Tu sais… Tu vas lire ces lignes où j’ai tout mis de moi, et cela me fait peur et m’effraie. C’est tellement terrifiant de se mettre nue devant toi que je ne connais pas. J’ai tellement besoin de ta compréhension, tu vois, que je la quémande à l’avance.C’est beau d’être amoureuse, oui sans doute, mais tu ne peux savoir ce qu’il en coûte de ne pouvoir toujours l’exprimer. Moi, je me le suis si souvent, si longtemps interdit que je pensais en étouffer.Vois-tu, je suis une femme et j’aime une autre femme. Longtemps je n’ai osé ni me l’avouer ni lui avouer; crois-moi, ce silence là n’est que souffrance.Oh si tu me voyais, tu ne me croirais pas! Dans ma boutique de parfumeuse, de cos-mé-t-ologue, il faut bien faire bonne figure. Mon salon à sa renommée dans cette grande ville de province.Mais à toi je peux bien le dire : je ne suis là qu’à cause d’elle.Jade! L’amie d’enfance, dont dès quinze ans je m’émouvais le cÅ“ur, que j’ai suivi de collège en lycée, de bac en Institut commercial, traçant ma voie sur la sienne contre le gré de tout mes proches.Jade! Et ses mauvaises fréquentations. Jade! Et ses dangereuses expériences, chevauchant des motocyclettes, touchant aux mauvaises substances et toujours mon amie, toujours rebelle aux complaisances du siècle. Jade! Mon antithèse, dont la jolie silhouette et les mèches brunes me piquète l’âme de son sel.C’est elle qui tient, à quelques pas, le salon de tatoueur de la ville.On se voit toujours et toujours ma voix tremble lorsque nous nous parlons où déjeunons ensemble, à l’occasion.Je n’ose pas lui dire mon sentiment.Voilà comme je vis l’enfer et la torture et m’enfonce au profond des chairs ces lances de glace et de mort.Ce matin cependant, le cours de mes pensées moroses vient d’être interrompu. Swann, la cliente assidue, sautille vers moi, pétulante, dans le carillon de l’accueil.— « France-Edith, il me faut la cabine de bronzage ce matin.— Elle est libre Swann, mais vous ne semblez pas en avoir besoin. »Son joli tricot brodé dégageait son nombril doré orné d’un discret anneau d’or. Son short de corsaire mettait en valeur ses cuisses minces et bronzées.— Si, si, j’ai besoin d’un intégral pour bientôt. Sourit-elle, un doigt sur les lèvres et l’autre sur mon épaule.— Ah, une grande occasion?— Oui et non, vous voyez ceci?— –Le piercing ?— - Oui je l’ai fait chez – « ZONE ÉROGÉNE «.Vous connaissez?— Bien sûr, je connais très bien Jade aussi.— C’est ça! Et j’ai décidé de me faire tatouer, là !Son doigt dessine le pli de son aine sur son short. – « Mais je ne voudrais pas de trace de maillot pour ça ».— Bien sûr! Allez vous asseoir un instant je vais préparer la cabine.J’ai eu la vision de Swann à la merci des aiguilles de Jade, je n’ai pu supporter l’évocation du corps harmonieux de ma cliente usurper un bonheur qui accompagne parfois mes fantasmes.Swann parle si librement de ses conquêtes que son goût pour les gens de son sexe est connu. Je ne peux me soustraire à l’amertume de la savoir étendue, exposant sous les yeux de l’aimée, le tendre écartèlement de sa féminité, l’odeur nacré de son organe montant vers le visage attentif de Jade.L’image me suppliciai. Impuissante à endiguer ma jalousie naissante, je mène Swann vers l’appareil.La voir si belle et si resplendissante, pour la première fois, me broie l’estomac. Swann prend conscience de mon trouble mais se méprend sur son origine.Certes, nous avons parfois eu des gestes déplacés, ce n’est pas rare ici; puis, si vite éteints, qu’il est loisible de douter.Je devrais juste lui tendre la serviette et le baume, donner quelques consignes et m’esquiver comme de coutume. Sa main me retient dans l’intimité de la pièce exiguë.— « Aidez-moi France-Edith. » Campée dans mon haleine, sa chaleur monte entre nous, je la regarde. Ses yeux se rivent dans les miens. Pendant une éternité il ne se passe rien. Enfin l’âme brouillée, je saisis lentement sur sa taille l’ourlet de son cardigan, le retourne sur son ventre, dévoilant son thorax et ses côtes, le relief de ses seins, son cou et son visage prestement libéré.Swann ne dit mot. Ses yeux mi-clos suivent les progrès de l’excitation qui la gagne. Son corps fléchit et heurte mon bassin.— « Mon Dieu! Swann, pensais-je, je ne t’aime pas, et je te tiens dans la plus cruelle des promiscuités. Je vais t’offrir, je le sais, ce que tu appelles de tous tes sens. Je vais te donner ce plaisir que tu espères mais tu ne sauras pas pourquoi ».Swann, inconsciente de mon état d’esprit, s’abandonne à mes soins.J’obtiens son premier frémissement en détachant le soutien-gorge arachnéen et son premier frisson quand elle sent mes doigts s’attarder sur le bouton de sa ceinture. Je la consulte du regard.— « Tu peux ouvrir mon corsage, Swann, tu m’as donné envie.C’est vrai, ai-je continué en mon for intérieur, ton corps est désirable; qui ne s’éprendrait de ta perfection, de ton sourire chaleureux, de la féminité animale qui émane de chaque pouce de ta peau. Quel homme, quelle femme ne donneraient beaucoup pour pincer ainsi, entre ses lèvres, le lobe délicat de ta petite oreille? ».— « Moi aussi j’ai envie, murmure Swann, le nez dans ma nuque, tu sens si bon ».Ce sont ses yeux qui me révèlent qu’elle découvre mon torse. Ses doigts tendres s’enfoncent dans mes côtés. Le globe parfait de son sein levé contre mon flanc, nargue le mien. J’enfonce tout près de mon cÅ“ur, le germe, la saillie noire de son tétin.Un bouillonnement des sens accompagne mes gestes. D’entre elle et moi se lève l’odeur lourde et primitive de nos muscs.— « Swann, soufflais-je, laisse moi m’emparer de toi, poser mes bras sur ta taille, si tu savais ce que tu remues en moi d’étranges émotions… On dirait que ton sein mord le mien de tendresse. C’est doux, c’est trouble. OUIIII…! Laisse ainsi ta langue sur mon aisselle. Oh! Tu m’égares.Sur toute la sincérité de sa chair je la fais, à son insu, la messagère de mes amours.L’alchimie de nos envies saphiques nous empourpre. Ma peau l’appelle et guide sa caresse. Je la dénude jusqu’à l’encens génital que consume sa corolle adorable. Tout son être s’étire devant moi, s’offrant à l’impudeur des doigts sÅ“urs qui l’infiltrent et froissent ses muqueuses sensibles. Elle tremble entre mes bras, se crispe sur ma hanche, s’ouvre, oppressée par la métamorphose interne des organes qui se dilatent, s’humectent et sourdent ce miel d’entrailles sur la longueur de mes phalanges.Peu à peu Swann s’anime et s’enthousiasme. Elle défait ma jupe sur mes jambes mêle mon linge sous ses pieds. Mes boucles, contre son pubis, brouillent les lèvres de nos sexes. Dans l’épaisseur soudain bandée de mes nymphes le baiser chaud de sa vulve épatée me fend le ventre de spasmes. J’incruste ma fente en la sienne, nos sucs nous poissent entre les cuisses. Le halètement de son abdomen flatte le mien.— « J’immole sur toi ma pudeur, petite Swann. Tu conteras à Jade tes amours, qu’elle sache que je peux, qu’elle sache et qu’elle ose à son tour me venir :Si tu savais comme je l’attends ».Pour lors, je pollinise ses pétales écarquillés. Pressée sur son intimité j’exaspère sa vulve de l’enveloppement de mon sexe. Swann mord ma poitrine, griffe et me zèbre l’échine, blesse les méplats de mon ventre de ses rouges convulsions.Elle défaille entre le soutien de mes bras.La bouche sur ma mamelle, Swann tête mon âme à la tiédir. Un tourment de nerf me perfore et me tord sur sa chair.Dans un réflexe d’amoureuse, je prends sa bouche et communie en elle aux ondes voluptueuses qui nous rompent le souffle.Nous ondoyons, vibrons, sensibles à ce qui croît en l’autre. Déjà Swann souffre des premières secousses qui l’étreignent. Compulsives nos mains trébuchent sur nos fesses, séparent les fermes hémisphères, tyrannisent les sphincters contractés qui s’ouvrent et se ferment au rythme qui nous gagne. Enfin je la pénètre, l’empale du majeur, stimule son étroit repli jusqu’à son périnée luisant.Swann tente, je le sens de s’introduire dans mon rectum. Le foudroiement de l’orgasme l’interrompt. Un cri muet s’élève d’elle.— « OOOH! TU m’as tué! JE PARS! Je vais! Ôoooo! Je vais me lâcher! Pardon. Supplie-t-elle précipitamment ».Alors je retiens contre moi le corps stridulant que la jouissance secoue. Mon sexe collé au sien, ressent les contractions de sa petite mort. Son ventre rugit sur le mien; la ventouse de sa vulve comble ma joie de femme.Je jouis au centre de son propre vagin. L’irrépressible trémulation la scinde en plein plexus. Swann, suppliciée de plaisir, résonne en moi des soupirs de la transe. Elle plie, pleure, gire, à craindre qu’elle ne s’évanouisse.Triomphante, je ramasse sa chair essoufflée dans mes bras. Un jet d’urine mordoré s’échappe de son méat de poupée. Elle m’en éclabousse, inconsciente, quand je la dépose sous les lampes.Revenue à moi-même plus tard, Swann partie, Je ne sais plus à quoi m’attendre. Prête à ruminer à nouveau la tristesse de ma vie.Je sais devoir laisser passer le temps; j’attends.Aujourd’hui nous sommes vendredi. Je n’ai pas revu Jade, ni Swann.Une envie de jeter les dés me prend. Je sors en laissant le soin de la boutique aux vendeuses.L’enseigne de – « ZONE ÉROGÈNE » scintille dans la bruine tardive. Le cÅ“ur battant j’entre dans la boutique.La petite préposée du comptoir m’accueille gracieusement.— « Je viens pour un tatouage, dis-je, faut-il prendre rendez-vous? »— Oui, avez-vous déjà choisi le motif?Je crois, mais je voudrais que ce soit Jade qui le fasse.Elle lève les yeux sur moi, rassurante : – « Quand c’est une femme c’est toujours elle ou Jeanne, pour les hommes, toujours Michel ou Stephan, ne craignez rien. »J’ai pris rendez-vous pour mardi, Jade était absente. Je regagne la parfumerie comme une somnambule. Le tatouage n’est pas mon genre, qu’espèrais-je donc de cette démarche?— « ALLÔ? C’est toi France-Edith? La voix de JADE… Je viens d’apprendre que tu as pris rendez-vous? C’est vrai? Tu es sûre?Tu sais, je dis ça parce que ça m’étonne mais ça me fait plaisir aussi, oui vraiment. Écoute, c’est dommage d’attendre mardi, si tu veux on peut commencer ce soir, on soupera ensemble comme ça ».J’ai répondu avec une boule dans la gorge. J’ai dit oui à tout.— « Mon Dieu, faites que ce soit ce soir, faites que je sois délivrée! »Elle m’ouvre, silhouette aussi fine qu’à vingt ans. Simple pull noir et Jean’s sophistiqué de festons clairs. Jade, toujours vive, toujours attirante.— Entre donc, me dit-elle, en embrassant ma joue.Mais son baiser, le plus chaste ou le plus distrait suffit à me faire palpiter.Sur le seuil, devant la rue sans passage, je la sens indécise.— Merci pour ta proposition, elle tombe à pic, tu sais.— Tant mieux, débarrasse toi voyons, donne-moi ton manteau.— Tiens, dis-je en m’exécutant, je t’ai apporté ceci.— Du – « PORTO! » Il ne fallait pas…— Mais si.Et la conversation s’amorce lentement, recouvrant peu à peu le ton plus naturel qui nous soulage toutes les deux. Dans l’air flotte toujours une espèce de gêne qui ne trouve pas encore à se confier.— Tiens, constatais-je, tu as changé de parfum ?— Oui, « NIRVANA ». Au fait, c’est une de nos clientes communes qui me l’a conseillé.— Madame Swann King? Ah oui, d’ailleurs c’est elle, au fond, qui m’a décidé de venir. C’est drôle hein? Mais… Jade! Qu’est-ce que tu as?Des yeux brillants de Jade, des larmes silencieuses glissaient le long des joues.— « Ce n’est rien, ce n’est rien, je suis bête, excuse-moi ».— Jade dis-moi, ne reste pas comme ça.— Madame King aime se raconter, tu sais. Elle m’a dit avec toi …— Mon Dieu, Jade! Et c’est pour cela? Dis-moi? Oh Mon Dieu! Jade, si tu savais…Ecoute-moi!Bouleversée, je m’approche d’elle, enveloppe ses épaules dans mes bras, pose sa peine sur ma gorge. Jade pleure, pleure, pleure.D’un bras, je tire de mon sac un cahier d’écolier : un cahier de gamine couchant ses confidences dans la souffrance de l’interdit.Je le lui tends.— « je t’avais aussi apporté ceci, je n’osais pas te le donner »Son regard m’interroge.— « On peut faire l’amour à quelqu’un sans l’aimer, en n’en aimant un, ou une autre. Je pensais bien qu’elle te rapporte ce que j’ai fait. Je l’espérais.— Mais pourquoi? POURQUOI? France-Edith?— Et toi Jade, pourquoi pleures-tu?J’essuye de ma main tremblante la joue mouillée de mon amie. Je m’applique à y mettre toute mon affection.— « Lis ces pages, moi aussi j’ai été maladroite et aveugle. Je voulais que tu apprennes que j’étais capable d’aimer. C’est difficile, tu sais; j’ai si peur d’être mal jugée, parce que… Ce n’était pas un homme que j’aimais, voilà  »Le cahier bouge entre les doigts de Jade, les feuilles tournent.A mon tour mes yeux s’embuent, Jade levant les siens, sont perlés comme moi.Nous nous sommes jetées dans les bras l’une de l’autre. D’un coup je renaissais au monde, à la vraie vie. Un très, très long moment nous nous sommes étreintes, savourant la délivrance palpable de nos âmes.— « Moi aussi, me dit Jade, je vais te montrer quelque chose ».Elle se lève, libre juste à deux pas de moi. D’un mouvement de liane, elle tire son pull. Sa peau claire me point les viscères, je n’ose pas de geste. Crânement le regard sur moi, elle pousse sur sa hanche l’étoffe rêche du Jean’s, le repousse en silence et lève ses chevilles. Mon cÅ“ur bat la chamade.Jade me sourit : – « Non, non, ce n’est pas ce que je veux te montrer encore! ».Cette fois je m’approche pourtant, baise son cou, sa joue, son front; applique ma bouche à la sienne, explore de ma langue toute sa profondeur. Jade cède et me fond dans la gorge. Je goûte son haleine pour la première fois. Je tremble contre elle; elle m’apaise.— « Attends! Je veux te voir. »Je me sens si bien sous ses doigts qui me déshabillent…Si émue que le moindre de ses attouchements provoquent la chair de poule. Je ne supporte plus que mes seins hérissés ne s’extasient des siens. Je les libère. Son torse me poignarde de ses deux mamelons, si durs, si doux que j’en vibre de tout le corps. Je me sens explorée du fourmillement de ses doigts. Ils courent sur moi comme je cours sur elle. Ce sont mes côtes, c’est son aisselle; les muscles de son abdomen répondent au bassin qui la presse.Sa main s’enfuit le long de moi, je m’enhardis jusqu’à palper la chaude césure de ses fesses…— « Attends! Tu y es presque …! Penche-toi un peu ».J’obéis, ardente amoureuse, et m’accroupis entre ses jambes, humant l’excitation de son intimité au travers sa mince culotte.— « DESCENDS-LÀ, ma chérie, je veux que tu me voie »C’est plus une prière qu’un ordre; je me fais délicate.D’un court baiser je quitte son nombril et doucement dégage peu à peu l’émouvante toison de son étroit pubis jusqu’à la chair nacrée de sa fente entrouverte…Un moment je demeure interdite, suffocante, une déchirure de l’êtreme secoue d’un chagrin libéré. Je pleure à chaudes larmes contre sa vulve dilatée.Sur son aine, fuyant vers ses replis secrets, je déchiffre mon nom, tatoué au profond d’elle…Sa main se perd dans mes cheveux, grave, mes larmes se mêlent à l’onction de son sexe. Jade…