Quand le père Paul débarqua dans le village du Velay où il venait d’être nommé curé, un triste matin d’automne chargé de brouillard humide, il se dit que Dieu lui envoyait une épreuve pour tester sa foi. Il descendit du vieil autobus grinçant et brinquebalant, récupéra sa valise de carton bouilli et se dirigea vers l’église sans croiser âme qui vive. Le lourd vantail de bois s’ouvrit en gémissant, le petit curé s’agenouilla à même les dalles usées et se mit à prier.« Mon Dieu, me voici donc enterré dans ce désert par votre volonté. Je l’accepte et assumerai ma charge de tout mon cœur et de toute ma foi. Qu’il soit fait selon votre volonté. Amen. »Les gonds rouillés grognèrent à nouveau, le faisant se retourner, et il aperçut en contre-jour une frêle silhouette qui se dirigea vers lui à petits pas dont chacun évoquait les souffrances subies par le Christ lui-même. Le vieux père Anselme, le visage raviné de profondes rides de douleur, lui prit les mains.— Béni soit le Seigneur qui m’envoie enfin un successeur.Le père Paul s’inclina, tant le vieil homme inspirait le respect.— Je suis honoré d’être celui par qui le Seigneur vous accorde un repos amplement mérité.— Oh, mon cher Paul, je ne serai en repos que lorsque je rejoindrai notre Seigneur, ce qui ne saurait tarder. Vous dire combien la déchirure est grande de devoir quitter ces chères montagnes pour une triste maison de prêtres retraités. Vous verrez, au début on se croit reclus dans un désert, mais au bout de quelque temps on ne saurait vivre ailleurs. La main de Dieu a façonné ces paysages et les gens qui y vivent.— J’ai hâte de les rencontrer, je n’en ai encore pas vu un seul.— N’ayez crainte, eux vous ont vu. Leurs sens sont aussi aigus que ceux des animaux qui peuplent ces forêts : ils vous repèrent bien avant que vous n’en déceliez la présence. Nous en verrons quelques-uns, ou plutôt quelques-unes, tout à l’heure à l’office. Les hommes en effet ne viennent à l’église que lors de grandes occasions, baptêmes, communions, mariages, mais plus fréquemment enterrements. Ils préfèrent à ce lieu l’unique bistrot du village. Ont-ils tort ? Faut-il les en blâmer ? J’ai fini par me dire qu’ils vivaient un moment de convivialité, comme l’est une messe, et que, à l’instar de nous autres officiants, ils buvaient le vin et mangeaient le pain. Ainsi la cène peut-elle trouver bien des lieux différents pour se diffuser. Venez, je vous montre la sacristie, puis nous irons au presbytère, votre nouvelle maison pour longtemps j’espère.Les deux prêtres firent la visite des lieux au rythme lent du plus ancien. Ils déjeunèrent au presbytère, servis par Sœur Angélique, une nonne dévolue au service de la cure.— Nous avons la chance d’avoir ici un petit monastère des Sœurs du Bon Secours. Il s’agissait en fait d’une propriété de petite noblesse dont la dernière descendante a fait don à cet ordre, bâtiments et terres. Ainsi vivent ici une quinzaine de sœurs qui gèrent la propriété, avec l’aide bénévole de quelques paysans, et qui apportent aide et soulagement aux plus démunis. Et les démunis ne manquent pas, c’est pour ainsi dire tout le village.— Mais de quoi vivent-elles, si ce n’est de quelques dons ?— Vous verrez, la propriété qu’elles occupent regroupe certainement les meilleures terres de la paroisse. Elles ont un grand potager, bien exposé, qu’elles cultivent avec talent, un verger, une basse-cour, des champs avec un petit troupeau de chèvres, et même une vigne d’où provient ce vin, un peu âpre, qu’elles produisent elles-mêmes. Légumes, fruits, volailles, fromages, miel, elles vendent sur les marchés et donnent l’excédent aux plus pauvres. Il y a une petite chapelle dans la propriété où vous devrez officier une fois par semaine et confesser ces nonnes qui ont bien peu à se reprocher.Le père Anselme lui attribua une chambre et prépara son bagage, il partait le lendemain. Puis un peu avant dix-huit heures, les deux prêtres retournèrent à l’église et se préparèrent pour concélébrer l’office. Le père Anselme se pendit péniblement à la plus fine des cordes actionnant les cloches, la seule qu’il avait encore la force de mouvoir. Une douzaine de vieilles femmes, têtes couvertes de fichus divers, franchirent la porte par petits groupes, suivies quelques instants plus tard par autant de nonnes ayant quitté leurs tâches. Le sermon se résuma aux adieux du père Anselme et à la présentation du père Paul, une passation de pouvoir en quelque sorte. Le lendemain, nonnes, femmes et même de nombreux hommes firent presque une haie d’honneur entre la cure et l’autobus, un adieu appuyé au père Anselme que son jeune successeur accompagna jusqu’au véhicule.Bon, me voilà à pied d’œuvre, maintenant, se dit le jeune curé, on va voir ce que l’on va voir !Se souvenant de ce que ses maîtres lui avaient patiemment enseigné au séminaire, il prenait garde de ne pas révolutionner la paroisse, mais il souhaitait tout de même marquer son arrivée. Il emprunta une grande échelle et fit le nettoyage, intérieur comme extérieur, des grands vitraux sans valeur qui ornaient le lieu de culte, ce qui en améliora soudainement et notablement la luminosité. Puis il transporta sur son dos la lourde table de salle à manger du presbytère, sur laquelle il n’envisageait pas un instant dîner seul, et l’installa dans le chœur, de façon à pouvoir dire la messe face aux fidèles. La complicité de Sœur Angélique lui fut nécessaire pour tailler à bonnes mesures et coudre une nappe et un entourage brodé destinés au nouveau maître-autel. Quelques puissantes ampoules et deux spots cachés dans les arêtes de voûte nimbèrent l’espace d’un halo proprement divin.À l’heure de la grand-messe du dimanche, le père Paul, confiant dans sa jeunesse et sa forme physique, détacha les quatre cordes actionnant les cloches. Il commença par se suspendre à la plus grosse dont il amorça le mouvement, sans toutefois la faire résonner. Puis il s’attaqua aux deux moyennes, sautant alternativement d’une corde à l’autre, et le concert débuta. La plus petite n’était que plaisanterie à actionner, une simple chute d’un mètre et elle tinta à toute volée, mais vite il fallut revenir au bourdon qui, lui, n’avait pas encore lâché une note. Il s’élança de toute la puissance de ses jambes lestes, retomba avec le mouvement et sauta aussitôt le plus haut possible, provoquant le premier « dong », profond, puissant, magnifique. La lourde cloche de bronze repartit dans l’autre sens, alors même que le petit curé était déjà très haut, agrippé à la grosse corde. Il vit le plafond s’approcher à grande vitesse, tenta une manœuvre désespérée en descendant de deux coudées, mais c’était insuffisant. Ses mains heurtèrent le plafond pinçant la peau entre corde et pierre, et la grosse tresse de chanvre fila dans le trou emportant au passage peau et chair des mains qui retenaient le prêtre à quatre mètres du sol. Il dut desserrer son étreinte et laisser filer le cordage pour atterrir sur les dalles avec un hurlement de douleur. Il courut au bénitier le plus proche pour y plonger ses membres sanguinolents, qui venaient de teindre à jamais le chanvre de rouge qui deviendrait vite marron. Bénite ou pas, l’eau ne calma que très momentanément la douleur et l’hémorragie. Pour toute messe, les fidèles n’eurent ce jour-là qu’un petit attroupement autour d’un pauvre petit curé aux mains écorchées et brûlées par le rugueux cordage.Les petites sœurs lui firent un premier pansement qui ne calma aucunement la douleur. Elles l’emmenèrent dans leur vieille deux-chevaux camionnette à la ville voisine, consulter un médecin qui délivra l’ordonnance nécessaire. On dérangea également un pharmacien dans son repos dominical pour obtenir les onguents, gazes et antidouleurs prescrits. Le père Paul aux mains ravagées se retrouva ainsi aux mains des nonnes qui lui firent son pansement, le privant ainsi de tout usage de ses membres supérieurs pour au moins deux mois. Facile à dire, docteur… Mais comment vivre sans mains ? Sœur Angélique le ferait manger et une novice, Mathilde, serait à son service pour l’aider dans toutes les circonstances de la vie courante. Encore une fois, facile à dire, Mère Supérieure… Le premier drame survint très vite quand le petit prêtre eut envie d’uriner. Il vécut la première honte de sa vie, et ce ne fut pas la dernière. La jeune Mathilde au visage angélique accompagna le prêtre jusque dans les toilettes à la turque de la cure. Elle souleva la soutane en détournant le regard, et le curé parvint à la coincer sous ses coudes serrés. Mais il fallut encore déboutonner et baisser le caleçon long de cotonnade qui enveloppait l’attirail de l’homme d’Église. Elle déboutonna puis détourna la tête en abaissant le vêtement. Soutane relevée, caleçon sur les talons, le curé vit bien qu’il allait arroser tout cela si le jet n’était pas guidé.— Ma chère Mathilde, geignit-il, je n’y arriverai pas ainsi et je vais tout souiller d’urine. Par pitié, prenez la chose en main et dirigez-la vers le trou.N’écoutant que son courage et ses vœux d’assister toute personne en détresse, la nonnette prit l’engin dans sa petite main blanche et le souleva vers l’orifice des toilettes. Ce premier contact d’une main, ô combien innocente, sur son sexe également néophyte tétanisa le jeune prêtre. On lui aurait mis un fil électrique sous tension au même endroit que ça n’aurait pas été pire. Un cataclysme bouleversa son bas-ventre. La jeune pucelle sentit bien que quelque chose d’anormal se passait, elle se mit à trembler et rouler des yeux effarés qui regardaient toujours ailleurs. Le jeune curé respira un grand coup, murmura in petto une rapide prière et se reprit :— Mathilde, pour l’amour du ciel, regardez ce que vous faites, voir n’est pas pécher. Il faut tirer doucement la peau vers l’arrière de façon que le bout sorte librement. Ainsi vous pourrez diriger mon jet.La timide pucelle s’accroupit pour mieux faire, reprit la verge plus avant et fit doucement coulisser le prépuce, dégageant ce joli petit casque rose qu’elle découvrit pour la première fois. Ce faisant, elle sentit bien que la chose gonflait dans sa menotte, mais elle mit cela sur le compte de la pression de l’urine qui allait arriver. Le curé avait la bouche ouverte, se penchait en avant pour apercevoir la manœuvre par-dessus la soutane relevée, et il murmura dans un souffle :— Oui… C’est bien ainsi… Tenez bien, ça va venir.Mais ça ne venait guère, car un conflit se jouait au niveau de sa prostate qui hésitait entre uriner et forniquer. Il pencha la tête en arrière, regarda le plafond hideux qu’il se promit de repeindre, marmonna quelques prières et pensa à sa mère, au diable, à l’enfer… et put enfin se soulager. La nonnette dirigeait tant bien que mal l’interminable jet jusqu’à ce qu’il ne soit plus que succession de gouttelettes.— Ne lâchez pas, Mathilde, ne lâchez pas. Il faut secouer maintenant pour faire tomber les dernières gouttes, oui comme ça, et bien serrer en ramenant le capuchon pour vider celles qui restent dans le tuyau. Voilà , comme ça, encore recommencez… C’est bien, faites à nouveau… Oh oui… Vous le faites bien…La vessie libérée, la prostate du prêtre était repassée instantanément en mode fornication. C’était un intense plaisir qui succédait au besoin urgent, d’autant que la jeune pucelle, aussi maladroite qu’attentive, essayait de bien faire de ses dix doigts, et que son souffle chaud et haletant caressait directement le membre dilaté. Elle ne comprenait pas que ce tuyau ainsi soulagé et vidé gonfle ainsi et durcisse sous ses doigts. Elle avait peur qu’il éclate bientôt, mais le curé ne semblait pas souffrir, bien au contraire. Submergé par l’insolente arrivée du plaisir, le prêtre avait perdu pied et se laissait tout entier aller à la caresse délicieuse que cette petite lui prodiguait sans même en avoir conscience. Insensiblement, il se tourna vers elle pour lui faciliter la tâche.— Oh oui, sœur Mathilde, n’arrêtez pas et serrez bien, je suis sûr qu’il reste encore des gouttes.— Certainement, père Paul, parce que votre… tuyau gonfle et durcit encore. Je ne vous fais pas mal ?— Oh non, Mathilde, vous le faites très bien, mais il faudrait trouver un moyen… de nettoyer le bout.— Oui, je vois bien que quelques gouttes sortent encore, mais ce n’est pas facile, car le tuyau est dressé vers le plafond, ça ne peut pas tomber.Aucun des deux n’entendit le ricanement du diable qui passait par là en frottant ses mains qui n’étaient pas bandées. Est-ce lui qui murmura à l’oreille du petit curé « votre langue, Mathilde, utilisez votre langue… » ? Est-ce lui qui poussa la nuque de la novice vers le sexe du prêtre ? Nul ne le sait, mais Mathilde se retrouva avec le pieu du curé dans sa virginale bouche, et le prêtre rugissait :— Oh oui, douce Mathilde, sucez bien… plus vite s’il vous plaît… Dieu, que c’est bon !Sérieux à l’extrême et croyant convaincu, depuis son entrée au petit séminaire le père Paul avait scrupuleusement respecté la règle et dormait avec les bras sur les couvertures, ignorant totalement le sexe qui se rappelait soudainement à lui. Il fut donc tout aussi surpris que Mathilde lorsque très vite des jets de sperme brûlant giclèrent dans la chaste bouche, manquant la faire étouffer, puis sur son visage et dans ses mains. La pauvrette s’essuyait tant bien que mal de ce liquide bizarre, épais et nacré, qui ne ressemblait pas vraiment à de l’urine. Les jambes du curé ne le portaient plus guère, il dut s’appuyer au mur en remerciant Mathilde du bien qu’elle lui avait fait. Elle pensa que les hommes étaient des êtres bizarres, car uriner est vraiment bien plus simple pour une femme. Sa naïveté et sa méconnaissance totale des choses du sexe la laissèrent à cette conclusion, elle rhabilla donc le père Paul avant de continuer à lui apporter son aide.Elle faisait son courrier, comptait l’argent des quêtes, car le père Paul continuait à célébrer la messe avec l’assistance de sœur Mathilde. Mais quand vint l’heure d’aller dormir, le curé réclama de nouveau l’assistance de sœur Mathilde. Déjà en chemise de nuit, elle déboutonna les trente-trois boutons de la soutane, posa chemise, caleçon, chaussettes et chaussures. Le curé, nu comme un ver sauf ses mains bandées, se sentait bien gêné devant la jeune nonnette. Celle-ci aussi en était toute rouge sous ses courts cheveux ébouriffés. Pourtant, elle continua de déplier et d’enfiler la chemise de nuit du prêtre qui voulut à nouveau aller aux toilettes. Mais cette fois-ci, à peine eut-elle soulevé la chemise que le sexe du prêtre se mit au garde-à -vous.— Comment dois-je faire, mon Père ?— Je… je ne sais pas, je suis désolé… Ça ne m’est jamais arrivé…— À mon avis, votre tuyau est encore plein comme tout à l’heure. Je vais devoir le vider.— Faites, ma fille, faites.La nonnette s’agenouilla et emboucha le membre sans autre forme de procès ni la moindre réticence. De sa hauteur, le curé voyait le front rougi se couvrir d’une sueur légère et les tétons repousser la rêche toile de bure de la chemise. Son membre en gonfla un peu plus. La jeune femme s’activait, reprenant son souffle par instant en regardant le visage hébété du prêtre soufflant fort. Elle sentait en répétant ces gestes non plus la gêne de la première fois, mais une curieuse chaleur l’envahir depuis le bas du ventre, le cœur battre dans ses tempes et une curieuse impatience de voir encore cette colonne de chair cracher son fluide épais. La première fois, elle l’avait trouvé ni bon ni mauvais, à la fois douceâtre et épicé, et elle se jurait bien de n’en perdre aucune goutte cette fois-ci. Elle émit quelques grognements de fatigue qui semblèrent amplifier les réactions de son patient, qui accompagnait maintenant ses mouvements de légers coups de bassin, comme s’il avait souhaité s’enfoncer plus profondément dans sa bouche. Il y avait encore un peu de marge, elle le laissa pénétrer plus loin, le casque rose butant contre le voile du palais. C’est là que le prêtre se contracta, grogna fortement et se tétanisa soudain, expulsant sa liqueur dans la gorge de la nonnette. Elle s’arrangea pour bien tout recevoir, avaler et goûter. Sûr, ce n’était pas de l’urine, ça n’en avait ni la consistance, ni l’odeur. Le petit curé semblait presque au paradis, essoufflé, épuisé et se tenant au mur, un vague sourire sur les lèvres. Une curieuse humidité emplit sa culotte de coton, comme si elle aussi avait uriné quelques gouttes. Elle se releva en se léchant les babines comme une chatte après un bol de lait, mais un peu déçue cependant.— Le tuyau me paraît vide, pourtant il est toujours gros…— Ne vous inquiétez pas, sœur Mathilde, je sens bien qu’il est en train de diminuer.Et en effet, petit à petit, l’engin perdit rigidité, puis longueur et diamètre. La petite sœur le reprit alors en main et dégagea le bout, faisant sursauter le curé, puis le tint au-dessus des toilettes. Bientôt, le jet jaune jaillit, puissant et généreux, elle essuya les dernières gouttes avec du papier.— Vraiment, mon père, pour les femmes c’est beaucoup moins compliqué.— Je l’ignore, ma fille, je n’ai encore jamais vu une femme uriner.— C’est vrai ? Eh bien, regardez…Elle souleva sa chemise jusqu’à sa taille, baissa sa culotte sur ses chevilles, montrant sans pudeur un buisson en friche au curé ébahi.— Vous avez bien le droit de voir le mien, je connais le vôtre, commenta-t-elle naïvement. Mais faut vous pencher.Puis elle s’accroupit sur les emplacements des pieds et attendit un instant. Le père Paul eut d’abord la vision étonnante de cette touffe de poils sombres, il lorgnait maintenant sur l’orbe du fessier, blanc, lisse, rond, charnu, tendu vers l’arrière, et il se pencha presque jusqu’au sol pour voir soudain jaillir le jet d’urine du fin fond de ces poils longs et frisés. La jeune femme fit une boulette de papier qu’elle passa entre ses cuisses, se releva en remontant sa culotte et laissa retomber sa chemise de nuit.— Et voilà , c’est fait. C’est simple non ? Ce que je me demande, c’est comment faisiez-vous tout seul, avant de vous blesser les mains ?— Ben, euh… Je ne sais pas, ça ne m’avait jamais fait ça. Je n’étais jamais gros et dur comme ça. Mais vous savez, peut-être que si je vous tenais votre… enfin, si je pouvais toucher à votre tuyau, peut-être que vous aussi vous auriez d’autres liquides.— C’est très possible, car je vois bien que ma culotte est toute poisseuse, et ce n’est pas habituel. Il faudrait qu’on se renseigne. Je crois que la mère supérieure a des livres médicaux. J’essayerai d’en emprunter un pour le consulter.Les jours suivants, le prêtre bouillait de ne pouvoir rien faire et souffrait martyre lorsqu’une sœur infirmière, sœur Antoinette, venait lui refaire son pansement. Elle s’enquit de la façon dont la jeune sœur Mathilde lui portait assistance, il confia sa honte de devoir lui imposer de l’aider à faire ses besoins.— Rassurez-vous, mon Père, vous êtes pratiquement valide. Sachez que quotidiennement nous allons faire la toilette de personnes âgées que nous retrouvons baignant dans leurs excréments parfois jusqu’en haut du dos. Hélas, les épreuves que notre Seigneur nous envoie sont parfois bien difficiles. Sœur Mathilde n’a pas à se plaindre, vous êtes un malade facile, ce qui est bien pour elle pour débuter, et vous n’avez pas à avoir honte, vu les souffrances que je vous inflige quotidiennement.Les blessures semblaient guérir rapidement sur cet homme jeune et sain, mais il était impensable d’utiliser des mains sans peau. Aussi devait-il prendre patience et compter sur la sollicitude de Mathilde et de sœur Angélique. Ils allaient souvent se promener pour changer les idées sombres du jeune curé. Il est vrai que la campagne était magnifique en cette saison, pour peu qu’un rayon de soleil rende éclatantes les couleurs de l’automne. À perte de vue, ce n’était qu’enchantement et mélange d’une incroyable palette, à la fois contrastée et subtilement progressive. Ils comptèrent un jour pas moins de treize jaunes différents, du jaune citron à l’oranger presque marron, et presque autant de verts, du plus pâle au plus bleuté. Et les rouges n’étaient pas en reste, et le bleu du ciel non plus, presque blanc près du soleil, presque violet à l’opposé.Ils en profitèrent pour visiter le couvent de fond en comble, il admira l’organisation parfaite que la mère supérieure avait su imposer. Toutes les tâches devaient être accomplies, à commencer par les aides aux malades et personnes âgées. Ensuite venait le cycle des marchés, indispensable à la survie de la communauté. Suivait la production, car il fallait bien assurer les ventes, et venaient en dernier le souci du bien-être des sœurs et l’entretien des locaux. Et la prière dans tout cela ? Elle devait être permanente d’après la mère supérieure, qui considérait qu’apporter aide à son prochain était la meilleure façon de louer le Seigneur. Bien sûr, autant qu’elles le pouvaient, les nonnes se rendaient à la messe, soit au village, soit dans la chapelle du couvent. Astucieusement, et suite aux inquiétudes de sœur Antoinette quant à la repousse de la peau de ses mains, le prêtre emprunta à la mère supérieure un gros dictionnaire médical un peu ancien.— Je vous le confie, dit la Mère, mais tenez-le éloigné de la vue de sœur Mathilde, bien trop jeune pour y voir certaines choses terrifiantes qui pourraient la bouleverser.Dès qu’ils furent rentrés et que sœur Angélique fut partie dormir au couvent, nos deux complices se jetèrent sur l’ouvrage. Il y avait effectivement quelques images effrayantes, mais ils y trouvèrent surtout des planches anatomiques aux noms compliqués, sans véritables réponses aux questions qu’ils se posaient. Au moins apprirent-ils quelques mots nouveaux, comparant immédiatement la réalité aux dessins. Ainsi, « gland, méat, hampe, testicules, sperme » entrèrent dans leur langage, autant que « vulve, vagin, grandes et petites lèvres, hymen et clitoris ». Il y avait bien la description, mais pas la fonction. Comme le prêtre ne pouvait pas toucher et que sa garde-malade lui donnait quotidiennement du poignet et de la bouche, il lui proposa de l’explorer avec le seul instrument dont il disposait, c’est-à -dire sa langue. Elle accepta. Bien leur en prit. La circulation de cet organe agile dans ses nymphes eut tôt fait de faire tomber sœur Mathilde en pâmoison. Et, ô miracle, elle aussi se mit à produire un liquide différent de l’urine dont le père Paul apprécia fort le goût. D’un commun accord et pour ne pas faire de jaloux, ils décidèrent donc de se mettre régulièrement à goûter leurs sucs respectifs simultanément, lui broutant sa petite chatte tandis qu’elle lui taillait de magistrales pipes lors de superbes soixante-neuf. Mais tout cela n’était pas écrit dans l’ouvrage médical. Quant aux brûlures et peaux arrachées, il était surtout question de greffe de peau, on vous prélevait un morceau sur la fesse pour en recouvrir la partie lésée.— Ah non, s’exclama le prêtre. Si en plus de ne pouvoir toucher je ne peux plus m’asseoir…Sœur Antoinette insista cependant pour retourner voir le médecin, car des zones blanchâtres apparaissaient sur les plaies, elle craignait un début d’infection.— Pas du tout, déclara l’homme de science, il s’agit simplement du début de repousse de la peau. C’est très moche dans les premiers temps, un peu gélatineux, mais ça durcira au contact de l’air. Pour l’instant, c’est prématuré, il n’y en a pas assez, gardez-moi ça bien enfermé et couvert de gaze et d’onguent gras.L’hiver approchait et, avec l’altitude, il arriva un beau matin en devançant le calendrier. Brouillard givrant, bise du Nord, premiers flocons. On sortit les édredons, les pull-overs et les manteaux, on alluma des feux dans les poêles et les cheminées. Un soir, Mathilde transie de froid vint gratter à la porte du père Paul.— Je grelotte seule dans mon grand lit. Vous voulez bien que je dorme près de vous ?Comment refuser la charité chrétienne à cette pauvre fille qui claquait des dents ? Le curé lui apprit ce qu’on leur avait enseigné au séminaire dont les dortoirs n’étaient pas chauffés : pour avoir chaud, il faut se coucher nu dans les draps et couvertures, et placer ses vêtements bien à plat sous l’édredon, ils seront tout chauds le lendemain matin. Le principe enchanta la nonnette qui se dévêtit prestement et se glissa contre le corps tout chaud du jeune curé. Ils passèrent la plus merveilleuse des nuits, blottis l’un contre l’autre et restèrent sous les draps pour se goûter mutuellement les sécrétions. Ils en sortirent bouillants et écarlates, ignorant la froidure matinale. Désormais, leurs corps ne purent se passer l’un de l’autre et ils dormirent quotidiennement enlacés. C’est au cours de l’une de ces soirées tranquilles passées près du feu dans le petit bureau de la cure, bien plus facile à chauffer que la grande salle à manger devenue inutile depuis qu’elle avait perdu sa table, que le prêtre remarqua une anomalie. Les grandes portes vitrées de la bibliothèque, parées d’un rideau tendu protégeant les livres du soleil, étaient restées ouvertes.Hérité du père Anselme et de ses prédécesseurs, le grand meuble ne contenait que de pieux ouvrages et quelques dictionnaires, ainsi qu’une collection de bréviaires usagés qui avaient dû appartenir à des générations successives de curés. Il y avait aussi quelques livres d’histoire, quelques œuvres philosophiques et de nombreux ouvrages en latin. Mais ce qui choqua le père Paul, c’est d’abord une différence de flexion entre les étagères. Le poids des livres est important et, au fil des années, les étagères accusent une certaine courbe que rien ne permet de corriger, si ce n’est de les retourner quand cela est possible. Or l’étagère du bas du meuble semblait être restée parfaitement droite, malgré deux bonnes couches d’ouvrages, les plus belles reliures devant, les livres ordinaires derrière. Allant plus loin dans son observation, il constata alors que le fond du meuble était, sous cette étagère, beaucoup plus rapproché et ne permettait de loger qu’une seule couche de livres.— Regardez Mathilde, il y a là un mystère que vous allez devoir m’aider à élucider.— En effet, père Paul, c’est très curieux. Je m’en vais sur-le-champ débarrasser ce rayon.Elle débarrassa. Il lui fallut se mettre à quatre pattes, croupe en l’air qui émut le prêtre, pour dire qu’elle apercevait un petit orifice en quart de cercle à chaque angle supérieur du fond, au ras de l’étagère, et donc invisible en dehors de cette position acrobatique. Visiblement, ils étaient faits pour y passer les doigts et retirer le fond, ce qu’elle tenta de faire. Hélas, le bois coinçait sévèrement, et la jeune novice dut batailler ferme, s’arc-boutant alternativement contre les montants de droite et de gauche, pour qu’enfin la mince feuille de bois cède dans un odieux grincement. Chasse au trésor ? Que nenni, quoique… Comme de juste dans une bibliothèque, ils découvrirent un peu déçus une nouvelle rangée de bouquins. Mais à la lecture des titres, leurs cœurs s’emballèrent.De l’œuvre intégrale du Marquis de Sade au « Cantique des cantiques », du « Satiricon » à « l’Art d’aimer » d’Ovide, en passant par le « Roman de la Rose » et « Heurs et malheurs du trou du cul », il y avait là tout ce que la littérature avait produit d’œuvres érotiques depuis deux millénaires. Les deux naïfs se jetèrent sur les ouvrages interdits avec la gourmandise de l’inconnu. Le prêtre blessé parvenait à tourner les pages de la tranche de son pansement, la nonnette disait avoir très chaud soudain, ils se lisaient mutuellement les passages les plus croustillants et pour eux les plus pédagogiques. En effet, on n’était plus dans la description, mais dans l’action, pure et dure, aux circonvolutions de langage près. À une heure avancée de la nuit, les deux presque amants durent tout remettre en ordre avant d’aller se coucher, tout émoustillés. Mathilde s’empara aussitôt du membre turgescent du père Paul et, animée d’une sorte de folie amoureuse, lui fit cracher sa liqueur à deux reprises, tandis que le prêtre se reput des tétons de la nonnette et plongea sa langue aussi loin qu’il le put dans sa rondelle plissée. Un nouveau monde amoureux s’ouvrait à eux, ils comptaient bien en explorer îles et continents.Au creux de l’hiver, la malheureuse sœur Angélique, déjà plus très jeune et que les allers et retours de la cure au couvent fatiguaient, glissa sur une plaque de glace et se cassa méchamment le col du fémur. On l’opéra, on la soigna, mais elle ne put jamais remarcher sans l’appui d’une canne. Il n’était plus question pour elle de servir au presbytère, ce qui arrangea quelque peu les deux amants, assoiffés de solitude et de temps partagé. Les mains du prêtre se réparaient bien et, selon le conseil du médecin, il devait les laisser à l’air plusieurs heures chaque jour. Cela signifiait que sœur Antoinette devait passer deux fois, défaire et refaire le pansement. Elle apprit à sœur Mathilde à le défaire avec précaution, ce qui limita ses interventions. D’une sinistre teinte blanchâtre et un peu grise, la peau devint progressivement plus rose et plus résistante. Le père Paul devait exécuter des exercices quotidiens pour redonner souplesse à cette nouvelle peau et reprendre quelque agilité manuelle, une rééducation en quelque sorte. Pour tester la sensibilité de cette nouvelle enveloppe sans toutefois risquer de l’abîmer tant elle était fragile, il ne trouva meilleure idée que de caresser longuement le corps de sa servante. Ils y passèrent des heures, Mathilde était insatiable.Puis vint le temps où il put enfiler des gants de fil, minces et souples, ce qui lui donna une bien meilleure liberté pour officier quotidiennement. En quelques semaines, le prêtre recouvra le plein usage de ses mains, n’entretenant plus sa nouvelle peau que par une crème de soin. Il pouvait enfin pisser seul, se laver et s’essuyer, ce qu’ils regrettaient presque tous les deux, tant c’était l’occasion de jeux érotiques infinis. Mais il y avait d’autres avantages et les mains du curé rejoignaient maintenant son sexe et sa langue pour procurer de nouveaux plaisirs à la nonnette. Après toutes leurs lectures éducatives, les deux complices décidèrent enfin de devenir amants pour de bon. Le père Paul fut très doux, sœur Mathilde très coopérante, et de nouveaux plaisirs les transportèrent d’allégresse. Ils étaient cependant encore douloureusement restreints par le risque évident que Mathilde tomba enceinte. Il n’existait qu’une solution pour les satisfaire pleinement, utiliser une voie que l’église condamne. Le prêtre en était fort perturbé. Où qu’il cherchât, il tombait sur les mêmes concepts : à l’intérieur d’un couple, tout est permis à condition que le but ultime soit la procréation. En revanche, toutes les pratiques tournées exclusivement vers le seul plaisir sont bannies, entre faute grave et péché mortel selon les auteurs. Après mûre réflexion, le père Paul en conclut qu’il se trouvait déjà dans une recherche effrénée du plaisir au sein d’un couple illégitime, donc dans une situation de péché grave. Il s’en confia à sœur Mathilde qui, avec son ingénuité naturelle, lui répondit :— Eh bien, au point où nous en sommes, il ne peut plus rien nous arriver de pire. Alors, pourquoi se priver ?Faute d’être la voix de la sagesse, au moins était-ce la voix de la raison. C’est ainsi que la voie la plus serrée de Mathilde devint celle qui lui permit de recevoir en ses entrailles le plaisir de son amant. Elle en fut fort contente et en donna puissamment de la voix.Le printemps revint enfin et le petit curé, heureux d’avoir retrouvé le plaisir simple de serrer des mains ou de tenir le bâton de craie au catéchisme hebdomadaire, profita pleinement des nouvelles couleurs dont se pare la montagne, encore plus chatoyantes que celles de l’automne. Il avait cette légèreté d’esprit et ce bonheur primesautier que confèrent des couilles bien vidées, à l’instar de Mathilde qui montrait la grâce des femmes bien baisées. Durant une séance de confesse hebdomadaire au pseudo-couvent, la Mère supérieure le surprit. D’abord en confession, car, pour une fois, elle avoua une longue liste de ses emportements contre des sœurs, la plupart du temps pour des vétilles. Elle lui dit aussi vouloir s’entretenir avec lui loin de toute oreille indiscrète et l’invita à une promenade dans un coin reculé du parc. Le curé n’y vit point d’inconvénient, d’autant que cette femme était d’un commerce agréable et de plus fort jolie, du moins d’après ce que la cornette pouvait laisser paraître. Elle était fort jeune pour cette charge, tout juste quarante-deux printemps, et ne devait sa position qu’à son intelligence vive et son caractère bien trempé. Ils admirèrent l’explosion de la nature et des fleurs.— Eh oui, père Paul, c’est le printemps. Et je crois bien que c’est à la saison que je dois tous mes égarements et mes emportements dont il fallait que je m’accuse. Voyez-vous, notre vie de sacerdoce n’est pas toujours simple à supporter, car nous ne sommes qu’humains et non point surhumains. Me comprenez-vous ?— J’abonde à votre propos, ma Mère, mais ne vois guère où vous voulez en venir…— Savez-vous comment je suis entrée dans les ordres ?— J’avoue que je l’ignore totalement et que je n’ai pas mené de recherches sur des choses qui ne me regardent aucunement.— Soyez-en remercié, mais la vérité est toujours plus claire et limpide que le qu’en-dira-t-on. Vous la méritez. J’étais jeune fille de bonne famille, bien éduquée et bien nourrie, très en avance pour mon âge au point qu’à ma communion solennelle, on disait de moi que je ressemblais à une mariée. J’avais déjà presque la taille et les attributs d’une femme adulte. Vers quatorze ans, j’avais déjà atteint mes proportions actuelles. Or j’avais un oncle, frère de mon père beaucoup plus jeune que lui. À se demander même si ma grand-mère n’avait pas fauté, car elle l’avait eu à une époque où mon grand-père, beaucoup plus âgé qu’elle, était déjà fortement diminué. Mais peu importe. Cet oncle d’une trentaine d’années avait dû faire un mariage de raison, car, comme c’était de coutume à l’époque, l’aîné, mon père, avait reçu l’essentiel de la petite fortune familiale. Il ne fallait pas que les biens se dispersent et, par tradition, les suivants avaient le choix entre la carrière militaire ou sacerdotale. Or cet oncle était joyeux drille, un peu rebelle et antimilitariste, il n’eut pour solution ultime que d’épouser une dot, une pauvre fille unique niaise et laide, mais héritière de la fortune d’un riche négociant.— Je vois. Triste coutume. Heureusement qu’il n’en est pas de même pour moi…— Nous reviendrons à votre cas plus tard, si vous le permettez je termine mon histoire. Donc ce cher oncle perdait les pieds chez nous. Tous les prétextes étaient bons, et mon père qui aimait bien son petit frère ne s’en plaignait pas. On occupait sa pauvre épouse à tenir compagnie à la grand-mère et le tonton avait la paix et la liberté de s’occuper… de sa nièce, moi. Je le trouvais beau, gentil, amusant, et si je possédais déjà un corps de femme, j’en étais aussi instruite qu’une pintade. Tonton me faisait glousser, surtout quand il m’apprit par approches successives et habiles à découvrir mon corps et ses vastes capacités.— Un « gourou diabolique » en quelque sorte, fit le curé en se signant.— Tout à fait, mais je n’y voyais aucun mal. Pour moi, c’était un homme assez jeune, fort séduisant, avec lequel je partageais des secrets et qui, de tout son savoir d’adulte, osait m’enseigner des choses dont il ne fallait absolument jamais parler. Je l’écoutais et lui obéissais avec l’application et la délectation d’une oie blanche découvrant un monde de délices infinis. Bien sûr, j’en étais follement amoureuse et le croyais fermement quand il me promettait de divorcer pour que nous allions vivre ensemble aux Amériques ou en Australie. Mais ce qui devait arriver arriva. Dans son inconséquence de jouisseur invétéré, le bon oncle me mit enceinte à quinze ans. Scandale dans la famille ! On me fit avouer, l’oncle fut chassé définitivement de la résidence familiale, et moi… Moi, on ne me considéra pas comme une pauvre victime, mais certainement comme une fille perverse et dépravée. J’apportais la honte sur toute la famille, alors on m’envoya à l’autre bout du pays accoucher dans un couvent, un vrai celui-là où l’on ne dit d’autres mots que ceux des prières. Lorsque j’accouchai dans toutes les douleurs que je méritais, on me dit que mon enfant était mort-né et je ne le vis jamais. J’espérais alors en sortir et retrouver le monde que j’aimais tant, mais tel n’était pas le dessein de ma famille. Je restais enfermée bel et bien, certainement pour le restant de mes jours. Au bout de quelques années, je fus admise à prétendre au noviciat, ce que je fis par pure occupation de l’esprit, j’en conviens. Au moment de prononcer mes vœux, deux ans plus tard, mon confesseur m’apprit qu’il existait d’autres ordres que le carmel, et que je pouvais me diriger vers l’un de ceux qui seraient moins contemplatifs, plus ouverts sur le monde, plus enclins à soulager la misère. C’est ainsi que je me retrouvais avec une certaine gaieté chez les Sœurs du Bon Secours, j’avais vingt-cinq ans et une jeunesse gâchée…— Votre émotion n’a d’égal que la mienne. Je compatis de tout cœur.— Bah, que voulez-vous, c’est ainsi et l’on ne peut pas revenir sur le passé. Cet oncle, je le remercie autant que je le maudis. Car il m’a initié à tous les plaisirs, donné ce goût de la vie que l’on n’oublie jamais. Qui sait si sans lui je n’aurais pas été victime d’un de ces mariages arrangés entre familles, et que je n’aurais pas fini entre les pattes perverses d’un vieux cochon, ou ignorée par un mari trop affairé ?— Vous auriez pu aussi faire un mariage d’amour, avoir de beaux enfants et une belle famille.— Ah, n’en rajoutez pas, curé ! s’exclama-t-elle en riant. Tout ceci pour vous dire que, quand revient le printemps, qu’autour de moi les oiseaux, les poules, les lapins, les chiens et certainement, du moins je l’imagine, tous les amoureux se grimpent dessus et fêtent à grands coups de reins la montée bouillonnante de la sève, mon ventre se tord de douleur par un appétit charnel inassouvi.— Oh, ma Mère !— Laissez tomber un instant les « ma Mère » votre soutane et ma cornette. Avouez donc, père Paul, que nous ne sommes que des êtres humains, avec des envies et des besoins d’êtres humains.— Sûrement quelque part, mais nous avons prononcé des vœux, tout de même.— Certes. Alors, venons-en à votre cas. Comment se porte sœur Mathilde ?— Fort bien, je crois, répondit le curé en toussotant.— Vous croyez, j’en suis bien aise. Et croyez-vous également que je n’ai pas perçu dans son regard et dans ses attitudes un certain changement, une certaine joie de vivre, qui m’indiquent clairement que cette petite se fait très régulièrement culbuter, si j’ose utiliser ce langage trivial, mais clair ? Et qui d’autre que vous, curé, peut-il lui donner toute cette joie ? D’ailleurs, vous-même me semblez plutôt léger de cœur et d’esprit, me trompé-je ?— Ma Mère…— Arrêtez-vous dis-je. Paul, appelez-moi Charlotte, ordonna-t-elle la voix soudain grave.— Eh bien, Charlotte, vous n’êtes pas mon confesseur, mais vous êtes perspicace. Soyez discrète, je vous en prie.— Mon pauvre ami. Lorsque je vous ai envoyé la petite Mathilde, j’avais bien mesuré que vous étiez aussi novice qu’elle dans certains domaines. Et je savais très bien que, compte tenu de votre blessure, cette charmante enfant allait obligatoirement être amenée à vous tripoter le sexe. Et ce que j’avais prévu est arrivé.— Mais… mais vous êtes diabolique !— Oh là , pas de grands mots, je suis humaine, c’est tout et c’est déjà pas mal. Figurez-vous que sœur Angélique, qui se réjouissait de voir arriver « de la chair fraîche » , a été fort déçue que vous ne fassiez pas appel à ses soins.— Ses soins ?— Oui, les mêmes soins qu’elle prodiguait quasi quotidiennement au père Anselme. Un saint homme de grand savoir-vivre. Il savait s’occuper de ses ouailles, lui, et partager ses attentions entre sœur Angélique et moi chaque semaine.— Vous ? Mais… mais il était vieux.— Certes, vieux, mais attentionné. Et puis, au moins, je ne me commettais pas avec n’importe qui. Entre un curé et une sœur, les deux s’étant voués à Dieu, cela reste « en famille » …— Oh, ma M… Charlotte ! N’avez-vous pas honte ?— Et vous ?— Si, un peu, je l’avoue.— Eh bien moi aussi, mais très peu. Et je me sentirais certainement bien mieux si vous consentiez à quelques attentions. Mais peut-être suis-je trop vieille pour vous ?— Je n’ai pas dit cela. Mais…— Quoi ? Ne me dites pas que vous êtes fidèle à la petite Mathilde ? Je vais lui faire prononcer ses vœux pour qu’elle soit mariée à un autre, au Christ en l’occurrence. Allons, Paul, un peu de réalisme. Suivez-moi.Elle l’entraîna jusqu’à son bureau, plaça sur la poignée une petite pancarte déjà prête :« Ne pas déranger. En conférence avec M. Le Curé. »Et elle ouvrit une porte que le prêtre n’avait jamais remarquée, car fondue dans les lambris et les moulures de la pièce. Tout de suite après l’épais mur, une seconde porte donnait sur un cabinet d’une quinzaine de mètres carrés.— Voyez vous-même, mon cher, la réalité de la perversité. Cette pièce, avec sa double porte, capitonnée du sol au plafond, une double fenêtre et d’épais rideaux, était nommée « salle des tortures » . C’est ici que celle qui m’a précédée punissait les sœurs fautives de quelques bêtises, à grands coups de fouet, de martinet ou de badine. Croyez-vous que cela soit chrétien ?— Mon Dieu, qu’une telle chose ait pu exister en notre siècle m’horrifie…— Son plaisir sadique s’exerçait sur les nonnes, et sa spécialité était de leur fouetter la plante des pieds jusqu’au sang, afin qu’elles souffrent pendant plus d’une semaine encore à chacun de leurs pas. Certaines ici s’en souviennent encore.— C’est tout simplement odieux !— N’est-il pas préférable que ce luxe de précautions sonores soit utilisé à garder secrets les cris de plaisir de la Mère Supérieure durant des ébats amoureux ?— Ma foi, c’est en tous cas bien moins violent, donc en un sens beaucoup moins grave.— Eh bien, voilà , mon petit Paul. Viens donc maintenant me bouffer la chatte et le reste. Sers-toi, dit-elle en se déshabillant.De corps de femme, le curé ne connaissait que le petit corps juvénile de Mathilde, avec sa peau blanche, ses jambes fines, ses petits tétons tout durs, ses frêles épaules et ses bras presque maigres. Il vit se découvrir devant ses yeux sidérés un corps de femme à son apogée : un corps puissant aux cuisses épaisses et fuselées, une forte poitrine extirpée d’une bande de bure très serrée, des hanches larges, une taille fine, des bras musclés, des fesses qui lui parurent énormes, mais parfaitement sphériques, une longue chevelure noire de jais descendant jusqu’aux reins et une toison phénoménale couvrant presque la moitié du ventre. La Mère Supérieure était un vrai « canon » de beauté. « Quel gâchis, en effet, pensa-t-il ».Les lèvres charnues de la déesse s’emparèrent de celles du petit curé qui n’en revenait pas de sa chance. Les gros globes s’écrasaient contre sa poitrine tandis que le pubis bombé écrasait le sien. Érection immédiate, mains égarées palpant, découvrant et pelotant tout ce qu’elles rencontraient. Elle n’eut pas besoin de défaire les trente-trois boutons de la soutane, une dizaine suffirent pour qu’il s’extirpe de la salopette sacerdotale. Chemise et caleçon s’envolèrent comme par enchantement et la furie gourmande se saisit de son sexe bandé, le gobant jusqu’au fond de sa gorge. Ça aussi, c’était nouveau, Mathilde ne savait pas le faire. La supérieure pompait si fort qu’il eut presque l’impression que tout son bas-ventre allait être aspiré par cette vorace. L’instant d’après, il vécut encore l’inédit, son sexe pris en sandwich entre les énormes seins pressés l’un contre l’autre qui s’activaient de bas en haut, tendant à le rendre fou d’inédit. Ah, il était loin de tout connaître, surtout des mots qui ne figuraient dans aucun des ouvrages consultés.— Viens vite, bouffe-moi la chatte, bois ma cyprine, suce-moi le bonbon, rugissait la matrone.Il faisait de son mieux, mais la tête lui tournait. Tout allait trop vite et trop fort pour lui. Et ces puissantes cuisses qui lui frappaient les oreilles, tandis que la femelle en rut grondait :— Ouiiiiii ! Vas-y, p’tit curé, vas-y, mon Paul, fais-moi jouir…Elle se tétanisa une première fois en râlant comme une damnée, puis repoussa le petit curé sur l’épais tapis et le chevaucha en s’empalant sur son vit apoplectique. Ce fut ensuite une bacchanale infernale, la Mère semblant faire du rodéo sur un taureau sauvage, tandis que le prêtre ahanait tentant de suivre la cadence tant bien que mal. À force de lorgner sur les deux hémisphères gonflés qui tressautaient devant son nez, il les empoigna dans une rage soudaine et les pressa, les pinça et les tritura sans retenue. La furie hurlait des onomatopées incompréhensibles et se crispa à nouveau, s’écroulant brutalement sur la poitrine de son amant, dévastée de plaisir. Mais le curé était frustré, ayant soigneusement retenu sa jouissance, comme il le faisait avec Mathilde. Il se décida à prendre la direction des opérations, voulant aussi profiter de la fête. S’extirpant avec un bruit humide de l’antre détrempé, il laissa sa partenaire à quatre pattes et se positionna derrière, écartant les lourdes fesses des deux mains, et enfila le conduit le plus étroit qui avait manifestement l’apparence d’être fréquemment visité. Elle rugit, creusant les reins et rejetant sa crinière en arrière.— Oh, salaud ! Mais tu m’encules, coquin ! Allez, oui, vas-y, défonce-moi le fion !Encore des mots nouveaux, pensa le prêtre. Mais il n’avait pas le temps de s’y attarder, tout à l’urgence de satisfaire son impérieuse envie de s’épancher dans cette femelle décidément très excitante. Il se donna sans compter, ses couilles battant contre la vulve dilatée. Il mit du temps, bien plus qu’à l’habitude, car il manquait l’essentiel à ce rapport impromptu, qui était toute la tendresse et l’affection qu’il portait à Mathilde, sa première conquête à jamais. Mais la nature compensa l’absence de sentiment et, à force d’allers et retours vigoureux ponctués par les râles de la femelle, son membre consentit enfin à cracher ses flots de liqueur nacrée dans le boyau irrité.— Refais-moi ça encore une fois, curé, dit la nonne d’une voix énamourée en reprenant ses esprits, encore une séance comme celle-ci et je saurai te récompenser divinement.Puis elle s’empara de nouveau du membre du jeune homme pour en faire la toilette intégrale sans le moindre dégoût. Elle-même s’essuya dans le caleçon du prêtre en lui disant :— Voyons, mon p’tit curé, jamais rien sous la soutane. Tu verras comme la sensation est délicieuse d’avoir l’entrejambe bien aéré. Et puis, pas besoin de tout défaire pour une petite gâterie de passage, juste trois boutons.Soigneusement rajustés et apaisés, la Mère Supérieure raccompagna Monsieur le Curé jusqu’au perron de la bâtisse, plus proche d’une maison bourgeoise que d’un couvent, et le salua respectueusement.— Merci pour tout, Monsieur le Curé, et surtout pour vos actions avisées. N’hésitez pas, revenez quand vous voulez, nous reprendrons cette intéressante conversation, là où nous l’avons laissée…— Au revoir, ma Mère, c’était fort intéressant en effet, et je vais y penser encore, soyez-en assurée. À la semaine prochaine, pour la confession dans tous les cas.C’est vrai, se disait-il en marchant à grandes enjambées, qu’il est bien agréable d’avoir les choses à l’air, et puis qui pourrait deviner. On dit bien que les Écossais, sous leurs kilts…, Mais ce qui l’inquiétait le plus, c’était la réaction de Mathilde, car bien sûr, il se sentait obligé de lui dire la vérité. Après tout, ils n’étaient pas mariés, même s’ils dormaient ensemble chaque nuit. Sa surprise fut grande quand Mathilde s’exclaffa :— Nooonnn ! La Mère Supérieure ? Oh mon Dieuuuu ! Ha-ha-ha-ha… Je n’y crois pas. Et vous dites que sœur Angélique avec le père Anselme ?— Oui, et la Mère Supérieure aussi !— Incroyable ! J’en pleure de rire… Ce qui veut bien dire que toutes nos hésitations et nos réticences étaient bien vaines.— C’est vrai. Mais nous ne sommes que des débutants…Mathilde semblait ignorer toute forme de jalousie, et c’était bien ainsi. Il put la lutiner le soir même avec tendresse, et retrouver toutes ces divines sensations qui lui avaient tant manqué avec Charlotte. Le printemps s’écoula doucement vers l’été, accrochant des rayons de soleil même aux brumes matinales. Les troupeaux quittaient les étables et partaient vers les prés au son des clarines, la deux-chevaux camionnette s’arrêtait quotidiennement au presbytère pour y déposer un panier de victuailles, depuis que sœur Angélique ne venait plus. La novice s’acquittait plutôt bien des travaux ménagers, même si sa cuisine était moins raffinée que celle qu’elle remplaçait. Elle faisait grande journée de ménage quand le prêtre allait au couvent chaque semaine, mais elle avait bien du mal à assurer aussi l’entretien de l’église qui, même si elle n’était pas très grande, représentait une surface considérable pour la frêle jeune femme. Pas étonnant que le père Paul ait dû nettoyer lui-même les vitraux.Un peu avant l’été, leur vie fut soudainement bouleversée par deux événements. Tout d’abord, un télégramme prévint le père Paul que sa mère était décédée. Il se mit en prière immédiatement et toute une nuit, ne quittant point l’église. Il fit une petite valise, prévint toute la communauté de son absence et alla prendre le train, où il aurait tout le temps de dormir, à la gare la plus proche pour rejoindre son Nord natal. Son père y avait été mineur et était mort de silicose depuis bien des années. Sa mère habitait un petit pavillon en banlieue de Tourcoing, qu’ils avaient pu acheter avec les indemnités versées par la mine et les assurances pour la maladie professionnelle du papa. Il avait oublié le ciel bas, les frimas et le vent glacé et humide, rien à voir avec la bise des montagnes. Le pavillon était toujours coquet et bien entretenu, sa mère avait dû faire repeindre les extérieurs récemment. Il y entra le cœur serré, après s’être recueilli sur la dépouille maternelle à la morgue de l’hôpital. Pourquoi n’avait-elle pas cherché à le joindre ? Pour ne pas le déranger, comme toujours, c’était une femme si discrète. Il retrouva sa chambre de jeune homme et y dormit. C’est lui qui dirait la messe des obsèques le lendemain, accompagné par le curé local. Il émut aux larmes la dizaine de personnes qui s’était déplacée pour un dernier adieu à cette femme trop discrète.— Si j’ai le courage aujourd’hui de célébrer cette messe pour ma maman, c’est que Dieu me le donne. Et je sais qu’elle reposera près du Père et qu’elle sera délivrée de toutes les souffrances de ce bas-monde.La terre une fois refermée sur sa génitrice, l’enfant unique se retrouva bien seul dans le pavillon qui lui appartenait désormais. Il erra de pièce en pièce, chaque objet ravivant un souvenir. Dans le garage, elle avait même conservé, pour lui peut-être, leur petite voiture soigneusement recouverte d’une couverture. Elle était âgée, mais en excellent état, affichant moins de 40 000 kilomètres au compteur. Elle lui serait bien utile. Qu’allait-il faire de cette maison et de son contenu ? Il se donna la nuit pour y réfléchir et… s’endormit. Au matin, cependant, il avait la réponse. Il n’habitera jamais plus cette maison, sa vie était ailleurs. La louer, ce serait plus de problèmes que la rente qu’elle rapporterait, et puis il était trop loin pour gérer cela. Il devait donc la vendre, mais d’abord la débarrasser. Il repéra donc ce qu’il souhaitait emporter dans ses montagnes. La voiture, bien sûr, la machine à laver qui éviterait bien des peines à Mathilde, le congélateur éviterait de perdre des aliments quand d’autres sont dans le besoin et le four à micro-ondes qui va avec. Quelques robots ménagers, un peu de vaisselle améliorerait l’ordinaire, et puis cette table ronde à rallonges, et le canapé avec ses deux fauteuils en cuir… C’est un camion qu’il faudrait !Après avoir vu le notaire et lui avoir exposé les contraintes dues à sa charge, le prêtre prépara un premier transport, utilisant la 205, dont il fallut changer la batterie, sa remorque ainsi que les barres de toit qu’utilisait son père pour aller à la pêche. Il chargea l’attelage autant qu’il le put avec l’aide généreuse d’un voisin. Puis il sélectionna tout ce qu’il comptait encore emporter et mit le tout dans le garage. La communauté Emmaüs vint emporter le reste. Dès lors, le notaire pouvait mettre la maison en vente et la faire visiter, il le rappellerait dès qu’il aurait un acquéreur. Le voyage fut long et difficile, le jeune prêtre n’ayant pas conduit depuis fort longtemps. De plus, il se fit arrêter par les gendarmes quelques kilomètres avant d’arriver. Devant son uniforme, les uniformes ne lui firent que le reproche d’être en surcharge, mais le laissèrent continuer sans verbaliser. En arrivant, il crut que Mathilde allait lui sauter au cou en pleine rue, c’est bon d’être attendu. Elle fit tout pour le réconforter, le restaurer et lui masser le dos crispé par des heures de conduite. À eux deux, ils déballèrent ensuite le chargement. La nonnette battait des mains à chaque objet, une merveille pour elle. Machine à laver, congélateur, micro-ondes, aspirateur et surtout téléviseur la ravirent.— C’est fantastique, je n’aurai presque plus rien à faire, qu’à regarder la télé ! Il ne manquerait plus qu’une machine à laver la vaisselle.— C’est pour la prochaine fois, et je pense même qu’il est tout neuf. Mon père l’avait offert à ma mère qui refusait de s’en servir.Comme quoi, pensa le prêtre, même des gens simples et pas riches peuvent posséder bien plus qu’un curé de campagne. Avec quelques livres et quelques robots ménagers, le prêtre avait également rapporté l’essentiel des bouteilles de la cave de son père, ce qui le changerait pour un temps de la piquette du couvent. Il avait rapporté aussi une caisse à outils remplie à ras bord, ce qui lui permit d’installer toutes ces nouveautés sans trop de problèmes, sauf la télévision, car il fallut faire installer une antenne. Quelques semaines plus tard, le notaire adressa un courrier indiquant qu’un acheteur sérieux s’était manifesté, un couple d’Anglais, qui était disposé à mettre 500 000 francs cash sur la table. C’était moins que les 700 000 espérés, mais il y aurait moyen de négocier. Le prêtre reprit la route. Il chargea le salon, la table ronde à rallonges qui remplacerait celle devenue autel, encore quelques outils, dont des outils de jardin, car il voulait se mettre à cultiver le potager à l’abandon de la cure, gêné de devoir dépendre du travail des sœurs du couvent. Et puis il démonta les deux radiateurs à infrarouge que ses parents avaient fait installer dans la véranda, trouvant ce système idéal pour son église. Il passa un dernier coup de balais et de serpillière et se présenta à l’office notarial.Les Anglais, fort sympathiques, furent étonnés d’avoir devant eux un prêtre en soutane et, intimidés par la fonction, n’osèrent pas risquer l’enfer en négociant le prix. Ils alignèrent la somme demandée. L’acte fut signé et le curé repartit avec l’angoisse de transporter cette petite fortune. Il n’osa même pas s’arrêter, ni pour se reposer ni pour se restaurer, et arriva en pleine nuit à son presbytère. Mathilde, qui avait pris l’habitude de dormir nue près de son amant, lui prépara une collation dans le plus simple appareil, ce qui redonna bien de la vigueur au curé fatigué. Il trouva vite les ressources nécessaires à honorer fougueusement la nonnette sur la table de la cuisine. Ensuite, il mit sa précieuse sacoche sous clé dans son bureau, se promettant bien de tout confier à la banque dès le lendemain, une fois qu’il aurait déchargé tous les meubles. Le curé dormit mal, sa nouvelle fortune lui torturait l’esprit. 700 000 Francs, c’est tout de même une somme. Qu’allait-il en faire ? La donner aux pauvres, possible, mais on sait bien ce qui arrive en pareil cas, cinq cents pauvres auront de quoi manger pour un mois et retomberont dans la pauvreté. Il se souvint du proverbe : « Si tu donnes un poisson à un pauvre, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher il mangera toute sa vie. » Tout garder pour lui ? Cela lui paraissait trop égoïste. Il finit par conclure que, une fois l’argent en lieu sûr, il aurait bien le temps d’aviser et de lui trouver une réelle utilité.Revenant de ville avec le cœur plus léger et un peu de matériel, le curé s’occupa de son église et installa ses radiateurs radiants de part et d’autre de la nef, près du chœur, là où se concentraient les rares fidèles. Il fit sa petite installation très proprement, câbles bien fixés et bien cachés dans les arêtes de voûtes, et connecta le tout au secteur. Et boum ! Le disjoncteur sauta. Il vérifia, revérifia, ne trouva pas d’erreur ou de malfaçon, mais le compteur sautait toujours. En désespoir de cause, il appela EDF et signala son problème. Un employé passa le lendemain et lui dit :— Pas étonnant, votre compteur ne peut qu’alimenter quelques lampes et vous lui demandez 5 000 watts.Changement pour changement, il demanda d’augmenter suffisamment la puissance pour supporter six radiateurs du même type et courut en acheter quatre autres. Ainsi, le chœur et les deux tiers de la nef seraient agréablement chauffés. Il se souvenait de la réflexion de sa mère qui disait se croire au soleil même en plein hiver. Le jour d’aller au couvent, les six radiateurs étaient fonctionnels et délivraient un rayonnement très agréable dans presque toute l’église, il était content de lui et de son tableau électrique qui permettait de les connecter par paires, selon la quantité de fidèles. La Mère Supérieure respecta son deuil et ne l’invita pas dans son cabinet capitonné. Il passa un peu de temps avec les sœurs dans leurs différents travaux. Certaines faisaient la lessive de la communauté, les doigts gonflés et rougis par l’eau froide du grand bac à laver en béton. Il repensa au plaisir de Mathilde devant la machine à laver. D’autres finissaient de faire la vaisselle dans les cuisines, pendant que certaines s’échinaient à bêcher leurs carrés de jardin, ruisselantes de sueur.— Êtes-vous opposée au progrès, ma Mère ?— Certes non, cher Curé, mais voyez-vous, il faut toujours faire des choix. Quand nous avons des dons, ce qui est assez rare, tout passe dans les réparations indispensables des bâtiments et le reste dans l’aide aux plus pauvres.Deux jours plus tard, un fourgon livrait au couvent deux machines à laver et deux lave-vaisselle professionnels, ainsi qu’une petite motobineuse très facile d’utilisation. Ce fut la fête au couvent ! Et le plus merveilleux était le temps et la fatigue épargnés qui pouvaient se reporter sur des activités plus utiles. La semaine suivante, c’est une petite fourgonnette rutilante qui fut livrée pour remplacer l’antique deux-chevaux.— Père Paul, dit la Mère Supérieure durant le repas devant toutes les sœurs, quelques miracles sont arrivés à notre communauté ces derniers temps, et je vous soupçonne de ne pas en être tout à fait étranger.— En effet, ma Mère. Il est vrai que j’ai fait un modeste héritage de mes regrettés parents. Je sais que vous avez toutes prié pour moi et pour eux, il était normal que je souhaite alléger certaines de vos tâches. Ce geste est spontané et ne demande aucun remerciement, n’y voyez que la main compatissante de notre Seigneur.Toutes se signèrent et entamèrent un chant de grâce, semble-t-il bien préparé à l’avance. Tous les meubles rapportés trouvèrent aisément place dans le presbytère. La grande salle à manger toute vide devint un salon télévision confortable avec un coin salle à manger, le lave-vaisselle trouva sa place dans la grande cuisine près du lave-linge. La vaisselle, les ustensiles, les robots et quantité de linge de maison intégrèrent les grands placards, et les outils le cabanon de jardin. Le curé avait soulagé les nonnes du bêchage, il dut se coltiner celui de son jardin. Curieusement, cette activité qui s’apercevait de la rue lui valut une considération inattendue de la population masculine. En mouillant la chemise dans la terre, il faisait soudain partie de leur communauté. Et de lui proposer graines, plants, fumier, paille, bref, plus qu’il n’en fallait pour ce modeste potager, et surtout beaucoup de conseils, même s’ils étaient parfois contradictoires. La dépense suivante fut de faire installer dans la cure un chauffage central, las d’y grelotter tout l’hiver. Il choisit une chaudière mixte bois-fuel, avec seulement une petite cuve, car il comptait bien aller, avec sa petite remorque, récupérer du bois mort dans les forêts alentour. Les paysans le virent traverser le village avec son attelage chargé de branches tordues couvertes de mousse, un petit sourire au coin des lèvres. Ensuite, ils l’observèrent suer sang et eau en train de scier ces maudites branches aux dimensions voulues. Alors un matin, on toqua à la porte du presbytère :— Curé, je ne viens pas souvent à vos messes. Je n’ai guère d’argent à donner à vos quêtes pas plus qu’à votre « dernier du culte ». Mais voilà une remorque de vrai bois que je vous donne de bon cœur.— C’est très gentil à vous, Dieu vous bénisse. Mais souvenez-vous que la Maison de Dieu est ouverte à tous, même aux plus pauvres. Et la petite pièce que vous laissez sur le comptoir du bistrot durant la messe serait très bienvenue dans la corbeille.Rapportée, cette remarque ne plut guère au patron du Café du Centre, concurrence oblige. En revanche, l’exemple était donné et nombreuses furent les remorques de bois qui vinrent rejoindre cette première. Il n’y a pas de sots moyens pour acheter sa place au ciel. En quelques semaines, le stock de bois suffisait à passer au moins deux hivers au chaud sans bourse délier.Le père Anselme avait raison, pensa Paul, ce sont vraiment de braves gens, très attachants.Sa dernière dépense fut aussi pour son église. Le vieil harmonium ayant définitivement rendu l’âme, soufflets percés et lames rouillées, il acheta un de ces caissons amplificateurs permettant de brancher un micro et de diffuser une cassette sonore. Avec un choix de cassettes de grandes orgues pour toutes les occasions, cela donna un nouveau relief aux messes et aux cérémonies.Vers la fin de l’été, une autre surprise frappa à la porte du presbytère. C’était une petite novice d’une vingtaine d’années, légèrement typée d’outremer sans que cela soit clairement défini. Antilles, Mayotte ou plus asiatique encore ? Sa peau était mate sans être noire, ses yeux légèrement bridés et sa silhouette plutôt asiatique. Indéfinissable, mais plutôt jolie, bien qu’un peu potelée.— Que désirez-vous, ma fille ?— C’est la Mère Supérieure qui m’envoie. Je viens d’arriver au couvent et elle m’a dit qu’il faudrait certainement prêter la main à sœur Mathilde pour votre service, à l’église comme au presbytère. Elle m’a demandé de vous remettre ce pli qui doit tout expliquer.Le curé déchira l’enveloppe bien scellée et en retira une simple carte de visite.« Comme promis, voici votre récompense, mon petit curé, pour passer l’hiver au chaud. Charlotte. »Le père Paul fit entrer la jeune fille, rougissante et intimidée, et lui présenta sœur Mathilde qui pouffa de rire en jetant un œil à la carte de visite bien vite déchirée. Ça n’arrangeait pas vraiment leurs affaires, eux qui, une fois la porte fermée, avaient l’habitude de se bécoter fréquemment ou de mettre les mains là où la morale le réprouve.— Ne vous inquiétez pas, chuchota Mathilde toujours ignorante de la jalousie, elle prendra vite le pli !Après tout, laisser faire Mathilde serait bien le plus simple. En attendant, il fallait se surveiller et surtout ne plus dormir ensemble, ça, c’était moins drôle. Au repas, sœur Naomi leur expliqua être née à la Guadeloupe, dont son père était originaire, mais sa mère était japonaise. Il leur avait fallu trouver un prénom commun, et c’est à ces origines qu’elle devait sa peau mate, ses yeux un peu bridés, son nez un peu large. Sa famille craignait beaucoup le comportement très libertin des jeunes guadeloupéens, surtout vis-à -vis d’une jeune fille métisse, considérée d’emblée comme d’une caste inférieure. Là -bas, il y a les « zoreilles », les blancs, les Antillais et puis les autres, les métis, ceux qui ne valent rien. Les Antillais, affirmait-elle, exercent le même racisme envers les métis que les blancs envers eux. Comme elle était très croyante et qu’on voulait la préserver de tout mauvais pas, on l’avait donc envoyée dans un couvent en métropole pour accomplir ses vœux.Le père Paul passa donc un peu plus de temps dans son jardin dont il était très fier, car il produisait beaucoup de beaux légumes, et dissipa sa vigueur contenue sur la Mère Supérieure le jour de la confession au couvent, à la grande joie de cette dernière. Il lui demanda de pouvoir envoyer ses nonnettes apprendre à faire des conserves, et rapporta quelques jeunes lapereaux qu’il souhaitait élever. Les deux jeunes filles semblaient bien s’entendre, et c’était très bien ainsi. Elles entreprirent même un grand chantier toutes les deux : sortir toutes les chaises et les prie-Dieu de l’église, les laver et les brosser, puis laver les dalles à grande eau. Jamais l’église n’avait été aussi propre et n’avait autant senti le savon noir et la cire. Les deux nonnettes s’étaient données sans compter et étaient épuisées après ces trois jours de grand nettoyage. Il les récompensa en les félicitant et en se mettant lui-même aux fourneaux pour leur préparer un bon repas. Elles s’endormirent très vite sur les épaules du prêtre quand, presque comme chaque soir, ils regardèrent un peu la télévision, assis tous trois sur le canapé de cuir, face à l’écran.Le lendemain, le prêtre envoya la jeune Naomi faire le ménage de la sacristie, tandis que Mathilde avait de l’ouvrage au presbytère. Bon prétexte pour disposer d’un peu de liberté et la lutiner un brin. Le curé apprécia les conseils de la Mère supérieure, et n’eut qu’à relever sa soutane pour embrocher la novice. L’après-midi, il entendit les deux jeunes femmes rire et chanter en vaquant de concert à leurs occupations, et apprécia cette gaieté qui faisait résonner les vieux murs. Beaucoup plus tard, le soir, alors qu’on était couché depuis une petite heure, il crut percevoir dans un demi-sommeil quelques gémissements étouffés, certainement Mathilde qui se donnait un peu de plaisir solitaire, pensa-t-il. Mais le lendemain, Naomi vint le voir pour lui demander confession. Il l’invita dans son bureau et, pratiquant comme avec les autres sœurs, ils s’installèrent sur deux chaises placées face à face et décalées sur le côté à la manière de ces fauteuils doubles que l’on appelle « confidents ».— Bénissez-moi, mon Père, parce que j’ai pêché…— Quelles sont vos fautes, ma fille ?— J’ai… j’ai eu des… (elle murmura si bas que le prêtre n’entendit pas).— Comment ? Parlez plus fort, je ne vous entends pas.— J’ai eu des gestes inconvenants avec sœur Mathilde, cracha-t-elle avant d’exploser en larmes.— Calmez-vous, là … calmez-vous. Expliquez-moi.— Eh bien, avec Mathilde, je veux dire sœur Mathilde, nous nous entendons très bien.— C’est une bonne chose.— Oui, mais… hier soir, nous lisions ensemble un livre… peu ordinaire.— Ah ah ? On a fouillé dans la bibliothèque.— Oui…— Et alors ?— Eh bien… ça me faisait tout drôle dans la tête et dans le corps. Des images se créaient dans ma tête et des… chaleurs envahissaient mon corps.— Et ?— Et nous étions dans le même lit, Mathilde et moi, pour lire ensemble. Elle aussi devait ressentir les mêmes choses… Nous étions l’une contre l’autre… Elle a posé une main sur moi, et moi une main sur elle… On s’est… un peu caressé…— Un peu ou beaucoup ?— Un peu au début… Puis on a posé nos chemises… Et après ce fut beaucoup…— Beaucoup comment ?— Beaucoup beaucoup… La poitrine, le ventre, entre les cuisses… Avec les mains et avec la bouche aussi…— Et c’était agréable ?— Oh oui… Oh pardon, oui, mon Père, j’y ai pris plaisir. Je l’avoue, je suis coupable.— Attendez, ma fille, ne mélangeons pas tout. Quand vous mangez et que la nourriture est bonne, y prenez-vous du plaisir ?— Oui, un peu trop d’ailleurs, car je suis un peu ronde.— Vous sentez-vous coupable pour autant ?— Euh… Non, pas vraiment.— Rappelez-moi les sept péchés capitaux.— Euh… l’orgueil, l’avarice, la gourmandise, la luxure, l’envie, la colère et la paresse.— Bien. Pensez-vous vous rendre coupable du péché de gourmandise lorsque vous prenez plaisir en mangeant ?— Non, je ne crois pas être gourmande à ce point.— Prenez-vous plaisir à vous reposer après un dur labeur, comme l’autre jour après avoir lavé l’église ?— Oh oui, c’est sûr.— Pensez-vous alors vous rendre coupable du péché de paresse ?— Non, certainement pas. Au contraire, j’avais bien travaillé et mon corps avait besoin de se reposer.— Très bien. Tout ceci signifie que les limites sont bien floues entre les besoins du corps, que nous sommes bien obligés de satisfaire, et les excès qui deviennent péchés. Votre corps avait besoin de tendresse, de caresses, voire de plaisir. Nous sommes tous dans ce cas, vous, moi, sœur Mathilde, la Mère Supérieure, tout comme tous les gens de ce village et du monde. Pourquoi ? Parce que nous sommes des êtres humains.— Vous aussi, mon Père ? Et la Mère Supérieure aussi ?— Bien sûr. Il n’y a pas de mystère. Est-ce vraiment si grave ? Je ne sais pas, je ne suis qu’un petit curé de campagne, je ne suis pas Sa Sainteté le pape. Et encore, il y eut les Borgia… Je dirais simplement que, comme en toute chose, c’est l’excès qui est répréhensible et qui devient péché. Il ne faut jamais oublier Dieu, jamais faire passer ses envies avant Lui. Et voyez comme l’on revient à cet autre péché capital : l’envie. Ils sont tous intimement imbriqués.— Dois-je comprendre que… ce n’est pas très grave ?— Vous êtes bonne chrétienne, courageuse, discrète, gentille, généreuse et, par-dessus le marché, très jolie. Dieu vous a donné toutes ces qualités, vous avez décidé de les mettre à son service. Peut-il vous reprocher d’être humaine et de subir les impérieuses nécessités de votre corps charnel ? Je ne le crois pas et je ne vous en blâme pas. Veillez à ne pas tomber dans l’excès et ne cessez pas de penser à Dieu, jusque dans l’extase. Avant un repas, nous disons le bénédicité pour en remercier Dieu. Prenez donc l’habitude d’une prière pour remercier Dieu des jouissances qu’il vous accorde.— Oh, mon Père, comme je suis soulagée.Dans un élan fort naturel, la novice tendit les bras vers le prêtre et l’enlaça pour le remercier. Outre les gros seins qui s’écrasèrent sur sa poitrine, le curé posa sa main sur une cuisse épaisse et ferme qui le ravit. Cette petite semblait pulpeuse à souhait, et il constata que l’absence de caleçon avait un inconvénient, celui de mal dissimuler ses pulsions.— Allez en paix, ma fille, allez à l’église vous prosterner devant la Vierge Marie et lui exposer la pureté de votre cœur. Mais envoyez-moi d’abord sœur Mathilde, qu’elle se confesse à son tour.Quelques instants plus tard, Mathilde rejoignit son confesseur.— Alors, Mathilde ? On fait des frasques derrière mon dos ?— Ah, vous êtes déjà au courant ?— Oui, Naomi sort de confession, mais je vous avais entendues.— Oh ! Alors ça n’a pas dû vous aider à vous endormir…— Et ce qu’elle m’a raconté ne m’a pas calmé, regardez…Il lui suffit en effet de défaire quelques boutons pour que se dresse un sexe en pleine érection. La novice se jeta à genoux pour une prière bien particulière.— Elle vous excite, cette petite Naomi. Et encore, si vous saviez comme elle est belle, vous allez vous régaler.La nonnette emboucha le sexe du prêtre et le soulagea d’une longue et douce fellation dont elle avait le secret. Puis elle rejoignit sa consœur à l’église avant d’entamer une pleine journée de conserves diverses. On aurait des réserves pour l’hiver. Le soir venu, ni l’une ni l’autre n’avaient la moindre envie de se priver, et elles reprirent bien vite leurs caresses intimes.— Tu sais, dit Mathilde à sa compagne, ce n’est pas très charitable de notre part de délaisser le père Paul.— Quoi ? Tu veux dire que… Tu t’es déjà amusée avec lui ?— Ben, bien sûr, même qu’avant que tu n’arrives nous dormions dans le même lit.— C’est vrai ? Oh mon Dieu… Et… c’était agréable ?— Oh là là , oui, si tu savais. Il a tout ce qu’il faut pour nous faire très plaisir. Tu viens ? On y va ?— Ben… Je ne sais pas si je vais oser…— Mais si, suis-moi, tu verras, tu ne le regretteras pas.C’est ainsi que les deux novices allèrent gratter à la porte du prêtre, nues comme au jour de leur naissance. Le prêtre alluma son chevet.— Entrez… Que vous arrive-t-il, mes filles ?— Nous nous sentons un peu seules, mon Père, dit Mathilde. Vous voulez bien qu’on passe un moment avec vous ?— Je n’y vois pas d’in… Ohhhhh ! La pure beauté que voilà , dit-il en découvrant Naomi dans le plus simple appareil.C’est vrai que la petite métisse avait de quoi forcer l’admiration du curé. Ce qu’il en vit d’abord, ce furent ses seins, gros, pleins, drus, arrogants tellement ils se tenaient bien. Puis son regard descendit vers l’incroyable toison qui couvrait le ventre. C’était comme si le nombril en était la source, comme si un mince filet de poils noirs et bouclés s’en échappait et ruisselait en s’évasant progressivement jusqu’aux plis de l’aine, presque jusqu’aux hanches. Ensuite, les courbes des cuisses glabres repoussaient la toison vers le pubis, aidant à former un losange à bords concaves, exactement comme un as de carreau, mais noir. Prodigieuse vision, sans compter ces membres dodus et potelés, ce fessier rebondi, ces longs cheveux noirs, ce petit ventre formé, ce port asiatique, pieds un peu rentrés et cette peau comme uniformément et légèrement hâlée. Le curé, bandant comme un bouc, découvrit son grand lit pour accueillir les novices. Paul et Mathilde concentrèrent toutes leurs attentions sur le corps magnifique de Naomi qui fit, en une nuit, des progrès considérables. Une nouvelle vie à trois débuta et chacun y trouva sa place et son compte. Les novices étaient joyeuses et heureuses de vivre, bien qu’elles travaillassent beaucoup. Le trio se lança dans le rafraîchissement du presbytère, bien nécessaire compte tenu de l’ancienneté des peintures et papiers et aussi des travaux d’installation de chauffage.Le curé, entre les messes, les quelques cérémonies (essentiellement des enterrements), le catéchisme, la journée au couvent et son cher jardin, était bien occupé aussi. Il allait également d’une maison à l’autre, ici pour la bénir, là pour donner l’extrême onction, et parfois il était appelé pour suppléer le curé d’une paroisse voisine. L’homme se faisant vieux était fréquemment malade. La Mère Supérieure vint perturber cet équilibre, car il était temps maintenant pour sœur Mathilde, novice depuis deux ans, de prononcer ses vœux définitifs. Pour cela, elle devait effectuer une préparation et une retraite, le tout durant plusieurs semaines. Au besoin, le père Paul pourrait faire appel à une aide ponctuelle supplémentaire.Naomi mit un point d’honneur à assumer seule toutes les charges, d’autant que la saison avançait et que jardin et basse-cour demandaient moins de travail. Sa consœur absente, elle prit la place vacante auprès du père Paul chaque nuit. Lui se réjouissait de se consacrer uniquement au corps de la novice qu’il appréciait tout particulièrement. Elle était si attirante, si jolie, si exotique, et ce petit corps potelé lui donnait de furieuses envies de le tripoter partout et en tous sens. Pourtant un jour, le curé lui posa une question, un brin inquiet :— Dites-moi, Naomi, n’êtes-vous pas de temps en temps… euh… incommodée comme sœur Mathilde ?— Que voulez-vous dire père Paul ?— Eh bien n’avez-vous pas chaque mois des pertes de sang, des menstrues ?— Ah, vous voulez dire des règles ? Non, je n’en ai pas…— Comment cela ? Depuis quand ?— Depuis toujours, je n’en ai jamais eu. Ma mère me disait qu’elle avait eu ses règles tard, à plus de quinze ans. Ensuite je suis partie en métropole et j’ai pensé que c’était peut-être le changement de climat, la solitude, la peur de ne pas réussir…— Ça alors, il faudrait quand même consulter. Demain, je vous emmène chez le docteur.— Mais pourquoi ? Une sœur ne doit pas avoir d’enfant, alors…— Peut-être, mais il vaudrait mieux savoir pourquoi, si ça ne cache pas une maladie.— Vous croyez ? Vous me faites peur. Alors on y va.Le docteur sembla bien perplexe et prit lui-même un rendez-vous pour une échographie à l’hôpital du Puy. Naomi était bien effarouchée, elle n’avait jamais subi le moindre examen médical. Heureusement que le père Paul était là pour la rassurer. L’échographiste n’en crut pas ses yeux et tira quelques clichés. À l’évidence, la jeune femme n’avait pas d’utérus. Aussitôt, on lui proposa une assistance psychologique.— Vous savez, ça arrive rarement, mais ça arrive. Et, en général, les femmes sont très choquées…Mais Naomi ne l’était pas du tout. En faisant le choix d’entrer dans les ordres, elle avait déjà fait un choix de vie qui ne devait jamais en faire une mère. Elle ne se sentit donc en aucune façon diminuée ou privée, et trouva même que c’était un souci en moins. Le curé y trouva également un certain avantage, et ce soir-là il honora Naomi longuement, lui faisant fréquenter les étoiles à plusieurs reprises avant de prendre son plaisir en elle, bien planté au fond de son vagin. Il se délecta de cet instant unique, pour lui qui avait toujours dû détourner sa semence des voies normales. Quelques jours plus tard, Naomi sollicita de nouveau une confession, ce qui étonna le prêtre qui croyait partager presque tous les instants de la vie de la novice.— De quoi diable pouvez-vous bien vouloir vous accuser que je ne connaisse déjà  ?— Eh bien voilà , père Paul. Si nous en revenons aux péchés capitaux et notamment à celui de la luxure, je crois bien que maintenant je m’en sens coupable. Ce ne sont plus quelques envies passagères qui m’assaillent, vite réprimées ou satisfaites. C’est que maintenant, je ne pense plus qu’à cela, de mon éveil à mon endormissement. C’est terrible cette envie permanente de vous sentir en moi, vos mains sur moi, votre bouche… enfin tout, quoi…— Dans ce cas, ma fille, il faudra que nous nous soignions ensemble, car je vous avoue être un peu dans la même situation. La beauté, l’érotisme de votre joli corps est un tourment permanent. Je ne vois qu’une solution, tant que nous sommes seuls, pour mettre fin à cette obsession. Il est certain que l’esprit humain finit pas se lasser de tout, même des meilleures choses. Alors, abusons, allons jusqu’à l’excès, et cela sera peut-être susceptible de nous calmer. Du moins, souhaitons-le.Joignant le geste à la parole, le coquin entama le traitement sur-le-champ, ou plutôt sur le bureau. Naomi avait les jambes trop courtes pour être prise commodément debout, mais elle savait comment s’y prendre. Il lui suffisait de s’asseoir juste au bord d’une table ou du bureau, de relever sa tunique et d’écarter les jambes bien haut. Mais le curé se sentit privé de l’accès aux gros nichons tout durs, et implora la novice d’être, autant qu’il serait possible, entièrement nue dans le presbytère. Les visites étaient rares, et le verrou fermé donnait assez de temps pour recouvrer l’uniforme. Naomi accepta, sous réserve que son confesseur en fît autant et allumât le chauffage, car la fraîcheur de l’automne arrivait déjà , ce qui est habituel en montagne. Quel bonheur pour le prêtre de contempler la jeune métisse vaquant à ses occupations, poitrine tressautante et fessier roulant à chaque pas ! Il ne se savait pas particulièrement fétichiste, mais lorsqu’elle enfilait un tablier et que, penchée sur l’évier, elle épluchait quelques légumes, la tentation était trop forte et c’est Naomi la première qui passait à la casserole.Néanmoins, le père Paul avait beaucoup de travail. Il se préparait à la cérémonie des vœux définitifs que sœur Mathilde allait bientôt prononcer. C’était un office très particulier, avec un rituel spécial mettant en jeu le célébrant, la novice et les sœurs de la congrégation. Bien sûr, pour cette occasion, la famille de Mathilde ferait le déplacement, et il ne doutait pas qu’une partie du village serait intéressée par cet événement extraordinaire. Il répéta donc chaque séquence de la cérémonie, organisa son église de façon à la faciliter, priva son salon de l’épais tapis rapporté de chez ses parents puisque la future religieuse devait s’étendre sur le sol, face contre terre. Une fois tout préparé, Naomi formée à la manipulation des micros et de l’ampli, les musiques choisies et les cassettes calées, le curé constata avec peine que, malgré les nettoyages fréquents, sa petite église était bien tristounette, sombre, noyée dans la grisaille de ses murs épais.Il lui restait un peu plus d’une semaine avant le grand jour, il fonça vers la ville avec sa remorque et l’intention d’amputer une nouvelle fois son petit capital. Il revint avec des fûts d’une peinture de rénovation, un compresseur, un échafaudage et un pistolet à peinture de location, un gros rouleau de moquette d’occasion provenant d’une exposition et son courage. Il commença par faire un essai au niveau du sol, protégeant les dalles avec une bâche. Le résultat était bluffant. Le vendeur lui avait dit que ce produit restaurait et assainissait pierres et maçonnerie en fixant tout ce qui s’effritait, et qu’en plus les murs continuaient de respirer. Juste après la projection il eut quelques doutes, retrouvant un aspect gris-maronnasse toujours trop sombre. Mais après quelques heures de séchage, les surfaces enduites prenaient l’aspect du neuf dans un éclatant blanc cassé. Un courage frénétique s’empara de lui. Mobilisant sa novice effarée, il déménagea encore une fois toutes les chaises sur le parvis, la chargea d’aller frapper aux portes pour emprunter d’autres bâches pour protéger boiseries et statues, et monta son échafaudage. Il avait loué le matériel pour une semaine, mais l’église était petite, trois voûtes dans la nef, le transept et le chœur, et pas très haute, guère plus de six mètres aux cintres. Il se donna donc une journée par voûte complète, une journée pour le chœur et encore deux jours pour le transept et le narthex. Au début, tout alla merveilleusement bien. Il aurait bien continué encore, mais ne voulait pas s’arrêter en pleine voûte et faire un raccord visible. Au troisième jour, il était littéralement épuisé, souffrant le martyre des épaules et du dos. Chaque soir, Naomi l’aidait à se nettoyer des projections, le massait, le restaurait.Au quatrième jour, ce n’est qu’en entrant dans son église qu’il reprit courage. De voir toute la nef resplendir ainsi le transcenda, et il en avait bien besoin. Il attaqua le chœur, partie certainement la plus délicate avec ses nombreux vitraux et ses absidioles, le maître-autel qu’il fallait contourner avec des différences de niveau du sol. Un maçon du village, appelé par Naomi, vint lui donner un coup de main pour caler l’échafaudage, « le chafau » comme il disait. Pendant ce temps, la novice remit en place seule tous les sièges dans la nef. Ils ne terminèrent que vers vingt-deux heures et se sentirent morts de fatigue. Il restait le transept, coincé entre chœur et nef, qu’il était donc bien obligatoire de faire. Mais le curé se contenta de projeter sa mixture dans le narthex, bien plus petit et moins haut, puisque coiffé d’une tribune en bois. Naomi était chargée, elle, de lessiver les quatorze tableaux du chemin de croix et de repasser une peinture dorée sur les cadres. Elle s’acquitta de la tâche avec minutie, évitant soigneusement tout produit corrosif susceptible d’abîmer les peintures, mais intervint auprès du prêtre :— Père Paul, à mon avis quelque chose ne va pas.— Et quoi donc, ma sœur ?— Je trouve qu’en faisant tout de la même couleur, cette église sera certes plus lumineuse, mais aussi froide et triste qu’avant. Pour le narthex et le transept, vous devriez utiliser une autre couleur, plus ocre.— Vous croyez ?— Oui, il n’y a aucune peinture, aucun décor, outre les vitraux et les stations du chemin de croix. Et puis ce blanc cassé est joli, mais sur une telle surface il fait assez froid. L’ocre donnerait un aspect plus chaleureux, je vous assure. Et cela ferait une sorte de décor. Regardez, les voûtes se croisent juste au milieu du transept, décrivant quatre portions circulaires qui se rejoignent au centre.— Oui, les voussures.— Eh bien vous en faites deux en blanc cassé, vers la nef et le chœur, et deux en ocre et ce sera super.— Certainement. Encore faut-il placer des rubans de protection tout le long, pour ne pas dépasser… Oh ! Tu me compliques horriblement le travail…— Allez, père Paul, vous n’allez pas le recommencer l’année prochaine. Autant le faire du mieux possible tout de suite.Au lieu de se reposer, le curé installa son échafaudage au milieu du transept et projeta le blanc cassé sur les deux voussures. Puis il mit les fûts restants dans sa voiture et alla les échanger contre de l’ocre, « clair » quand même, précisa-t-il. Le lendemain, alors qu’il aurait dû être au couvent et sauter Charlotte, il colla ses bandes de protection le long des arêtes puis commença par s’exercer à l’ocre dans le narthex. Le temps du déjeuner, il dut bien se rendre à l’évidence, la petite novice avait raison. Le narthex était devenu beaucoup plus chaleureux et restait malgré tout très clair. Il attaqua donc la voûte du transept avec un courage renouvelé. Quand la nuit tomba, comme le curé de fatigue, il ne restait plus qu’un fût entamé, de quoi refaire la sacristie, ce serait pour plus tard. Naomi avait de son côté déroulé la moquette rouge et effacé toutes les taches qui y subsistaient. Le lendemain, on décolla les bandes de protection sur les voûtes avant de démonter l’échafaudage, on remit les sièges en place, la table-autel, le tapis, on raccrocha les quatorze tableaux rutilants et l’on déroula la moquette, du portail au chœur. Ce simple détail changea l’acoustique de l’église, ce qui permit de forcer encore le son des cassettes. Le prêtre tomba à genoux, perclus de douleurs et de courbatures, et pria un long moment, remerciant Dieu de lui avoir donné la force d’accomplir cette prouesse. Il n’avait pas transformé une grange en cathédrale gothique, mais il avait donné un sacré coup de jeune à la Maison de Dieu dont il avait la charge.Un détail cependant le chagrina, en séchant la peinture projetée produisait beaucoup de vapeur d’eau qui dégoulinait sur les vitraux, malgré les portes grandes ouvertes. Il mit donc en fonction le chauffage toute la nuit, le phénomène s’était estompé et il faisait très bon dans le bâtiment. Les yeux de Naomi pétillaient de bonheur et, s’il n’avait pas craint de commettre un sacrilège, il l’aurait bien prise là , sur cette moquette rouge. Avec ces couleurs et ces alternances, il lui fallait reconnaître que la novice avait du goût et avait eu raison de le forcer. C’est comme si le soleil était entré dans l’église et n’en sortait plus. La jeune sœur continuait de s’activer, effaçant çà et là quelques traces de peinture qui avaient échappé à la protection des bâches, décapant sur place les bancs fixes de la tribune et encaustiquant les escaliers qui y menaient. Elle était heureuse, car sa copine Mathilde allait avoir une sacrée surprise pour prononcer ses vœux. Le curé se fendit encore de quelques dépenses, car cette idée de « soleil dans l’église » lui trottait dans la tête. Il alla acheter une vingtaine de ces nouveaux spots à LED et les installa de façon à mettre en valeur tout le travail accompli, éclairant du même coup en lumière indirecte toute la nef et surtout le chœur.— C’est fini, dit-il à sœur Naomi, cette fois on ne touche plus à rien. Demain matin, je fais la sacristie et l’après-midi je vais rendre le matériel.Ce qui fut dit fut fait, et Naomi en profita pour décaper les boiseries de la sacristie. Le prêtre ne savait comment remercier cette petite qui n’avait pas ménagé sa peine, quand il lui vint une idée. Il plongea dans le placard où étaient entassés des objets venant de ses parents, et y retrouva ce qu’il cherchait, une petite croix en or fin qui appartenait à sa mère, son seul bijou de valeur. Un discret encadrement faisait les contours de la croix, tandis que l’intérieur était constitué d’une dentelle de volutes imbriquées, délicatement taillées dans le précieux métal. La chaîne identique y était toujours enfilée, il suffisait de trouver un écrin quelconque, en l’occurrence de montre, pour en faire un joli cadeau.— Tenez, belle enfant, pour vous remercier de votre soutien sans faille dans mon entreprise et de vos bonnes idées. Elle a appartenu à ma maman, et il n’y a pas d’endroit où elle sera mieux que sur votre superbe poitrine, bien au chaud entre vos seins que j’adore.La petite en eut les larmes aux yeux et remercia avec beaucoup, beaucoup de tendresse le généreux donateur, jurant de ne plus jamais quitter ce bijou. Il n’y avait qu’un inconvénient, il fallait la passer dans le dos pour une certaine pratique apprise de la Mère supérieure et qui convenait très bien à la fabuleuse poitrine de Naomi, que l’on nomme selon les endroits « cravate de notaire » ou « branlette espagnole ».Le jour de la cérémonie arriva, et avec elle angoisse et effervescence. D’abord, toutes les sœurs débarquèrent en procession, Mère supérieure en tête, en tenues de gala, c’est-à -dire en chemisiers blancs, jupes longues, gilets et voiles bleus. Elles prirent place près du chœur au son des grandes orgues enregistrées. Puis le curé accueillit la famille de sœur Mathilde et après… ce fut la ruée. On n’avait jamais vu ça. Tout le village semblait s’être déplacé. Même le patron du café qui fit un clin d’œil au curé et lui glissa :— Tu vois curé, pas de concurrence aujourd’hui, j’ai fermé le bistrot. Je compte sur toi pour renvoyer l’ascenseur et venir y boire un coup…— D’accord, mais après la cérémonie.Il n’était pas certain que les vœux définitifs d’une novice aient attiré cette foule. Plus vraisemblablement, on venait par curiosité, voir comment l’église avait été transformée. Même le maire, pourtant très à gauche et plutôt anticlérical avait fait le déplacement, ceint de son écharpe tricolore, avec tout son conseil municipal. Si bien que le curé s’inquiéta soudain de savoir si tout le monde aurait une place, assise si possible, car la cérémonie était assez longue. On ouvrit la tribune, qui pouvait contenir une trentaine de personnes, et on sortit les derniers bancs de la sacristie. Les têtes tournaient et retournaient, les murmures allaient bon train, il faisait bon, d’autant que le père Paul avait pris la précaution de chauffer toute la nuit. Le curé ferma les lourdes portes et remonta lentement l’allée centrale sur le tapis rouge. Au fur et à mesure de son avancée, les lumières de la nef s’éteignaient par la magie bien rodée des doigts de Naomi sur le tableau électrique. Quand il arriva dans le chœur, un flot de lumière s’y concentra, déclenchant un « oh ! » vivement étouffé dans l’assistance. Les chauffages radiants s’éteignirent, la chaleur humaine les remplacerait avantageusement.— On compte 100 watts par personne, avait dit le prêtre à Naomi. Si l’on est 50, c’est 5 000 watts, tu coupes deux radiateurs. Si l’on est 100, tu en coupes quatre, et à 150, tu coupes tout.On était près de trois cents ! La cérémonie fut grandiose, parfaitement orchestrée, et les quelques imperfections ne furent pas perçues par l’assistance, médusée notamment par les échanges entre les participants, leur solennité, et surtout cette phase où la novice tombe à genoux puis face contre terre, attendant que Dieu lui donne la force d’assumer son engagement. La maman de Mathilde pleurait à chaudes larmes, et nombreuses étaient les femmes qui avaient les yeux embués ou s’essuyaient rapidement le coin des paupières. Toutes les sœurs entonnèrent un chant magnifiquement répété pour encourager leur sœur et la recevoir parmi elles, chant tout en latin que seules les voûtes semblaient comprendre, amplifiant ces sons cristallins et les répercutant à l’envie.C’était bien plus beau que n’importe quelle cassette, et même les hommes semblaient pris aux tripes. Le curé avait également forcé sur l’encens, dont les volutes de fumée accrochaient la lumière des projecteurs jusque dans les cintres. Puis la lumière du chœur baissa, les sœurs se donnèrent toutes la main et prirent celles de sœur Mathilde pour l’emmener avec elles vers le couvent. Mais la Mère supérieure s’empara du micro avant de quitter l’église.— Mesdames, Messieurs, Monsieur le Maire, je voudrais rendre un hommage appuyé au père Paul, notre curé, qui s’est dépensé sans compter, ainsi qu’à notre novice, sœur Naomi, qui l’a assisté. En quelques jours, ils ont métamorphosé cette vieille église un peu triste pour en faire un lieu très beau et très simple de recueillement, un lieu également confortable, car maintenant chauffé. Et ceci, si j’ai bien compris, sur ses propres deniers. Cette cérémonie en fut l’occasion, certes, mais encore fallait-il avoir le courage, le goût et l’audace de le faire. Au nom de tous, merci, père Paul et sœur Naomi, et un grand bravo.Chose rare dans une église, tout le monde applaudit chaleureusement et longuement. Empourpré, le curé s’enfuit dans sa sacristie pour quitter son habit de lumière, brocardé d’or et de pourpre, et reprendre sa traditionnelle soutane. Quand il en sortit, l’église était vide, Naomi avait éteint et fermé la porte avant de courir rejoindre ses consœurs. Il resta un moment dans les lieux et pria, puis il alla rejoindre les nonnes pour le repas de fête de la congrégation. Quatre nonnes étaient restées aux fourneaux et regrettèrent de ne pas avoir vu la cérémonie et surtout l’église rénovée. Le curé leur promit une messe grandiose rien que pour elles, surtout qu’elles avaient confectionné un menu de gala. Naomi s’approcha du curé :— Vous êtes passé au presbytère, mon père ?— Non ma fille, pourquoi ?— Tenez, j’ai fermé à clé. Si vous saviez la quête que l’on a récoltée, plusieurs milliers de francs, c’est sûr. J’ai tout mis dans votre bureau. Mais ça devrait rembourser une bonne partie des dépenses.— Chut, fit la Mère supérieure en lui prenant le bras. N’en parlez surtout pas. Après ce que j’ai dit, j’espère que le maire va faire un geste, ce qui serait normal et mérité. C’est bien la première fois que je le vois à l’église en dehors des enterrements, celui-là .On dit le bénédicité, puis on dégusta le repas de fête. Le curé avait fait porter quelques bouteilles rapportées de chez ses parents, elles furent appréciées, mais pas plus d’un verre chacune. Le repas était très gai, la reine de la fête y alla de son petit discours timide, suivit par le curé qui exprima son souhait de voir sœur Mathilde reprendre du service au presbytère où elle avait beaucoup manqué, et c’est la Mère supérieure qui conclut en confirmant ce prochain retour avec quelques phrases à double sens pour qui connaissait la situation, le curé, Mathilde et Naomi. Le repas se termina par un redoutable jus de chaussette, qui fut bien vite oublié par un joli chant, premier de toute une série, prouvant que le répertoire des nonnes ne s’arrêtait pas au liturgique. La Mère supérieure en profita pour emmener le prêtre dans son bureau, personne ne douta du sérieux de l’entretien, sauf peut-être sœur Mathilde, mais elle était encore toute à l’émotion du jour.— Alors, mon p’tit curé, tu ne m’as pas dit ce que tu pensais de mon cadeau…— Cadeau ?— Oui, ta récompense, Naomi.— Ah ! Oh, parfaite. Absolument parfaite. Et quelle courageuse. Elle a travaillé plus que moi, presque. Et savez-vous que c’est elle qui a eu l’idée des deux teintes dans l’église ?— Ne fais pas l’imbécile. Ce n’est pas de son courage que je veux que tu me parles. Comment la trouves-tu physiquement ?— Ha-ha ! Je plaisantais et vous faisais languir. Eh bien… parfaite aussi, je dois l’avouer. Trop même, à m’en rendre marteau.— Allons, allons. Tu t’emballes trop vite pour la première venue.— Pas la première, la seconde. Mais pourquoi me l’avoir ainsi envoyée ?— C’est vrai, Mathilde a un physique plus ingrat, mais mignonne cependant. Mais quand j’ai vu Naomi, je passais justement par là le jour où elle essayait ses vêtements de novice, je me suis dit immédiatement : ce petit bijou-là , c’est pour mon petit curé . Tu sais, je préfère te savoir culbuter quelques-unes de mes nonnes plutôt que tes enfants de chœur.— Oh là là  ! Mais l’idée ne m’en serait même pas venue.— Je sais, tu ne manges pas de ce pain-là , et je m’en réjouis. Si tu savais ce que j’ai pu voir…— Ah oui ? Pas ici, tout de même…— Non, bien sûr. Ailleurs, bien loin, et dans des sphères beaucoup plus élevées de notre Sainte Église.— Noooonnn ?— Tiens, pourquoi crois-tu qu’on m’ait balancée Mère Supérieure, fut-ce dans ce trou, à trente-cinq ans ? J’étais brillante, plutôt jolie, j’ai vite gravi les échelons et su me rendre indispensable. C’était une consécration pour moi que de travailler auprès des plus importants dirigeants de notre Église. Et puis je suis tombée sur ce qu’il ne fallait pas voir. Et pour être certains que je ferme ma grande gueule, ils m’ont bombardée ici, à cette fonction. La loi de Peters s’exerce aussi dans l’Église.— Ben, ça alors, vous me la baillez belle. J’en suis tout retourné. De la corruption, ça a existé de tout temps, mais ça… C’est totalement odieux. Et ça reste impuni ?— Ah ! « La grande muette », ce n’est pas seulement l’armée. Et puis on ne manipule pas des armes, mais des âmes, en promettant le paradis et la vie éternelle. Mais je suis certaine qu’un jour ou l’autre ça leur pétera à la gueule. Et là , ça va faire vilain, crois-moi. En attendant, tape-toi ma nonnette autant que tu veux, ça, c’est sain, c’est normal et ça lui fait du bien aussi, elle est rayonnante. Mais sois prudent, ne me colle pas un problème sur les bras.— C’est à dire ?— Ne va pas me la mettre enceinte.— Ah ? Vous n’êtes pas au courant ? J’étais inquiet justement parce qu’elle n’avait pas ses règles…— Oh là , tu me fais peur !— Non. Elle me dit qu’elle n’en avait jamais eues. Je l’ai emmenée faire des examens, échographie et tout. Elle n’a pas d’utérus et donc ne peut et ne pourra jamais avoir d’enfant.— Oh la veinarde ! Et toi, le veinard. Si un truc pareil m’était arrivé, j’aurais passé ma vie les jambes en l’air. Dis-moi, justement, tu ne viendrais pas à côté, me visiter l’entrejambe ? Parce que la semaine prochaine c’est moi qui aurai mes règles…— Mais, avec plaisir, chère Charlotte.Le devoir accompli, le petit curé prit congé. Les sœurs demandèrent la permission de lui faire deux bises pour le remercier de ce qu’il avait fait et de cette belle cérémonie. Naomi lui glissa « à demain », et les sœurs cuisinières lui avaient préparé un riche panier pour son dîner.— Mais vous me gâtez trop, mes sœurs, je ne pourrai jamais tout manger. Et puis je sais un peu cuisiner.— Regardez-vous, dit l’une, vous êtes tout maigre. Un bon curé se doit d’avoir une petite bedaine !Il repartit heureux de cette folle journée, la bite un peu douloureuse du prodigieux étau fessier de la Mère supérieure. Mais ce soir, il dormirait seul. Il s’arrêta à l’église, se fit un jeu de lumières en diffusant une cassette d’orgue rien que pour lui, remit chaises et bancs en place, récupéra son tapis et rentra au presbytère. Il compta la caisse du jour, il y avait près de 12 000 francs, un record absolu. Quelques pièces, beaucoup de billets de dix francs, et surtout plein de billets de vingt et quelques-uns de cinquante. Naomi avait été un peu rapide dans son estimation, car entre la location du matériel, les spots et les câbles, la moquette et la peinture-enduit, il avait dépensé un peu plus de 25 000 F. Mais bon ça valait le coup, il ne regrettait pas sa dépense, même s’il ne comptait guère sur une aide de la municipalité.Il se trompait. Dans les jours qui suivirent, le garde champêtre vint lui demander s’il pouvait passer à la Mairie avec les factures des travaux. Ce qu’il fit. Le maire le reçut, à la fois convivial et bourru :— Curé, il faut bien que je vous félicite, au nom de tous mes concitoyens, pour le travail remarquable que vous avez accompli dans l’église. Cependant, je me dois de vous faire un rappel à la loi, celle de 1905 : AVANT de faire vos travaux, vous auriez dû en faire la demande à la mairie, propriétaire des bâtiments et de ce qu’ils contiennent.— C’est vrai, Monsieur le Maire, mais j’étais dans l’urgence et les démarches administratives font perdre du temps.— Peut-être, mais ne serait-ce que le signaler ne prend pas beaucoup de temps. Et puis vous me mettez devant le fait accompli. Et il est toujours difficile d’intervenir a posteriori. Du coup je suis dans une situation embarrassante et c’est désagréable.— Monsieur le Maire, si je vous avais demandé d’intervenir, je suis sûr que vous m’auriez dit que l’église était très bien comme ça et que vous aviez d’autres priorités, ce que je peux comprendre. J’avais touché un petit héritage de mes parents, j’ai pensé qu’il serait bien placé dans cette rénovation.— On va pas se la jouer « Don Camillo », mais vous allez trop vite en besogne. Vous êtes jeune et impétueux, mais je n’ai pas envie de vous le reprocher parce qu’on a besoin de gens comme vous dans nos campagnes vieillissantes pour faire avancer les choses. C’est comme le chauffage dans le presbytère : ça aussi ça fait partie des gros travaux qui relèvent du propriétaire. Je l’ai su par un de mes conseillers qui vous a apporté du bois. Mais comment je fais, moi, maintenant, entre loi et fait accompli comme entre marteau et enclume ?— Monsieur le Maire, je ne vous demande rien. Si vous tenez à en référer à la loi, vous me devriez un salaire pour le gardiennage des locaux…— Vous êtes sûr ? Bou-diou ! Maryse, hurla-t-il à l’intention de la secrétaire, trouvez-moi cette maudite loi de 1905. C’est que je n’en ai jamais entendu parler de cette histoire. Ça doit exister que dans les grandes villes.— Dans les grandes villes, c’est l’état qui est propriétaire des cathédrales.— Oui, je sais. Et il aurait bien pu prendre les églises avec. Comme si on avait l’argent… Oui, vous avez raison, poursuit-il en consultant le document apporté par Maryse. Eh bien, c’est peut-être un truc qui va me dépanner. Vous comprenez, sur le plan comptable, ce serait bien compliqué de vous rembourser des frais déjà engagés : vous ne pouvez pas me faire de facture, vous n’êtes pas commerçant, et les factures des commerçants, elles sont déjà acquittées. En revanche, si je vous verse une indemnité de gardiennage, en gros pour un total de cinquante mille Francs, on dit dix mille par an pendant cinq ans, ça pourrait passer sans trop grever mon budget déjà bien serré. Ça vous irait ?— Je ne l’espérais même pas, comme je vous l’ai dit, je ne vous demande rien.— Je sais bien, mais il faut être juste, ça j’y tiens. Et puis, jeune homme, votre petit héritage il ne faut pas le dilapider, un jour vous le regretteriez. Voyez le père Anselme, partant la larme à l’œil, s’il avait eu de quoi, il aurait bien aimé pouvoir rester passer ses vieux jours au village plutôt que de partir dans une maison de retraite entre vieux curés. Investissez, mon cher, achetez une petite maison et retapez-la petit à petit. Tiens, j’en connais une qui vous irait très bien, et pas chère.— Vous avez peut-être raison, mais un curé ne pense pas à lui en premier.— C’est bien, c’est votre boulot. Mais quand même, il ne faut pas vous spolier pour les autres, personne ne vous en sera reconnaissant.— Mais si, notre Seigneur.— Ah celui-là , je ne le connais pas. Allez, sur ce bon accord, je vous invite à boire un coup ?— Bonne occasion, c’est moi qui vous invite. J’ai un ascenseur à renvoyer au patron du bistrot.Pour la première fois dans l’histoire du village, on vit le maire et le curé trinquer ensemble au Café du Centre. Ah si la presse avait été là pour immortaliser cet instant ! La conversation tourna, comme il se doit, en paroles de bistrot. Le maire dandina sur sa chaise puis se lâcha :— Dites donc, curé, la Mère supérieure, je ne l’avais jamais tant vue que l’autre jour. Mais… sacrée bonne femme, enfin… sauf votre respect.— Mon respect n’est pas en jeu, en l’occurrence. Mais on peut dire cela, oui. Maîtresse femme.— Oui, la tête est bien pleine, mais bien faite aussi. Et la dame, bien tournée…— Une créature de Dieu, Monsieur le Maire.— Je dirais qu’il s’est pas raté sur ce coup-là . Mais quelle perte pour la gent masculine… Et elle m’a parue bien jeune en plus ?— Elle l’est en effet. La valeur n’attend pas le nombre des années.— Je dis ça… Mais je ne me plains pas de la présence du couvent. C’est une vingtaine de villageois en plus, pratiquement 5% de la population de la commune, ça compte.— Eh oui, ça compte et ça vote.— Faute d’industries, on n’a pas Danone, on a les nonnes ! Et… il ne pourrait pas y en avoir un peu plus ? Ça ne dérangerait personne surtout qu’elles rendent bien des services.— Il faudrait le demander à la Mère supérieure, prenez donc rendez-vous.— Réflexion faite, je crois bien que je vais le faire, y a pas de mal à ça.— Mais aucunement. Je dois y aller. À bientôt, Monsieur le Maire, et merci pour tout.Le curé réintégra son presbytère pensivement, un peu troublé par ces conversations qui se recoupaient plus ou moins. Acheter une maison ici, c’était choisir d’y rester et d’y terminer sa vie. Le jour de son arrivée, il aurait juré vouloir partir au plus vite, maintenant il en était moins sûr. Finir les larmes aux yeux comme le père Anselme, il n’en avait pas envie non plus. Charlotte, si ce qu’elle lui avait dit était exact et il n’y avait pas de raison d’en douter, était coincée là pour un grand bout de temps, voire à vie. Ce n’était pas un voisinage désagréable, bien au contraire. Rejoindre une paroisse de grande ville ? Si c’était pour tomber dans les pièges qu’elle lui avait décrits, voire seulement côtoyer ou travailler avec des gens de ce genre, pas question. Encore fallait-il avoir de l’ambition. « Ai-je de l’ambition », se demanda-t-il ? Il rit intérieurement en s’imaginant évêque, repeignant les voûtes de sa cathédrale sur une nacelle de location. Non, vraiment non, il n’avait pas d’ambition, et sa vie dans ce trou lui plaisait plutôt bien. Il se sentait utile, vivant, car au contact de la vie, vraie, brute, sans faux-semblants. Dès que l’on s’élève, c’est diplomatie, mensonges, magouilles, toute vérité cachée ou enrobée. Sans compter les indispensables appuis, donc les allégeances, la perte de liberté, d’initiative.Ici, Germain était venu à sa cérémonie, il était allé boire un coup chez Germain. Balle au centre. Le maire est communiste et bouffe du curé ? Il avait fraternisé avec le maire, parce que l’homme est droit et qu’il l’est aussi. Sa proposition était loin d’être stupide, il fallait donc la prendre en considération et faire le choix de son avenir, parut-il lointain. Il en était là de ses réflexions, assis dans un fauteuil du salon les yeux fermés, lorsque des échos de rires joyeux lui parvinrent de l’étage. À peine avait-il perçu un fumet délicieux du proche dîner, sans même chercher à savoir où se trouvaient ses deux jeunes complices, tant il était perdu dans ses pensées. Elles débarquèrent en fanfare, simplement vêtues de leurs voiles et de leurs scapulaires, retenus à la taille par une cordelière. L’étroite et longue bande d’étoffe, percée d’un trou pour la tête et descendant jusqu’aux chevilles, couvrait juste leurs poitrines et virevoltait à chacun de leurs pas. C’était odieusement sexy et provoquant, pire encore que si elles avaient été totalement nues. En se campant côte à côte, pieds écartés devant le curé, ce sont les longues jambes de Mathilde qui avaient incontestablement l’avantage. En revanche, de profil, les seins gonflés et drus de Naomi, repoussant loin devant le partiel vêtement, offraient un spectacle puissamment érotique. Il fallait être de bois pour résister à ces attraits, et le curé ne l’était pas.— Oh, comme il a l’air pensif et tristounet, notre père Paul…— Allez, allez, venez goûter à notre poule au pot, dit l’une en le tirant par la main.— Et aujourd’hui, pour le dessert…— C’est nous ! crièrent-elles en chœurLa joie de vivre de ces belles jeunesses, la vision fugitive d’un sein par-ci, d’un téton par-là , changèrent les idées du prêtre jusqu’à l’obsession. Vivement le dessert ! Elles débarrassèrent la table puis s’y installèrent toutes deux côte à côte, jambes en l’air et scapulaires troussés. Le père Paul n’eut qu’à se pencher pour déguster alternativement ces deux vulves gonflées et juteuses à souhait.— Hum-mmmm ! J’aime ça !— Nous aussi !Quand vint le moment de conclure, Mathilde réclama la priorité ayant été privée pendant plus d’un mois. Naomi protesta un peu, argumentant que durant les travaux le père Paul ne s’était guère occupé d’elle. Notamment, depuis qu’il pouvait se libérer dans son vagin, il délaissait son petit passage ce qu’elle regrettait beaucoup. Elles eurent droit toutes les deux à une longue et puissante séance de rattrapage. Puis le curé s’en fut prier dans son église, seul, se disant qu’il manquait quelque chose à son éclairage pour le rendre plus sympathique encore, des variateurs de lumière. Il y penserait demain, l’heure était à la prière, espérant trouver réponse à ses questions.— Elles m’avaient bien fatigué les coquines, pensa-t-il en tombant du prie-Dieu, endormi.Il retrouva les donzelles endormies aussi, enlacées dans son lit, et sourit en se glissant près d’elles. Le lendemain, il alla faire un tour en ville pour acheter ses variateurs, hésita entre rhéostat moins cher, mais qui chauffe et variateur électronique qui ne perd pas de puissance, mais beaucoup plus cher.— C’est simple, lui dit le vendeur, si c’est juste pour une fête ou un événement, le rhéostat suffit. Mais si vous faites du définitif dans votre maison, il vaut mieux prendre l’électronique, vous vous y retrouverez en fiabilité et en économies de courant.Il y vit comme un signe de Dieu. Elle était là la question : momentané ou durable ? Il prit des variateurs et, comme il avait lu sur la revue diocésaine que la soutane pouvait être désormais remplacée par un costume plus classique, allant du noir à l’anthracite, en conservant l’habituel col dur et chemise noire qu’il portait sous la soutane, il se fit plaisir en s’achetant deux costumes. Il tomba évidemment sur une vendeuse qui pouffa en apercevant son caleçon de coton blanc et lui proposa des slips façon « boxer-short », élastiques, moulants et bien plus confortables. Pourquoi pas ? Ce qu’il avait tout de suite envisagé avec cette nouvelle tenue, c’était de pouvoir à nouveau utiliser son vélo rapporté de chez ses parents. Il avait tant peiné pour l’avoir, ce « routier » à huit vitesses, quatre pignons et double-plateau, guidon de course, mais pneus de route larges et confortables. Il lui avait fallu économiser sur tous les cadeaux reçus, étrennes, anniversaires, et faire de nombreux petits boulots pour parvenir à se l’offrir. Il passa donc acheter deux pneus neufs, qui ne s’appelaient plus « de route », mais « tout chemin », entre « ville » et « tout-terrain ».Il rentra content de lui, c’était à son tour de surprendre ses nonnettes par sa nouvelle tenue. Puis il se mit au travail, construisant une nouvelle « boîte à lumière » pour l’église, et fut satisfait du résultat, gravant des repères de couleur : « mariage », « obsèques », « entrée », « durant l’office », « ite missa est »… Un éclairage pour chaque circonstance et chaque moment de l’office. Ensuite, il s’attaqua à son vélo, le démonta entièrement, il le connaissait par cœur, nettoya soigneusement toutes les pièces et le remonta en le graissant juste ce qu’il fallait. Il l’essaya pour aller au couvent confesser les religieuses et surtout leur Mère supérieure. Ah, c’est vrai, elle avait ses règles… Et puis surtout, elle avait reçu le maire qui, au final, lui avait beaucoup plu. Il lui avait manifesté une telle gourmandise oculaire qu’elle avait fini par se sentir émoustillée par son aspect rustique, ses grosses paluches calleuses et son franc-parler. Elle l’avait invité à un déjeuner en tête à tête et une nouvelle entrevue qui, espérait-elle, se terminerait dans son cabinet insonorisé. Il eut le sentiment que la belle religieuse était éprise ou sur le point de l’être. Il ne restait que le passage à l’acte. Il devrait ne pas s’ennuyer en confession sous peu.Plaisir de rouler sur les routes et chemins du village sur son cher vélo, regret d’avoir l’entrejambe aussi contraint, la soutane avait ses avantages. Et puis il y avait ce regard curieux des gens :— Tiens, il ressemble à notre curé… ah oui, mais ce n’est pas lui, il n’a pas de soutane… mais si, c’est lui, mais… en civil ?Les gens étaient donc un peu déboussolés, mais finalement ça allait bien avec la rénovation de l’église et cet air de renouveau qu’il souhaitait donner. Il demanda l’adresse de la maison à vendre au maire, alla la visiter, mais renonça ; trop sombre, trop encaissée entre deux autres maisons, trop de travaux de gros-œuvre. Les relations avec le Maire devenaient plus fréquentes, tournant presque à l’amitié. Pour la Mère supérieure, c’était plus que cela encore, d’après ce qu’elle lui racontait en confession :— Ah mon p’tit curé, si tu savais. Cet ours est d’une vitalité incroyable. Il me défonce, il me démonte. Je n’ai jamais eu un amant comme lui, sans vouloir te froisser…— Mais pas du tout, chère Charlotte, j’ai ce qu’il me faut au presbytère !Avec le maire, tout le monde cherchait quelque chose qui puisse sauver le village en déclin. Car on ne célébrait plus que des enterrements, il n’y avait plus que quatre gosses à la dernière communion, l’école était en péril comme le petit bureau de poste qui n’était plus ouvert que deux jours par semaine. Et le dernier mariage remontait à deux ans déjà . À part le paysage et le bon air, rien ne pouvait attirer des jeunes ici, et surtout il n’y avait pas de travail. Dans la région, il y avait bien la lentille du Puy et la verveine du Velay, mais ces créneaux étaient déjà pris.Le curé essaya bien d’améliorer la piquette des nonnes en faisant venir un œnologue et en les emmenant visiter quelques bons viticulteurs du Beaujolais et des Côtes-du-rhône. Elles firent des progrès notables, mais insuffisants pour rivaliser. Tout juste le vin de messe était-il maintenant buvable sans douleur d’estomac. C’est en regardant par hasard une émission de télévision que le prêtre eut une idée. On y présentait des producteurs de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, qui travaillaient essentiellement pour les parfumeries de Grasse. Ils étaient implantés sur des collines bien exposées, ressemblant étrangement au décor local. Les parcelles étaient assez petites, mais la production avait une forte valeur ajoutée qui leur assurait des revenus tout à fait convenables, bien supérieurs à ceux des paysans du village, vivotant avec quelques vaches laitières et quelques hectares de céréales et de fourrage. Il en parla autour de lui, mais ne rencontra que regards effarés, voire moqueurs.Il se rendit à la Chambre d’Agriculture du département, rencontra des conseillers. L’un d’eux accepta de venir voir sur place l’exposition, l’ensoleillement, l’altitude, et fit des prélèvements pour analyser la terre. Son verdict tomba quelques semaines plus tard avec une liste de plantes médicinales qu’il était possible de cultiver avec de bonnes chances de succès. Réunion au couvent avec le maire. Si aucun paysan ne voulait se lancer, les nonnes voulaient bien tenter l’expérience. Elles disposaient encore de nombreuses parcelles qu’elles n’avaient ni le besoin, ni le matériel pour cultiver. Elles étaient plus ou moins prêtées et quelques vaches venaient y paître, façon de ne pas avoir à les faucher. Le maire déclara que ce n’était pas un problème et qu’il se chargeait de les faire labourer. Mais ensuite, ce n’était que du travail manuel : semer, sarcler, récolter, et enfin transformer. On se renseigna sur ce qu’on pouvait en faire, des huiles essentielles dans un premier temps, et pourquoi pas ensuite des produits plus élaborés comme des savonnettes, des gels douche, des sels de bain, voire même des parfums de cuisine.On décida de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier et, parmi les plantes conseillées, on sépara par parcelle les vivaces qu’il suffisait d’entretenir et les annuelles qu’il faudrait ressemer chaque année. On chercha un laboratoire capable d’extraire les huiles des plantes produites, un fournisseur de flacons et l’aventure démarra. La première année, seules les annuelles fournirent une production significative. « Significative » signifiait quelques centaines de minuscules flacons de 10 ml, mais qui se vendraient 30 francs pièce, s’ils se vendaient. Le label « Huile essentielle des Sœurs du Bon Secours » frappa les esprits. Les quelques pharmacies et maisons de régime qui avaient accepté de les distribuer furent rapidement dévalisées. On récupéra quelques milliers de francs, mais quand on eut donné leur part aux distributeurs, au laboratoire, aux fournisseurs de plants, de graines et de flacons ainsi qu’à l’imprimeur des étiquettes, il ne resta pas grand-chose. C’était la première année, tout s’était vendu et c’était déjà bien.La production de l’année suivante s’augmenta des vivaces arrivées à maturité et surtout d’une culture améliorée des annuelles. Doublée par rapport à l’année précédente, on dégagea une marge non négligeable de plusieurs milliers de francs, preuve que la quantité influait directement sur la rentabilité. La troisième année, on fit fabriquer des savonnettes parfumées, les sœurs se chargeaient de l’emballage et du conditionnement. On commença à faire des colis à envoyer de plus en plus loin, surtout lorsqu’on proposa des coffrets-cadeaux avec des assortiments. La rentabilité fut au rendez-vous, et dès qu’on parle gros sous, des oreilles se tendent. Quelques paysans vinrent se renseigner pour savoir, si par hasard, comme ils avaient quelques jachères… Bien sûr, il s’agissait là d’un revenu complémentaire non négligeable, d’autant qu’en augmentant la production, on augmentait la rentabilité. Et puis on faisait du bien aux gens, puisque ces huiles essentielles soulageaient quelques maux ou quelques mal-être.La renommée sauta du bouche-à -oreille à la presse locale, puis régionale, ce qui dynamisa les ventes. La production était toujours en dessous de la demande. Il fallut une dizaine d’années pour entrer dans une phase de croisière, ajustée à la demande tout en restant dans la limite des capacités du village. Un couple de jeunes, dont l’un était enfant du pays, vint s’installer et créa le premier laboratoire d’extraction des huiles sur place. Le gain était considérable, en transport notamment. Les gens aussi commencèrent à venir sur place, visiter les plantations et acheter par la même occasion, d’abord au couvent puis on ouvrit une boutique dans le village tenue par un nouveau couple de jeunes. Les religieuses ouvrirent également table d’hôtes, qui connaissaient un franc succès l’été. On construisit dans le parc du couvent un atelier de conditionnement qui fonctionnait pratiquement toute l’année, et le diocèse accepta, au vu du caractère soignant de la production, de placer cinq novices supplémentaires.Pratiquement tous les paysans avaient maintenant quelques parcelles de cet or des montagnes, et les fermes abandonnées virent des jeunes revenir s’installer au pays après l’école d’agriculture. Personne n’y devint riche, mais le village avait retrouvé la vie qui l’abandonnait peu à peu. L’école n’échappa pas à un regroupement avec les écoles des villages voisins, mais une classe restait ouverte, ce qui n’était déjà pas mal. Le curé s’était bien donné dans ce projet et passait, avec le maire réélu et la Mère Supérieure, pour l’un des héros du village. Il le vivait modestement, arpentant toujours les routes sur le vélo de sa jeunesse. La Mère Supérieure lui avait bien proposé de mettre d’autres novices à son service, histoire de stimuler sa libido avec de la chair fraîche, mais il préféra rester fidèle à sœur Mathilde et sœur Naomi, qui avait elle aussi prononcé ses vœux définitifs. Il trouvait qu’il vivait bien et ce projet bien mené avait répondu à sa question existentielle, il restait sans regret au village.Tout se concrétisa définitivement lorsqu’on l’appela pour une extrême onction. Le pauvre homme, en pleine forme la veille, avait glissé de son toit en voulant réparer une fuite. Sa maison ressemblait presque à un chalet, sur une pente, un peu en retrait de la route, exposée à tous les soleils et couverte de lauzes. À l’arrière, il y avait deux niveaux et un joli balcon de bois qui donnait sur les monts, les vals et les champs de fleurs du couvent tout proche. Peut-être la plus belle vue du village. Elle était prolongée par un vaste potager soigneusement entretenu, longé par un petit ruisseau près duquel arrosoirs et seaux permettaient de puiser l’eau. L’intérieur de la maison était rustique, mais plaisant, tout en bois, poutres et pierres apparentes. Immédiatement, le prêtre s’y sentit bien. Il accomplit son triste office et le bonhomme mourut en paix dans la nuit, veillé par deux sœurs. Trois jours plus tard, quand le curé revint pour la mise en bière et la levée du corps, dont le portage se ferait traditionnellement par six costauds villageois, on s’écharpait dans la cuisine, à deux pas du défunt, pendant que des voisins défilaient encore devant sa dépouille.— Non, Hubert, je te dis non, jamais. Pas une semaine, pas même un jour, je ne viendrai m’enterrer dans ce trou. Je n’ai qu’un mois de vacances et je veux le passer au soleil sur une plage et pas à m’ennuyer ici comme un rat mort.— Mais chérie, c’est la maison de mon enfance, de notre enfance avec Édouard, hein, Édouard ?— Ouais ben, je te la laisse, Bernadette non plus n’est pas intéressée.— Ah ! Tu vois ? Vendez-la.— Mais qui veux-tu qui achète ici ?— Et voilà , tu l’avoues toi-même, c’est un trou paumé !— Mes enfants, mes enfants, intervint le curé. S’il vous plaît, vous reprendrez cette conversation après la cérémonie. Je vous demande de respecter la mémoire du défunt.La cérémonie se déroula sans problème sous les yeux embués de larmes des deux fils et ceux lançant des éclairs des deux brus. Mais la joute verbale reprit avant même d’avoir à nouveau franchi les grilles du cimetière. Les fils auraient bien aimé conserver cette maison comme maison de vacances, leurs femmes n’en voulaient pas. On en était à  :— Payer des impôts pour ce tas de pierres ? Comme si on avait de l’argent à gaspiller. C’est un sacré cadeau qu’il vous fait votre père. Vous ne pouvez ni la louer ni la vendre. Il ne vous reste qu’une chose à faire, refuser l’héritage.— Tout de même, il y a des affaires de papa que j’aurais bien aimé…— Ah non ! Tu ne vas pas encombrer mes placards avec des vieilleries sous prétexte qu’elles appartenaient à ton père. Viens, partons d’ici, et tu téléphoneras au notaire que vous refusez l’héritage.— C’est toi qui vois, Édouard, mais pour une fois Martine a raison.— Comment ça, pour une fois ? Mais écoutez-la celle-là , pour qui elle se prend ?— Mes enfants, mes enfants, implora le curé croyant bon d’intervenir une nouvelle fois.— Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez encore ? Ça y est, la cérémonie est finie, le mort est sous terre, poursuivit la harpie.— C’est juste, mais ce pauvre homme ne mérite pas que l’on se chamaille pour ses maigres biens, surtout pas ses enfants. Je vous en prie, reprenez votre calme, tous et toutes, et venez avec moi jusqu’au presbytère. J’ai peut-être une proposition qui peut vous intéresser.Ils le suivirent un peu à contrecœur, mais avec un homme d’Église il vaut mieux être correct, vieux reste d’éducation ou de superstition. Il demanda à ce que soient servis un café et quelques biscuits et s’enferma avec eux.— Je n’ai pas à intervenir dans votre conversation, ni même à en connaître la teneur, mais vous parliez si fort que j’ai un peu entendu. J’ai cru comprendre, Mesdames, que vous ne souhaitiez pas conserver la maison de votre beau-père, fut-ce pour l’utiliser comme maison de vacances, c’est exact ?— Complètement. Que voulez-vous que nous venions faire ici ? Il faut y être né, et encore.— Peut-être, je n’y suis pas né, mais je m’y plais bien, tout est affaire de goût.— N’oubliez pas que vous êtes seul et que vous avez votre boulot ici, vous êtes un cas à part.— C’est également exact, mais je m’y plais vraiment, et je n’aurais pas envie de quitter ce village lorsque je ne pourrais plus exercer ma charge. Il me plairait d’y rester jusqu’à ma mort.— Ah, tu vois qu’on peut s’y plaire…— Tss tss tss. S’il vous plaît, ne relancez pas la polémique. Car Madame a aussi raison quand elle dit que vous ne trouverez pas à louer cette maison et qu’il sera bien difficile de la vendre.— Ah, tu vois, je le savais bien.— Un prêtre n’a guère de choix lorsqu’il n’exerce plus : soit il dispose d’une fortune personnelle et il fait alors ce qu’il veut, soit il finit sa vie au milieu d’autres prêtres dans des sortes de maisons de retraite faites pour cela. Hélas, je n’ai pas de fortune personnelle, juste quelques économies laissées par mes parents. Je vous offre donc de racheter la maison de votre papa si mes petites économies vous suffisent.— C’est à dire ?— Je dispose de 200 000 francs, ce qui vous ferait 100 000 francs chacun.— Ha-ha, s’écrie la harpie, mais c’est inespéré ! Saute sur l’occasion, mon chéri.— 200 000, c’est peu, renchérit l’autre, vous ne pourriez pas faire un petit effort ?— Madame, savez-vous combien gagne un curé ? Moins de cinq mille francs par mois, juste de quoi subsister…— Monsieur le curé, reprend l’un des fils, pourquoi nous faire cette proposition ? Vous aviez bien compris que notre seule solution était de refuser l’héritage ? Donc cette maison allait être mise en vente aux enchères, et vous auriez pu l’avoir pour une bouchée de pain, dix fois moins peut-être.— Je le sais, mais je suis un homme honnête et je ne souhaite pas profiter d’une bien triste situation. Vos querelles me font mal au cœur, comme le mépris pour cette région extrêmement attachante. Permettez au prêtre de vous dire, Mesdames, que vous êtes bien exigeantes avec vos époux, et bien peu attentives à leurs cœurs, à leur sensibilité et à ce qu’ils peuvent éprouver aujourd’hui.— Mais, on ne vous permet pas de nous juger.— Madame, ce n’est pas moi qui vous jugerai, mais notre Seigneur auquel j’ai promis de transmettre le message d’amour et de tolérance des Évangiles. Ce que je dis se borne à cela. En revanche, Messieurs, si vous acceptez de me vendre la maison de votre père, sachez que la porte en sera toujours ouverte pour vous, maintenant et jusqu’à la fin de mes jours. Vous y serez toujours les bienvenus. C’est pourquoi je ne souhaitais pas me livrer à une quelconque basse manœuvre qui vous en aurait définitivement empêché.— L’intention est louable, Monsieur le Curé, et je crois que votre proposition est acceptée. N’est-ce pas Édouard ?— Tout à fait. Et soyez remercié pour cette démarche très délicate et très digne. Nous nous reverrons devant le notaire très vite, demain si possible.Quelques jours plus tard, le père Paul devint donc propriétaire d’une coquette maison et de son jardin, ainsi que d’un grand pré à l’autre bout du village construit d’une grange et d’une étable en ruines, vestiges du temps où l’ancien propriétaire élevait quelques vaches. Il revisita tranquillement sa maison, restée totalement meublée puisque les harpies n’avaient rien voulu emporter. Stupide, se dit-il, car certains meubles traditionnels et anciens étaient plutôt de belle facture. Il passa un long moment sur le balcon contemplant le magnifique paysage, et se demanda comment il allait aménager son futur logis. En effet, il n’avait pas spolié les vendeurs, mais il avait fait une bonne affaire. Car ses économies placées depuis longtemps avaient accumulé quelques intérêts, et il lui restait à peu près autant pour faire des travaux. Il regrettait notamment que les pièces soient un peu petites et sombres, impression accentuée par les matériaux, bois et pierres. Il fit faire la visite à ses deux petites religieuses qui furent ravies pour lui, mais partagèrent son sentiment d’étroitesse et de manque de clarté, malgré l’exposition. C’est Naomi qui, ayant toujours de bonnes idées de décoration, lui dit :— À votre place, père Paul, je casserais tout. D’abord, une grande baie sur le paysage avec une grande pièce à vivre, à la fois salon, salle à manger et cuisine ouverte. Et puis derrière, une seule grande chambre, une grande salle de bains et des toilettes. Et je ferais l’entrée à l’arrière, du côté de la rue et à hauteur du sol ou presque, pour pouvoir prolonger le balcon sur le côté jusqu’à la chambre. Et des portes-fenêtres partout.L’idée était loin d’être sotte. On mesura, on fit le plan actuel, on garda le tracé des murs et on traça un nouveau plan. Assez séduisant. Tout cela était-il possible ? Il fallait l’avis d’un homme de l’art et des devis. L’homme de l’art, il était sous la main puisque le maire était chef d’une petite entreprise de maçonnerie. Il fit la visite.— Ah, curé, vous ne pouvez pas savoir le plaisir que vous me faites de vous fixer là et d’avoir suivi mon conseil. En plus, vous avez bien choisi : le bâtiment est sain. Et je serai content de vous faire vos travaux au meilleur prix. Mais… vous êtes sûr pour la baie ? Un petit pilier au milieu ce serait dérangeant ? Oui ? Bon, ben on va essayer… Le reste, c’est rien du tout, les cloisons ne sont pas porteuses, il y en a pour deux jours pour les faire tomber et enlever les gravats… Et pour modifier le balcon, j’ai un collègue charpentier qui fait ça très bien.Les deux artisans firent les travaux au mieux et à l’économie. L’escalier qui montait au balcon, servant précédemment d’entrée, fut démonté, récupéré et réutilisé à l’intérieur pour monter aux combles. Naomi trouvait qu’il y avait trop de pierres sombres, on recouvrit le mur nord de placo isolant et l’on mit du carrelage blanc partout. Une fois l’électricien et le plombier passés, il ne restait plus dans la cagnotte du curé que de quoi acheter quelques pots de peinture et de la frisette pour terminer les travaux d’aménagement seul, aidé cependant par ses fidèles nonnes. Les jeunes femmes aimaient bien l’endroit également, surtout après les transformations. De plus, elles trouvaient que le jardin, situé sur la même veine fertile que le couvent, était beaucoup plus productif que celui du presbytère. Ils se pressèrent donc de terminer pour venir habiter là , le presbytère devenant simple bureau pour le curé. Ça tombait bien, la Mère supérieure ne savait plus où loger ses nouvelles novices, un petit groupe d’entre elles emménagea dans la cure, en reprenant son entretien comme celui du potager. Pour améliorer l’ordinaire, le père Paul prêta son pré aux cultures rentables du couvent, participant au prorata de la surface aux bénéfices. Son but était de pouvoir changer sa petite voiture qui avait dépassé les vingt ans et donnait des signes de fatigue. Bien lui en prit, car quelques mois plus tard il dut aller régulièrement dans un, puis deux villages voisins, dont les curés n’avaient pas été remplacés, faute de vocations.Le trio était bien installé dans la nouvelle maison depuis plusieurs mois. Les chambres mansardées de l’étage étaient terminées, symboliquement attribuées à chacune des sœurs qui, dans la réalité, continuaient de partager le grand lit du prêtre. Mais il fallait bien sauver les apparences pour le voisinage qui n’avait guère d’illusion, pas plus que concernant les rapports hebdomadaires de leur maire avec la Mère supérieure. Mais tant que les convenances étaient préservées, personne ne voulait rien savoir. Un beau jour, un courrier annonça à sœur Mathilde que sa maman était sérieusement malade et hospitalisée. Elle dut rejoindre en toute hâte sa ville natale de Poitiers, et le père et Naomi se retrouvèrent à nouveau seuls. La situation ne déplaisait pas au prêtre qui avait une certaine préférence inavouée pour la petite métisse. Elle était si pulpeuse, elle l’excitait beaucoup. Et puis elle avait pris de nouvelles habitudes dans cette maison. Adoratrice du soleil, celui de ses îles natales lui manquait un peu. Grâce à la grande baie bien exposée, elle pouvait s’allonger nue juste derrière et profiter de ses rayons sans risquer d’être vue, sauf par l’œil attentif de son mentor.À force de l’observer et d’en éprouver de puissants désirs, l’homme d’Église en conclut que le seul défaut physique de cette petite était sa taille, un peu trop petite, et notamment ses jambes. La télévision montrant des femmes juchées sur des échasses invraisemblables, il aurait bien voulu lui offrir une paire d’escarpins à talons hauts. Mais comment faire cet achat lorsqu’on est curé ou bonne sœur ? La solution vint par un catalogue de vente par correspondance, certainement utilisé par le précédent propriétaire, et que le facteur glissa un jour dans la boîte aux lettres. Il y trouva vite ce qu’il souhaitait, repéra la pointure de Naomi sur ses sandales et commanda. La jeune femme fut fort surprise et, n’ayant jamais porté de chaussures à talons, manqua à plusieurs reprises de se casser une cheville. Puis elle s’habitua, adoptant même une démarche assez élégante et chaloupée. Le petit pied cambré à l’extrême, semblant ne porter que sur les orteils, le mollet plus saillant, les muscles des cuisses plus dessinés, le creux des reins plus cambré, le fessier plus rebondi, les seins encore plus agressifs qu’auparavant, le curé en bavait de désir. Enfin, la silhouette parfaite qu’il sentait potentiellement présente en Naomi.— Père Paul, n’êtes-vous pas en train de me transformer en… fille des rues ?— Certes non, mon enfant. Telle n’est pas mon intention, je n’ai pas ce genre de perversion.— Ouf, vous me rassurez…— En revanche, j’ai un fantasme depuis longtemps avec vous, et je crois que je vais pouvoir l’exaucer.— Lequel ?— Vous faire l’amour debout !Il se rua sur la jeune femme qui l’accueillit avec enthousiasme, devant, derrière, sur le côté avec un pied sur une chaise, puis avec le genou sur la table… Le prêtre vivait un vrai bonheur, limant comme un dément, les mains accrochées aux seins qu’elles pétrissaient. La petite vibrait et couinait en pleine volupté, laissant s’exprimer tout le plaisir qu’elle ressentait dans ce lieu retiré. Quand soudain on toqua à la porte avec véhémence. Vite, la jeune femme posa ses hauts escarpins en un clin d’œil et monta quatre à quatre se cacher dans sa chambre, tandis que le prêtre sautait dans son pantalon et enfilait un pull-over. C’était le maire.— Désolé de vous déranger, curé. En pleine prière, je suppose ? Allez, je ne suis pas porteur de bonnes nouvelles…— Que se passe-t-il ?— J’ai… déjeuné avec Charlotte, enfin la Mère Supérieure, qui m’a dit que la mère de sœur Mathilde venait de mourir.— Ah la pauvre…— Oui, elle lui a téléphoné. Et elle lui a dit aussi que son papa avait du même coup été victime d’une crise cardiaque, le choc, certainement.— Je comprends. Elle est dans un joli pétrin. L’une au cimetière, l’autre à l’hôpital.— Vous avez tout compris. Alors sœur Mathilde a demandé si la Supérieure accepterait qu’elle rejoigne une autre congrégation sur place pour pouvoir s’occuper de son père. C’est évident et ça ne pose pas de problème, sauf à vous peut-être. Mais elle va vous écrire dès qu’elle le pourra. La Mère Supérieure voulait que vous soyez prévenu aussitôt, elle m’a demandé de passer. Voilà .— Voulez-vous prendre un café ?— Non, je vous remercie, mais… j’ai un peu de retard sur mes chantiers, je file.Naomi redescendit, elle avait tout entendu, des larmes brouillaient ses jolis yeux.— Pauvre sœur Mathilde. Et dire que nous ne sommes pas près d’elle pour la soutenir…— Habillez-vous et venez prier avec moi à l’église. Nous serons près d’elle par la prière.Ils ont prié, beaucoup. Ils ont reçu une longue lettre de Mathilde quelques jours plus tard, qui leur exposait le devoir légitime qu’elle ressentait à être près de son père. Elle continuerait de porter assistance aux autres dans la journée, dans sa nouvelle congrégation, mais passerait du temps, notamment toutes les nuits, auprès de son père diminué. Elle regrettait de briser aussi soudainement une si belle entente, mais semblait également un peu soulagée, car elle percevait que le père Paul avait une certaine préférence pour Naomi et qu’ainsi elle n’aurait pas à en souffrir. La Mère Supérieure demanda au curé s’il souhaitait qu’elle mette à sa disposition une nouvelle novice :— J’ai une grande blonde depuis quelques jours, hum ! De toute beauté ! Ça ne te tente pas, mon p’tit curé ?— Non merci, chère Charlotte, il n’y a vraiment pas de travail pour deux depuis que le presbytère est pris en charge par vos novices. Et puis je m’entends fort bien avec Naomi et je n’ai pas envie de recommencer à zéro avec une autre.Fin du trio, début du couple. C’est là que Naomi se lâche.— Vous savez, père Paul, je ne suis pas une tricheuse. J’aime Dieu et ma foi est profonde et sincère. Mais je dois vous avouer quelque chose, et ce n’est pas vraiment une confession. Je vous aime aussi, pas de la même façon. Dans les films à la télé, on dirait que je suis amoureuse de vous.— Vous êtes adorable, sœur Naomi, adorable et émouvante. Si j’ai refusé une autre novice, c’est bien pour rester tranquille avec vous. Je crois bien que moi aussi, je suis amoureux de vous. Je ne sais pas vraiment, parce que ça ne m’est jamais arrivé…— Vous croyez que c’est mal, que c’est un péché ?— Vous avez dit vous-même que vous aimiez Dieu en premier, moi aussi, alors je ne crois pas que ce soit mal. On ne condamne pas les couples parce qu’ils s’aiment. La seule différence c’est que nous ne sommes pas mariés ensemble.— C’est pas grave du moment qu’on peut vivre ensemble. En plus, nous sommes tous deux mariés à Dieu, c’est notre trait d’union.— C’est joli ce que vous dites, joli et simple comme vous, lumineux.— Merci. Vous vous souvenez l’autre jour, lorsque le maire est arrivé et que nous étions… enfin, occupés. J’étais nue, je me suis cachée, j’ai entendu sa voix. Eh bien j’en avais la chair de poule…— Ah ? Le maire vous intéresse ?— Oh non, au contraire. Je me disais « mon Dieu, préservez-moi de ne jamais tomber dans d’autres mains que celles du père Paul ». Être nue si près d’un autre homme, j’avais peur, terriblement peur. Je ne voudrais pour rien au monde qu’un autre homme me touche, je crois que j’en mourrais sur place. Alors que quand je fais l’amour avec vous, j’ai l’impression de faire l’amour avec Dieu.— N’exagérez pas, tout de même. J’en suis loin !— Je m’exprime mal. Quand je fais l’amour avec vous, c’est magnifique dans ma tête. C’est lumineux, plus encore que sur les plages de mon enfance. Et je me sens légère comme une plume portée par le vent. Oh, ces coups sur la porte, cette grosse voix, je suis tombée dans un trou tout noir.— Tu es adorable. Tu vois, j’ai envie de te tutoyer et de te dire que je t’aime. Mais il ne faut pas, parce qu’un jour ou l’autre, nous risquerions de nous trahir. C’est peut-être à cause de cela, de ces précautions, de ces interdits, de ces vêtements que nous portons en public, mais il y a plus de dix ans que je vous fais l’amour presque quotidiennement et j’ai tout le temps envie de vous. Peut-être même de plus en plus… « Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain… ».Elle se dévêtit et vint se nicher contre lui, tendrement, amoureusement. Le prêtre regarda le soleil se coucher sur les monts et les vals du corps de sa maîtresse, puis il lui fit l’amour avec beaucoup de douceur. Un quotidien traînait par terre, mal replié, on venait de changer de monnaie pour adopter l’Euro.