Marie-Ange Déranguer, la fille de nos voisins les plus proches, n’est pas tout à fait normale, elle est un peu simplette, débile ou demeurée suivant la façon dont on nomme les choses. Disons qu’elle est pour le moins, tête en l’air et pas très futée. Son déficit intellectuel, bien que léger, fait qu’elle a finalement été reconnue comme handicapée.Également un brin caractérielle, elle a toujours causé quelques tracas à sa famille. Cependant, elle a un bon fond et, personnellement, j’ai toujours eu beaucoup de tendresse pour elle. Lorsque nous étions mômes, on jouait souvent ensemble, c’était pour moi une bonne copine et je ne la voyais en rien différente des autres enfants.Par la suite et pendant une bonne partie de son enfance et de son adolescence, elle a été placée en institution pour enfants inadaptés, c’est évident qu’à l’époque ses parents voulaient surtout se débarrasser d’elle et éloigner cette « anomalie » du cocon familial. Évidemment, le prétexte officiel était : « Ce sera mieux pour son éducation et pour son développement ». Mais, considérant leur attitude, on aurait pu extrapoler : « On sera plus tranquilles si elle n’est pas là », d’autant plus que la mère, très prétentieuse, n’a jamais supporté l’idée d’avoir une fille amoindrie, le fils aîné étant quant à lui promu à faire de grandes études.Problèmes financiers obligent, ses géniteurs n’ayant plus les moyens de subventionner leur tranquillité, ils l’ont finalement retirée de l’institution où elle avait été placée et elle est revenue vivre chez eux à plein temps. Elle venait d’avoir vingt ans. À son retour, je l’ai à peine reconnue, c’était désormais une femme.Depuis, elle a travaillé un peu, plus ou moins selon les périodes. À une certaine époque, elle faisait le ménage à l’hospice de vieillards. Ensuite, elle a été employée à la mairie pour s’occuper des parterres de fleurs et des guirlandes de Noël. Elle a aussi bossé au tri des ordures ménagères. À chaque fois, elle a été virée ou son contrat n’a pas été prolongé, elle est travailleuse et pleine de bonne volonté, mais trop évaporée et toujours dans son monde à elle, in fine elle fait beaucoup trop de conneries.Ces derniers mois, elle est restée à la maison et elle s’y morfond. Elle a l’air de se faire chier chez ses parents comme ce n’est pas permis. Il suffit de l’écouter un peu pour savoir qu’elle devait être beaucoup plus heureuse quand elle vivait en communauté avec d’autres jeunes. Elle a aujourd’hui vingt-quatre ans, bientôt vingt-cinq, elle va coiffer Sainte-Catherine.Pour ma part, je suis un jeune branleur qui n’a rien fait de beau à l’école, non pas que je ne possède pas quelques connaissances et une certaine forme d’intelligence, mais j’ai surtout un énorme poil dans la main et, personnellement, je trouve que cela me va plutôt bien. J’ai quand même réussi quelques maigres études, mais des études qui ne mènent pas à grand-chose. Mes années fac, c’était des années « délires » où je faisais la fête matin, midi et soir. À vingt-quatre ans, je me retrouve avec un niveau licence d’anglais, je ne suis pas allé au bout des examens, assez peu de valeur sur le marché du travail, chômage oblige… Ma mère est désespérée, mon père préfère ne rien dire, disons qu’il vaut mieux ne pas aborder le sujet avec lui.Je suis retourné vivre piteusement au patelin et je squatte chez mes vieux. Par chance, j’ai réussi à récupérer la petite bicoque qui est de l’autre côté de l’allée face à l’habitation principale. L’ancien propriétaire l’avait aménagée pour faire de la location, elle est composée d’une grande pièce avec un coin cuisine et d’une petite salle de bain spartiate avec une douche et un w.c., le tout doit faire à peu près 20 m². Mes parents avaient entassé là-dedans tout ce qui ne leur servait pas, j’ai fait le tri, ai mis ce qu’il fallait conserver dans le petit grenier juste au-dessus et me suis débarrassé du reste. C’est mon petit chez-moi. Un peu bordélique, mais au moins, j’y suis tranquille.Mais j’attends quoi ? J’attends peut-être de passer un concours administratif et de me retrouver gratte-papier quelque part. J’aurais, de loin, préféré être aventurier ou bandit de grand chemin, mais, même pour ça, je suis vraiment trop glandeur./ – / – /Il y a de ça un peu plus d’un an, je venais d’émerger, je m’étais couché tard, il était à peine midi. Il faisait un temps splendide, un beau soleil et une bonne petite brise, l’idéal pour faire du windsurf. Le problème c’est que nous étions encore au début du printemps et qu’il faisait encore un peu frisquet. Qu’importe, je savais qu’Étienne avait une bonne combinaison et que je pouvais l’emprunter sans problème. Étienne, c’est le fils cadet des voisins. Il fut un temps où nous sortions de temps en temps ensemble. Mais lui a réussi ses études et je ne le vois plus guère.Je traverse donc la rue et vais sonner chez les voisins. C’est Marie-Ange qui vient m’ouvrir. Apparemment, elle est seule chez elle, elle est en train de manger, elle en a plein la bouche. Je lui demande si je peux aller chercher la combi de son frère dans le garage. Elle acquiesce de la tête. Elle est cool, elle regarde une connerie à la télé, elle s’en fiche de toute façon.Bordel ! Il l’a mise où sa combinaison ? Je commence à pester. Dans les armoires du sous-sol, il y a un bazar inimaginable. Je crois que les deux frangins ont essayé presque tous les sports. Finalement, je finis par mettre la main dessus, je la retrouve bouchonnée en vrac sous une pile de chaussures de ski.Le temps de l’extraire et de ranger tout le foutoir, cela fait déjà presque une demi-heure que je traîne dans le sous-sol…Lorsqu’enfin je me retourne, je tombe nez à nez avec Marie-Ange. Elle est debout au beau milieu du garage et elle me regarde sans rien dire. Depuis combien de temps est-elle là ? Et son attitude n’a vraiment rien d’anodin. Elle a la robe relevée jusqu’au nombril, la culotte baissée jusqu’aux chevilles et elle se touche la foune.— Allons, Marie-Ange, qu’est-ce que tu fais ?Comme si ce n’était pas évident ! En plus, ses yeux brillent d’une étrange intensité.— Qu’est-ce qui te prend ? Tu es folle ? Tu ne peux pas aller faire ça ailleurs ?Mais, non, elle ne veut pas s’en aller, elle reste là, la main sur la touffe, à se frotter, et elle n’y va pas de main morte. Que faire ? Je ne suis pas là non plus pour faire le gendarme et, étant donné qu’elle est entre moi et la sortie, je décide de contourner la table de ping-pong pour sortir par l’autre côté.Mais la futée renarde, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, saute comme un cabri et traverse la pièce pour me barrer à nouveau le passage.— Écoute, t’es pas drôle, Marie. Je n’ai pas le temps de jouer, je suis pressé.Mais visiblement, elle ne l’entend pas de cette oreille et n’a guère l’intention de me laisser filer.Je pose la combi sur la table de ping-pong et croise patiemment les bras, en prenant la moue désapprobatrice du quidam irrité, même si, dans mon for intérieur, je trouve la situation plutôt cocasse… Mais elle profite de mon inaction pour retirer complètement sa robe, éjecter sa culotte d’un coup de pied et dégrafer son soutien-gorge. Impertinente dans sa nudité, elle me regarde droit dans les yeux.— Mais qu’est-ce que tu fais ? Arrête, calme-toi, sois gentille !Au lieu de rester sérieux et sévère, la situation, ubuesque, me fait éclater de rire. Encouragée par mon attitude désinvolte, elle s’engouffre dans la brèche. Elle s’avance vers moi et vient carrément se frotter contre moi.J’essaie de la retenir à bout de bras, une fois, deux fois :— Allons, Marie, arrête, t’es vraiment chiante quand tu t’y mets.Mais ça me fait tellement rire qu’elle prend ça comme un jeu, et elle répète en leitmotiv :— J’suis chiante quand j’m’y mets. J’suis chiante quand j’m’y mets. J’suis chiante quand j’m’y mets…— Ben oui, t’es chiante !Elle est brûlante autant qu’espiègle, je ressens la chaleur irradier de tout son corps.À un moment, au cours du jeu, elle saisit ma main et la presse entre ses cuisses tout en remuant son bassin, ses yeux m’implorent pour que je la caresse. Je la repousse une fois de plus. Mais elle insiste lourdement, manifestement elle veut que ce soit ma main qui la caresse.Pour lui faire plaisir et sans doute par faiblesse, je finis par céder à sa demande.Me voici donc en train de la branler. Elle guide ma main dans sa chatte, elle est réellement dégoulinante d’envie, j’ai rarement vu une femme aussi humide, ses poils en sont tout lisses et collés.La jouissance arrive alors très vite, je sens ses jambes qui flageolent et elle gémit désormais sans relâche, mes doigts vont de plus en plus vite entre ses cuisses. Ses joues rougies par le plaisir sont devenues brûlantes, je les sens irradier à travers mon t-shirt, car elle a posé sa tête contre ma poitrine et halète comme un petit chien.Un va-et-vient un peu plus fort la fait partir, je dois la retenir pour qu’elle ne s’effondre pas sur le sol. Elle est maintenant blottie comme une chatte contre ma poitrine et attend que la tension retombe un peu. Nous restons dans cette position un bon moment jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau calme et sereine. Je la relâche, mais elle préfère rester blottie contre moi et me serre fort entre ses bras.— Ça va, Marie ? Ça va bien ?— Vvvoui ! finit-elle par répondre les yeux encore tout troublés.— Tu es certaine que ça va aller ?Elle hoche la tête. Apparemment, oui, ça a l’air d’aller. Elle me saisit par le cou et tend ses lèvres vers moi, elle veut que l’on s’embrasse. Je n’ai pas eu le cœur de le lui refuser après tout ce qui vient de se passer. Les baisers succèdent aux baisers, étonnamment profonds, sincères et passionnels, elle est en manque d’amour, et je dois dire que moi aussi à cet instant précis. Une étrange communion d’esprit nous unit.Après un dernier baiser interminable, je me détache enfin doucement d’elle. Mais je n’ai pas envie de la froisser en m’enfuyant comme un voleur. Elle ne mérite pas que je la brusque. Alors je patiente encore un peu et l’aide aussi à se rhabiller.Je finis par récupérer la combi et m’en vais timidement en la regardant dans les yeux pour obtenir son approbation. Elle me crédite d’un somptueux sourire qui me désarçonne encore plus.Je traverse la rue dans l’autre sens, je suis dans un état second. J’amarre tant bien que mal ma planche sur le toit de ma vieille bagnole avant de filer, direction la plage.Tandis que je roule : « C’est quand même dingue ce qui vient d’arriver, complètement dingue cette histoire ». Je sens mes doigts. Purée, elle sent bon de la chatte en plus. Je dois bien l’avouer, j’ai eu très envie d’elle lorsque je l’ai caressée. Mais était-ce la bonne solution ? J’aurais dû être plus ferme, mettre le holà dès le début. Et puis surtout, à la fin, tous ces bisous, toutes ces embrassades, comme si nous étions deux amoureux… Il ne faudrait pas qu’elle s’imagine ! J’ai peur pour elle et j’ai peur de la rendre malheureuse. Comment faire à l’avenir ? Il faut couper les ponts, faire en sorte qu’elle oublie tout ça, faire en sorte qu’elle m’oublie, même si c’est lâche et peu reluisant…J’ai peur de ce que je viens de faire, à cet instant précis je repense à cette histoire de surfeurs fous qui dévalisaient les banques avec leurs masques de présidents des États-Unis. « Marie-Ange, t’es vraiment géniale, Marie-Ange t’as le feu aux fesses ! ». Des idées contradictoires s’entrechoquent dans ma tête.J’en ai pourtant connu des filles, plein, beaucoup trop, étudiantes pour la plupart. Plus ou moins belles, plus ou moins sottes, plus ou moins drôles, plus ou moins intéressantes aussi, et plus ou moins intéressées par le sexe. Mais cette fois-ci, c’est autre chose, je n’ai rien maîtrisé. Si ça venait à se savoir, on me prendrait pour un barjot. « Putain, c’est dingue ! », j’ai du mal à m’en remettre.Je vire dans un chemin sablonneux qui mène à la plage en faisant du rodéo entre les bosses.— Waouh ! Ouh, ouh. À moi la mer !… avant de planter bêtement la voiture dans une dune. « Chiotte, mon pote, fallait bien que toute cette folie s’arrête »./ – / – /Cette histoire aurait dû en rester là, elle ne portait pas trop à conséquence, car nous n’avions finalement pas fait grand-chose, mis à part quelques caresses et quelques baisers. C’étaient surtout ces derniers que je regrettais, car ils avaient été doux, sensuels et passionnés.Mais j’allais bientôt m’apercevoir que je n’étais plus vraiment maître de mon destin.Pourtant les jours qui suivirent je pris bien soin de ne jamais croiser Marie-Ange. Le temps passait, elle finirait probablement par oublier, passer à autre chose. Elle n’allait pas s’accrocher à moi, je n’en valais pas la peine.C’est à cette époque que j’ai trouvé un job, magasinier chez un grossiste de matériel électrique, pas spécialement enthousiasmant, mais c’était plus l’occasion de me faire un peu de tunes. Bosser a toujours été pour moi très pénible. Finies, les grasses matinées, il fallait se lever tôt pour prendre le train et, une fois arrivé sur place, faire profil bas, l’ordre et la discipline ça n’a jamais été mon fort. Et, même le samedi, je travaillais, finies les sorties du vendredi soir. Je faisais souvent la gueule et j’étais d’humeur acariâtre lorsque je revenais tard le soir chez mes vieux.Mais cet éloignement forcé de la maison faisait aussi que j’avais peu de chance de rencontrer à nouveau Marie-Ange./ – / – /Quelque temps plus tard, me voici chez moi, peinard, pour une fois j’ai pu faire grasse matinée, il est presque 11 heures. J’aurais bien poussé plus loin ma somnolence, mais un livreur s’acharne rageusement sur la sonnerie, un con de facteur ou quelque chose comme ça. Il n’a qu’à laisser un récépissé, on ira le chercher son colis à la poste ! Mais non, le bougre, il continue.Finalement, je m’arrache du lit à contrecœur, j’enfourne mes mules, mon peignoir et vais à la rencontre de cet importun. « Vas-y, mon gars, insiste encore. Allez, encore un p’tit coup de sonnerie pour la route ! »Mais, derrière le portail, l’emmerdeur n’est autre que… Marie-Ange. Elle est là les bras ballants, le visage en larmes. Elle danse d’un pied sur l’autre.— Mais qu’est-ce qu’il y a, Marie ?Et comme elle ne répond pas :— Ne reste pas là, entre !J’ouvre le petit portillon, mais une fois celui-ci refermé derrière elle, elle reste figée dans la cour et ses larmes ne font que redoubler.— Viens avec moi dans la cuisine, je vais te préparer un chocolat… et nous allons discuter.— Un chocolat chaud avec deux sucres, me dit-elle entre deux sanglots.— Avec deux sucres ? Mais chez nous, le chocolat est déjà hyper-sucré.— Avec deux sucres.— Comme tu voudras.Je la fais asseoir dans la cuisine de mes parents. Les grosses larmes qui continuent de couler le long de ses joues me font mal au cœur. Je lui saisis les mains pour essayer de la calmer.— Si tu me racontais ce qui ne va pas, Marie.Maintenant, c’est elle qui m’agrippe une main et qui refuse de la lâcher, elle préfère m’accompagner près de la paillasse le temps que je prépare nos collations. Elle me serre très fort, mais préfère rester silencieuse.Puis nous retournons nous asseoir tranquillement à table, accompagnés de nos mixtures.— Alors, qu’est-ce qui te rend si triste ?— Tu le sais bien, répond-elle simplement en écrasant un peu plus ma main.Cela se passe de commentaire, évidemment que je le sais. Sur ce plan-là, elle est étrangement lucide et en avance sur beaucoup d’autres, très clairvoyante en ce qui concerne les relations humaines. Je me sens tout penaud d’avoir cru un instant qu’elle puisse si facilement tout oublier. Compte tenu de ce qui s’est passé, ça doit être tellement important pour elle !Elle n’arrête pas de me regarder pendant que nous consommons nos boissons. Elle ne pleure plus, mais attend visiblement que je dise quelque chose.Je pourrais dire un truc complètement bateau comme : « Oh, tu sais, j’ai été très occupé ces derniers temps ». Avec une autre fille plus frivole, ça pourrait peut-être fonctionner, mais Marie-Ange ne se laisserait sûrement pas attendrir par une tentative de diversion et j’aurais l’air pitoyable.— Malheureusement, nous ne sommes pas seuls, ma vieille, ai-je conclu, désabusé, ce qui correspond beaucoup plus à ma réalité !— Je ne suis pas plus vieille que toi, remarque-t-elle bizarrement.— Ma vieille, c’est une façon de parler, un peu comme si je te disais : « Malheureusement, nous ne sommes pas seuls, poulette », tu n’as pas non plus l’air d’une poule.Elle éclate alors d’un rire franc et massif, peut-être a-t-elle besoin de décompresser. Au moins, inutile d’en faire des tonnes pour la faire rire.— N’empêche que tu m’évites ! enchaîne-t-elle après avoir repris son sérieux. Moi, ça me rend triste.Que répondre à cela ? C’est tellement vrai. Seul un « Je suis désolé » arrive à sortir de ma bouche.— Pourtant, je sais que tu m’aimes, ajoute-t-elle avec perplexité.Lorsque nous nous sommes embrassés, je lui ai communiqué tout mon amour, et je n’ai pas triché, c’est vraiment ce que je ressentais, de l’amour pour elle. Je n’aurais jamais dû l’embrasser comme ça, j’aurais dû rester raisonnable, ne pas lui montrer mes sentiments, c’est à ce moment-là que j’ai fauté.Comme je suis toujours perdu dans mon mutisme, elle enchaîne :— Quand j’étais au centre, j’avais des copains et des amoureux, j’étais bien là-bas. On m’a mis le stérilet. Mais ici, personne. Quand je me promène en ville ou au parc, il n’y a que des moqueurs. Tu es mon seul rayon de soleil, Damien !Une belle déclaration qui me va droit au cœur. J’ai agi comme le dernier des crétins, j’ai l’impression d’être trop souvent un lâche. À ce moment précis, il faut se décider : « Stop ou Encore », les deux sont difficiles. « Stop » risque d’anéantir cette femme trop fragile, je l’aime et ne pourrai pas supporter de la voir souffrir. « Encore », c’est prendre un très gros risque par rapport au monde extérieur, sa famille, ma famille plus tous les autres qui ne comprendront pas.Ce que je veux moi ? Rendre Marie-Ange heureuse me rendra heureux. Elle a raison, c’est bien ça le plus important, ce que l’on veut nous.— Je n’aurais pas dû te faire de la peine, Marie-Ange, je m’en veux de t’avoir fait ça.— Ce n’est pas grave, on pleure, on rit, c’est comme ça. Je veux bien un autre chocolat, il est très bon le tien.Je reviens bientôt m’asseoir à ses côtés avec un autre bol plein de ce délicieux cacao.— Quand j’étais petite, tu m’appelais « mon Ange », je trouvais ça gentil.— Tu t’en souviens mieux que moi. On devait avoir sept ou huit ans à l’époque, après tu es partie.— Quand je revenais ici, je regardais toujours si tu étais là, parfois tu étais dans la voiture avec ton père, mais maman ne voulait pas que je sorte.Reprenant son bol, elle boit tranquillement son breuvage sans cesser de me regarder, elle en a plein autour des lèvres, elle est rigolote. J’éclate de rire, elle lit dans mes pensées…— Pourquoi tu ris comme ça ?— Tu as raison, tu es mon Ange.Elle me gratifie d’un de ses sourires désarçonnant.— Tu es mon Ange et je t’aime.— Je le sais que tu m’aimes, je l’ai bien senti l’autre fois. Moi aussi je t’aime.Et une nouvelle fois, elle tend ses lèvres vers moi et nous nous embrassons à nouveau comme au premier jour. Un baiser passionnel pendant lequel nous oublions tout. Il n’y a plus qu’elle et moi et notre envie d’être bien ensemble… ça dure comme ça une éternité, et quand nos lèvres se séparent enfin, ses yeux brillent de mille feux, comme des diamants.— On pourrait aller chez moi, on serait plus tranquilles.À cette idée, la voici maintenant qui trépigne. Tandis que je nettoie la vaisselle, elle soupire d’impatience. Puis nous traversons la cour comme deux enfants espiègles.Une fois dans ma tanière, elle devient furie, j’ai à peine le temps de refermer le loquet qu’elle se jette sur moi. Ses mains baladeuses glissent partout, sa bouche se pose partout, elle glisse les mains dans mon caleçon et me presse les fesses, elle est comme folle et a tôt fait de me déshabiller entièrement. Et la voici à genoux devant moi, qui me suce la queue avec un appétit féroce. Elle me lèche avec beaucoup de savoir-faire et de dextérité, manifestement les choses du sexe n’ont pas de secret pour elle. Mais elle semble si pressée que je dois mettre le holà :— Doucement, doucement, tu vas me faire jouir trop vite.Elle s’arrête, visiblement surprise de ma requête. Je lui apprends qu’en amour il faut prendre son temps et que ça ne sert à rien d’aller trop vite, il faut considérer les choses avec délectation. Peut-être n’est-elle tombée jusque-là que sur des garçons qui avaient hâte d’en découdre ?Je l’entraîne sur le lit et commence lentement à l’effeuiller. Cette fois-ci, pas de robe, mais un jogging informe, une culotte basique et un soutien-gorge démodé qui est trop juste pour elle, probablement un vieux truc à sa mère, ses seins charnus débordent de tous les côtés. Je les libère avant de les embrasser tendrement puis avec de plus en plus d’avidité, je la tète et elle gémit sous les succions, puis je descends encore pour lécher son nombril, puis dévorer une chatte poilue juste ce qu’il faut, ses longues lèvres charnues et ourlées, son clitoris proéminent, elle est parfaite cette nana, en plus elle a un bassin large de bonne reproductrice comme dirait mon oncle.Tandis que je la lèche avec appétit, mes pensées sont obscures : aurons-nous des enfants ; saura-t-elle s’en occuper ; a-t-elle envie d’en avoir ? Une succession de gémissements me ramène au monde réel. J’enfonce encore une fois ma langue en elle, encore plus profond, elle se cabre et hurle son plaisir puis je remonte insidieusement vers son clito, un titillement du bout de la langue à raison de sa jouissance. Mais je ne lui laisse aucun répit et recommence, encore plus en profondeur, un jet de cyprine m’asperge le visage et, quand je reviens vers son bouton, je l’effleure à peine qu’elle explose déjà dans un rugissement de bête, elle se cabre et son corps est secoué de spasmes. N’en pouvant plus, elle essaie de m’échapper, mais je lui plaque le bassin contre le matelas et la dévore à nouveau avec encore plus de hargne. C’est bientôt l’explosion finale, elle crie si fort qu’on pourrait l’entendre dans la rue, heureusement que mes parents ne sont pas là !Ensuite, je viens tranquillement m’allonger tout près d’elle et lui procure mille et une caresses, avec un maximum de douceur et d’amour. Mais il lui faut presque dix minutes pour retrouver un état normal.— Damien, Damien, Damien…— Oui, Marie !— Tu peux refaire ça quand tu veux… C’est tellement…Elle ne trouve plus ses mots, ses yeux sont remplis d’étoiles. Elle glisse le long de mes jambes et reprend ma queue en bouche :— Apprends-moi ! implore-t-elle, m’invitant à lui dévoiler les arcanes de la fellation.Je modère ses ardeurs, c’est vrai qu’elle suce comme une experte, mais avec un peu trop de précipitation. À la fin, elle tient absolument à boire mon sperme.— C’est comme ça que je fais d’habitude, et j’aime bien, me dit-elle en se léchant les babines.Plus tard, je la pénètre doucement après avoir pris soin d’enfiler une capote, elle trouve ça un peu bizarre, d’habitude les autres garçons ne mettent pas ce genre de choses parce qu’elle a déjà un stérilet. Mais les autres garçons sont des imbéciles, bonjour les maladies ! Toute une éducation à faire, je vais prendre soin de toi, Marie…Notre étreinte est douce, tranquille, sensuelle, émaillée de longs baisers, puis elle monte d’un cran, les corps sont plus fébriles, l’envie devient plus pressante. Elle répond parfaitement à mes coups de reins, nous nous entendons à merveille, l’envie d’aller plus vite, plus loin, plus fort est synchrone entre elle et moi. Je n’ai même pas besoin de tempérer, ma jouissance vient à l’instant précis où je sens la sienne se déclencher. Nous jouissons de concert, parfaitement en phase. De là à dire que nous sommes faits l’un pour l’autre… mais pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.Après l’explosion finale, nous restons un long moment enlacés l’un à l’autre à nous câliner, à nous bécoter.Inutile de parler, l’amour est évident.— Mon Ange…— Oui, Damien…Un peu plus tard, elle s’est mise à quatre pattes pour m’inviter à la prendre à nouveau en levrette. Elle avait été habituée comme ça et, pour la jouissance, c’était sa position préférée. Elle adorait ça, être pistonnée fort et qu’on lui claque les fesses./ – / – /La période qui suivit fut réellement idyllique. Nous nous aimions d’un amour profond et rien ne semblait jamais pouvoir nous séparer. Nous nous voyions aussi souvent que possible, mais en prenant grand soin qu’il n’y ait à ce moment-là personne, ni chez elle ni chez moi. Ça se passait en général dans mon repaire et plus rarement dans sa chambrette. Une fois aussi, je l’ai entraînée jusqu’à la mer.Bien sûr, ce n’était pas possible tous les jours, les circonstances faisaient qu’il fallait souvent attendre longtemps, parfois même plus d’une semaine, mais les retrouvailles n’en étaient que plus fabuleuses. C’était un mélange d’instants amoureux, de caresses lascives et de sexualité intense. Sur ces trois plans, nous étions 100 % en phase, à croire qu’elle avait été faite pour moi et moi pour elle.Cela dura ainsi presque six mois. Nous avions tous les deux envie de plus, mais savions par intuition que ce n’était pas possible et nous nous montrions raisonnables. Je n’aurais d’ailleurs pas cru que « raisonnable » puisse faire partie de son vocabulaire !J’avais eu par le passé des aventures un peu plus sérieuses que de simples rencontres, mais l’intensité de ces relations avait été bien en deçà de celle que je vivais actuellement avec Marie-Ange. Je comprenais enfin ce que cela voulait dire « être amoureux ». Bien sûr, on pouvait objecter que je ne vivais pas avec elle et que souvent c’était la promiscuité qui rendait les choses plus compliquées. J’étais néanmoins certain que lorsqu’un jour nous pourrions vivre ensemble, tout serait réellement parfait.Et si ma mère apprenait ça, et si mon père apprenait ça, et si ma famille apprenait ça et si sa famille à elle apprenait ça et si mes potes apprenaient ça et si la terre entière apprenait ça ? Je serais sûrement classé parmi les monstres… Mais je préférais pour le moment ne pas trop y penser.Mais cela arriva un peu comme un cheveu sur la soupe…/ – / – /Ce soir-là, je rentre du boulot et en passant par le portail je vois qu’il y a du monde dans le salon. Je m’approche, intrigué, à cette heure-là mon père est en général en train de bosser dans son bureau et ma mère, plantée devant sa télé.J’ai à peine passé ma tête dans la pièce que je suis alpagué par une déferlante. Les Déranguer sont là, véhéments, en particulier la mère, et mes parents se font copieusement apostropher. Quand la voisine me voit, sa colère se reporte sur moi :— Comment as-tu pu faire ça, espèce de monstre, abuser comme ça d’une pauvre fille ? Je vais aller voir la police, tu vas avoir de sérieux problèmes !La messe est dite, la guerre est déclarée. Dans la famille Déranguer, c’est madame qui porte la culotte, monsieur suit comme un petit toutou et acquiesce au moindre propos de son épouse. Dans ma famille à moi, c’est mon père qui tient les rênes, ma mère est timide et effacée.Me voici donc sous les feux croisés de madame Déranguer et de mon père et je passe pour le dernier des derniers.— Mon pauvre Damien, tu n’as vraiment rien dans le citron ! Tu nous les avais déjà toutes faites, mais cette fois-ci, c’est l’apothéose.— Profiter comme ça d’une pauvrette qui n’a pas toute sa tête, c’est même un crime, surenchérit la voisine. Ça mérite la prison.Comme j’essaie de nier les faits, preuves à l’appui, on me ratatine comme une crêpe. Tout d’abord madame Machard qui a vu plusieurs fois Marie-Ange traverser la rue dans un sens et dans l’autre. Qu’est-ce qu’elle en a à foutre cette vieille bique de s’occuper comme ça du voisinage, et puis, de toute façon, Marie-Ange venait peut-être simplement me dire « Bonjour ». — Et elle est restée cinq heures ? Partie à 10 h, revenue après 15 h, ça fait très long pour un « Bonjour ». Et puis le sperme retrouvé dans la culotte de la pauvrette, il vient d’où ? Aucune idée. Mais c’est vrai que depuis un certain temps on ne met plus de préservatif puisqu’elle a un stérilet. Et puis leur fille a changé, elle devient irascible, elle a la tête ailleurs. Qu’est-ce que je lui ai mis dans le crâne, c’est si facile pour un pervers comme moi de manipuler une fille aussi branlante !Je nie en bloc et pour le sperme encore plus, il s’agit peut-être de celui de quelqu’un d’autre.— Arrête de te foutre de nous, Damien. Marie-Ange a avoué à sa mère qu’il s’agit de toi. Aie au moins la décence et le courage d’avouer tes méfaits !Il a raison, je n’ai plus aucune échappatoire.— Je t’interdis de la revoir, tu m’entends ? Je t’interdis de la revoir et je t’expulse de cette maison. Demain matin, tu prends tes clics et tes claques et tu vas vivre ailleurs. Tu me fiches trop la honte !Eh bien, dis donc, je suis dans de beaux draps ! Je n’en mène pas large face aux foudres du paternel. Mais je proteste, je ne vois pas ce que nous avons fait de mal, nous sommes majeurs tous les deux, nous nous aimons.— Il ne comprend rien à rien votre fils, rugit la mère Déranguer, il ne sait même pas ce que c’est qu’une handicapée déficiente mentale.Mon père opine du chef et surenchérit de ses commentaires. J’ai l’impression que tout est foutu.Mais c’est à ce moment-là que Marie-Ange fait soudain irruption dans la pièce, elle est passée par-derrière, par la cuisine. Elle est toute sale, elle est hirsute, elle a des toiles d’araignée dans les cheveux (on apprendra plus tard qu’elle s’est échappée de chez elle en passant par un soupirail du sous-sol où ses parents l’avaient enfermée).Elle vient se placer juste devant moi, les bras écartés, comme si elle voulait me protéger et, parce qu’il avait la parole, mon père en prend tout de suite pour son grade, elle vocifère contre lui.Mon père est un homme qui n’est pas facilement déstabilisable, mais il a un gros problème avec les handicapés, il ne sait pas comment réagir avec eux, un mec en fauteuil roulant lui coupe déjà la chique, alors une déficiente mentale encore plus, il ne sait pas comment la prendre et ne trouve rien à redire.La voisine vient alors à son secours et la discussion se transforme bientôt entre une joute verbale entre les deux femmes. « Tu n’as pas à parler comme ça aux gens… », « Marie-Ange, tais-toi ! », « Ma pauvre fille, tu déraisonnes. », « Tu es incapable d’avoir un avis sensé. », ce à quoi ma copine répond : « Tu n’as jamais rien fait pour que je sois heureuse. », « Tu ne supportes pas d’avoir une fille anormale comme moi ! », « Je n’ai jamais le droit de donner mon avis. ».Ça continue ainsi dix bonnes minutes et nous, on compte les points, Marie-Ange est griffes dehors et montre les crocs et sa génitrice n’est pas en reste. Comme elle sent bien qu’elle n’aura peut-être pas le dernier mot parce que sa mère a plus d’expérience, ma chérie sort l’argument qui tue :— Est-ce que moi je viens faire un scandale quand monsieur Valet passe la matinée dans ta chambre ? Je ne vais pas ausculter tes petites culottes pour voir s’il y a du sperme. Et pourtant il y en a sûrement !Purée, qu’elle est douée ! Ça jette un froid. Monsieur Déranguer devient blême. Il se retourne vers sa femme et commence à lui demander des explications. C’est bien le seul dans le quartier à ne pas être au courant ou à ne pas vouloir l’être. Marc Valet est un ami du couple et manifestement un peu plus qu’un ami pour sa femme. Celle-ci le coupe alors sèchement :— Si tu avais des couilles, des choses comme ça n’arriverait pas ! tu n’es même pas capable de satisfaire une femme.Superbe ambiance, la dispute s’envenime, nous regardons les voisins s’entretuer.C’est à ce moment précis que ma petite maman chérie décide d’intervenir. Ma mère, c’est le genre de personne effacée qui préfère rester discrète dans les conversations, mais bizarrement, quand elle prend la parole, tout le monde l’écoute.— S’ils sont heureux comme ça tous les deux, pourquoi pas ? Manifestement, ils ont l’air de bien s’entendre (entre temps, Marie est venue se blottir contre moi). Je ne vois pas trop quel est le problème. On pourrait faire un essai, ils pourraient vivre ensemble dans le petit pavillon pendant quelque temps.Mon père la regarde, effaré. La voisine qui, après les révélations de sa fille a perdu de sa superbe, objecte quand même :— Et s’ils font des enfants, c’est vous qui les élèverez, je suppose !— Si j’ai un enfant, je m’en occuperai, intervient Marie, furax.— Ma pauvre fille, tu n’es même pas capable de t’occuper de toi-même, comment veux-tu t’occuper d’un enfant ? Et puis je te rappelle que tu es sous tutelle et que tu fais ce que je dis !Mais ma mère, qui a son idée en tête, n’a pas dit son dernier mot :— Allons, Nadine, soyez sympa.C’est la première fois que je l’entends appeler la voisine par son prénom, ce qui a le don d’ébranler cette dernière.— Je me porte garante de ce qui va se passer. Moi, quand je vois ces jeunes bien ensemble, ça me touche, j’ai envie de les aider…— Facile à dire pour vous, vous êtes la mère du coupable…— Tut tuh, il n’est coupable que d’aimer et l’amour n’est-il pas ce qu’il y a de plus beau ? Il se trouve que, réduction de personnel oblige, Cardax va me licencier à la fin du mois, vu que je suis la dernière arrivée. J’ai décidé d’en profiter pour me mettre à mon compte. Je vais créer mon autoentreprise et travailler à domicile, comme ça j’aurai tout le loisir de surveiller les enfants et de m’occuper de Marie-Ange quand Damien sera au travail. Il vaut peut-être mieux qu’elle soit avec moi que toute seule chez vous à se morfondre, vous ne pensez pas ?Je dois dire qu’à ce moment-là, tout le monde est baba. Ô temps, suspends ton vol ! Mon père devait être au courant des démêlés professionnels de sa femme, car il ne semble nullement surpris. Les voisins qui se regardent en chiens de faïence ne savent plus trop sur quel pied danser, ni si c’est du lard ou du cochon, anéantis par tant de générosité. Mais madame Déranguer rumine manifestement sa réplique.Mais Marie-Ange est la première à réagir, me délaissant un instant, elle se jette dans les bras de ma mère, la serre contre elle et sanglote contre son épaule. En voyant cela, mon père jette l’éponge. Il n’y a plus que Nadine qui est contre. Mais son mari, comprenant sans doute que sa femme ne va pas dire « Amen » aussi facilement, décide de ramener sur le tapis cette histoire d’adultère et les voici repartis dans leurs engueulades.Profitant de cette diversion, ma mère nous attire, Marie-Ange et moi dans la cuisine :— Damien, tu trouveras bien des habits pour ta copine dans ma commode, je pense que l’on fait à peu près la même taille. Prenez aussi ce que vous voulez pour manger ce soir et allez vous coucher. Nous, on s’occupe du reste.— Bisous, maman.— Bisous, chéri.Et elle embrasse tout aussi tendrement sa nouvelle belle-fille./ – / – /C’est ainsi que ça s’est passé. À ce moment-là, on ne savait pas encore que Marie-Ange était déjà enceinte.Le stérilet avait bougé ou plus vraisemblablement il n’était plus valable ! Il avait été posé lors du passage de ma chérie au centre, mais par la suite il n’y avait pas eu de suivi, sa mère n’avait pas pris la peine de lui faire consulter un gynéco. Personnellement, je ne me suis pas inquiété du fait que Marie n’avait jamais ses règles durant nos trois premiers mois de vie commune, je pensais que c’était normal avec le stérilet. De la même façon, je mettais le fait que son ventre s’arrondissait légèrement sur le fait que ma mère faisait trop bien la cuisine et que ma chérie n’était jamais en reste à table. Quant à ses bouffées de chaleur, je pensais qu’elles étaient simplement dues à son appétit sexuel immodéré.Mais Marie se plaignant plusieurs fois d’avoir mal au ventre, de constipation et d’hémorroïdes, ma mère décida de l’emmener chez le toubib et là le verdict fut implacable, ma copine était enceinte. Nous, évidemment, nous étions hyper contents, mes parents, peut-être un peu moins, et quand il fallut l’annoncer aux voisins… nouveau conseil de famille et là je ne vous dis pas.— Je vous l’avais dit que cela allait arriver ! Eh bien, puisque vous vous portez garante, je suppose que vous vous portez aussi garante de la progéniture. En tout cas, je n’en veux pas chez moi.Les Déranguer sortaient d’une mauvaise passe où ils avaient failli divorcer, et pas simplement à cause de Marc Valet. Il y avait un malaise profond dans le couple et le mari n’était pas en reste en matière de tromperies, sauf que, d’après ce qui se disait, lui faisait ça avec des hommes. Toujours est-il qu’il y avait du rififi dans le potage. Mais, étant donné que c’étaient toujours les considérations financières qui guidaient leurs décisions, ils avaient fini, bon an, mal an, par se rabibocher.— Écoutez, Nadine, j’adore votre fille et je l’aiderai à s’occuper de la petite !— Ah, parce que c’est une fille en plus ! (Comme si cela pouvait être pour elle d’une quelconque importance.)Bon, ce que maman omit de lui dire, c’est que Marie-Ange accumulait les conneries et que ce n’était pas toujours évident de s’occuper d’elle. Elle cassait pas mal de trucs dans la maison et il valait mieux éloigner d’elle tout ce qui pouvait être un tant soit peu dangereux. Une fois, elle avait failli mettre le feu, une autre fois elle avait laissé déborder la baignoire, sans compter la fois où elle avait ouvert la portière de la voiture pour sortir en pleine circulation. Elle ne pensait jamais à mal, mais elle était vraiment très tête en l’air. Donc il fallait faire attention.Mais, à part ça, elle était adorable. Dans la mesure de ses capacités, elle aidait ma mère dans son entreprise. Maman lui faisait faire des petites tâches répétitives tout en veillant toujours à ce que la complexité ne dépasse jamais son entendement. En tout état de cause, les deux femmes s’entendaient à merveille et, quand je n’étais pas là, elles passaient presque tout le temps ensemble et étaient devenues très complices.La grossesse de Marie se passa à merveille. Le petit être faisait des cabrioles dans son ventre et nous nous en amusions. Le 4 avril dernier est née Lisbeth, du nom d’une amie que mon Ange avait connue au centre. C’est le plus parfait des bébés et la plus jolie des petites filles. Il n’y avait aucun risque qu’elle hérite des carences congénitales de sa maman.Nadine s’est enfin calmée, elle est finalement très heureuse d’être enfin débarrassée de sa fille, elle est même devenue plutôt sympa et a couvert de cadeaux la petite. Avec son mari, ils parlent toujours de divorcer.