DEUX FRANGINES SINGULIÈREMENT DIFFÉRENTESChapitre 2 — Une sortie camping avec la frangine, ce n’était pas l’idée de départLe départ pour le camping était prévu le week-end prochain, soit une semaine après notre escapade à Center Parcs, ce qui raccourcissait de fait le temps dédié aux préparatifs du voyage.Connaissant mon aversion pour les grandes chaînes de prêt-à-porter et les comportements qu’elles engendraient, encore plus pour celles qui nous faisaient croire que le sport se résumait à une question d’équipement, Léa avait littéralement dû m’intercepter avant un cours du soir, pour aller acheter l’attirail du parfait campeur. L’argument financier était cependant imparable : une série d’offres de promotion sur les équipements de camping se terminait précisément ce mercredi soir. Il n’était pas question de dépenser des sommes indécentes pour une activité qui m’occuperait, au mieux, une fois par an.Arrivé au magasin, j’entrepris de distinguer mentalement ce qui était absolument nécessaire de ce qui l’était simplement. La liste que j’avais dressée corroborait, quelques minutes de discussion aidant, celle de Léa. Là dessus, nous étions sur la même longueur d’onde. Deux esprits pragmatiques insensibles à la communication commerciale envahissante des grands groupes.Une trentaine de minutes d’essayage plus tard, multipliant à chaque sortie de cabine les postures suggestives, au plaisir — entre autres — de mes yeux, Léa n’arrivait toujours pas à départager deux ensembles qui avaient retenu son attention. Elle s’enquit de mon avis :- Tu penses que je devrai prendre lequel?Je connaissais déjà ce manège. Sa question était en réalité tout autre : oserait-elle prendre l’ensemble qui paraissait le plus ostensiblement sexy? Je mis du cœur à argumenter en espérant la convaincre :- L’ensemble fuchsia me semble suffisamment chaud. Le lycra est un tissu conçu pour l’effort, ce sera comme une seconde peau pour toi, épousant chacun de tes mouvements.Elle me retourna une moue dubitative, pour déclarer finalement :- Je pense que je vais prendre l’ensemble gris, d’autant qu’un bonnet est offert avec.La réponse était donc négative.Je souris devant sa justification. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Elle percevait son corps d’une manière radicalement différente de la manière dont je l’appréciais. Après un an de relation, je n’étais toujours pas parvenu à lui fais prendre conscience de sa beauté.Ce constat affligeant me ramena quelques jours en arrière, dans ma contemplation du corps d’Héloïse qui ne souffrait d’aucune comparaison. Il s’agissait moins d’une question d’atout physique, sauf à considérer la pratique de la musculation comme un référentiel pertinent de différenciation, que de celle d’une attitude de séductrice, d’une envie de faire tourner la tête aux passants, d’une volonté d’écraser toute concurrence. Dans ce domaine, Héloïse excellait, et pour cause, elle y consacrait l’essentiel de son temps et de son énergie, sans doute au détriment de son futur baccalauréat.J’avais le sentiment d’être sa nouvelle quête. Pour combien de temps? Je n’en avais aucune idée. Avait-elle pris au sérieux notre aventure à Center Parcs? Je n’étais sûr de rien. Une ignorance dont je m’accommodais en fin de compte volontiers, en me remémorant une énième fois nos ébats si particuliers du week-end dernier dans le hammam.L’organisation de notre trajet procédait d’une démarche militaire. L’heure du départ avait été fixée, le vendredi, à seize heures, pour un trajet en voiture d’environ trois heures. Arrivée prévue sur les lieux à dix-neuf heures, synchronisée — au moins en théorie — avec celle des amies de Léa, accompagnées de leur copain.A la fin d’un cours magistral de droit administratif que nous avions en commun, Léa et moi, nous passâmes prendre Héloïse devant les grilles de son lycée.Elle n’était pas seule.Aussi surprise que moi, Léa apostropha sa frangine en ignorant superbement l’inconnu qui lui tenait pourtant la main — un beau black, assez jeune, look négligé, survêtement et sweat-shirt de rigueur, présentant déjà à son âge la taille réglementaire d’un basketteur, d’ailleurs sans doute pratiquant assidu de ce sport.Sans ambages, elle lâcha :- C’est qui lui?- C’est mon petit copain. Tu emmènes bien le tien. Pourquoi je ne pourrais pas emmener le mien?, rétorqua-t-elle d’un ton insolent.L’inconnu et moi-même échangeâmes un regard complice sur notre réduction commune à l’état d’objet de propriété. Il avait le visage plat de la simplicité. L’assemblement de ses traits réguliers, emprunt d’une indéniable bonhommie, lui conféraient une imbécillité joyeuse. Il s’était — à mon sens, involontairement — grimé en benêt extasié devant les charmes d’Héloïse.Il s’empressa de faire les présentations :- Salut m’dame, moi, c’est Driss, votre sœur m’a beaucoup parlé de vous.Outre son phrasée approximatif, Léa s’agaça de ses manières superficielles qui la vieillissaient plus que nécessaire.- Tu n’as pas besoin de me vouvoyer. Je ne suis pas sa mère, lâcha-t-elle.Elle marqua une pause. Je la vis réfléchir à la formulation de son propos. Elle avait probablement conclu à la même impression qui m’avait semblé émaner de Driss.- Tu m’as l’air de quelqu’un de très gentil, mais nous n’avons qu’une seule tente dans le coffre. Et elle est conçue pour n’accueillir que trois personnes. Vraiment navrée.Elle avait débité ce flot de paroles d’une seule traite, comme pour dénier l’existence de toute alternative.Étonnement, Driss ne se laissa pas démonter pour autant. Je mis cela sur le compte des discrets baisers dont Héloïse, sur la pointe des pieds, parsemaient son cou. Ces derniers devaient agir comme autant d’encouragements prodigués sous perfusion — détail qui n’échappa pas à une Léa tutoyant déjà les limites de sa patience.- Ne t’inquiètes pas Léa, j’ai pris une tente dans mon sac, répondit Driss d’une voix franche.Ce brusque changement de ton, une familiarité inconvenante remplaçant une politesse décalée, interloqua brièvement ma copine, je le lus sur son visage. Elle reprit cependant sa contenance affable.J’observais, du coin de l’œil, l’attitude théâtrale d’Héloïse sur le trottoir. Telle une actrice de tragédie dont les paroles de Driss auraient pu donner la réplique, elle avait habilement contrefait sa posture de petite sœur implorante. Ses mains jointes et ses lèvres réunies paraient sa supplique silencieuse du plus bel effet dramatique. J’étais conquis, malgré moi, par cette mécanique de précision.Léa, focalisée sur ce que venait de lui apprendre son interlocuteur, ne le semblait qu’indirectement. Après avoir évalué les avantages de cette nouvelle information, au premier rang desquelles figurait, je l’imaginai, la possibilité d’avoir une tente rien qu’à nous deux, elle finit par céder.- Bon, j’imagine qu’Hélo t’a déjà briefé sur les détails du voyage. Voici mon copain, Grégoire.Je lui adressai un bref signe de tête, qui se voulut amical.Héloïse ajouta à l’intention de Driss :- Tu n’as qu’à prendre sa place sur le siège passager. Tu auras plus de place pour étaler tes jambes. Moi, je vais dormir à l’arrière.Se retournant vers Léa, elle poursuivit :- Sœurette, j’espère que tu ne m’as pas menti sur la qualité d’oreiller de Greggy.Ne réagissant pas à la pique déguisée d’Héloïse, se sachant ou se voulant — je ne saurais trop dire — au dessus d’un tel enfantillage, Léa déverrouilla les portières pour qu’ils puissent monter. Je la savais exaspérée de ce qu’elle considérait comme une marque d’immaturité de sa frangine. De mon côté, je percevais clairement le signe d’une rivalité assumée, ce qui m’amusait sans doute un peu plus que cela ne l’aurait dû.Driss me lança un regard entendu que je ne compris pas sur le moment. Quelques kilomètres suffirent à ce qu’il s’endorme, malgré les tentatives polies de ma copine pour lui faire la conversation. Lors d’une pause-café, Léa me confia qu’elle trouvait ce Driss d’une vivacité d’esprit pour le moins atterrante. N’ayant pas encore eu le privilège de converser avec lui, je répondis d’un simple hochement de tête.Quant à moi, j’essayais d’étudier tant bien que mal, avec une Héloïse vautrée sur mes cuisses qui, la plupart du temps, dormait sagement, mais qui, quand elle se réveillait, s’amusait à me déconcentrer, comme par exemple en mordillant mon jean à l’endroit de mon entrejambe Je tâchai de garder l’air sérieux d’un lecteur concentré pour sauver les apparences et ne pas agacer inutilement Léa.Cette dernière semblait absorbée par les bornes signalétiques qu’elle avalait à vive allure. Comme agrément de conduite, elle avait jeté son dévolu sur l’une de ses playlists de musique classique favorites, en prenant soin de déplacer la balance audio à l’avant de la voiture. Elle tenait à ne pas me déranger. Cette petite attention réchauffa agréablement mon cœur et tempéra, par la même occasion, mes ardeurs pour le danger sexuel étalé sur moi.Je finis par somnoler, bercé par le ronronnement régulier du moteur et le concerto pour violon qui se jouait en arrière-plan, abruti par le regard bleu pâle du péché charnel couché sur mes cuisses. Le paysage défilait vaguement à la vitre. Je regardais sans voir ce flot d’images, déconnecté de toute impression sensible.Vers les deux tiers du trajet, Héloïse changea bruyamment de position, me tirant de ma torpeur. Je dus cligner des yeux à plusieurs reprises. J’avais en effet, à ma droite immédiate, ses petites fesses dont le galbe parfait était remarquablement bien mis en valeur dans son leggings beige. Le but de cette manœuvre m’échappa jusqu’à ce que je remarque la bosse qui déformait le tissu ultra moulant, au niveau de sa culotte.En fait, elle n’en portait pas. En revanche, je pouvais clairement distinguer l’extrémité du plug anal, franchement imposant, qu’elle avait en elle. Elle remuait ce dernier contre ma cuisse, par des mouvements de hanche accentués à l’excès, en prenant innocemment appui sur le siège conducteur.A ce stade, il aurait été déraisonnable de considérer le réveil de mon métabolisme comme la seule cause plausible de mon érection.Je n’osai rien faire de compromettant, me contentant de deviner, à travers la faible épaisseur de son collant de sport, la déformation de son anus au gré des balancements de son bassin. Ma jambe était le support bienheureux d’un manège hypnotique. Je parvenais difficilement à établir la consistance de cette affriolante réalité, qui faisait délicieusement écho au coït anal brutal des jours passés. Le souvenir du hammam avec Héloïse estompait singulièrement mon expérience du temps présent.Toute tentative pour me reconcentrer se soldant par un échec, je décidai de relayer Léa au volant pour le dernier tiers du trait. Héloïse se redressa sur son siège en prenant la moue contrite d’une enfant dont le jouet favori aurait été confisqué. A vrai dire, je me demandais parfois si je ne filais pas trop parfaitement cette comparaison, tel un pantin de bois manié de la main faussement ingénue d’une marionnettiste au désir insatiable.Un baiser avec Léa m’offrit un réconfort hypocrite sur au moins un point : je restai maître d’une vérité, celle que je lui dissimulais ouvertement au sujet de mes rapports avec sa petite sœur. Je n’éprouvais aucune fierté. Je ne puis dire en revanche qu’il n’y avait pas là l’esquisse d’un plaisir hors-norme.A la suite d’embouteillages imprévus (doux pléonasme qui traduisait le quotidien de mitage auquel nous étions coutumiers, nous banlieusards), notre petite troupe posa pied à terre avec plus d’une demie heure de retard. Nous aurions peut-être du prévoir l’habilité grotesque des citadins sur les serpents des routes alpines.Julie et Alice, respectivement amie d’enfance et meilleure amie pour la vie de Léa, nous accueillirent chaleureusement. Elles n’étaient séparées que depuis quelques semaines mais cela justifiait selon elles, malgré des appels téléphoniques journaliers, les retrouvailles en grande pompe qui se tenaient devant moi. J’y voyais là l’un des rares traits restants de l’enfance de ma copine. C’est pourquoi je trouvais ce spectacle de grandes embrassades et de cris perçants aussi outrageant que rassurant.A cet instant, je me demandai encore comment trois personnalités aussi différentes pouvaient conduire à une telle scène d’amitié. Les interactions sociales étant d’essence indicible, j’entrepris une schématisation grossière : Léa, étudiante en droit avec moi, silhouette mince et élancée, chevelure châtain clair systématiquement coiffée en un chignon haut et sévère, incarnait la rigueur et le sérieux, la frivolité étant plutôt l’exception que le principe ; Alice, la réciproque fausse de Léa, un petit gabarit d’un mètre soixante, une réserve inépuisable de bonne humeur et d’optimisme, un tant soit peu perdu dans la vie, alternant entre des petits boulots et une licence STAPS inachevée ; Julie, la contraposée crédible de Léa, étudiante en médecine, ayant décidé qu’après avoir sacrifié sa motivation en PACES, il était à présent temps de changer radicalement de mode de vie, ce qui passait selon elle par une inscription à des cours de pole dance pour réduire son embonpoint, par le port de lentilles de contact en lieu et place de ses traditionnelles lunettes noires pour paraître moins studieuse, par une teinture en blond platine pour ressembler à une certaine star du X, par des tenues très suggestives pour valoriser son « sex appeal » (sic), ainsi que par la fréquentation plus assidue de ces soirées iconiques des facultés de médecine.Julie avait toujours eu un faible pour moi, l’inverse n’étant d’ailleurs par complètement faux. Il m’arrivait de fantasmer sur son opulente poitrine qu’elle écrasait innocemment sur mon torse à chaque fois qu’elle me faisait la bise, surtout lorsqu’elle venait chez Léa faire du fitness, vêtue en haut d’une unique brassière de sport volontairement lâche. Cette dernière ne se doutait de rien. Je mettais cette ignorance sur le compte de leurs liens d’amitié qui brouillaient certainement l’idée que chacune se faisait de la position de l’autre. Julie pouvait par exemple se permettre de regarder un film au cinéma en posant sa tête sur mon épaule sans que cela ne gêne ma copine. Lors d’une soirée bien arrosée, Julie avait même défié Léa d’être celle des deux qui embrassait le mieux, ce qui m’avait valu de servir — pour mon plus grand plaisir — de cobaye de circonstance.Nous nous mîmes en route vers l’emplacement que nous avions réservé. Le paysage qui s’offrait à nous, un hiver sans neige, des bourgeons floraux en éveil, quelques insectes téméraires, pleurait les signes d’une nature déréglée. L’air vif des reliefs sifflait entre les sapins la présence des hommes. Les branches pointaient de leurs épines les traces de nos sévices.A mesure que nous montions, la forêt reprenait avidement ses droits, trop inquiète de perdre le peu qu’il lui restait. Malgré les déboires de ses voisins, elle s’efforçait de rester présentable, déclamant son espoir d’une cohabitation durable. Une brise fraîche tentait d’ailleurs de porter cet optimisme naïf en rosissant nos visages découverts d’inconscients.Les discussions, à l’avant, entre Léa et ses amies, couvraient malheureusement de leurs intonations perçantes et irrégulières, le chant plus grave du bois qui se meurt.Héloïse avançait plus en retrait, accrochée au bras de Driss. J’étais pratiquement sûr qu’elle me matait ouvertement devant son copain. Aussi m’efforçai-je de remuer discrètement mon fessier, en relevant les pans de mon manteau. Je souriais intérieurement de ce petit jeu puéril auquel je me livrais.Je dus m’arrêter un instant pour refaire mes lacets, profitant de l’occasion pour apprécier à mon tour les trois paires de fesses qui avançaient en rythme non loin devant moi.J’entendis des pas se rapprocher. Héloïse me doubla en me mettant, à la volée, une fessée sonore qui fit s’arrêter le trio de tête, intrigué par l’origine du bruit.- Range tes yeux, me lança-t-elle rieuse.Je lui répondis d’un ton suffisamment bas pour exclure les autres de notre dialogue :- Tu regretteras bien assez vite cette maladresse, lâchai-je en prenant une voix faussement menaçante.- Je ne demande que ça, minauda-t-elle en battant ostensiblement des cils.Une fois sur place, l’emplacement me plut d’emblée, ne serait-ce que par l’odeur musquée et la texture soyeuse du tapis d’humus dont il était constitué. Une petite clairière cherchait sa place au milieu d’une forêt de sapins noirs. Une palissade en bois décrépi cernait ce cercle de verdure dont le centre était marquée par une imposante souche. L’heure avancée de la journée rehaussait ce tableau bucolique aux couleurs froides, par les tonalités oranges que jetaient ça et là les derniers rayons de soleil.La voix inquiète de Thomas, qui semblait être le pendant masculin de sa copine Alice, interrompit ma contemplation et me projeta au milieu d’une discussion dont je pris alors conscience — j’avais sans doute aussi dû manquer les présentations officielles :- On n’arrivera jamais à caser deux tentes supplémentaires. Il était prévu qu’on n’en installe que trois. Il y a déjà tout juste la place pour le feu de camp…Benjamin, le copain de Julie, expert à l’entendre parler des expéditions en pleine nature, se perdait en conjectures pour trouver une configuration satisfaisante. Il avançait notamment l’idée de retirer les sardines pour accrocher les tentes entre elles. Sa manière de discourir ressemblait affreusement à celle de ces parlementaires en séance publique qui se décident à participer au débat, en prenant leur voix de sophiste, lorsqu’ils ont remarqué les caméras de quelques grandes chaînes nationales de télévision.Toutefois, je n’aimais pas, ma formation de juriste obligeant, me satisfaire d’opinions formées à la va-vite sur le fondement d’a priori douteux — en l’espèce, quelques minutes de conversation. Hélas, mes premières impressions sur Benjamin se confirmèrent par la suite, ce dernier revêtant tous les traits les plus détestables de l’étudiant en école de commerce dont le seul mérite réside dans le chèque que son paternel a dû signer pour l’y faire entrer. Il était néanmoins bien bâti et plutôt séduisant avec sa coupe en brosse impeccablement lissée. C’était au moins ce que je pouvais lui accorder. Je me promis dès lors, outre d’interroger Julie sur le pourquoi du comment de ce petit copain, de limiter aux plus strictes formalités mes rapports avec ce dernier.Je tâchai de récupérer le fil de la discussion. A un moment, Benjamin me prit à témoin quant à l’une des analyses qu’il proposait. Je n’en compris pas tous les détails. A un autre moment, l’une des filles — Alice, je crois — me demanda mon avis. Je pris donc l’air soucieux d’un géomètre en pleine mesure et répondis :- Effectivement, vu comme ça, ça m’a l’air juste.Benjamin hochait rigoureusement la tête, comme pour confirmer les résultats d’une étude, fruit de longs mois de recherche. Ignorant cette gestuelle qui ne semblait embarrasser que moi, je poursuivis en souriant :- Au fond, ce n’est pas bien grave. Notre tente était faite pour trois personnes. Mais je suis sûr que deux couples qui se bécotent peuvent largement y dormir.Ma boutade fit glousser les filles. Cependant, je ne me méprenais pas sur le sens respectif de leur réaction. Si le rire d’Alice et de Julie sonnait franc, celui d’Héloïse me paraissait un peu trop surjouée, là où celui de Léa prenait d’évidentes teintes jaunâtres.C’est ainsi que je me retrouvai avec Driss pour monter la tente que nous allions partager avec les deux frangines. Alors que je déballais machinalement nos duvets et tapis de sol, ce dernier interrompit le cours de mes pensées — je tâchais alors de déterminer mentalement ma part de responsabilité dans ce qu’Héloïse faisait discrètement vivre à sa grande sœur.