Cette fille, j’ai passé deux nuits avec elle. Vingt ans ont passé. J’y pense encore. J’aimerais la revoir. Ou plus exactement, savoir si un homme est parvenu à l’apprivoiser, à percer son mystère. Moi, j’ai échoué. Et je me suis enfui. J’étais sans doute trop jeune. J’avais peur de ce que j’avais découvert, peur d’elle en fait.
Je l’avais rencontrée en boîte, un jeudi soir, lors d’une « soirée infirmières », plan classique de tous les étudiants de la ville. Car ces filles, étudiantes elles aussi, étaient réputées pour n’être pas trop farouches. Elle était là, assise avec un groupe d’amies, mais un peu à l’écart. Je l’ai regardée un moment. Ses amies riaient, dansaient, riaient. Pas elle. Elle n’était pas moche, mais ne faisait rien pour se mettre en valeur. Un jean’s, des mocassins, un pull, une coupe de cheveux banale, pas de maquillage. Ses amies s’étaient levées pour aller danser. J’en ai profité pour lui demander si je pouvais m’asseoir à côté d’elle. Elle a accepté, sans enthousiasme.
Dans ce genre de circonstance, vous savez vite si vous plaisez à une fille ou si vous perdez votre temps. Là, aucun indice, ni d’un côté ni de l’autre. Je faisais l’essentiel de la conversation. Elle ne la relançait jamais. Ses réponses étaient brèves. J’ai fini par lui demander si elle s’ennuyait avec moi :
— Non, pas du tout. Au contraire, même. Je suis comme ça. Si ça ne te plaît pas, je peux te présenter mes copines.
Son ton n’était pas agressif. Mais neutre, presque résigné. Elle m’intriguait. Et plus je le regardais, plus je lui trouvais du charme : mince, traits réguliers, mains fines. Ne lui manquait qu’un sourire. Je l’ai invitée à danser. Sous son pull, je sentais une chair ferme et chaude. Elle ne refusait pas la pression de mes mains, mais restait à distance, tête en arrière. J’ai fait une dernière tentative, sans vraiment y croire :
— Je pars demain soir chez un copain. Ses parents ont une maison sur la côte. On va faire du surf. Ça te plairait de m’accompagner ?— Oui, pourquoi pas ?
J’ai quitté la boîte avec son adresse, et un rendez-vous pour le lendemain soir à 20 heures. Mais avec toujours autant de questions dans la tête.
Carine louait une chambre chez un couple de gens assez âgés. Quand je suis passé la prendre, déception : elle n’avait fait aucun effort pour me plaire. Toujours un pull et un jean’s, des ballerines, pas de maquillage. La route a été longue. Elle a tout de suite mis la radio, comme pour éviter une discussion, et regardait droit devant elle. En revanche, une fois chez mon copain, il lui a semblé naturel de partager ma chambre. Elle a posé son sac à côté du mien au pied du lit, est allée mettre sa trousse de toilettes dans la salle de bains, exactement comme si nous sortions ensemble.
Nous avons brièvement dîné avec mon copain et sa petite amie d’alors. Elles ont sympathisé, parlé de leurs études respectives. Bruno, mon copain, m’a rejoint dans le salon :
— C’est qui cette fille ?— Je ne sais pas, je l’ai rencontrée hier soir à la soirée infirmières.— Elle est bizarre, non ?— Je crois qu’elle est timide. Elle ne parle pas beaucoup.
Agnès, la copine de Bruno, est partie se changer avant que nous allions en boîte. Pas Carine. J’aurais pourtant aimé qu’elle se mette en jupe, pour voir ses jambes. Ou fasse quelque chose qui prouve que je ne lui étais pas indifférent. Le malaise a perduré en boîte. J’en ai eu assez d’essayer de lui plaire, de lui parler. J’ai rejoint deux types que je connaissais vaguement. Ils étaient accompagnés de trois filles, dont l’une me plaisait. J’ai dansé avec elle. Pendant le slow, j’ai senti une main qui me tapait sur l’épaule. C’était Carine :
— Viens, il faut que je te parle.
Je l’ai suivie, sous le regard narquois de la fille avec qui je dansais. Nous nous sommes isolés dans un coin de la boîte :
— Qu’est ce que je t’ai fait ? Tu m’emmènes ici, et tu dragues une autre fille ! J’ai l’air de quoi, moi ?
Elle n’était même pas en colère. Toujours son ton neutre. Il y avait quand même un peu de désarroi dans ses yeux. C’était entièrement de ma faute. Jamais je n’aurais dû inviter à un week-end cette fille que je ne connaissais pas, qui ne me tentait même pas. Mais maintenant, elle était là. Il fallait que j’assume :
— Je ne la drague pas. On dansait, c’est tout. Et puis viens, on rentre.
Elle ne s’est pas pour autant rapprochée de moi dans la voiture. Et, une fois arrivée à la maison, a filé droit dans la salle de bains. Je l’ai entendue prendre une douche. Je me suis déshabillé entièrement et me suis couché. Elle est sortie de la salle de bains avec un long tee-shirt qui lui descendait à mi-cuisse, sans s’étonner de me voir nu dans le lit. Bruno et Agnès venaient de rentrer. Elle a quitté brièvement la chambre pour leur souhaiter bonne nuit, puis s’est couchée de l’autre côté du lit et a éteint la lumière…
Jamais, je n’avais rencontré une fille aussi froide, aussi déconcertante. Que croyait-elle ? Qu’elle pouvait passer la nuit dans le lit d’un garçon nu sans rien lui donner ? Je l’ai embrassée. Ses lèvres étaient douces, sa langue répondait à la mienne. Mais je la sentais passive. Et ses mains restaient sur ma nuque tandis que les miennes partaient explorer son corps. J’ai voulu lui enlever son tee-shirt. Elle m’a arrêté en disant qu’elle avait froid. C’était bien parti ! Mais le contact de sa peau contre mon sexe me faisait bander. Autant ne penser qu’à moi, et la baiser comme un égoïste puisque de toutes manières mes préliminaires ne lui faisaient aucun effet. J’ai été surpris de constater, quand j’ai ouvert son sexe, qu’il était humide. Mais mes caresses la laissaient de marbre. Inutile de continuer. Je suis venu sur elle pour la prendre en missionnaire. Elle a écarté ses jambes et les a relevées pour que je la pénètre plus facilement.
Dès que je suis entrée en elle, j’ai ressenti un plaisir extraordinaire. Son vagin était un long fourreau chaud et étroit. Ses chairs s’écartaient sous la pression de mon sexe, puis semblaient se refermer autour de lui, pour le presser. J’avais l’impression qu’elle le libérait quand je me retirais d’elle, et le pressait à nouveau quand je revenais. C’était comme si elle m’aspirait en elle, me tenait, me caressait avec les muscles de son vagin. Je la pénétrais lentement, pour mieux sentir la progression de mon sexe. Parvenu au fond d’elle, je libérais un gémissement de plaisir, sans penser à Bruno et à Agnès, qui devaient m’entendre de l’autre côté de la cloison. Je ne pensais même pas à Carine. Rien qu’à moi, à mon sexe, au plaisir que je prenais dans son ventre. Le plaisir est monté vite. Je n’ai pas voulu le retenir. J’avais peur de briser ce moment magique. C’est elle qui m’a arrêtée quand j’étais au bord de la jouissance : la pression de ses bras sur mon torse et de ses jambes sur mes reins m’empêchaient de bouger. J’étais là, planté au fond d’elle. Son vagin se contractait autour de mon sexe, le relâchait, le serrait. J’ai rugi de plaisir quand j’ai explosé en elle, peut-être même crié, je ne sais pas. Et je suis retombé à côté d’elle, comme une masse.
J’ai mis du temps à remonter à la surface. Je respirais fort. J’entendais les battements de mon cœur. Puis, j’ai été saisi d’un sentiment de reconnaissance, comme si mon corps voulait la remercier de tant de plaisir. Je me frottais contre elle, l’embrassais, la serrais, j’essayais de lui dire, avec mes mots, combien ça avait été bon pour moi. Jamais je n’avais connu cette émotion après l’amour, un tel contrecoup après le plaisir.
Mais c’était à sens unique… Je me sentais redevable envers cette fille qui m’avait donné tant de plaisir, et n’avait pas reçu grand chose en échange. J’ai glissé le long de son corps pour lui faire un cunni, caresse à laquelle peu de femmes résistent. Je n’osais pas mettre ma langue dans son vagin rempli de mon sperme. Je me suis concentré sur son clitoris. Il est devenu dur, ses deux mains se sont posées sur mes cheveux. Une crispation de son corps, un cri de souris, ses mains qui relevaient ma tête. J’ai su ainsi qu’elle avait joui.
Dèjà, mon sexe était dur, je la désirais à nouveau, je voulais m’enfoncer dans son vagin magique, dans ce fourreau de chair. Je l’ai reprise dans la même position que la première fois. Je l’espérais plus réceptive. Elle ne l’était pas, ou à peine plus. Je ne m’en suis pas soucié longtemps. Mon propre plaisir m’emportait. Je ne maîtrisais plus rien. Je ne sentais plus mon corps, rien que mon sexe prisonnier du sien. Les mots que j’aimais entendre des filles quand je leur faisais l’amour, les « encore », les « c’est bon », je les prononçais pour la première fois, spontanément, je les répétais sans cesse, je m’abandonnais aux contractions de son sexe autour du mien. Le plaisir est monté comme une vague, sans que j’essaie de le retenir pour durer plus longtemps. Mais cette fois, j’ai mis ma bouche contre son épaule pour ne pas crier.
Aussitôt, elle s’est levée pour aller aux toilettes. Son absence m’était cruelle. Je me sentais seul. J’avais besoin de la chaleur de son corps. Quand elle est revenue, je me suis serré contre elle. C’était plus fort que moi, il fallait que mon corps la touche, se frotte contre le sien, je l’embrassais, je sentais son odeur. Je lui disais que j’aimais son corps, sa manière de faire l’amour. Et je me suis endormi, encore dans le plaisir.
Toute cette nuit, je l’ai passée contre elle. Quand son corps s’éloignait dans le sommeil, je le suivais pour me coller à nouveau. Je me suis réveillé au milieu de la nuit. Elle était dos à moi, sur le côté. Mon sexe était contre ses fesses nues. Et je bandais. J’ai voulu lui refaire l’amour. Elle m’a repoussé gentiment, en me disant qu’elle avait sommeil.
Même érection au matin. Cette fois, elle a ouvert les jambes. Et j’ai retrouvé son paradis soyeux, ses contractions autour de mon sexe qui me rendaient fou de plaisir. J’étais encore dans un demi-sommeil. Je ne savais plus où j’étais, sinon dans son vagin, là où était ma place. J’en avais oublié Bruno et sa copine, qui dormaient à côté. Je ne retenais plus mes gémissements. C’est elle qui m’a posé la main sur ma bouche quand j’ai joui, pour étouffer mon cri de plaisir.
J’aurais aimé lui parler, mais elle s’est levée pour aller prendre une douche. J’étais seul sur le lit, couché sur le dos, jambes écartées, sexe au repos. Je me sentais divinement bien, gai, heureux. Le plaisir m’avait fait perdre tout repère. J’avais connu une douzaine de filles avant elle, certaines plus belles, toutes plus sensuelles, plus réceptives. Mais aucune ne m’avait fait jouir comme Carine. Je ne cherchais même pas à comprendre.
Lors du petit-déjeuner, j’ai eu droit aux sourires égrillards d’Agnès :
— Pas facile de dormir à côté de vous !
Mes débordements nocturnes avaient donc franchi les murs… Je m’en fichais. Il faisait beau dehors. Carine était en jupe. Pour la première fois, je voyais vraiment ses jambes. Ça me donnait encore envie de les remettre dans un lit, de les écarter, de plonger dans son sexe. Je ne supportais pas qu’elle s’éloigne de moi. Elle m’aimantait. Il fallait que je la touche, que je la frôle, que je m’occupe d’elle. Je lui ai servi un verre de jus d’orange, du thé, lui ai fait griller des toasts. Je ne me rendais pas compte du ridicule de la situation, avec cette fille indifférente, et moi qui lui tournais autour comme un amoureux transi. Je n’étais pourtant pas amoureux d’elle. Mais mon corps l’était du sien, totalement.
Bruno m’a soumis aux questions d’usage, alors que nous passions de la wax sur les planches de surf :
— À ce que j’ai entendu cette nuit, Carine, c’est une bombe…
Plusieurs fois, nous avions parlé de nos conquêtes, le matin d’après. Là, je n’en avais pas envie. Je ne savais pas quoi lui dire. Je ne pouvais même pas lui expliquer ce que j’avais ressenti, ce qui s’était passé, que je lui avais fait l’amour mais que c’était son sexe qui avait pris possession du mien, que j’avais perdu tout contrôle. C’était trop intime, trop dérangeant.
Deux autres couples d’amis devaient arriver en fin de matinée. La maison allait être pleine. Je ne voulais pas, le lendemain, être l’objet de leurs commentaires. J’avais envie d’intimité avec Carine, pour profiter pleinement d’elle, la découvrir, la comprendre. La pleine saison n’avait pas encore commencé. J’ai dit à Bruno que je souhaitais être seul avec Carine. Et, sur le chemin de la plage, ai trouvé une chambre d’hôtel pas chère. Carine m’a suivi sans me demander pourquoi nous déménagions. Elle m’a juste dit que c’était dommage, qu’elle trouvait mes copains sympas.
Dans la voiture, je repensais à cette nuit. Elle était là, tout près de moi, jambes nues. Je bandais. J’ai pris sa main, l’ai posée sur mon sexe. Elle l’a laissée. J’étais bien. Une fois sur la plage, j’ai enfin pu examiner son corps, que j’avais paradoxalement peu vu durant la nuit. Son deux-pièces était sage, trop sage. Et elle n’a pas enlevé le haut. Mais son corps était long, souple, solide, sain, harmonieux. Et je la trouvais encore plus belle que la veille, maintenant que je connaissais son talent secret. J’étais heureux de faire du surf en pensant à elle, en la regardant de loin. Elle lisait, sans trop se mêler aux discussions des autres filles du groupe, comme la fois où je l’avais rencontrée en boîte de nuit. Quand je la rejoignais sur la plage, je réprimais l’envie de l’embrasser, de la toucher, de me frotter contre elle. Je me disais que ce genre d’effusions en public n’était pas son genre. La soirée n’en serait que meilleure…
Nous avons fait du surf assez tard. Comme souvent, j’ai eu froid après avoir enlevé ma combinaison. J’ai voulu la serrer contre moi, sentir la chaleur de son corps. Elle m’a repoussée, gênée. J’étais fou de désir en la ramenant à l’hôtel. Je me suis déshabillé devant elle pour prendre une douche et enlever le sel sur ma peau. Mon sexe s’est dressé vers elle. Je l’ai attirée sur le lit. Elle m’a dit qu’on n’avait pas le temps, qu’elle avait faim. J’avais perdu toute fierté. Si elle ne voulait pas, au moins qu’elle me donne quelque chose. J’ai pris sa main, l’ai posée sur mon sexe. Et elle m’a masturbé comme ça, moi nu, elle habillée, en repoussant mes mains quand je voulais les glisser sous sa jupe, sans m’embrasser, presque mécaniquement. Quand je l’ai attirée vers moi, elle a posé sa main sur ma poitrine, restant torse droit au-dessus de moi. J’ai écarté les jambes, espérant que sa bouche descendrait sur mon sexe, ses mains sous mes testicules, un de ses doigts dans la raie des fesses. Mais elle a continué son va-et-vient régulier, de haut en bas. Je ne m’en suis même pas offusqué. J’avais trop envie d’elle. J’étais prêt à tous les abandons pourvu qu’elle me soulage. Et le plaisir qui montait en moi m’empêchait de lui demander davantage. Mon corps s’est tendu en arc de cercle quand j’ai éjaculé. J’en ai mis partout, sur mon corps, sur les draps. Elle a filé dans la salle de bains, est revenue avec une serviette, a essuyé les draps, mais pas mon corps. Elle m’a dit d’aller prendre une douche. Et je me suis levé, comme un automate, pendant que mon sperme glissait le long de la peau.
Je suis resté longtemps sous la douche. J’étais complètement dépassé par ce qui m’arrivait. Hors du sexe, cette fille ne me donnait rien, pas de tendresse, pas même de sympathie. Et moi, je me sentais tellement attiré par elle que je la suivais comme un caniche, toujours en position de demandeur. Il fallait que je me reprenne. J’allais passer la soirée avec elle, rien qu’avec elle. À table, elle allait forcément se radoucir, se livrer. C’était sans doute juste de la timidité. Elle n’aurait pas accepté de passer ce week-end avec moi si je ne lui plaisais pas. À moi de l’emmener à baisser sa garde. J’avais mon plan en tête. La faire boire, reprendre l’initiative, l’affoler avec mes caresses, la faire gémir, être le premier peut-être à triompher d’elle, à la révéler, à la faire crier à son tour. Je l’imaginais ensuite tendre et vaincue, éperdue de reconnaissance. Je suis sorti de la salle de bains avec un sourire de prédateur.
Mais tout le long du repas, nous sommes restés sur deux planètes différentes. Elle n’a bu que de l’eau. Elle me parlait de sa famille, de sa mère qui n’avait jamais été maternelle, de son petit frère qu’elle adorait. Moi, j’écoutais son monologue en essayant vainement de lui rappeler qu’on avait quand même couché ensemble, qu’il s’était passé des choses entre nous. Lâchement, je n’osais pas l’interrompre, j’approuvais ce qu’elle me disait, la relançais sur son sujet favori en lui posant des questions sur son petit frère dont je n’avais rien à faire. Tout ça, parce que le désir était revenu, parce que je ne pensais qu’à mon sexe enserré par le sien.
Jusqu’alors, avec d’autres filles, la matérialisation du désir, ce sexe qui se tend sous un pantalon, m’avait toujours rendu fort, conquérant. Là, pour la première fois, elle me rendait à l’inverse faible, prêt à toutes les bassesses pourvu que Carine accepte à nouveau de m’accueillir en elle.
Elle n’avait pas envie d’aller en boîte. Tant mieux. Je l’ai ramenée directement à l’hôtel. La nuit a été semblable à la précédente. Sauf que cette fois, dans l’anonymat d’un hôtel, je n’ai pas cherché à retenir les manifestations de mon plaisir. Elle, toujours rien : la même insensibilité, la même passivité apparente, et son sexe, à l’intérieur, qui aspirait le mien, qui arrachait mon plaisir. À un moment, elle m’a retourné, m’a chevauché, et m’a fait l’amour, à genoux sur mon sexe. Elle avait les yeux fermés, la bouche à peine ouverte. Ses seins bougeaient au rythme de ses mouvements. Et toujours, elle marquait un temps d’arrêt en s’enfonçant sur moi, pour comprimer mon sexe avec son vagin et me faire crier. Quand j’ai joui en elle, Carine a continué son mouvement sur mon sexe encore dur. Il me semble qu’elle a joui à son tour, mais je n’en étais pas certain, tant elle m’avait emmené loin dans le plaisir après l’amour.
Puis, elle s’est reposée à côté de moi, sans un baiser, sans un geste tendre, sans un mot. J’étais désemparé. J’avais le sentiment de ne pas compter pour elle, de n’être qu’un sexe dont elle faisait ce qu’elle désirait. Je voulais comprendre :
— Tu as eu du plaisir ?— Oui, c’était bien.— Comment ça, bien ? Tu as joui ?— Oui, ne t’inquiète pas. Je ne suis pas très démonstrative.— Mieux qu’avec d’autres ?— Non, aussi bien.— Des garçons ne t’ont jamais dit que tu avais une manière particulière de faire l’amour ?— Si. Pourquoi avez-vous tous envie de parler après l’amour ? Tu as eu ce que tu voulais, non ? Alors laisse-moi tranquille…
Certainement pas. C’était quand même fou, cette fille froide comme un glaçon, passive en apparence, mais qui happait ma bite quand je la pénétrais comme si elle avait une ventouse à la place du vagin ! J’avais tenté tout ce que je savais faire pour l’émouvoir. J’estimais avoir droit à des explications :
— Tu trouves que je fais mal l’amour ?— Mais non, pas du tout. Je suis toujours comme ça.
Je cherchais mes mots. Comment lui dire, comment lui demander ?
— Ecoute, jamais je n’ai eu autant de plaisir avec une fille. Ce que tu fais avec ton vagin, tes contractions pendant
l’amour, c’est quand même spécial, non ?
— Peut-être. Je ne sais pas ce que font les autres filles.— Oui, mais les autres garçons, ils te l’ont dit ?— Oui.— Alors explique-moi, Carine, je veux savoir.— Tu deviens lourd. J’ai sommeil. Je vais te le dire, mais après, tu ne me poses plus de questions, tu me laisses dormir. J’ai eu des problèmes quand j’étais petite. J’avais peur du noir la nuit. Je faisais pipi au lit. J’ai appris à me retenir, à me contracter. Quand j’ai fait l’amour pour la première fois, j’ai fait pareil. J’ai vu que ça plaisait aux garçons. Alors j’ai continué. Maintenant, bonne nuit.
Elle s’est retournée. Son explication me semblait invraisemblable. Mais je devais m’en contenter. Sa respiration était régulière. Elle dormait, ou faisait semblant. Je savais que je ne pourrais rien tirer de plus d’elle, ni en paroles, ni en actes.
Le matin, nous nous sommes réveillés assez tard. J’avais envie d’elle, mais elle ne m’a pas laissé de faire des travaux d’approche : elle avait déjà filé sous la douche. Quand elle en est sortie, j’ai voulu l’attirer dans le lit. Refus : il faisait beau dehors, elle avait faim, et voulait profiter de cette journée. Elle m’a dit d’aller prendre une douche. J’y suis allé le sexe inutilement dressé. Une humiliation de plus.
Même froideur lors du petit-déjeuner. Elle n’a recommencé à sourire que lorsque nous avons retrouvé ma bande de copains sur la plage. D’emblée, elle est allée vers le clan des filles. C’était comme si je n’existais plus, comme si nous n’avions pas passé deux nuits ensemble. J’ai fait du surf toute la journée. J’avais posé ma serviette à côté de la sienne. Quand je revenais sur la plage, elle me parlait à peine. Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’elle a consenti à un geste tendre. Il faisait froid. Les autres filles réchauffaient leur garçon, en le frottant avec des serviettes, en l’embrassant. Elle a fait pareil. Mais je ne me berçais plus d’illusion : juste parce que les autres filles le faisaient, et qu’elle ne voulait pas rester la seule allongée sur sa serviette.
Est ainsi venu le moment du retour. La route m’a semblé encore plus longue qu’à l’aller : elle a remis la radio pour recouvrir notre silence, et n’a pas desserré les lèvres. Et moi, je suis redevenu faible. Je bandais en pensant à elle, au plaisir qu’elle me donnait avec son sexe, quelles qu’en fussent les raisons. Je ne voulais pas la quitter, pas comme ça. Je lui ai proposé de lui montrer mon studio :
— Non, il faut que je rentre. J’ai dit aux gens qui me logent que je rentrais pour le dîner. Je ne veux pas qu’ils s’inquiètent.— Demain alors ?— Je veux bien continuer à sortir avec toi, mais je te préviens, je suis indépendante. La semaine, j’ai beaucoup de travail. Et je ne peux pas découcher.
Je l’ai ramenée devant chez elle. Elle s’est laissée embrasser pour la première fois de la journée, mais s’est brusquement dégagée quand j’ai voulu glisser une main sous sa jupe. Mon sexe était dur de désir. C’est terrible à dire, mais cette fille me tenait. Je me sentais prêt à tout pour la revoir, pour la pénétrer, pour crier de plaisir en elle :
— Moi, j’ai envie de te revoir. Et j’ai besoin de savoir quand. Le week-end prochain, si tu veux, on peut retourner sur la côte. Ou alors, si tu préfères, tu viens chez moi…— Ce n’est pas possible. Je dois aller chez mes parents. Dans quinze jours, peut-être.
Elle était descendue de la voiture et me parlait à travers la glace. Je n’existais plus pour elle. Toute la frustration accumulée lors de ces deux jours a explosé en moi :
— Je ne te comprends pas, et je n’ai même plus envie de chercher à te comprendre. Rentre chez toi. Je ne veux plus te voir.— Comme tu voudras.
Elle est partie, sans même se retourner. J’ai démarré aussitôt mon moteur, et j’ai fait crisser mes pneus en accélérant pour lui montrer que je voulais la fuir au plus vite. Fuir, c’était le verbe exact. J’ai conduit comme un taré, pour vider ma colère et ne plus penser à elle. Une fois chez moi, je me suis masturbé, violemment, comme pour punir mon sexe d’avoir tant aimé son vagin. Jamais plus je ne suis retourné aux soirées infirmières. Je craignais de la revoir, d’être faible, d’être à nouveau attiré par elle, de me mettre plus bas que terre pour qu’elle daigne m’ouvrir ses jambes. Cette fille était trop dangereuse pour moi. Face à elle, je me sentais désarmé, démuni. Elle avait tous les pouvoirs sur moi, et moi aucun. La seule solution, le seul courage, c’était la fuite.
De Carine, je n’ai parlé à personne. Et je n’ai jamais compris ce qui s’était passé ces deux nuits-là, ce qu’elle faisait avec son vagin pour me donner tant de plaisir, si elle s’était moquée de moi avec son histoire d’énurésie, ou si c’était la vérité. Une fois dans ma vie, j’ai rencontré une femme qui parvenait pendant l’amour à contracter les muscles de son vagin, mais juste au moment où j’éjaculais en elle, pour accompagner mon plaisir. Cette femme m’avait dit qu’elle s’exerçait sur son godemichet, et était très fière de ce talent amoureux. Pourtant, ce n’était rien, auprès de Carine.
Vingt ans ont passé. Et il m’arrive de penser encore à elle. Par curiosité. J’aimerais savoir ce que Carine est devenue, si elle est mariée, si un homme plus patient que moi, ou plus expérimenté que je l’étais, est parvenu à lui apprendre le plaisir. Et s’il a ressenti les mêmes choses que moi, quand les muscles de son vagin enserraient mon sexe.