Heureusement, une fois passés les premiers instants de remise en condition, la marche m’accapare en entier. Rien n’est plus naturel que de marcher, rien n’est plus éprouvant non plus lorsqu’on se lance sur de longues distances. On ne s’improvise pas marcheur au long cours, il faut se soumettre à un apprentissage sans concession, qui commence par une âpre lutte contre la terre. Une confrontation très inégale, car personne ne résiste longtemps à la terre qui s’ingénie à maltraiter celui qui la piétine sans respect.C’est à cause d’elle que la fatigue gagne les muscles, monte à la tête, envahit l’esprit, paralyse les pensées, que les jambes et les pieds se meuvent de plus en plus difficilement, de plus en plus douloureusement. Il y a bien quelques sursauts, l’impression fugitive d’arriver à reprendre de dessus, d’ajouter sans trop d’effort quelques kilomètres supplémentaires à son palmarès. Mais c’est peine perdue, l’effondrement final est programmé, la terre aura raison du marcheur débutant.Alors, infiniment seul au bord du chemin, dolent des pieds à la tête, il est temps de faire la paix avec elle, voire, comme les Celtes, de la vénérer. Il est temps d’accepter d’apprendre d’elle, condition indispensable pour qu’au-delà de la fatigue, des courbatures, des écorchures, au-delà de la réalité du corps malmené, l’esprit arrive peu à peu à se détacher.Dès cet instant, l’attitude du marcheur change, son corps devient plus léger, son pas devient plus sûr. Et à chaque fois que son pied va embrasser la terre, un échange inexplicable se produit qui lui permet d’appréhender la forme du terrain, comme on découvre à tâtons le corps d’une nouvelle maîtresse. Petit à petit, le pied ne foule plus le sol, il en épouse la forme, puis y imprime sa trace, légèrement, respectueusement, amoureusement presque, tant cette intimité s’avère troublante à la longue.Le corps devenu plus léger, son point d’équilibre se déplace progressivement, jusqu’à se nicher à l’endroit qui convient le mieux à des mouvements harmonieux, tout en évitant d’inutiles fatigues. Le poids du sac ne courbe plus le dos, le marcheur se redresse et recommence à regarder droit devant lui. C’est le moment que choisit la terre pour s’abandonner complètement au frôlement du pied. Dès cet instant, le voyage devient libération, l’esprit se dégage de toute contingence.Commence alors un long dialogue avec soi-même, un bouillonnement de pensées hétéroclites, mélange de souvenirs, de projets, de clairvoyances. On se voit à la fois dans le passé et dans le futur, comme si on était extérieur à soi-même. On se retrouve, on se découvre, on se pardonne, on s’aime un petit peu plus. Et surtout, on accepte ce foisonnement d’idées plus folles les unes que les autres, on en envisage les conséquences en toute liberté.La majorité de ces pensées iront rejoindre des rêves et des souvenirs perdus dans quelque coin obscur du subconscient. Quelques-unes pourtant arriveront à profiter du balancement régulier du corps en marche, sorte de bercement primitif et régénérateur, pour s’imprimer en lettres majuscules dans la tête et provoquer la prise de quelque décision ou l’acceptation de quelque choix, qu’on aurait cru impossible peu de temps auparavant.Même si ce n’est pas le but premier d’un pèlerinage, les jours et les semaines de marche ne laissent personne indemne. On ne peut se soustraire à la dureté de l’effort physique qu’en se recentrant dans son corps et dans son esprit, en apprenant à se simplifier. Nul ne pouvant prédire au moment du départ, jusqu’où cette démarche va le mener.oooOOOoooC’est pour garder cette liberté que j’ai décidé de ne pas m’imposer de chemin particulier. Je me suis contenté de prendre la direction que je pensais être celle de Marine à son départ de Saint-Guilhem, et depuis, je me laisse guider par les signes que je découvre.C’est ainsi que je m’enfonce maintenant progressivement dans les Cévennes, paysage époustouflant et particulièrement stimulant. Au cours de cette journée, toutes les rencontres que j’ai faites ces derniers temps, en rêve ou en réalité, me reviennent en mémoire et se mélangent dans un lumineux kaléidoscope. Je laisse ce film se dérouler des heures durant, au rythme de la marche. Jusqu’à ce que de manière très ténue, des connexions me semblent enfin apparaître entre tous ces évènements qui m’ont bousculé.C’est dans cet état d’esprit que je m’engage le long d’une rivière en fin d’après-midi. Il fait encore très chaud, et je me dis que c’est un endroit idéal pour m’accorder une pause et refroidir mes pieds. Il ne me reste plus qu’une dizaine de kilomètres à parcourir avant d’arriver à un bourg où je devrais pouvoir trouver où dormir.Bien décidé à profiter encore un peu de ma solitude, et de la lumière particulière qui éclaire cet endroit, je me libère de mes souliers et de mes vêtements. Au moment où je m’enfonce dans l’eau agréablement fraîche après l’effort de la marche, je réalise que je ne suis pas seul dans le coin. Un homme et une femme semblent avoir eu la même idée que moi, juste de l’autre côté d’un bosquet d’arbres. Il doit y avoir de nombreuses petites plages le long de cette rivière, discrètement isolées par une végétation touffue.Je suis intrigué par leurs rires et l’envie me prend de m’approcher d’eux. Je me dis aussi que suivant à qui j’ai affaire, je pourrai leur demander des renseignements sur une possibilité de logement dans les environs. Après avoir enfilé mon pantalon à la hâte, je remonte le cours de la rivière en sautant de rocher en rocher, jusqu’au détour d’un méandre, où je découvre une scène incroyable.Au milieu de la rivière, sur une microscopique plage de gravier et de rochers plats, un homme jeune, superbement bien bâti, est allongé, nu. Son corps musclé est parfaitement mis en valeur par la lumière douce de cette fin d’après-midi. À quelques mètres de lui, sur l’autre bord, une femme d’âge moyen, à peine vêtue d’une robe transparente, est en train de le peindre. Elle a posé son attirail sur une pierre, et utilise un tronc d’arbre dont les branches sont placées à bonne hauteur, comme support à son tableau.Le bruit de l’eau et la distance forcent la femme à parler fort. En tendant l’oreille, je m’aperçois qu’elle ne se contente pas de préciser ce qu’elle attend du jeune homme, mais s’ingénie à décrire en détail ce que la nouvelle position de son corps évoque pour elle. Le fait de devoir déclamer à voix haute ce qu’elle réserve habituellement aux chuchotements d’alcôve semble la troubler particulièrement. Son désir de l’homme est perceptible dans ses gestes comme dans sa voix. La distance qu’elle a mise entre elle et le corps nu, cette barrière naturelle qui les sépare, exacerbe visiblement son envie de lui. Incapable de s’exprimer par des caresses ou des gémissements, elle en est réduite à transcrire son désir sur la toile. C’est probablement exactement ce qu’elle recherche par cette mise en scène.Ce mode de création artistique particulier porte visiblement ses fruits, tant l’atmosphère qui entoure ces deux êtres est incroyablement excitante. Même à distance, l’envie de la femme est perceptible. Elle baigne littéralement dans son désir, volontairement retenu. D’ailleurs sa voix change progressivement lorsqu’elle s’adresse à son partenaire. Ce qui semblait être au début un dialogue badin, se transforme peu à peu en échange plus intime. Le ton est plus doux, la musique de la phrase est plus sensuelle. Il y a comme un appel, une demande de plus en plus pressante.De son côté, l’homme semble très réceptif à ce genre de stimulation. Une fois qu’il a trouvé une position agréable, qui semble aussi convenir à l’artiste, il se laisse aller, offrant lascivement son corps aux regards de la femme. Ils sont si captivés par leur manège amoureux, que je peux m’approcher un peu plus sans qu’ils me remarquent.— Comment me veux-tu maintenant, beauté sensuelle ?— Je te veux… émouvant, le velouté de ta peau effleuré par les rayons du soleil comme j’aimerais pouvoir le faire du bout des doigts, un sourire naissant sur tes lèvres gourmandes que je voudrais frôler de mes mamelons gonflés, les bras allongés le long de ton corps comme lorsque tu dors après une nuit d’amour, le regard envieux comme celui que tu poses sur moi au moment où je te rejoins et m’offre à toi.Pendant qu’elle parle, elle pose doucement sa main libre sur son sein et, à travers le tissu qui révèle plus son corps épanoui qu’il ne le cache, caresse ses pointes dressées, tout en traçant des traits harmonieux sur le tableau de l’autre main, à l’image de ce qu’elle ressent au-dedans d’elle. Puis elle regarde à nouveau l’homme, remplit ses yeux de ses formes, des détails de son corps offert, avant de poursuivre sa peinture, et ses caresses.Le temps passe lentement, jusqu’à que son désir et ses gestes sensuels fassent effet sur l’homme. Progressivement, peut-être parce qu’une de ses caresses a évoqué plus précisément un de leurs jeux amoureux, le membre long et fin de l’athlète se dresse. Gardant patiemment la pose, il se contente de manifester son bien-être en fermant les yeux et en basculant la tête en arrière. Cela suffit probablement à faire surgir en lui quelque souvenir érotique, qui achève le développement d’une majestueuse érection.Il semble néanmoins éprouver rapidement une crispation qui interfère avec la montée de son plaisir, et en avertit tendrement sa maîtresse.— Et maintenant, mon aimée, comment me veux-tu ?— Je te veux… fascinant, la queue dressée, avide de plaisir, offert à mes regards, cherchant perfidement à me séduire et à me détourner de mon œuvre, défiant le ciel de toute l’arrogance de ta jeune virilité, que je puisse me repaître de cette tige gonflée, m’émouvoir de sa vigueur, me mettre en désir de sa présence au fond de moi, bientôt, quand il sera temps, lorsque l’attente sera devenue si insupportable que le moindre souffle de vent suffira à nous faire jouir.Alors il s’allonge différemment, dévoile une autre partie de sa troublante anatomie, fait mieux saillir ses muscles, écarte un peu ses jambes pour faire apparaître en pleine lumière ce qu’elle provoque en lui. Elle répond à cet hommage en glissant sa main le long de son ventre, jusqu’à la naissance de ses cuisses. L’envie de caresses plus précises exacerbe son énergie créatrice. Plus elle est taraudée par son désir du mâle, mieux elle s’applique à le faire transparaître sur la toile.En retour, ce qu’elle peint fait remonter de délicieux souvenirs en elle. Le goût de la sueur sur le torse de l’homme excité, dont elle aime se régaler du bout de la langue, la douce pression de ses cuisses qui l’écartèlent pendant qu’il la pénètre avec toute la vigueur de ses reins infatigables, l’odeur de sa semence qu’il vient de répandre sur son ventre, ses seins lourds écrasés contre la poitrine de l’homme, son ventre frissonnant juste avant la jouissance, sa vulve trempée d’excitation, sa bouche entrouverte, son souffle court sous la violence des assauts virils. Qui mieux qu’elle saurait transcrire ces instants d’éternité, où son corps prend la mesure de celui de l’homme, s’imprègne de lui ?Chavirée par tout ce que cela réveille en elle, elle se met à peindre avec frénésie, pour arriver à tout exprimer sur la toile, et surtout pour détourner ses pensées du corps fascinant de l’amant-modèle. Son pinceau virevolte, elle mélange les couleurs avec impatience, le temps presse, son désir augmente de manière presque incontrôlable, il faut qu’elle arrive à s’en libérer d’une manière ou d’une autre, par la peinture ou les joutes amoureuses, peu importe, tant en elle les deux actes se confondent, maintenant plus que jamais.Lui n’a plus bougé depuis de longues minutes. Il la regarde, raide bandé, ses bourses gonflées bien en vue, les tétons durcis. Mais finalement, peut-être parce qu’elle lui a confié ce rôle dès le début, il ne la laisse pas s’approcher plus du plaisir et interrompt son envol en l’interpellant à nouveau.— Et maintenant, voluptueuse amante, comment me veux-tu ?— Je te veux… triomphant, le sceptre bien en main, imitant le va-et-vient de mes doigts sur toi, approchant progressivement du point de non-retour. Je veux les crispations de tes cuisses juste avant que tu craques, je veux ton regard de fauve quand tu t’enfonces dans ma chatte dégoulinante, je veux les secousses de tes reins éperdus d’envie, je veux t’admirer à la recherche du plaisir ultime, je veux entendre d’ici ton souffle rauque comme lorsque tu me couvres de ton corps, je te veux triomphant de me sentir à ta merci, béante, offerte à ton bon vouloir.Il n’a pas attendu la fin de la phrase pour commencer à se caresser, après s’être quelque peu redressé pour mieux lui montrer le détail de son corps excité. La main de la femme, glissée fébrilement entre ses cuisses, accompagne à distance celle de l’homme sur sa hampe. Tout son corps s’est enflammé maintenant. Pourtant, malgré la violence de son envie, elle arrive encore à poursuivre sa peinture. À grands traits, elle s’applique à remplir les espaces vides, donnant un superbe relief au corps esquissé. Chaque couleur doit correspondre dans son esprit à une caresse, un délice amoureux partagé avec celui qui tend vainement ses hanches dans sa direction. Impatient d’en finir, il se branle d’ailleurs de plus en plus fort, les sens en pagaille, prêt à se vider.Dans un dernier sursaut de lucidité, il réalise pourtant que l’œuvre n’est pas tout à fait terminée. Faisant alors preuve d’une superbe maîtrise, il ralentit la cadence, se redresse pour s’accroupir en équilibre sur ses talons, jambes écartées, et interpelle l’artiste une dernière fois.— Et maintenant, mon amour, comment me veux-tu ?— Je te voudrais… jaillissant, inondant mon ventre de ton jus bouillant, le corps arqué, les yeux grands ouverts pour mieux m’offrir ta fragilité d’homme terrassé par le désir que je t’inspire, la peau si sensible que la plus délicate caresse te fasse tressaillir et cracher ta première giclée, les boules meurtries d’être restées trop longtemps si pleines.Il a fermé les yeux maintenant. Sa main n’a pas cessé de bouger, entretenant une excitation qui altère les beaux traits de son visage. Tombé à genoux, il ne peut empêcher ses hanches de s’agiter d’avant en arrière. La montée de son désir est impressionnante de beauté, tout son corps irradie l’envie qu’il a d’elle. Se sentant maintenant prêt, il veut la regarder encore une fois, admirer ses formes généreuses avant de succomber. Elle s’en aperçoit. Incapable de poursuivre ce jeu plus longtemps, elle enlève sa robe d’un geste vif, et s’offre nue en pleine lumière.Après avoir jeté son pinceau au loin, elle s’élance vers lui au travers de la rivière. Cessant d’un coup sa masturbation, l’homme enserre fortement la base de sa queue pour retenir la montée de l’orgasme. Il s’allonge ensuite dos au sol, sans lâcher son membre palpitant. Arrivée près de lui, la femme s’empare fébrilement de sa tige à pleine main, et, s’asseyant sur ses cuisses, l’introduit vivement en elle. D’emblée, elle se met à onduler des hanches sur le sexe qui dilate ses chairs. Il n’en faut pas plus pour que le jeune homme se lâche dans un long râle de plaisir. Tout son corps sursaute, son ventre semble expulser avec force une incroyable quantité de sperme, il n’en finit plus de jouir. Elle le regarde avec tendresse, heureuse de l’avoir mené jusque là par le seul sortilège de ses paroles et des mouvements de son corps possédé par le désir qu’elle avait de lui.Quand il commence enfin à s’apaiser, elle se redresse, et après un dernier regard, se lève et le laisse pantelant sur son rocher. Les cuisses luisantes du sperme déversé en elle, elle traverse la rivière pour revenir vers son tableau. Alors, avec moins d’impatience, mais toujours animée d’une intense fièvre créatrice, elle se met à retoucher quelques détails. Une ombre sur le sexe dressé de l’homme, une touche de couleur sur son téton, un trait légèrement plus marqué sur le pourtour de ses lèvres. Lorsqu’elle est arrivée à ce qu’elle cherchait, elle recule pour mieux admirer son travail. Il se dégage une incroyable sensualité de son œuvre, qui fait parfaitement transparaître le désir de l’un exacerbé par les gestes amoureux de l’autre.S’asseyant sur une pierre, elle observe une dernière fois son tableau, avant de se tourner vers son amant, qui la regarde avec admiration. À l’instar de ce qu’il avait fait pour elle tout à l’heure, elle ouvre ses cuisses et lui laisse impudiquement admirer sa béance, avant de poser ses doigts sur sa vulve. Ne voulant pas la laisser seule en un instant si intense, il se précipite vers la berge et vient se glisser derrière elle, l’enlaçant tendrement, avant de s’emparer de ses seins et de les malaxer de ses larges mains.Souriante, elle accélère le rythme de ses caresses, et atteint elle aussi rapidement le point de non-retour. Elle s’appuie d’abord contre l’homme, comme si elle voulait le faire participer à son bonheur, mais au moment où les premières vagues déferlent, une violente contraction la plie en deux. Elle laisse échapper une émouvante plainte de plaisir et de libération. L’homme l’entoure de ses bras, caresse son dos, tente de prolonger le déferlement par tous les moyens. Puis il approche sa bouche de son oreille et murmure quelque chose qui semble ajouter encore à son bien-être.Lorsque l’orage sensuel est passé, elle se redresse pour mieux profiter d’une dernière caresse sous ses seins, puis, par-dessus son épaule, glisse le bout de ses doigts gluants de mouille dans la bouche de son amant. Il les suce les uns après les autres avec délectation. Peu à peu, sa queue se dresse à nouveau contre le dos de la femme. Elle rit joyeusement de son envie insatiable, tout en se dégageant vivement de son étreinte.— Garde tes forces pour ce soir, je suis loin d’être rassasiée mais j’ai trop faim pour continuer ici, dit-elle en commençant à réunir ses affaires.— Si tu continues à te baisser de la sorte devant moi et à me tourner autour en me frôlant sans arrêt, je ne suis pas sûr d’arriver à attendre jusqu’à ce soir !Mutine, et assez expérimentée pour savoir comment garder un homme excité, elle s’approche en lui tendant sa robe.— Je te veux… endurant, me regardant de tes yeux fiévreux, guettant le moindre entrebâillement de ma robe, tendant ton cou dans l’espoir d’apercevoir un peu de mon intimité, glissant ta main à la conquête de mes charmes, fouillant avec force entre mes cuisses pour me donner envie encore et encore, posant tes doigts partout où je suis humide, béante, étroite, fermée, et peut-être même encore vierge des nouveaux plaisirs que tu ne cesses d’imaginer.— Sans tes lèvres je n’y arriverai pas…Compréhensive, elle s’empare de sa bouche, et lui offre un long baiser.— Je te veux conquérant, t’emparant de mes derniers retranchements, mettant le feu à ma citadelle, violant et pillant ce que j’ai de plus secret, jusqu’à ce que je rende l’âme sous tes coups de bélier.— Sans tes mains je n’y arriverai pas…Elle prend sa tige à nouveau bien dressée dans une main, et se met à le caresser, alors que de l’autre elle part à la découverte d’autres territoires amoureux, glissant un doigt puis un autre entre ses fesses. L’homme se raidit. Puis il laisse échapper un soupir de contentement et se laisse à nouveau faire en écartant les jambes.— Je te veux, caressant, les doigts tremblants du désir retenu, me laissant le temps de te rejoindre avant que tu ne te lâches une nouvelle fois, m’enveloppant de toute ta tendresse, faisant monter en moi l’envie de m’offrir mieux encore à ton incandescence.— Sans tes seins je n’y arriverai pas…Son ton implorant la convainc de le combler une fois encore. Elle s’agenouille face à lui, et dépose délicatement le membre impatient entre ses seins. Instinctivement, il commence à coulisser dans le sillon chaud et doux. Déjà un peu de jus coule de son méat dilaté. D’où il est, il voit ses seins aux bouts rigides qu’elle excite avec ses pouces, il voit ses hanches larges et voluptueuses, il voit son cou et ses épaules finement dessinés, les ondulations de son corps qui s’anime progressivement pour lui, il sent son odeur de femelle.Il n’en faut pas plus pour que déjà de délicieux spasmes crispent ses reins. Elle sent contre sa peau la tension si particulière qui annonce l’explosion. Délicatement, elle recouvre le membre de son amant de sa main, et lui donne le coup de grâce en l’effleurant juste sous la pointe. D’un mouvement des hanches, l’homme s’enfonce plus profondément encore dans le manchon de chair. Et déjà son jus s’écoule en saccades, inonde le sillon mammaire, dégouline sur le ventre de la femme, jusqu’entre ses cuisses.Levant son visage vers lui, elle lui offre longuement ses lèvres pour sceller leur pacte amoureux. Puis elle se redresse, s’essuie le ventre et les cuisses avec sa robe, et l’enfile maculée de sperme, pendant qu’il se rhabille à son tour. Elle griffonne ensuite quelques mots sur un morceau de papier qu’elle pose au coin du tableau. N’emportant que les couleurs et le matériel de peinture, les deux amants partent en direction du village. Je les entends rire et commenter leurs prouesses, avant de disparaître définitivement.Je peux enfin quitter ma cachette et m’approcher du tableau pour lire le message qui m’est certainement destiné.« Dommage que vous n’ayez pas préféré vous joindre à nous. Merci de faire parvenir ce clin d’œil amical à Marine. Je vous ai placé dans le coin supérieur gauche du tableau, en souvenir. Bon pèlerinage… »oooOOOoooÇa, c’est le genre de truc qui m’agace par-dessus tout. Non seulement ils m’ont découvert, mais en plus ils se moquent de moi. J’imagine même que leur deuxième série d’ébats m’était destinée. Et à nouveau Marine est évoquée par des étrangers. Qu’a-t-elle bien pu partager avec ces deux-là , quels jeux érotiques a-t-elle découvert en leur compagnie ? Ou leur a-t-elle fait découvrir ? Que sais-je d’elle pour répondre à une telle question ?En regardant l’œuvre plus attentivement, je vois effectivement dans un coin une ombre à moitié cachée dans une tache verte, évoquant les taillis dans lesquels j’étais allongé. Je décide d’en avoir le cœur net, et de partir à la recherche de cette femme mystérieuse et fascinante. Il doit bien y avoir quelqu’un dans le village capable de me renseigner sur une artiste de cette trempe. Je fixe tant bien que mal le petit cadre sur mon sac de manière à ce qu’il puisse finir de sécher, et me remets en marche.Arrivé au village voisin, après deux ou trois tentatives infructueuses, je déniche quelqu’un qui connaît ce style pictural. Et sa créatrice. Une sacrée femme, à ce qu’on dit, avec un appétit gargantuesque, mais pas pour la bonne chère, plutôt la chair fraîche, si vous voyez ce que je veux dire… Je vois surtout que dans une telle contrée, la dame doit déranger, bousculer les convenances, et s’attirer les foudres des épouses jalouses. Même si elle semble préférer les jeunes corps musclés et vigoureux aux bedaines d’apollons à la retraite.Une demi-heure plus tard, j’arrive en vue de sa maison, un peu à l’écart du village. Me voilà face à une nouvelle rencontre, et j’avoue que j’hésite un peu. Cette femme si libre, si avide de plaisir m’intrigue et m’inquiète tout à la fois. Qui suis-je pour venir la débusquer dans son repaire, lui demander des explications sur un jeu dont je ne connais pas vraiment les règles ? Le ton de son billet laisse penser qu’elle n’était pas fâchée d’avoir été épiée. Mais cette manière sournoise d’observer les gens n’est absolument pas mon style. J’ai été pris dans un engrenage. Que va-t-elle penser de moi ? Avec quelles idées préconçues va-t-elle me découvrir ? Tant pis, il est trop tard pour reculer, et j’ai trop envie d’avoir des nouvelles de Marine. Je frappe à la porte.— Bonsoir, c’est la recherche d’un gîte ou la curiosité qui vous amène ? dit-elle sur un ton enjoué, sitôt après m’avoir reconnu.— L’envie de vous remercier pour votre cadeau, et de m’expliquer un peu, je…— Entrez, je sais que vous n’êtes pas un voyeur comme les autres. D’ailleurs nous ne vous aurions pas laissé nous observer si nous n’avions pas su qui vous étiez.— Sait-on jamais qui est l’autre ?— Votre pèlerinage semble porter ses fruits, c’est Marine qui vous a rendu si sentencieux ?— Plutôt votre manière de prendre les choses de la vie, pour autant que je puisse en juger. Mais maintenant que je vous vois dans votre intérieur, je vous imagine plutôt prof ou juriste ou quelque chose de très honorable dans le genre. À cent lieues de ce que j’ai aperçu de vous au bord de la rivière.— Bien vu, je suis prof de littérature, pour assurer ma survie financière.— Et pour vos autres types de survie ?— Tout à tour peintre, écrivain, amante, amie, horticultrice, membre d’associations tout ce qu’il y a de plus convenables, libertine, hédoniste, philosophe, cuisinière. Rien qu’une femme très banale, en somme. Sauf qu’après avoir traversé deux mariages et un veuvage, cette femme se dit qu’il ne faut jamais se soumettre, de peur de passer à côté de l’intense (1).— Une femme si libre de ses choix et de ses désirs qu’elle en devient intimidante !— Avant que vous vous prosterniez à mes pieds de femme-divinité, puis-je vous servir quelque chose à boire ? Compte tenu de ce que vous avez vécu cet après-midi, vous devez être épuisé et assoiffé… notamment.— Notamment ?Elle a un regard amusé. Sans répondre, elle s’éloigne pour préparer un mélange de son cru.— Champagne rosé avec une pointe de vodka, ça vous va ?— Si je ne dois pas porter mon sac trop longtemps ce soir, volontiers.— J’ai une chambre d’ami, vous êtes mon invité pour la nuit.— Ami ? Quel honneur…— Ami et surtout objet d’étude captivante. De quoi est fait l’homme qui a conquis Marine ? Vaste sujet, non ?— Marine ? Vous l’avez rencontrée dans quelles circonstances ?— Il y a quelques semaines, dans une chapelle non loin d’ici. Un lieu de culte un peu particulier, à vrai dire.— Vous l’avez revue depuis ?— Avant-hier. Elle avait besoin de reparler de ce qui nous était arrivé. Ça m’a fait du bien à moi aussi. Mais je suis loin d’avoir la même qualité de foi qu’elle. Vous êtes d’un naturel mystique ?— Jusqu’à ce que je la rencontre, absolument pas. Mais j’avoue que ma vie est en train de changer radicalement. Même si je n’arrive toujours pas à comprendre ce qui chez elle met si fortement en résonance le corps et la spiritualité.— Le sujet de la jouissance des femmes, c’est Dieu ! disait Monsieur Lacan, qui faisait comme s’il en savait un bon bout en la matière (2).Nous passons le reste de la soirée à deviser de la sorte. Cette femme intense, au regard perçant et à la bouche voluptueuse est attirante et fascinante. C’est un régal de passer ces instants à ses côtés, sans aucune ambiguïté.L’heure tourne malheureusement et sa journée du lendemain sera chargée. C’est en tout cas ainsi qu’Évelyne présente son désir de se retirer, en me laissant libre de vagabonder dans sa maison. Je suis touché par cette marque de confiance, et me lance à la découverte de sa bibliothèque.Lorsque le sommeil me gagne, je préfère ne pas utiliser le lit qu’elle m’a proposé et me couche simplement sur le tapis du salon, persuadé de me réveiller et de quitter la maison bien avant elle. Une position qui est en outre chez moi propice aux meilleurs rêves.oooOOOoooAu milieu de la nuit, je suis tiré du sommeil par le bruit de sa porte. Dans la pénombre, je la vois sortir de sa chambre et s’approcher sur la pointe des pieds, pour venir s’allonger contre moi, nue. Sa peau est chaude. L’odeur qui émane d’elle est envoûtante, faite d’un mélange de parfums intimes que son corps a certainement distillé au cours d’un rêve sensuel.— Le parfum du désir vous habille à merveille ! Vous n’arrivez pas à dormir ?— J’ai rêvé d’un homme, qui me regardait longuement avant de se mettre à me caresser avec une infinie lenteur. Un homme à qui je m’offrais plus nue que nue, dans une confiance totale. Un homme dont le regard me rendait belle, gommait tous mes défauts, un homme envahi du même désir que moi. Exactement du même désir. J’ai joui si vite et si fort sous ses caresses, que je m’en suis réveillée. Vous savoir si près de moi, sans pouvoir vous toucher, m’a semblé ridicule.— Comment savoir si je suis pareil à cet homme ? Et qu’allez-vous faire de votre modèle ?— Manuel ? C’est juste un jouet bien musclé pour calmer des envies trop envahissantes, un plaiseur en quelque sorte. Vous, c’est différent. Depuis que je vous ai rencontré, vous êtes très haut sur ma liste des priorités. Le reste n’a pas d’importance, murmure-t-elle en s’allongeant sur le côté, une main sur mon ventre.— Vous ne me laisserez pas vous admirer ?— À mon âge, sous une lumière trop vive, je ne me trouve belle qu’au corps à corps ou d’un bord à l’autre d’une rivière. Venez maintenant, parcourez-moi…Dès cet instant, elle s’offre à mes mains, et à tout ce qui de moi peut caresser son corps. Immédiatement, les images que j’ai d’elle et les sensations que j’ai au bout de mes doigts se superposent. Je la reconstruis en esprit.Il n’en faut pas plus pour que tous les petits personnages salaces qui ont pris vie en moi au détour d’un sein dévoilé ou d’une fesse entraperçue, se manifestent en même temps, quelque part entre mon cervelet et mes nerfs honteux. Le voyeur, l’enfant étonné, l’amant expérimenté, le mâle excité, le compagnon délaissé, l’adolescent enamouré, tous ces petits agités que je suis, se déchaînent de concert pour célébrer une formidable bacchanale.Mes sens sont comblés par ses caresses et ses baisers brûlants, elle s’introduit en moi par tous les pores de ma peau, les papilles de ma bouche, mes moindres récepteurs olfactifs. Aucun de mes neurones sensoriels ne reste étranger à cette découverte inusitée. Je flotte dans un état second, me laissant emporter par son désir et sa confiance.Au moment où nos corps commencent à se chercher plus précisément, où ses cuisses s’ouvrent pour me laisser m’approcher de son intimité, au moment où nos soufflent s’agitent, où nous avons de plus en plus envie de nous imbriquer, Évelyne caresse tendrement ma joue, puis se lève et m’invite à la suivre en me prenant par la main.— J’aimerais encore vous montrer quelque chose avant de vous enfouir en moi.Bigre, comme elle y va, c’est le genre de phrases qui en d’autres temps me ferait plutôt paniquer. M’enfouir en elle, disparaître dans son giron, me liquéfier dans ses humeurs, me perdre dans les méandres de sa rivière souterraine pour ne plus jamais retrouver la lumière du jour. Est-ce bien ce que je cherche ?Sans me laisser cogiter plus longuement, elle m’entraîne au jardin, prenant soin de rester d’abord dans l’ombre avec moi, le temps de m’habiller d’un préservatif sorti je ne sais d’où, mais parfaitement bienvenu. Devant nous, une lampe éclaire le centre de la pelouse d’une lumière blafarde. Après avoir laissé à nos yeux le temps de s’habituer, elle se dirige vers la source lumineuse et s’allonge à même la pelouse humide de rosée.— Venez, reprenons nos jeux sans nous cacher, je veux vous voir jouir quand le moment sera venu, je veux votre visage chamboulé de plaisir, je veux les plus infimes détails de votre corps gravés en moi à jamais.— Vous n’avez plus peur d’être en pleine lumière ?— Il y a tant de respect dans ce que vous m’offrez, que je crois pouvoir sortir de mon cocon de lassitude et me métamorphoser en un attirant papillon. Regardez-moi, fouillez-moi, ne laissez aucune friche, je vous désire si fort !Je viens à elle et, renouvelant une à une toutes les caresses que nous nous sommes offertes dans l’obscurité, nous nous découvrons passionnément, sans que nos imperfections viennent interférer dans nos ébats. Chaque parcelle d’Évelyne que je contemple en pleine lumière m’émeut profondément et fait monter un irrépressible désir en moi. Un désir de tout son être, qui s’offre plus nu que nu, comme elle en avait rêvé.Cette femme si absolue me fait enfin comprendre ce que Marine voulait dire par partage divin de l’être aimé. Et je me découvre bandant comme un cerf pour ce que me révèle son corps, pourtant marqué par de nombreuses cicatrices de la vie, mais aussi, peut-être même surtout embelli par l’inépuisable jeunesse de ses élans et de son besoin d’amour. Qu’elle prenne de moi ce qu’elle veut, mais qu’elle me guide enfin jusqu’à la jouissance partagée !Progressivement, nos rythmes intimes s’harmonisent, nos cœurs battent à l’unisson. Alors elle s’ouvre comme la plus capiteuse des fleurs, devient marée qui monte du fond de ses abysses de femme, s’empare de moi comme d’un jouet de plaisir, s’enivre de mon souffle. Plus rien ne nous retient, nous nous emboîtons sauvagement, primitivement. Submergés par ce déchaînement des sens, nous glissons vers l’ultime partage de nos êtres. Elle me serre de toutes ses forces contre sa poitrine, colle son ventre au mien pour que j’en sente les moindres soubresauts, et s’abandonne.Ce que nous vivons étroitement enlacés est indescriptible. Nos corps sont ballotés comme des fétus de paille sur une déferlante de plaisir, nos ventres sont secoués d’intenses contractions, nous mélangeons nos sueurs, nous éjaculons l’un et l’autre tous les sucs que nous avons trop longtemps retenus. Pendant tout ce temps, je me sens effleuré de l’intérieur par une aile légère, embrassé par un souffle infime, rassuré par une voix aimante. Même conscient qu’Évelyne est en train de voyager en moi comme bon lui semble, je n’en finis plus de jouir, attiré de plus en plus profondément au fond de son ventre à chaque saccade.Lorsque nous arrivons enfin à reprendre nos esprits, nous trouvons juste la force de nous embrasser une dernière fois avant d’échouer dans son lit, et de sombrer l’un et l’autre dans un profond sommeil.C’est la dernière chose que je partage avec elle. Elle n’est plus là lorsque j’émerge du coma le lendemain matin. Mon premier mouvement me pousse à chercher une trace d’elle, quelque chose qui puisse m’accompagner sur mon chemin. Mais elle n’a rien laissé. Une manière comme une autre de manifester à quel point ce que nous venons de vivre ne peut être traduit de quelconque manière.Comment expliquer qu’avec des gestes si simples, communs à tous les amants, immuablement répétés par chaque couple qui s’étreint, un échange d’une telle intensité puisse se produire ? Comment exprimer l’alchimie sublime qui rapproche ainsi deux inconnus au point qu’ils se mélangent un instant aussi étroitement que les eaux de deux rivières ? Comment décrire ce qu’il faut de confiance pour arriver à s’offrir à l’autre dans un tel état de dépouillement ? Comment nommer l’antidote qui a annihilé le temps d’une nuit ma peur viscérale de la féminité, qui m’a fait renoncer à conquérir et à dominer pour oublier mon angoisse devant ce mystère insondable de la vie ?La seule réminiscence de nos discussions se présente sous la forme d’une carte de la région. La chapelle dont elle avait parlé, et où elle a rencontré Marine la première fois y est marquée d’une croix. C’est à deux bons jours de marche. Il est temps de me mettre en route, après avoir simplement laissé un pétale de rose sur l’oreiller d’Évelyne. Tant pis si cette nuit elle choisit d’oublier notre éphémère rencontre entre les bras du séduisant Manuel.C’est au moment de refermer mon sac que je découvre un petit clin d’œil de sa part. Le tableau est maintenant signé et intitulé au dos « vous ». C’est vrai que nous n’avons à aucun moment abandonné le voussoiement. Quelle classe après ce que nous avons échangé ! Je reprends ma route dans un grand éclat de rire.(1) Citation empruntée à une femme qui publie des textes sur Revebebe et quelques autres sites littéraires. La fougue et l’intensité de ses écrits m’ont inspiré le personnage d’Évelyne. Puisse-t-elle me pardonner mon impudence.(2) Citation empruntée au texte de Michel Cazenave sur sa pièce : « S’abandonner », dit-elle. Il ajoute : « C’est l’image du féminin qui ouvre à l’espace du divin, à l’expérience du sacré », disait Carl Gustav Jung. Ce que j’ai essayé de retrouver, à la lumière de Jacques Lacan et de Carl Gustav Jung, c’est ce qui dans la structure féminine ouvre à la présence du divin et au sentiment d’infinité. Dans cette pièce, l’homme par frayeur de cette femme qui lui ouvre des choses qui le dépassent de beaucoup, finit par l’abandonner, alors qu’elle s’est abandonnée totalement. Les hommes supportent mal que les femmes soient des initiatrices, à travers le sexe, au divin. C’est le point de terreur qu’ils ne veulent pas reconnaître. C’est dire combien ils ont peur des femmes parce qu’elles les ouvrent à l’infini et par cet infini, ils ont peur d’être anéantis.