J’avais fait une petite bêtise, rien de bien grave en fait, mais cela avait quand même été jusqu’au tribunal, et j’avais été condamné à quelques semaines de « Travail d’intérêt général ». Après tout, cela faisait si longtemps que je glandais au chômage que c’en était presque bénéfique. Du moins j’étais occupé, je voyais du monde, j’étais au grand air…Nous nous occupions des plantations de la mairie en bordure du canal et aussi du débroussaillage, rien de vraiment palpitant, mais les autres étaient sympas et il y avait toujours de bonnes rigolades en perspective. Que demander de plus ? Une femme peut-être !Justement, il y en avait bien une, une femme, qui travaillait avec nous, célibataire en plus. Mais la femme en question était pour le moins atypique et n’était pas convoitée par qui que ce soit. En partie parce qu’elle était invalide en fauteuil roulant, mais aussi et surtout parce qu’elle avait, un physique particulièrement ingrat et pas grand-chose d’attirant dans sa personnalité. Elle n’avait pas été gâtée par la nature, la pauvre, et, après son accident, elle l’était encore moins.Elle s’occupait du secrétariat du service. On la voyait trois ou quatre fois par jour, guère plus, à chaque fois que l’on repassait par le centre. Elle était seule à longueur de journée, elle s’ennuyait ferme et c’est vrai qu’en ce qui me concerne, j’aimais bien aller lui faire un brin de causette, ne serait-ce que pour échapper un peu à cette ambiance de mecs qui, à la longue, finissait par devenir pesante.J’ignore comment et pourquoi je me suis entiché de Bébel (de son vrai nom Bernadette) ; je ne suis pas trop moche, paraît-il, et j’aurais sans doute pu trouver mieux, mais le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ?Le fait est qu’il m’arrivait de plus en plus souvent de penser à elle, parfois en me caressant. Elle vivait seule, isolée, sans ami, sans amie non plus, juste une aide-ménagère qui passait de temps en temps, sa vie ne devait pas être bien palpitante !Je me suis demandé où elle en était sur le plan sexuel. Avait-elle des envies, lui arrivait-elle de coucher avec des mecs et avec qui, quel genre de garçon ? Se contentait-elle de se toucher et, si oui, comment et en pensant à quoi ? Bien évidemment, je n’osais jamais aborder ces sujets avec elle et je restais dans l’expectative, me contentant de spéculer sur sa vie sexuelle en me branlant parfois comme un fou dans mon lit. Dans mon délire, je la voyais au choix : très salope, suceuse de bites et nymphomane, obsédée par le sperme ou alors vieille fille, aigrie, solitaire et vicieuse en train de se branler dans sa cuisine avec de gros concombres juteux… Des rêves d’homme, forcément !Un soir qu’il pleuvait averse, nous étions trois ou quatre dans le burlingue à attendre que la pluie daigne s’arrêter. Bébel était là, elle-aussi. Pour elle, le problème était encore plus délicat que pour les autres, car elle mettait plus de temps à rentrer dans sa voiture.Un de nos collègues sortit alors une plaisanterie bien grivoise, du style :— Faudrait que ça s’arrête, bobonne doit attendre son coup de bite.Et un autre de rétorquer :— T’inquiètes pas, Jeannot, son amant doit en avoir une bien plus grosse que toi, il fera mieux l’affaire…Et les plaisanteries bien grasses de fuser de toutes parts, « coups de pine », « grosses salopes », « vicieuses lubriques », il y en avait au moins trois qui ne parlaient que de cul dans la bande…Machinalement, mon regard s’est posé sur Bébel qui restait seule dans son coin. Elle était rouge de honte mais pas du tout indifférente à cette conversation grivoise, semble-t-il. Nos regards se sont croisés, intenses… Je l’ai sentie rougir encore un peu plus, sans pour autant détourner le regard… Quelque chose d’important venait de se passer entre nous !La pluie s’est arrêtée, ou tout du moins elle s’est calmée un peu, et l’autre branque a pu aller retrouver sa pétasse, bientôt suivi par nos autres acolytes qui lui ont emboîté le pas. J’ai prétexté quelque chose d’oublié dans mon casier pour rester seul à seul avec Bébel.La porte à peine fermée, nous nous sommes regardés en chien de faïence, ne sachant ni trop quoi dire, ni par où commencer. Elle s’est finalement décidée à partir et je lui ai proposé de l’aider à s’installer dans sa voiture, comme il pleuvait toujours…Je l’ai accompagnée jusqu’à son véhicule en la protégeant d’un parapluie. Puis, prétextant que son fauteuil risquait de glisser, je l’ai aidée à prendre place sur le siège. Fatalement nos corps se sont frôlés et le désir latent a explosé. À peine assise que déjà je lui roulais une pelle d’enfer. Nos langues avaient la fièvre et lorsque mes mains se sont posées sur ses seins, j’ai senti que ceux-ci étaient aussi brûlants d’envie. Ce baiser qui n’en finissait pas, nos langues entrelacées… « Hummm… »Un peu plus tard, quand nous nous sommes enfin décollés, nous nous sommes regardés complètement éberlués de ce subit coup de folie partagé. Je suis allé ranger son fauteuil dans le coffre puis, sans rien dire, je me suis installé près d’elle dans sa voiture, et elle a démarré…L’essentiel du voyage s’est passé sans qu’aucun mot ne soit échangé. Tout semblait implicite, merveilleux, un instant privilégié, presque magique.Bébel n’habitait pas très loin, un immeuble relativement cossu dans une cité pourrie. De l’autre côté de la rue, les bâtiments étaient tous tagués. Linge, vélos et antennes paraboliques fleurissaient sur les balcons d’en face. Il n’y avait guère que son immeuble, plus moderne, qui tranchait un peu avec le délabrement de sa cité. Elle me dit qu’elle avait eu du mal à trouver, que sa carte d’invalidité l’avait beaucoup aidé. Et encore, ce n’était pas toujours la joie car il arrivait de temps en temps que l’ascenseur tombe en panne et dans ce cas elle était obligée d’aller à l’hôtel.— Mais tu ne connais personne qui pourrait t’héberger dans le coin ? Tu n’as pas d’ami ?— J’ai vécu avec quelqu’un, il y a quelques années, mais ça n’a pas duré bien longtemps et depuis je n’ai plus personne.Ce n’était pas exactement ce que je lui demandais mais cette réponse me satisfaisait car elle donnait un début de réponse à mes interrogations.Elle est sortie assez facilement de la voiture. Je ne m’étais pas rendu compte, auparavant, à quel point cela devait être parfois pénible d’être ainsi handicapée et toutes les difficultés supplémentaires que l’on devait affronter. Le sous-sol était sinistre, les lumières vacillantes n’inspiraient guère confiance, c’était le genre d’endroit où certaines femmes se font parfois violer !Elle s’est engouffrée dans l’ascenseur et je l’ai rejointe. La porte à peine fermée que nous recommencions nos embrassades. À se demander comment nous avions fait pour tenir si longtemps. L’ascenseur ne tarda pas à arriver sur son palier. Le temps nous avait paru bien court en vérité. Sur le pas de sa porte nous nous sommes à nouveau embrassés avant de prendre la sage décision de rentrer à l’abri de son appartement.Son logis était un peu triste, à l’image de la cité. Des meubles années 60, ringards à souhait. Mais tout était parfaitement rangé, pas une trace de poussière, rien à voir avec chez moi où régnait un bordel sans nom. Je dois dire que ça m’a fait un peu reculer. Ringarde à ce point, elle avait beau être gentille, moi j’étais habitué à plus de liberté. Elle m’a fait visiter. J’ai failli pouffer quand j’ai vu le crucifix au-dessus de son lit, dire que le petit Jésus en personne allait nous regarder baiser.Elle m’a proposé une collation. J’ai accepté, je ne savais pas trop comment m’y prendre pour entamer les hostilités. En plus elle était relativement bien en chair donc probablement assez lourde et je me voyais mal la soulever du fauteuil roulant et la porter sur le lit.Alors je l’ai à nouveau embrassée, cette fois-ci encore plus goulûment et j’en profitai pour la caresser un peu partout à travers ses habits. Elle se laissait faire, assez passivement je dois dire. Ses joues devenaient chaudes, brûlantes, sa langue fiévreuse. Visiblement, elle avait très envie, mais ne prenait aucune initiative.Nous nous sommes arrêtés là. Simplement par ma faute, je n’ai pas osé aller plus loin, alors même qu’elle était parfaitement disponible à mes caresses. Elle a repris ses esprits et nous a servi à boire. Un whisky-coca. À voir les doses, elle avait visiblement l’habitude de picoler. Elle a avalé son verre d’un trait et s’en est même resservi un autre aussi sec. Ça m’a quand même surpris, mais j’ai essayé de n’en rien laisser paraître. Manifestement, elle avait l’habitude de noyer son chagrin dans l’alcool.Finalement ce n’était pas plus mal, car ça l’avait rendue gaie. Elle gloussait bêtement. Lorsque j’eus fini mon verre, elle le remplit à nouveau et le sien aussi dans la foulée… Gaie mais nerveuse malgré tout, elle fumait clope sur clope, presque plus que moi qui suis pourtant un véritable intoxiqué. Le salon était embué d’une fumée dense, vapeurs de tabac, vapeurs d’alcool… J’ai fini par comprendre qu’elle était torturée entre son envie de faire l’amour et la peur de passer à l’acte. Lorsqu’un peu plus tard, j’ai hasardé une caresse, elle s’est rétractée nerveusement. Était-ce le manque d’habitude, la honte ou je ne sais quoi ?Au quatrième verre, elle a carrément fondu en larmes, me laissant bien embêté !— Oh, je suis désolée, je ne peux pas… je ne peux pas.Elle sanglotait à chaudes larmes. J’étais particulièrement ému.— Tu comprends, je n’ai pas l’habitude, je n’ai plus l’habitude, je ne sais plus trop où j’en suis avec les hommes.Elle paraissait inconsolable, j’étais malheureux pour elle. J’ai répondu à sa détresse :— Oh, écoute ce n’est pas grave, il n’y a rien de grave dans tout ça. Tu ne devrais pas te mettre dans des états pareils pour si peu.— C’est que ça me tient à cœur, tu comprends ?Je comprenais fort bien mais je savais aussi qu’il ne fallait pas s’obstiner face à un problème, que ça ne servait à rien, et surtout pas à le résoudre. Il fallait faire diversion, penser à autre chose.— J’ai un ami qui travaille dans une boîte qui livre des plats chinois à domicile. Ça te dirait de manger chinois ? Parfois il m’octroie une petite ristourne.— Des nems et des beignets de crevettes, j’adore ça !Sitôt dit, sitôt fait, je téléphonai à mon pote. Malheureusement il n’était pas disponible pour cette course. Alors nous avons dû payer le prix fort. Enfin, peu importe, j’étais heureux de lui faire plaisir. Nous avons parlé d’autre chose, nous avons bien ri, j’étais heureux de lui changer les idées par quelques galipettes verbales.Après le repas, sans consommation exagérée d’alcool et en essayant de limiter le plus possible la cigarette, nous avons pris une tisane de sa composition – finalement buvable, moi qui ai pourtant horreur des tisanes – en discutant de choses et d’autres. J’ai fini par en savoir un peu plus sur Bébel, notamment qu’elle avait failli se marier et qu’elle avait eu un accident de moto avec son mec, accident qui l’avait rendue invalide. Il était encore resté quelques mois avec elle, le temps de s’apercevoir qu’il ne supporterait jamais de vivre avec une infirme, elle s’était donc retrouvée seule. Depuis, très peu d’aventures, elle ne désirait pas trop en parler, la dernière en date remontait à plus de trois ans, trois ans pendant lesquels, selon ses propres termes, elle n’avait eu aucun rapport avec qui que ce soit. Et elle n’était pas sûre d’avoir envie de recommencer, d’autant plus que ces expériences malheureuses (dont elle ne voulait pas parler) l’avaient traumatisée. Elle préférait rester seule… on en revenait toujours à sa satanée problématique !Vint ensuite l’heure de prendre congé. Elle semblait un peu inquiète que je m’en aille ainsi à pied à cette heure tardive à travers la cité. Moi, pas plus que ça. Sans être un superman, je suis assez bagarreur et n’ai pas trop la trouille. Et puis il n’y avait guère plus d’un petit kilomètre pour rejoindre la gare…Je l’ai embrassée sur la bouche une dernière fois, un baiser toujours aussi passionné et profond, puis j’ai enfilé mon blouson et j’ai pris congé. J’étais sur le point de refermer la porte derrière moi lorsqu’elle m’a appelé :— J’aimerais… que tu restes avec moi… cette nuit… Je me suis retourné et l’ai regardée.— Je n’ai pas envie de rester toute seule… Reste, s’il te plait, même si on ne fait rien, je sais, c’est beaucoup demander…Ses yeux me suppliaient… C’aurait été cruel de résister.J’étais sur le point de lui demander des couvertures pour m’installer sur le canapé car je croyais la chose entendue, mais je compris rapidement que je coucherais avec elle dans son lit et que, pour autant, nous n’irions pas plus loin, elle avait juste besoin de sentir une présence. Pourquoi pas, après tout, cela ne me dérangeait pas plus que ça et ce ne serait pas la première fois que je coucherais près d’une fille sans la baiser, j’avais déjà une solide expérience dans ce genre de plan foireux !Et c’est bien ainsi que notre première nuit se passa. Au début assez distante et réticente. Elle avait enfilé une grosse chemise en coton du plus mauvais goût et moi j’étais en slip et t-shirt. Plus tard, elle s’était rapprochée et s’était blottie tout contre moi. Je sentais son corps brûlant et je m’étais mis à bander, mais je respectais les règles et je restais là sans bouger.J’ai fini par m’endormir dans cette position et, lorsque je me suis réveillé, elle me regardait. Le jour se levait lentement dans la chambre et elle me dévisageait, une main posée sur mes hanches. Je l’ai vue sous un autre angle, je l’ai trouvée intensément belle, avec un visage d’une pureté angélique. Elle s’est serrée un peu plus contre moi, elle m’a serrée tout contre elle :— Je suis heureuse que tu sois là, tu sais !En réponse je l’ai serrée très fort contre moi, moi aussi je l’aimais.Plus tard nous avons commencé les caresses, très doucement au départ, presque timides comme deux adolescents qui se découvrent, avec une infinie tendresse. Plus tard encore, nous avons connu des ardeurs, ardeur de nos bouches fiévreuses qui se cherchent, ardeur de nos corps langoureux qui s’enlacent, ardeur de nos désirs frénétiques l’un pour l’autre. Mes doigts glissaient sur sa peau, parcouraient chaque centimètre de son corps, je n’avais jamais commis autant de tendresse envers une femme, c’était ce qu’elle m’inspirait, une tendresse infinie.Plus tard encore, elle s’est décidée à retirer sa chemise de nuit. Avec une certaine difficulté, ses jambes étaient vraiment mortes, quel dommage ! Quel dommage ces jambes sans vie sous un corps superbe, des courbes bien faites, des formes bien pleines.Elle n’était pas si moche que ça, pas aussi moche que tout ce qu’on avait pu dire d’elle entre mecs, ou était-ce l’amour qui me rendait aveugle ?Elle était surtout mal sapée et ne savait pas (ou ne voulait pas) mettre en évidence ses avantages. Mais ainsi, nue devant moi, elle avait tout ce qu’il faut là où il faut, ou alors j’étais en train de devenir salement amoureux ! Et alors, était-ce un mal après tout ?J’ai caressé avec délice ce corps qui m’était offert, d’abord avec mes doigts, ensuite avec la bouche. Elle frémissait sous mes caresses. Elle s’est légèrement crispée lorsqu’elle a senti mes lèvres se poser entre ses cuisses puis peu à peu s’est détendue et s’est laissé aller, bientôt toute mouillée d’être ainsi léchée avec passion.La nuit avait porté conseil et atténué les tensions… Elle était sensuellement prête pour toutes les caresses. Je l’ai longuement préparée avec ma bouche, l’emmenant lentement au bord de l’extase, usant de la plus féminine des douceurs qui soit, pour le plaisir de la satisfaire.Je bandais comme un cerf (un cervelet me direz-vous), mais je retardais l’échéance, je ne me hasardais pas non plus sur les sentiers savonneux de la fellation, ignorant si elle était coutumière ou non du fait. Dans une première approche, je désirais uniquement la mettre en confiance. Ignorant mon propre plaisir et les désirs fous qui m’assaillaient dans ma tête, je la pris lentement, tendrement, face à face en missionnaire, avec un maximum de douceur pour conduire sans brutalité ma nymphe vers le nirvana.J’essayais de restreindre mes élans et ma mâle brutalité pour que tout ne soit pour elle que calme et volupté, pour qu’elle décide d’elle-même d’accélérer la cadence. Dieu qu’elle était belle ! je la regardais frémir en la baisant, je la regardais vibrer de tout son corps tandis que j’investissais son sexe au plus profond, le plaisir s’emparait peu à peu d’elle, la rendant folle, l’incitant à me faire accélérer la cadence, ce qu’elle me demanda bientôt en me griffant sauvagement. Elle devenait folle, complètement déchaînée, elle voulait JOUIR, jouir de moi, jouir d’être pénétrée et que je la laboure encore plus fort, encore plus vite, encore plus loin…Elle éclata d’un orgasme intense, sans commune mesure avec ce que j’avais connu jusque-là, un orgasme où je sentis les muscles de son vagin se contracter avec véhémence, tant et si bien que je ne tardai pas de m’épancher en elle, la remplissant entièrement de mon sirop juteux…Et là, je levai la tête : Jésus me faisait un clin d’œil !