Même pas une heure après, j’étais attablée dans un bistrot avec Cécile, à grignoter et à boire un coup. Et nous parlions encore de cul, évidemment.— Je n’en reviens toujours pas, de ce que tu viens de faire… T’es vraiment une acharnée !— Boh, c’est l’autre connard de devant qui m’a gonflée !— Ok, mais enfin quand même ! Des fois je trouve que je suis moi-même un peu salope, mais à côté de toi je suis une sainte-nitouche…— Tu le trouves pas craquant, Greg ?— Ben j’veux bien, mais de là à lui faire une pipe dans l’amphi de droit…— Mais je te dis, en plus, ils m’énervaient à mettre en doute tout ce que je disais.— C’est sûr que là, d’un seul coup, t’es plus crédible…— Ben, niveau cul, oui !— Je crois que tu donnais déjà férocement envie aux mecs, mais alors là, ils vont se branler dès qu’ils te verront…— Moi, je leur donnais envie ??? T’as vu ma tronche ?— Ouais mais t’as vu tes seins ? Et puis, franchement, si toi tu te trouves moche, y a pas mal de filles, tu dois gerber en les voyant…— Je ferai quand même pas Miss Monde…— Non, t’as de trop gros seins !!!Je ne pus m’empêcher de rire. Elle reprit :— En tout cas je t’assure que tu en fais bander pas mal…— Ah bon ? Des noms…— Manu par exemple.— Ton mec ? Non… Il fantasme sur moi ?!?!?— Oui, carrément.— Remarque, vu comme il est canon, je prends ça comme un compliment…— Tu le trouves canon ? T’as pas du le voir en entier…Derechef, je rigolai :— Ça veut dire quoi, ça ?— À toi de voir… Moi je ne pensais pas forcément à ce que toi tu as compris.— Bon, et alors ? Qu’est-ce qu’il me trouve ?— Es-tu sûre de vraiment vouloir le savoir ?— Ben, oui, je veux bien.— Tu vas peut-être le trouver moins canon d’un seul coup…— Dis toujours.— Hmmm… Je cite: « elle a vraiment une putain de paire de seins ».— Ah, oui, quand même ! Remarque, c’est toujours ça de gagné… Pourtant il est pas mal loti à ce niveau là, avec toi…Sans prêter attention à ma remarque, elle poursuivit :— »elle a une bouche à pipe ».— S’il avait un doute sur la question, tu pourras toujours lui raconter ce que tu viens de voir.Elle me regarda un instant fixement puis continua :— Et: « à mon avis elle est vraiment trop bonne ». Je continue ?— Comme tu le sens. » J’étais mi-gênée, mi-contente.— Eh bien, il m’a aussi dit: « on peut pas dire qu’elle est mignonne, mais je pense qu’elle doit pas avoir de difficultés pour se trouver des mecs… »— …— Ou encore: « d’ailleurs si elle est en manque, je veux bien me dévouer, pour son bien… »Il y eut quelques secondes de blanc. Elle attendait que je dise quelque chose.— Bon, ben je prends bonne note de tout ça… Mais tu le laisses te dire ce genre de choses ?— Hélas !— Pourquoi, hélas ?— Parce que, du coup, j’ai parfois l’impression qu’il pense à toi quand on baise.J’hésitai, puis finis par répondre bêtement:Elle sourit en continuant:— Mais tu sais d’un autre côté, j’aime bien savoir ce qu’il pense de mes copines.Comme je l’avais dit à ma copine, je prenais tout cela pour des compliments et ça me faisait vraiment plaisir, ce qui, je l’admets aujourd’hui, était très con. N’être vu que comme un cul, c’est quand même un peu léger… D’ailleurs, sur le moment, c’était encore plus que ça, car ça m’excitait carrément. Ma petite pipe d’une heure avant m’avait déjà bien donné envie de cul, et mon amant grandiose de l’aube n’était plus qu’un lointain souvenir pour mon corps avide. En plus, de savoir que ça venait de son copain que je trouvais vraiment génial, je vous dis pas.— Et toi, ça t’ennuierait qu’il se dévoue pour mon bien ?J’étais tellement excitée, je pense, que je ne me rendais pas compte de ce que je venais de lui demander. Je regrettai quand même presque immédiatement ces paroles. Mais bon, c’était sorti… Tant pis. Elle me regarda comme elle aurait regardé une vache volant au-dessus de nos têtes, et hésita. Mais avant qu’elle ne me réponde, je repris :— Non, je déconne…— À mon avis, vu comme t’es salope, tu ne déconnes qu’à moitié.— Non, je t’assure que je déconnais.— Mmmouais. Moi je crois que pour que tu l’aies dit, l’idée t’est quand même passée par la tête.— Tu crois ? » hasardai-je.— Allez, avoue-le, au moins.— Bon, alors, un tout petit peu, peut-être.— Un tout petit peu quoi ?— Ben j’y ai peut-être un tout petit peu pensé.— Tu mens comme tu respires… D’ailleurs, je devrais plutôt dire: tu mens comme tu suces…Je ne pus retenir un éclat de rire. Mais elle, elle n’avait pas l’air de rigoler.— Ok, d’accord, j’avoue que ce ne serait pas forcément pour me déplaire.— Pfff, j’hallucine.— Bah, écoute: tu sais que je le trouve super ton mec, et tu viens de passer cinq minutes à me dire qu’il me trouvait super. Qu’est-ce que tu veux de plus ? Moi, ça y est, ça me suffit.— Bon, eh ben, allez-y ! Allez baiser ! Ne faites pas attention à moi…— Oh, allez, calme-toi. Tu sais très bien que je ne le ferai pas.— Oh ben, avec toi, je suis sûre de rien. Tu viens de pomper Greg devant deux cents personnes, et sa nana aurait été là, tu l’aurais fait pareil…— Ah bon, il a une nana ?— J’sais pas, j’en sais rien du tout, mais quand même.— Ben non, pas quand même. Si j’avais su qu’il avait une nana, je l’aurais pas fait…— Bah oui… La belle affaire… Avec des si on mettrait Paris en bouteille…Il y eut un blanc. On s’alluma une clope. Elle avait l’air de réfléchir. Elle finit par me dire avec un léger sourire:— D’un autre côté, au moins, il arrêterait de me saouler avec tes seins.Je souris aussi et fus contente de voir qu’elle n’avait pas tout si mal pris.— Ça c’est pas dit, » ajoutai-je alors avec malice.— Quand on y a goûté on peut plus s’en passer, c’est ça ?Je haussai les épaules, toujours souriant. Elle hésita, puis me dit:— Je vais aller t’acheter un gode, ça va te calmer un peu…Je me marrai. Elle ajouta :— Mais te connaissant, tu en as déjà plusieurs.— Eh ben tu sais quoi ? Même pas… Pas un seul !— Ouh là, j’ai comme l’impression que tu me tends une perche, non ?— Moi ? Non ! C’est pas mon style…— Bien sûr !— Et toi, tu en as un ?Elle me répondit en rigolant:— Qu’est-ce ça peut te faire ?— Non, simple curiosité.— T’es trop curieuse…— Donc tu en as un.— J’ai pas dit ça.— Et alors ? Ca fait du bien ?— C’est incroyable ce que tu peux être curieuse…— Il est gros ?— Et la curiosité est un vilain défaut.— Tu l’utilises souvent ?— J’espère que le temps va s’améliorer, parce que c’est un peu tristounet en ce moment. En plus normalement demain…— Allez, dis-moi !— Dis-moi quoi ?— C’est toi qui te l’es acheté ou bien on te l’a offert ?— Eh, mais c’est indiscret, tes questions !!!— Oh, tu vas pas jouer la petite fille pudique avec moi ; ça marchera pas…Elle tenta une nouvelle fois de détourner la conversation:— Tiens, regarde, c’est pas Sandrine et Stéphane, là-bas ?— Si c’est eux, mais on s’en fout…— La dernière fois que je les ai vus, ils…— Cécile !!!— Oui ?— T’arrêtes d’être chiante ?— Mais c’est toi qu’es chiante ! Effectivement, je crois que je vais t’en acheter un pour que tu arrêtes d’être aussi chiante…— Bon allez, dis-moi !Elle me regarda, malicieuse à son tour. Je voyais dans ses yeux qu’elle avait envie de jouer avec moi, de me faire marcher. Elle finit par prendre une grande inspiration:— Bien ! Alors, qu’est-ce que tu veux savoir ?— Tu en as un, ou pas ?— Oui.— Ha !— Quoi, ha ?— Non, rien. On te l’a offert ?— Oui.— Il est gros ?— Oui.— Gros comment ?— Je sais pas exactement, mais j’ai jamais vu de vraie queue aussi grosse…— Hmmm, tu me donnes envie…— Salope !— Oh, c’est bon ! Et alors, c’est bien quand tu te… quand tu le… enfin, ça fait du bien, quoi ?— Oui.— C’est mieux qu’avec un mec ?— Ben, c’est différent. Mieux, non, sinon, y aurait plus de célibataires…— Et tu t’en sers souvent ?— De temps en temps.— C’est à dire ?— Parfois.— Tous les jours ?— Non, faut peut-être pas exagérer… Mais disons que quand t’as pas de mec sous la main, ça dépanne…— Et c’est moi la salope !— Moi je pompe pas en public des mecs que je connais pas…— Mais je le connais Greg !— Tu m’as très bien comprise.— Bon, et tu l’utilises aussi avec Manu ?— Dis donc tu veux pas non plus le code secret de ma carte bleue, non ?— Allez, raconte…— Non.— Quoi, non ?— Non, je ne m’en sers pas avec lui.— Pourquoi ?— Parce que.— Alleeeezzzz euh !— Parce qu’il sait pas que j’en ai un, et que je crois que ça lui donnerait des complexes…— Putain, t’es vache, là.— Alors, ça y est, t’as fait ton enquête ? Tu sais tout ce que tu voulais savoir ?Elle ralluma une cigarette, puis but une gorgée de cola.— Tu veux pas me le prêter ?Je crois qu’elle manqua de s’étouffer. Elle toussa, reprit sa respiration, et me répondit:— Si tu veux c’est un peu un objet intime et personnel. Ça ne se prête pas. C’est comme une brosse à dents.— Oui, mais imagine que j’ai une furieuse envie de me brosser les dents, tu me la prêterais ta brosse à dents, non ?Elle rigola, mais me rétorqua:— Parce que là tu as une furieuse envie de te masturber ?— Furieuse, peut-être pas encore, mais bon…— J’hallucine. Quelle salope !— Oh là là, qu’est-ce que tu peux être rabat-joie…— Moi je suis rabat-joie parce que je refuse de te prêter mon mec ou mon gode ?Emportée, elle avait dit cette dernière phrase un peu fort, et juste au moment où le bruit environnant avait diminué. Quelques personnes levèrent vers elle des yeux plutôt abasourdis, tandis qu’elle rougissait et baissait la tête vers son verre. Moi je me marrai, alors que j’aurais sans doute dû me sentir cent fois plus honteuse qu’elle. Elle reprit, plus bas:— Et en plus, tu vois, à cause de toi, je me tape la honte…— Boh, tu t’en branles…— Ha, ha, ha, super drôle !— Oh, sois positive, un peu…Juste à ce moment là, un mec se radina jusqu’à nous de je-ne-sais-où, s’accroupit à notre table, et me dit, tout bas:— Bonjour, vous savez, si vous avez vraiment besoin d’un mec ou d’un gode, je peux peut-être vous aider.Je restai bloquée quelques secondes, ne sachant si je pouvais me permettre d’éclater de rire devant le ridicule de la situation. Je cherchai le regard de Cécile, mais elle avait pris sa tête entre ses mains et se cognait tout ça sur la table de façon répétée. Je ne savais pas si elle était en train de devenir dingue ou bien si elle n’arrivait pas à se retenir de hurler de rire. Je tournai les yeux vers le gugusse. Il avait une trentaine d’années, et apparemment, il transpirait et tremblait à moitié. Il avait l’air hyper sérieux, il avait l’air d’y croire, et il avait aussi l’air d’attendre une réponse. Ce fut tout connement:— Euh… Non… Ça va aller, merci… Je crois que je vais me retenir…Le pauvre type, quand j’y repense. Il partit à toute vitesse sans dire un mot, sans doute honteux de lui-même. Dès qu’il se fut un peu éloigné, Cécile retira ses mains de devant ses yeux, et me regarda comme si j’avais été un tableau de Picasso. Moi je me marrais, mais en même temps, j’étais un peu contente. Pour moi, c’était encore une sorte de compliments. Ma copine éclata finalement de rire, et me fit:— Tu vois, je te l’avais dit.— De quoi ?— Ben, tu leur donnes envie.Je m’allumais une autre cigarette.— En attendant, moi j’ai envie aussi.Elle rigola de nouveau.— De mon gode, toujours ?— Ouiiii.— Tu t’arrêtes jamais, toi, hein ?Elle écrasa sa cigarette et continua :— De toute façon, je t’ai dit que je te le prêterai pas.— Oh, tu peux bien au moins me le montrer…— Ça te fera fantasmer un peu plus encore…— Ah, tu veux bien ?— T’es vraiment insortable, toi, hein ?— Tu l’as ici ?Elle éclata encore de rire.— Bah oui, t’as pas vu ? Je me le mets des fois pendant les cours…— Bon alors on va chez toi, et tu me le montres, ok ?— Euh… Sans vouloir te faire déchanter, on a cours dans vingt minutes, et j’habite à un quart d’heure…— Boh, ouais, mais t’as vu la gueule du cours: deux heures de droit international, le truc super chiant.— C’est vrai que ça va être bien chiant…— Tu vois ? Alors qu’à côté de ça, on peut se faire une petite ballade jusqu’à chez toi…— On aurait su, on aurait pu aller directement manger chez moi…— Bah, tant pis, on a bien rigolé, là…Elle me regarda avec une drôle de tête.— Je vais devenir complètement dingue si je passe trop de temps avec toi.— Bon, allez, on y va ?— Je me demande quand même pourquoi tu t’es inscrite à la fac… Ce matin, t’as déjà loupé un cours et demi sur deux, et la dernière moitié, tu l’as passée à pomper ton voisin… Maintenant tu veux qu’on sèche les deux premières heures de l’après-midi, et, te connaissant, on risque pas de revenir pour le deuxième amphi…— En tout cas, moi, non.— Oh, t’exagères !