choyées que leur amie et l’acceptaient. Elles ne pouvaient pas lui demander de les apprécier si ce n’était pas le cas. Antoine, lui, était aux anges. Oui, la rousse lui plaisait vraiment beaucoup. Cependant, elle avait quelque chose qui faisait qu’il ne pourrait pas rester avec elle. Pour le sexe, oui, pour la vie, non. Il n’aurait su définir pourquoi, mais il savait que ça ne marcherait pas. Il décida donc de profiter au maximum de cette soirée et de donner à ses splendides déesses ce qu’elles attendaient de lui.Elles ne semblaient pas spécialement pressées, appréciant également l’attente et la douceur de ces retrouvailles. Antoine fit signe aux deux autres de l’approcher et elles le firent. Il les embrassa chacune avec tendresse puis avec fougue et leurs yeux en pétillèrent de plaisir. Antoine se tourna alors vers la rousse et lui souffla :— Ne va pas trop loin, hein, je veux te garder dans mon champ de vision.Il la poussa doucement et elle se dégagea à contrecœur. Elle s’assit au bout du lit avec un petit air boudeur. Antoine avait toujours été comme ça. C’était comme dans un repas : il gardait le meilleur pour la fin. Sa petite chérie allait donc devoir attendre, car Antoine savait se montrer reconnaissant et ne comptait pas décevoir les deux autres sirènes. Il les regarda et choisit la blonde. Elle sembla ravie d’être choisie en premier et pourtant, cela signifiait qu’elle était la moins plaisante à ses yeux. Seulement, elle l’ignorait et prit donc cela pour une marque d’attirance. Alors que la brune s’écartait un peu, Antoine s’approcha de la blonde et tout en apposant des milliers de petits baisers sur son corps, lui retira sa robe. La déesse aux cheveux d’or gloussait maintenant de contentement. Elle accepta de s’allonger et Antoine prit son temps. Il caressait sa poitrine lorsqu’elle lança :— J’adore qu’on me suce les tétons.Antoine sourit. Ainsi, elles comptaient bien l’aider un peu. Il en sourit de contentement et ne se fit pas prier. La blonde en gémit de plaisir. Il continua à prendre soin d’elle, avec douceur parfois et fermeté à d’autres moments. Il titillait son clitoris tout en lui embrassant les seins lorsqu’il remarqua que sa petite chérie aux cheveux écarlates avait la main dans la culotte. Il la regarda dans les yeux et souffla d’une voix ferme :— Laisse ça pour moi.La rousse retira sa main, boudant d’avoir été réprimandée de la sorte et la brune en eut un fou rire, qui, bientôt, fut contagieux. La rousse le suivit ainsi que la blonde, mais très vite, cette dernière dut cesser de rire, car Antoine, la tête entre ses jambes, lui apportait un plaisir sans nom. Lorsqu’elle eut un orgasme, il prit soin d’elle, la câlinant puis lui demanda d’aller se mettre à l’écart et elle obéit, ravie. La brune reçut le même plaisir et elle se montra elle aussi directive quant à ses désirs, différents de ceux de la blonde. Enfin, Antoine fit signe à la rousse de venir et ses yeux en brillèrent. Ils furent en phase. La rousse n’eut presque pas à le guider et après son premier orgasme, Antoine fit signe à la brune de revenir et il prit soin des deux en même temps, leur faisant avoir un orgasme quasiment en même temps alors que la blonde semblait plus excitée que jamais par le spectacle qui s’offrait devant elle. Antoine proposa à la blonde de prendre la place de la brune et il recommença. Ainsi, la rousse eut droit à un orgasme de plus que ses copines, mais nul n’osa s’en plaindre. Enfin, ils s’allongèrent ensemble sur le lit, se câlinant simplement. La brune partit chercher à boire et chacun put se rafraîchir.— Elles ont adoré, dit l’inconnue dès qu’Antoine fut rentré chez lui.— Et moi, je suis mort, répondit le jeune homme. Elles m’ont tué !L’inconnue rit puis lança :— Allez, repose-toi. Tu vas avoir besoin de tes forces.— Hein ? s’exclama Antoine. Oulà , doucement ! Ne me dites que vous voulez que je remette ça demain !— Fais-moi confiance, le réprimanda doucement l’inconnue. Rien que tu ne désires, rappela-t-elle.— Pardon, maîtresse. Bien sûr, je ferai ce que vous voulez. Je… je pensais en fait que cette soirée mettait fin à notre relation. Auriez-vous encore des choses à m’apprendre ?— On apprend toujours, répondit l’inconnue. Chaque femme te fera découvrir de nouvelles choses et oui, il y a encore énormément de choses que tu ignores. Ce qui me trouble, c’est que tu sembles pressé que je m’en aille. Ma présence te pèserait-elle ?— Oh non, pas du tout, s’exclama Antoine. Je ne voulais pas dire ça. Pardonnez-moi, je… je ne veux pas que vous partiez. En fait… je pensais vous entendre me dire au revoir en rentrant. Je suis heureux que ça ne soit pas le cas.— C’est pour ça que tu as mis autant de temps à rentrer et que tu as fait un si long détour ? Oh, Antoine, tu es trop mignon. Allez, va, dors tranquille. Je ne te laisserai pas tout de suite.— Mais ça viendra ?— Inévitablement, répondit l’inconnue.Antoine hocha la tête, se doucha et s’endormit à peine couché. Le lendemain, il sourit en trouvant une carte dans le tiroir avec les petites cuillères.« Demain, il y a une soirée au « Chat perché ». Sois-y à 20 h précises. »Antoine se renseigna sur ce club. Il repéra la route ainsi que le style de vêtement requis : habillé, mais pas trop. Le smoking n’était pas de rigueur, à sa plus grande joie. Il se choisit un ensemble beige classique, mais qu’il trouvait lui aller à merveille. Toute la journée, il tenta de s’imaginer cette soirée de réveillon de Noël et cette perspective l’enchantait. Il n’avait jamais vraiment cherché à aller en boîte. Le lendemain, alors qu’il finissait son petit déjeuner, il entendit la voix de sa maîtresse retentir.— Antoine, bande-toi les yeux. Je vais te faire un cadeau.Il obéit promptement. Il se trouva un foulard dont il couvrit ses yeux avec soin et attendit debout au milieu du salon. De la musique emplit l’air et il sentit quelqu’un lui prendre la main. Il sourit puis, d’un ton mutin, lança :— Je croyais que vous ne deviez jamais venir en personne !— Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et puis, tu as besoin de prendre des cours de danse. Il y aura une piste et de la musique au Chat perché.Antoine hocha la tête et, les yeux bandés, reçut un cours de danse. Elle était très douée, mais plus que tout, Antoine s’enivra de son parfum subtil et envoûtant, de ses mains fines et délicates, de sa voix enchanteresse. Il se doutait, au toucher, qu’elle portait une robe fine contenant probablement de la soie. Lorsqu’elle déclara qu’il était suffisamment prêt pour ne pas trop avoir l’air d’un pingouin sur la piste, il souffla :— Il a beaucoup de chance.— Qui ça ? demanda-t-elle sans comprendre.— Votre mec, je l’envie.L’inconnue rit doucement avant de déposer un tendre baiser sur la joue du jeune homme.— Allez, prépare-toi. Il faut que tu sois parfait ce soir.Antoine hocha la tête.— Tu peux enlever le bandeau.Il le fit et fut déçu – mais pas surpris – qu’elle soit déjà partie. Il se prépara puis partit pour le chat perché. L’homme qui lui proposa de garer sa voiture lui tendit deux cartons en échange de ses clefs. Antoine s’en saisit. Le premier était l’invitation à cette soirée, nécessaire pour entrer. Le second était plus familier.« Les femmes aux robes rouges sont de bonnes danseuses. Profites-en. Dix danses minimum dans la soirée. »Antoine sourit. Un plan drague ? Cela ne lui ressemblait pas. D’habitude, elle lui livrait les filles sur un plateau. Il haussa les épaules. Après tout, pourquoi pas ? Cela ne lui faisait pas peur. Il entra dans le club et découvrit les décorations de Noël, démesurées, comme toujours dans ce genre de club. Il tenta de faire abstractions des boules et des guirlandes bien trop nombreuses et se concentra sur les personnes présentes. Hommes et femmes en grand nombre se pressaient, parfois en couple, parfois en groupe et parfois seuls. Au bar, Antoine repéra un certain nombre de femmes seules. Sur la piste de danse, des couples s’activaient au son d’une musique entraînante. Il se commanda un apéritif au bar et découvrit que les boissons étaient payantes. Il fit la moue puis régla sa première boisson. Lorsqu’un serveur lui proposa de la nourriture, il lança :— C’est payant aussi ?— Non, monsieur, répondit le serveur. Seules les boissons le sont. Le reste est compris dans votre invitation.— En ce cas, dit-il en prenant le plateau tendu par le groom.Antoine avala les petits fours puis rechercha des partenaires de danse potentielles. Robes rouges, robes rouges, ah ! En voilà une. Il s’avança et elle accepta volontiers son invitation, mais refusa une seconde danse et s’éloigna. Antoine fit la moue. Il n’était guère doué dans cet art. Sa maîtresse faisait-elle exprès de le forcer à se mettre en danger ? Antoine en invita six autres, mais elles partirent toutes après la première danse. Il se reposait au bar lorsqu’il remarqua un couple sur la piste : l’homme dansait à merveille, mais la femme, en robe rouge, semblait peiner à le suivre. Enfin ! Avec elle, j’ai ma chance ! pensa-t-il. Il attendit qu’elle soit revenue au bar et que son accompagnateur s’en aille pour s’approcher. Il se rendit compte qu’elle observait la décoration et lança donc :— Je trouve qu’il y en a trop, dit quelqu’un.Elle se tourna vers lui. Elle était mignonne et bien maquillée, pas comme ces femmes qui ont l’air de porter des peintures de guerre sur le visage. Elle avait un sourire charmant.— Je suis d’accord, répondit-elle, en plus, il y a trop de couleurs. Ils cherchent toujours à faire compliqué et finalement, ça perd de son charme et de sa beauté.— Je suis totalement de votre avis, répondit Antoine, ravi qu’elle soit d’accord avec lui. Au fait, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Antoine Blore.— Marion Delterne.— Je vous ai vu sur la piste tout à l’heure, continua-t-il. M’offririez-vous une danse ?— Volontiers…Il sourit à cette perspective. Une de plus, mais il espéra qu’elle en accepterait d’autre. Ne voulant pas la décevoir, il prévint :— Par contre, ne vous attendez pas à une aussi bonne prestation que votre précédent cavalier.— Ce n’est pas grave, la mienne n’était pas brillante non plus, avoua-t-elle.Antoine sourit. Il était ravi. Elle accepta trois danses, terminant ainsi son quota de la soirée. Sa maîtresse serait contente. Maintenant, il pouvait se concentrer sur autre chose que la danse et cette charmante jeune femme était très prometteuse. Il lui proposa de la rejoindre à une table et elle accepta volontiers, tout comme elle ne refusa pas de se faire offrir une boisson. Ils discutèrent longuement et Antoine fut ravi de découvrir un esprit bien fait et une femme pétillante. La conversation fut charmante et bientôt, les deux êtres se dévoraient des yeux. Antoine n’avait qu’une envie, que cette soirée ne s’arrête jamais. Pourtant, la jeune femme finit par demander :— Auriez-vous l’heure ?Antoine regarda sa montre et ouvrit de grands yeux en voyant ce qu’elle affichait.— Deux heures passées, annonça-t-il.Elle sembla aussi surprise que lui et surtout très fatiguée.— Vous avez l’air éreintée, dit Antoine. Puis-je vous raccompagner ? Êtes-vous venue en voiture ?— On m’a amenée, dit Marion.Antoine pouvait donc la ramener. Parfait. Il fit mine de se lever, mais la jeune femme lui toucha le bras. Il plissa le front et se rassit, ne comprenant pas pourquoi elle agissait de la sorte.— Un problème ?— Je… Vous allez sûrement me trouver un peu bizarre, mais…Antoine ne cachait pas sa surprise alors que Marion semblait gênée.— Voudriez-vous m’offrir un dernier verre ?— Euh… oui, si vous voulez, répondit Antoine sans trop comprendre. Que désirez-vous ?Antoine remarqua qu’elle s’en moquait éperdument. Pourquoi voulait-elle un verre si son contenu ne lui importait pas ? Il décida de ne pas chercher à comprendre. Avec les femmes, mieux vaut simplement laisser faire.— Un cocktail de fruit, finit-elle par annoncer.Tout ça pour un jus de fruits ! Enfin, au moins, elle n’avait pas choisi la boisson la plus chère et heureusement, car elle l’avala tellement vite qu’il était évident qu’elle n’avait pas eu la possibilité d’en sentir le goût. Enfin, elle se leva et Antoine la suivit dehors.Sous le vent froid, elle frissonna et Antoine en profita pour la réchauffer de ses mains et elle ne refusa pas ce contact. Il la ramena ensuite chez elle et découvrit une grande maison avec jardin. Rien à voir avec son appartement miteux. Lorsqu’elle sortit, il lui tendit une carte contenant ses coordonnées et elle fit de même. Il ne fut pas surpris qu’elle ne l’invite pas à entrer. D’abord parce qu’il était très tard et ensuite parce qu’elle semblait désireuse de prendre son temps et ce n’est pas Antoine qui allait la contredire. La patience, sa maîtresse lui avait appris à en avoir et il appréciait la simple compagnie de cette femme sans vouloir la prendre sur-le-champ. Il ne se priva toutefois pas de lui mater les fesses lorsqu’elle s’éloigna.En rentrant, il lança :— Charmante soirée, j’ai beaucoup aimé le cadre.Aucune réponse. Il regarda la table de chevet et remarqua que le faux émetteur ne s’y trouvait plus. C’était donc fini, elle était partie. Jalousie ou fin d’apprentissage, il l’ignorait, mais se sentait triste. Cependant, il la comprenait. Elle avait son propre homme à contenter et Antoine était prêt. Cependant, il aurait aimé qu’elle lui dise au revoir d’une façon un peu moins froide. Sa simple disparition ne lui convenait pas. Il prit sur lui et s’endormit les pensées retournées.Le lendemain, il se leva avec un mal de tête énorme. Marion et lui s’étaient donnés rendez-vous, mais maintenant, il se dit que ça n’avait pas été une idée aussi excellente qu’elle l’avait semblé. Devoir se lever à neuf heures alors qu’on s’est couché à quatre n’est pas la proposition du siècle. Il se prépara tout de même, utilisant des produits de beauté pour homme afin d’effacer au maximum les marques de sommeil et se rendit chez la jeune femme. Elle ne lui proposa encore pas d’entrer, sortant simplement lorsqu’il sonna. Le déjeuner fut excellent. La conversation était intéressante et le regard brillant de Marion fit fondre Antoine. Elle était vraiment délicieuse.Vendredi 28 décembre, un de ses amis d’école d’ingénieur l’invita à passer la soirée de réveillon chez lui. Antoine accepta volontiers, annonçant deux personnes. Marion accepta l’invitation avec joie et cette soirée fut magique. Il l’embrassa pour la première fois et adora son petit goût de miel, probablement du aux gâteaux disponibles lors de cette soirée. Ils restèrent collés le reste de la soirée et Antoine comprit qu’il ne pourrait plus se passer d’elle. Le lendemain, ils décidèrent de ne pas se voir, l’expérience du lendemain de Noël ayant porté ses fruits. Il proposa donc de déjeuner ensemble mercredi midi et elle accepta, le prévenant qu’ils ne seraient pas seuls. C’est ainsi qu’il rencontra M. Paul, un vieil homme, ami de la famille de Marion. Elle lui parlait souvent de ce septuagénaire et il était réellement ravi de faire sa rencontre. Assis à l’intérieur, bien au chaud près d’un radiateur, Antoine sursauta en entendant M. Paul lancer :— Je suis ravi, jeune homme, de rencontrer enfin celui qui a rendu Marion aussi belle. Qu’avez-vous fait pour la faire changer de vêtement et de coiffure ?— Paul ! s’exclama Marion en rougissant fortement. Je te l’ai déjà dit, cela venait de moi. Je n’ai rencontré Antoine qu’à Noël.Antoine la regarda. Elle semblait vraiment gênée et M. Paul murmura qu’il n’était qu’un vieil imbécile, mais c’était trop tard, le mal était fait et Antoine sentit sa curiosité piquée.— Tu avais un autre look avant ? ne put-il s’empêcher de demander, malgré la gêne évidente de sa compagne .— Euh… oui, dit Marion. J’ai changé depuis presque quatre mois maintenant.— Tu étais comment avant ?Marion montra clairement qu’elle ne comptait pas répondre, mais M. Paul s’en chargea à sa place, au plus grand plaisir d’Antoine.— Elle ne portait jamais de jupe, commença le vieil homme.À ces mots, Antoine posa sa main sur la cuisse de la jeune femme et entreprit de la relever pour caresser ses bas. Marion ne s’y opposa pas. Au contraire, elle écarta légèrement les cuisses sans lui accorder le moindre regard. En fait, ses yeux étaient fixés sur M. Paul, qu’elle foudroyait sur place. Ce dernier ne semblait cependant pas du tout s’en rendre compte et continuait sa description.— Elle ne se maquillait presque pas et plutôt mal. Elle avait une autre coiffure, très différente de celle qu’elle a maintenant et elle ne souriait presque jamais. Aujourd’hui, je la vois heureuse et j’en suis ravi.— Pourquoi ce soudain changement ? demanda Antoine en se tournant vers sa compagne.— Une envie brusque… je ne saurai l’expliquer, répondit Marion en rougissant fortement.Antoine eut l’impression qu’elle ne lui disait pas tout, mais ne lui en tint pas rigueur. Chacun a le droit de conserver son jardin secret. Peut-être un ex en était-il à l’origine et ne voulait-elle pas le blesser. Cependant, la situation le fit sourire et il annonça :— Pour être sincère, j’ai moi aussi changé de vie depuis peu. Il y a seulement six mois, je n’aurai jamais osé aborder une fille comme je l’ai fait à la soirée de Noël et j’aurai encore moins imaginé simplement m’y rendre.— Vraiment ? dit Marion, surprise.Ni l’un ni l’autre n’avait jamais avoué cela à l’autre. C’était étrange de le faire maintenant, devant M. Paul qui semblait aux anges.— Je suis heureux pour toi, Marion. Vous semblez très proches et très amoureux, dit M. Paul en regardant la main d’Antoine qui disparaissait sous la table.Antoine remarqua le regard du vieil homme. Soudain gêné, il la retira brusquement et rougit en recevant le clin d’œil du septuagénaire. Le reste de la discussion fut plus classique et les mains d’Antoine n’explorèrent plus l’environnement. Finalement, M. Paul annonça devoir retourner au travail et il les laissa. Marion se leva à son tour et Antoine fit de même.— Je vais moi aussi devoir retourner à la boutique.— D’accord, dit Antoine en s’approchant pour l’embrasser.Elle se recula et sembla chercher du courage avant d’annoncer :— Ça te dirait de dîner chez moi ce soir ?— Très volontiers, répondit Antoine, plus que ravi de cette proposition.Ils s’embrassèrent avec tendresse puis rejoignirent leurs travaux respectifs. Antoine passa par chez lui avant d’aller chez Marion, afin de se changer et de se laver. Sur le trajet, il s’arrêta devant un fleuriste. Roses et bouteille de vin, rien de plus banal, mais de plus apprécié également. Lorsqu’elle lui ouvrit, il constata qu’elle aussi s’était changée. Elle était délicieuse dans cette petite robe bleue mettant en valeur sa poitrine délicate et ses hanches fines. Le dîner fut d’excellente qualité. Elle était apparemment bonne cuisinière – à moins que quelqu’un d’autre n’eut fait ce repas, tout était possible – et la conversation de qualité. Elle lui proposa alors d’aller prendre le café au salon et la perspective de retrouver la jeune femme sur un canapé moelleux lui suffit pour accepter. À chaque lampée dans la boisson chaude, les deux amants se rapprochaient et bientôt, brûlants de désir, ils se retrouvèrent collés. Antoine savait déjà ce qu’il comptait faire. Il ne voulait pas la voir partir et savait maintenant que s’il voulait du plaisir, il fallait commencer par en donner. Désormais, il savait comment faire et offrit à Marion des caresses dignes, il l’espérait, du compagnon de sa maîtresse. Les cris de jouissance de la jeune femme le remplir d’aise et de désir. Il ne demandait rien d’autre. Le lendemain, cependant, elle lança :— Tu sais, Antoine, hier, je… enfin, tu n’as pas reçu de plaisir et je…— Pas de problème. J’ai appris à apprécier de faire plaisir.— Ce n’est pas pour me déplaire, répondit-elle et dans son regard, il lut que c’était une demande cachée.Il l’amena à nouveau au septième ciel et fut ravi de l’entendre le guider régulièrement. Cette femme savait ce qu’elle voulait et n’hésitait pas à le dire clairement. Il n’avait pas à deviner. Elle l’amenait droit où il fallait. Il ne faudrait pas longtemps avant d’être en mesure de lui plaire sans qu’elle n’ait plus rien à dire. Il lui fit remarquer et elle en rougit puis souffla :— En fait, j’aimerai aller plus loin, mais je ne suis pas très préservatif, dit Marion. Accepterais-tu que nous fassions des tests ?Il accepta avec joie et le lundi suivant, ils se faisaient prendre un peu de leur sang. Ils eurent rapidement les résultats et dès qu’ils les eurent, Marion montra clairement ses envies et Antoine en explosa de joie. La jeune femme était d’une perversité plaisante. Elle connaissait des positions dont Antoine ignorait jusqu’à la possible existence. Elle bougeait avec aisance. Parfois, Antoine se demanda combien d’amants elle avait eus pour parvenir à un tel résultat, mais préféra autant ne pas demander, peu certain de vouloir le savoir. Elle lui ouvrit ses fesses pour son plus grand plaisir et leur première soirée de sexe complet dura un très long moment et Marion lui proposa de revenir le lendemain soir. Antoine sentit son ventre se nouer. C’était la première fois depuis Mireille qu’une femme qu’il avait dragué lui-même et avec qui il avait couché lui offrait de recommencer. Il se sentit heureux et en même temps triste, car sa maîtresse n’était pas là pour le voir. Toute la soirée, il réfléchit. Il aimait Marion, plus que tout. Il se sentait en phase avec elle. Il était prêt à aller plus loin. Il prit la décision la plus importante de sa vie et la prit seul. Il ne déjeuna pas le lendemain, car il passa une heure chez un bijoutier. Le soir, en rentrant chez lui, il ouvrit de grands yeux en voyant une carte accrochée à sa porte d’entrée. Il l’ouvrit sur le palier, trop pressé pour entrer.« Mes félicitations. »Ainsi donc, elle avait été là . Elle ne l’avait pas laissé. Par contre, Antoine le savait, cette carte serait la dernière. Il venait d’accomplir son but. Elle n’avait donc plus de raison de rester. Il sentit une profonde tristesse l’envahir. Il regarda autour de lui. Il n’avait plus le communicateur. Il ne pouvait pas donc pas lui parler. Il aurait tant aimé lui dire adieu. Il s’assit sur le lit, la tête dans ses mains. Il en avait les larmes aux yeux. Soudain, il se trouva idiot. Le communicateur n’en était pas un. Ce n’était qu’un bout de plastique vide. Il alla chercher un bandeau, se rassit sur le lit puis se couvrit les yeux de ce bout de tissu.— Maîtresse ?— Je suis là , répondit-elle d’une voix douce très proche de lui.Elle devait être juste devant lui.— C’est fini, souffla-t-il d’une voix légèrement tremblante.— En effet, dit-elle. Tu n’as plus besoin de moi. Tu as mis une femme dans ton lit et elle en a redemandé. Ton apprentissage est donc terminé. Je peux m’en aller satisfaite. Tu as été un très bon élève.— Merci, maîtresse. Merci pour tout.Antoine avait du mal à ne pas pleurer. Son orgueil le lui interdisait, mais il avait toutes les peines du monde à ne pas montrer son chagrin.Antoine hocha la tête.— Adieu, maîtresse, et merci.— De rien, répondit-elle. Merci à toi pour elle.Il sentit alors des lèvres douces se poser sur les siennes. Le baiser fut fugace, tellement qu’Antoine crut l’avoir rêver puis le silence se fit. Il retira son bandeau pour se découvrir seul dans la pièce. Cette fois, elle était bel et bien partie. Antoine sut que plus jamais, il n’entendrait le son de sa voix ni ne lirait ses mots ni ne recevrait ses conseils. Il allait devoir être seul. Il s’assit sur son lit, regardant la carte puis se reprit. Non, je ne suis pas seul. J’ai Marion maintenant et il est temps que je me prépare. Il se leva et une fois dans la salle de bain, regarda la carte qu’il tenait toujours. Il ne voulait pas s’en séparer, mais qu’en faire ? Il ne voulait pas risquer de la voir souillée par l’eau de la salle de bain ! Il alla la placer dans la poche intérieure de son manteau. Ainsi, pensa-t-il, je l’aurai toujours sur moi. Lorsqu’il ouvrit la porte de son appartement pour aller rejoindre Marion, il se retourna et lança :— Adieu, maîtresse, et merci.Lorsque Marion ouvrit la porte, ce fut à peine s’il remarqua qu’elle semblait triste. La soirée fut étrangement calme, chacun des deux compagnons semblant plongé dans ses propres pensées. La conversation s’orienta bientôt sur sa famille. Marion lui avait déjà dit que ses parents étaient morts, lui léguant, entre autres, cette maison et son magasin. Antoine lui expliqua donc que ses parents vivaient à l’étranger. Aimant les voyages, ils créaient sans cesse des circuits touristiques et restaient donc rarement plus de six mois au même endroit. Après deux cafés, Antoine ressentit un besoin urgent et alors qu’il se vidait la vessie, il entendit Marion lancer :— Dis Antoine, tu aurais une photo de tes parents ?— Oui, dit-il depuis les toilettes. Dans mon portefeuille. La poche intérieure gauche de mon manteau.Il l’entendit bouger. Il passa dans la salle de bain pour se laver les mains puis se rendit dans l’entrée, surpris qu’elle ne soit pas encore revenue.— Tu as trouvé ? demanda Antoine en arrivant dans l’entrée.Il se figea instantanément. Marion tenait dans sa main la carte de sa maîtresse et semblait sous le choc. Il se força à garder son calme et bafouilla maladroitement :— C’est… C’est un ami qui me l’a donné pour… ma promotion.— C’est le plus mauvais mensonge que j’ai jamais entendu, répondit-elle.Il craignit alors de la perdre. C’était tellement ridicule. Non ! Il ne pouvait la perdre juste à cause de cette carte. C’était impossible. Il l’aimait, mais il ne pouvait décemment pas lui dire la vérité. Il allait chercher à s’expliquer à l’aide d’un autre mensonge, mais elle l’en empêcha d’un geste ferme de la main. Il la vit ouvrir son propre sac à main et lui tendre une petite carte en carton. Antoine la regarda, incrédule. C’était incroyable ! C’était la même carte : ce même dégradé de bleu et la même texture. Il la déplia et lut :« Mes félicitations. »Cependant, l’écriture n’était pas la même. Celle-ci était plus masculine, il l’aurait juré.— Que ? bredouilla-t-il .— Rappelle-moi à quel moment tu as changé de vie et pourquoi ? dit Marion.Antoine regarda alors sa compagne différemment. Combien d’amants avait-elle eu pour parvenir à un tel résultat au lit ? Et si… Antoine n’en croyait pas ses yeux. Pour lui, cela ne faisait aucun doute. Marion avait été « formée » par le compagnon de sa maîtresse. Il sourit, rougit et alors que sa respiration s’accélérait, il souffla :— Avons-nous vraiment… vécu à peu de choses près la même chose ?Le visage de Marion prit également une légère teinte rouge et elle lui proposa de le suivre. Dans un tiroir du bureau, il découvrit de nombreuses cartes et des calendriers. Cela le ramena pas mal de temps en arrière. Il se rappela qu’au début, il les avait jetés sans même les regarder.— Moi aussi elle m’a donné un calendrier comme première entrée en matière ! s’exclama Antoine.— Elle ?— Ma maîtresse, répondit Antoine avant de se mettre la main dans la bouche, craignant que la jeune femme ne comprenne mal ce titre.— Ne t’inquiète pas, moi, je le considère comme mon maître, dit Marion, rassurant pleinement Antoine. Il est parti, finit-elle dans un souffle dans lequel on pouvait sentir toute sa peine.— Moi aussi, répondit doucement Antoine. Toi aussi alors ? C’est pour ça que tu es triste ! Comprit Antoine.Marion hocha la tête et les deux amants se consolèrent de la perte de leur maître respectif dans les bras l’un de l’autre. Après un long moment, Marion chuchota :— Tu veux bien venir habiter chez moi ?Antoine s’éloigna d’elle, la regarda dans les yeux, et répondit :— Tu veux m’épouser ?Antoine sortit la bague achetée à midi et la lui présenta. Il se sentait plus que jamais prêt pour cela. Une larme coula sur la joue de la jeune femme alors qu’elle souffla le « Oui » libérateur. Ils se mirent d’accord pour ne jamais rien révéler de leur apprentissage à l’autre, mais de simplement s’en servir et trente ans plus tard, la veille du mariage de leur fils, Antoine eut une conversation avec lui, une conversation qui transforma la nuit de noces des jeunes époux en apothéose.