L’homme est jeune, bronzé. Ses cheveux bruns, en bataille, lui donnent un air frondeur. Il a la suffisance de ceux qui se savent beaux. Christine l’a observé avec plaisir pendant qu’Eric ajustait sa lanière. Maintenant, cet homme la fixe de ses yeux bleu glacier et esquisse un sourire carnassier. La jeune femme lui rend son regard.— Prête ?— On y va.— Elle est raide…— J’ai l’habitude.Elle fanfaronne un peu. Elle n’a pas eu trop l’occasion de pratiquer, ces derniers temps. Il y a cependant des choses qu’on n’oublie pas. Et cet homme est trop séduisant pour qu’elle se montre timorée.Il a le geste calme et sûr. Elle en a connu des maladroits, d’autres mous. Là , rien de tel. Il lui glisse fermement la tige entre les doigts, avant de la diriger, dans un mouvement rapide, vers son entrejambe.Elle attend quelques secondes. Il la regarde. Rien ne se passe. Elle se tend d’impatience.Soudain, l’impulsion. La surprise lui coupe la respiration. Elle se sent décoller, elle en crierait presque de plaisir. Dieu, que c’est bon !Elle assure sa prise, fait aller et venir sa main sur la barre tendue. Se trémousse un peu. C’est tellement agréable. La poussée s’accentue un peu sur son bas-ventre. Elle se laisse doucement partir en arrière et sent la pression sur ses fesses, de plus en plus présente. Elle tourne la tête. Eric est juste derrière elle. Elle sourit. Elle se sent libre.Elle manque de vaciller. Ce serait bien trop bête. Elle se recentre, regarde devant elle, tire doucement sur la tige. Elle la sent trembler sous sa main. Joueuse, elle appuie un peu et perçoit, pour son plaisir, les vibrations qui deviennent de plus en plus rapides. Elle change légèrement d’appui, crispant les orteils. Elle peut ainsi basculer son pubis, et profiter de ces trépidations. Elle a de légers mouvements du bassin, vers la droite, vers la gauche. Elle respire à petits coups. Elle se sent un peu grise.Mais tout se ralentit. La sensation d’ivresse disparaît. Elle a du mal à garder sa position. Elle éloigne un peu la barre, pour soulager son entrejambe d’une brûlure à la fois agréable et gênante. Elle remet une mèche de cheveux en place, secoue la tête. Elle sait que ce n’est pas fini. Elle se trouve un peu folle d’avoir tenté l’aventure. Mais là où elle est, il n’y plus d’issue possible. À vrai dire, une fois la décision prise, il n’y avait pas vraiment d’alternative. Pas de glorieuse, en tout cas. Christine a toujours préféré relever les défis. Elle respire un grand coup. Elle n’ose pas se retourner maintenant.D’un coup, la tension se fait plus forte. Elle se cabre, tend ses muscles, se prépare à l’assaut. La pression sur ses fesses se fait plus pressante. La barre a cessé de vibrer. Elle s’est raidie et maintenant se dresse, impérieuse. Christine se cambre. Elle se concentre. Elle sait que ce moment-là est le plus dur. Le plus agréable aussi. Elle sait que si elle parvient à trouver la bonne position, à bander suffisamment ses muscles, alors elle s’envolera. Elle l’attend et le redoute, en même temps. Si elle fait une erreur, elle risque gros. Elle ne veut, en aucun cas, blesser Eric. C’est pour lui faire plaisir qu’il a accepté. Elle sait très bien qu’il préférerait être ailleurs.Elle s’apprête et, elle le sait, l’appréhension participe de son plaisir. Elle évalue du regard l’allongement de la barre. Elle sait que la résistance est presque atteinte. La tige rigide appuie maintenant durement sur son ventre, elle doit faire un effort pour ne pas la lâcher. Maladroitement, elle y porte sa deuxième main. C’est inutile, elle le sait.Tout s’accélère. La tringle manque de lui échapper. Elle arrive en butée. Christine serre les jambes pour ne pas perdre le contrôle. Elle lutte, s’agrippe, s’encourage à mi-voix. Gagne une seconde de répit. Puis ça repart, plus fort, plus vite. Mais maintenant elle est prête.Sa tête se renverse en arrière, elle se sent comme happée, et ça y est, elle part, elle part, elle voudrait que ça dure longtemps, longtemps, elle se sent légère comme une plume, libre, à peine liée au monde. Elle a réussi, et le plaisir même lui fait oublier la tension de ses muscles, la crispation de ses orteils. Elle s’est envolée…Ça dure, bien entendu, trop peu. Le retour sur terre se fait en douceur, mais la fatigue se fait sentir. Elle a hâte, maintenant, que ce soit fini. La perche oscille lentement entre ses jambes, elle la dégagerait s’il n’y avait pas Eric. Mais il n’est pas, lui, familier des lieux. Elle ne veut pas l’induire en erreur.Elle voit, enfin, la crête salvatrice. Arrivée au sommet, elle a un mouvement souple du poignet. Elle se laisse conduire avec élégance, puis d’un coup lâche la perche qui s’éloigne, dans un balancement mou.Eric la rejoint alors qu’elle enfile ses dragonnes. Elle prend le temps de rajuster ses gants avant de partir, pendant qu’il règle une fois de plus ses chaussures.Christine admire le paysage. La montagne n’est jamais la même. Un nuage et elle devient sinistre. Un rayon de soleil, la voilà plus lumineuse que les plages des tropiques. Le moment qu’elle préfère, c’est la tombée de la nuit, quand le massif prend doucement des tons rosés, puis bleus, de plus en plus sombres, jusqu’à disparaître. Quelle magie ce serait de voir ça d’en haut !Eric la ramène à une réalité plus triviale en lui tendant une barre de nougat. Le grand air, ça creuse ! Les émotions aussi.— Ça a été ?— Pas trop mal. Je suis rouillé ! Il est long, quand même…— Tu parles ! Le plus long et le plus raide de tout le domaine. Ça se mérite ! Avoue que la vue était belle.Elle ne le regarde pas acquiescer. Il skie moins bien qu’elle, mais il a pris de l’aisance ces derniers jours. Christine ne se sent plus obligée de se cantonner aux itinéraires faciles pour lui, même si elle doit l’attendre au bas des pentes les plus raides. Il lui a même proposé une randonnée dans les Trois Vallées, vendredi prochain.Elle regarde avec envie la bleue qu’ils viennent de faire. Maintenant que c’est fini, elle recommencerait bien. Le perchiste avait un beau sourire… Une deuxième piste mène à ce téléski. Pourquoi pas, après tout ?— On fait la rouge ?Il secoue la tête.— Non, je referais bien celle d’hier.Christine fait la moue. Elle se dirige pourtant vers la station. Eric tire sur sa combinaison. Ces foutus remonte-pentes lui broient les couilles. Il ne comprend vraiment pas pourquoi sa femme les préfère aux télésièges…Un clin d’œil à quelques-uns de ceux qui s’y sont essayé avant moi : Sala de Espera, de manière plus technique mais aussi plus torride, et Nono, avec une histoire émouvante et surprenante.