Il était trois heures de l’après-midi et pourtant il faisait déjà presque nuit… Le ciel était lugubre comme mon compte en banque, une fine bruine détrempait tout, il faisait tellement froid qu’on se serait cru dans un camion de surgelé, bref, il faisait un temps pourri sur Chicago. Je plissais les yeux à travers le pare-brise de ma vieille bagnole. Faudrait que je pense à changer mes essuie-glaces un de ces jours ; peut-être après cette nouvelle affaire ?Un type du nom de Maxwell m’avait contacté par téléphone. Un flippé de la vie apparemment, un de ces paranos qui pense que tout le monde vous espionne, que les téléphones sont sur écoute, qu’il y a des micros partout, que vous avez toujours un type qui vous suit où que vous alliez. Il m’avait fixé un rendez-vous. Pas chez lui, pas chez moi non plus, non, dans un bar, en terrain neutre, et m’avait recommandé de faire gaffe à ne pas être suivi. Tout cela avait piqué ma curiosité : soit ce Maxwell était un cinglé, soit ça pouvait bien être une grosse affaire.— Prends la prochaine à droite, me dit Karen, ma charmante assistante.— Non, il y a encore au moins trois intersections avant de tourner.— Le GPS de mon smartphone dit que c’est la suivante…— Alors c’est qu’ils devraient s’inspirer de mon sens de l’orientation pour programmer leurs gadgets !Je continuai tout droit malgré les protestations de la jeune femme. Machinalement je surveillais mon rétroviseur, des fois que Maxwell ait raison et qu’on soit vraiment suivi, mais rien à signaler de ce côté-là .La rue que je voulais prendre était un sens interdit, je dus prendre la suivante et faire pas mal de détours afin de retrouver le bon chemin.— Je te l’avais dit, souffla Karen avec un air mutin.Je bafouillai une histoire à propos d’un vieux truc de détective afin d’observer les alentours pour ne pas se jeter tête baissée dans un piège et garai la vieille Ford le long du trottoir en face d’un bar miteux.— Reste là , dis-je. J’y vais seul, tu couvres mes arrières.— Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ? C’est pas parce que ton type a l’air parano qu’il faut que tu le deviennes aussi…Je ne répliquai rien. Remontant le col de mon vieil imperméable, je sortis et traversai la rue à toutes enjambées.L’intérieur du bar était encore plus minable que l’extérieur. D’ailleurs tout le quartier était un peu de cet acabit, comme si tout était resté figé dans les années 1920 et attendait tranquillement de tomber en ruine.Maxwell avait dit qu’il m’attendrait assis à la table dans le coin au fond. De toute façon, je ne pouvais pas le louper : il était le seul client, et il ne dépareillait pas avec le reste de l’endroit, petit homme à moitié chauve au teint usé par la vie et au veston brun plus élimé que la moquette de mon appartement. Je m’assis en face de lui.— Je suis Booth, Don Booth. Vous m’attendiez.— Oui, tout à fait. Vous êtes en retard de près d’une demi-heure. Vous avez eu des soucis ?— Rien d’important, rassurez-vous. Parlez-moi plutôt de ce qui vous tracasse.Il ne répondit rien alors que le patron venait déposer devant moi un double scotch que je n’avais pas commandé, puis reprit la parole :— Il y a un peu plus haut dans la rue un petit immeuble qui appartient à ma famille depuis trois générations. J’y habite, au dernier étage, tout comme mon père avant moi, et mon grand-père encore avant. Les autres appartements, il y en a cinq, sont loués. Ce sont de ravissants petits meublés, mais voilà que depuis quelque temps mes locataires se plaignent.— Quel genre de plaintes ?— Des bruits bizarres, des objets qui disparaissent… Vous comprenez, je ne veux pas que la police s’en mêle, et de toute façon aucun objet de grande valeur n’a disparu alors je doute que les flics se dérangent pour si peu. Mais vous…— Signez-moi un chèque et je m’en occupe !— Je vous paierai plutôt en liquide, je n’aime pas trop les moyens de paiement qui laissent des traces, vous comprenez ?— Comme vous voulez… Je viendrai dès ce soir inspecter votre immeuble et…— Non ! Je préférerais que nous fassions autrement.— C’est à dire ?— J’ai actuellement un appartement de libre. Vous viendrez vous y installer, comme n’importe quel locataire. Comme ça vous n’éveillerez pas les soupçons. Qu’en dites-vous ?L’idée en valait une autre…— L’appartement est-il grand ?— Il y a deux grandes pièces, vous ne serez pas à l’étroit, rassurez-vous.— Je viendrai avec mon assistante, elle m’attend dans la voiture.— Non, monsieur Booth, elle ne vous y attend pas. Cela fait déjà plusieurs minutes qu’elle est accoudée au comptoir en train d’écouter notre conversation.Je me retournai en étouffant un juron et mon regard croisa celui de Karen qui me fit un petit signe de la main. L’espace d’un instant, je la maudis.L’immeuble dont Maxwell était propriétaire était totalement surréaliste. Coincé entre ce qui semblait être un vieil entrepôt à droite et un immeuble décrépit à gauche, il était étroit comme une feuille à cigarette, mais avec ses six étages, montait plus haut que tous les autres immeubles du quartier.— Qui est l’espèce de cinglé qui a eu l’idée de construire un tel immeuble… murmurais-je en observant la bâtisse.— Je parie qu’il n’y a pas d’ascenseur, grogna Karen en posant ses trois lourdes valises sur le trottoir.— J’espère que notre appartement est au moins au quatrième, ça t’apprendra à prendre autant d’affaires pour un si cours séjour !— La longueur de notre séjour dépendra de ta faculté à résoudre le mystère. Tu es vraiment sûr que ce sera si court que ça ?— Petite peste !— Tiens, voilà notre proprio.En effet Maxwell sortait de l’immeuble. Il avait dû nous voir débarquer. Il nous salua et prit les valises de Karen, pliant sous l’effort.— J’ai déjà prévenu les autres locataires de votre arrivée. Ici c’est un peu comme une petite famille, tout le monde est assez proche, ils se connaissent tous. J’ai dit que vous étiez un jeune couple venu s’installer en ville…Karen éclata de rire :— Monsieur et Madame Booth, ça va être drôle !— À toi de bien jouer ton rôle, Karen.— Je te préviens tout de suite que mon rôle de Madame Booth s’arrêtera dès que nous franchirons le seuil de notre appartement. Tu dormiras sur le canapé !— On en reparlera tout à l’heure.— Oh, intervint Maxwell, je pense que vous n’aurez aucun mal à vous faire passer pour un couple marié, vous n’avez aucun effort à faire pour être crédibles. Mais entrez, je vais vous faire visiter. Le rez-de-chaussée est occupé par une sorte de salle commune, c’est ainsi que mon ancêtre avait pensé l’immeuble, avec un esprit « pension de famille » si vous voyez ce que je veux dire. Il y a ici un petit bar, des fauteuils confortables, et même une table de billard !Je jetai un coup d’œil et le repris bien vite : le décor était digne d’un film d’horreur des années 30, sans parler de l’odeur de moisi. Je croisai le regard de Karen, il en disait long.— Accueillant n’est-ce pas ? demanda Maxwell.— Très… euh… pittoresque, répondis-je.— On sent tout de suite que vous avez dû passer ici des soirées mémorables, ajouta Karen.— Par ici vous avez les boîtes aux lettres, cet escalier là -bas derrière descend vers la cave, et sinon ce grand escalier monte vers les appartements. C’est simple, il y en a un par étage, mais vous avez sans doute remarqué l’étroitesse de l’immeuble, c’est un peu sa particularité… Au premier étage, habite mademoiselle Kuck, une vraie demoiselle comme on n’en fait plus. Au deuxième étage, les Robinson, un couple très sympathique. Au troisième : monsieur Trout, il est un peu loufoque, mais pas méchant. Au quatrième, ce sera vous. Au cinquième, il y a monsieur Dooling, un gaillard pas très causant, mais un homme très bien. Et au sixième enfin, c’est chez moi. Vous les… verrez… tous… ce soir…Maxwell s’arrêta un instant afin de reprendre son souffle : la montée des escaliers avec les valises de Karen sur le dos lui avait fait un certain effet et je commençai à fouiller ma mémoire afin de retrouver comment faire un massage cardiaque, juste au cas où… mais le petit homme reprit bravement son ascension et son explication :— Ils ont prévu ce soir un petit « verre de l’amitié » dans la salle commune. Nous commencerons à neuf heures, ne soyez pas en retard… Vous avez déjà dîné ? Il y a un petit restaurant au coin de la rue, la cuisine n’y est pas mauvaise si vous ne craignez pas le cholestérol. Ah, voilà votre « chez vous ».Il sortit un trousseau de clés et déverrouilla la porte, nous faisant pénétrer dans un appartement vieillot et à peine meublé. La première pièce était assez grande, plutôt sombre, et je sentis le parquet grincer sinistrement sous mes pas. Un canapé d’un autre âge, une table basse en plastique et un vieux poste de TV étaient les seuls meubles. Un petit coin-cuisine avait été aménagé près de l’entrée. Une porte menait vers ce qui semblait être la salle de bain pendant qu’une autre, plus large était grande ouverte sur une chambre étroite.— Qui vivait là avant ?— Une vieille dame du nom de Rochester. Elle est décédée la semaine dernière d’une crise cardiaque, on l’a trouvée dans son lit… oui, celui-ci, juste là .— Don ? Finalement j’ai changé d’avis : c’est moi qui dormirai sur le canapé, me lança Karen en commençant à investir la salle de bain.Je l’ignorai et repris :— Et ces phénomènes ? Vous avez parlé de disparition d’objets, de bruits…— Oui, pardon, cette histoire est tellement… dingue… je crois que c’est comme ça que disent les jeunes de nos jours ?— Oui, sûrement…— Bref, un soir, je n’étais pas là , mais madame Robinson, qui fait souvent le ménage dans les parties communes, a cru entendre des bruits de pas sous les combles. Son mari s’est faufilé là -haut par la trappe, mais il n’a rien vu. Pourtant elle n’en démordait pas : elle était sûre d’avoir entendu ces bruits. Quelques jours plus tard, je les ai moi-même entendus ; plus aucun doute possible, et pourtant je n’ai rien vu non plus en montant là -haut. Et puis ensuite ce sont les objets qui ont commencé à disparaître : le peigne de monsieur Dooling, le poulet rôti dans le frigo des Robinson… un jour, ici même, dans cet appartement, madame Rochester s’est plainte qu’une chaise avait disparu… Tenez ! Cette chaise, là  ! Je m’en souviens ! On l’a retrouvée quelques heures plus tard.— Retrouvée ? Mais où était-elle ?— Dans l’escalier ! Près de la porte de mon appartement ! Et tous les locataires ont juré ne pas y avoir touché et je les crois.— Vous les connaissez bien ?— Le dernier à être arrivé était monsieur Dooling, c’était il y a quatre ans. Je ne pense pas qu’ils soient coupables, même si on n’est jamais sûr de rien.— Oui, les apparences sont trompeuses.— Je le sais très bien, croyez-moi, mais je persiste à penser qu’aucun de mes locataires n’est impliqué.— Tous les appartements ont-ils été ainsi « visités » par ses étranges disparitions ?— Laissez-moi réfléchir… Oui, tous, au moins une fois. Comment allez-vous procéder ?— Par l’observation patiente, mais efficace !— C’est à dire ?— Que Don va s’asseoir dans un coin et attendre, intervint Karen, c’est un spécialiste, rassurez-vous, d’une façon ou d’une autre, il découvrira le fin mot de l’histoire.Elle avait raison. J’allais effectivement faire cela. Les statistiques prouvent que les coupables commettent toujours une erreur. Je n’avais qu’à laisser traîner les yeux et les oreilles dans tous les recoins de cet immeuble jusqu’à finir par capter l’erreur commise par le mystérieux visiteur. J’avais hâte de voir un peu à quoi ressemblaient les autres locataires, car quelque chose me disait que l’un d’eux était dans le coup. Ou peut-être même mon employeur, cet homme étrange qui semblait toujours jeter de furtifs coups d’œil au-dessus de son épaule, mais pour quel motif aurait-il fait tout cela ? Ou peut-être même étaient-ils tous complices, comme dans le célèbre roman de… euh, non, cela n’aurait pas collé… ou peut-être que si en fait ?— Don ?— Oui ?— On va manger ?Le « repas » dans le bouge que nous avait indiqué Maxwell avait été affreux et mon estomac se retournait dans tous les sens comme un gymnaste sur un cheval d’arçon pendant une finale de Jeux olympiques. Mais, professionnel jusqu’au bout, je n’en montrais rien et sirotais un verre d’un alcool inidentifiable que m’avait donné madame Robinson. Était-ce un poison ? Un narcotique puissant ? Un terrible aphrodisiaque ? Dans tous les cas mon palais était entraîné à reconnaître 398 alcools différents dès la première gorgée, et je ne reconnaissais pas celui-là , bizarre et vaguement inquiétant…M’étant affublé d’un sourire aussi commercial que ravageur, je faisais semblant de me plaire follement au milieu de cette bande de dingues. En effet, l’espace d’un instant je me demandai où j’étais tombé en acceptant cette affaire. Karen papillonnait d’une personne à l’autre en souriant bêtement, et je ne manquai pas de remarquer les regards intéressés que jetait le dénommé Dooling sur les longues jambes nues de la belle.Parlons-en de ce Dooling : grand, brun, le teint mat, le regard noir pénétrant, baraqué comme un catcheur… c’était d’ailleurs sa profession, selon lui. C’était l’une des rares choses qu’il avait dite durant la soirée, ce qui le rendait forcément suspect à mes yeux.Il y avait aussi madame Kuck, la cinquantaine, habillée comme une Amish et sévère comme une maîtresse d’école, donc forcément suspecte aussi. Et que dire des Robinson ? Lui avec ses cheveux fous sur la tête, son air sournois et ses manières bourrues, et elle et son amabilité forcée… Eux aussi étaient suspects, obligatoirement ! Maxwell ? Il se prenait pour une sorte de « Papa Noël » au milieu de tout ce monde, et je trouvais cette façon de faire plutôt louche, et puis cette habitude qu’il avait de toujours regarder derrière lui, de toujours donner l’impression de ne pas avoir l’esprit tranquille…— Comme je le disais, monsieur Booth est représentant de commerce. Il vend des systèmes de sécurité, mais le marché n’était pas très intéressant là où il vivait avant, au fond de l’Indiana, alors il est venu s’installer avec sa jeune épouse ici, à Chicago.C’était le bobard que nous avions monté ensemble. L’Indiana, c’était lui qui venait de l’improviser. À croire qu’il voulait me faire passer pour un bouseux… Mais déjà il reprenait :— Je pense qu’il a fait un excellent choix en rejoignant notre petite communauté, c’est l’endroit idéal pour débuter une nouvelle vie.— Et même pour la continuer, intervint madame Kuck de sa voix pincée. Regardez-moi, je suis arrivée ici il y a trente-quatre ans pour démarrer la nouvelle vie dont parlait monsieur Maxwell, et je suis toujours là .— Oui, répliqua Maxwell, madame Kuck est la plus ancienne de mes chères pensionnaires. J’espère que vous serez à son image, monsieur Booth !Fallait pas trop y compter… mais une autre voix intervenait dans la conversation :— Booth… j’ai bien connu un Booth autrefois. Theodore Booth. De votre famille ?C’était Trout, je l’avais oublié celui-là . Il pouvait avoir entre 32 et 67 ans, petit et sec, l’œil vif et une voix aigrelette qui brisait les tympans.— Non, je ne crois pas, répondis-je.— Ce brave Theodore… Un type bien. Je me souviens de ce jour funeste…— Un jour funeste ?— Oui, quand il est mort… C’était sous mes yeux.— Oh, j’en suis désolé.— Oui, intervint Karen, ça a dû être terrible. Comment cela s’est-il passé ?— Oh vous savez… en temps de guerre…— Ah, vous avez fait la guerre ? Le Viêt-Nam ? L’Irak ? L’Afghanistan ?— Oh non, j’y étais, mais ce n’est pas là que ce pauvre Theodore est passé de vie à trépas. C’était avant. Je le revois encore, juste à côté de moi, derrière la barricade… et d’un seul coup, paf ! Plus de Theodore, emporté par un boulet de canon !— Un boulet de canon ? ! Mais où était-ce ?— À Gettysburg !— Ça y est, monsieur Trout a encore abusé de l’alcool, intervint Robinson. Faut l’excuser, dès qu’il boit une goutte il devient fou.C’est en écoutant cette phrase que je mis également Trout parmi les suspects possibles.La fin de soirée avait été agitée. J’avais dû écouter pendant un long moment Trout me raconter comment il avait mené presque à lui tout seul la campagne de libération de l’Abyssinie dans les années 40 alors qu’il passait dans le coin après être allé construire un chemin de fer en Tanzanie et avoir découvert les sources du Nil. Pendant ce temps Karen supportait sans broncher les énormes mains de Dooling qui pétrissaient ses fesses sans ménagement toutes les deux secondes alors que madame Kuck et Maxwell ne cessaient de déblatérer sur les bonnes mœurs et la remarquable éducation des locataires de cet immeuble. Les Robinson s’étaient esquivés dans leur appartement, non sans que madame Robinson n’ait resservi tous les convives de son alcool bizarre qui montait à la tête.Et la nuit s’était installée sur la ville, étalant sa noirceur sur les bas quartiers. Je m’étais mis au lit devant la moue dégoûtée de Karen qui semblait visiblement mal à l’aise dans l’appartement d’une femme morte si récemment. Elle s’était installée sur le canapé, mais je l’entendais se retourner dans tous les sens en cherchant le sommeil, nous avions laissé la porte ouverte entre nous afin de mieux rester à l’affût. Moi, je veillais, attentif au moindre bruit. Malheureusement, ils étaient nombreux, les bruits, dans ce vieil immeuble délabré. C’était même digne d’un concert d’un groupe de punk-rock expérimental tant le boucan déchirait les oreilles. Entre la cavalcade des rats entre les murs, les craquements des plafonds, les canalisations qui grognaient, les cris inhumains du sommier dès que je remuais le moindre muscle… le vacarme semblait assourdissant. Pourtant, très vite, un bruit particulier s’imposa à moi :Crik… crik… crik… crik…Ce bruit, je l’avais déjà entendu à plusieurs reprises…Crik… crik… crik… crik…Oui, aucun doute, je le connaissais, et il évoquait quelque chose de précis en moi. Quelque chose d’agréable d’ailleurs… Mais je cherchais encore dans ma mémoire pour retrouver où j’avais bien pu l’entendre.Crik… crik… crik… crik…Oui ! Bon sang c’était ça !— Un sommier qui grince en rythme !J’entendis Karen se redresser sur le canapé dans la pièce à côté :— Tu es sûr ?— Oh que oui. Le rythme est très précis, écoute bien… oui, c’est bien ça, 102 grincements par minutes, l’homme est en bonne forme physique, il est au-dessus de la femme, et vu la puissance des grincements, je dirais qu’il doit mesurer plus d’1,83 m et peser au moins 94 kilos, mais bien sûr cela peut être faussé par l’âge du sommier et le type de métal utilisé pour en fabriquer les ressorts. Pas de doutes, ça vient de l’étage au-dessus, c’est le catcheur, Dooling ! Pourtant Maxwell nous a dit qu’il vivait seul… il a donc une maîtresse ! Ah ah ah ! Voilà une intéressante découverte ! Karen, va voir, s’il te plaît.— Quoi ? Voir ? Comment ça ?— Ben je sais pas, tu es mon assistante, non ? Essaye de te débrouiller pour savoir avec qui il baise.— Et toi ?— Je continue de me concentrer sur l’écoute. Je ne peux pas tout faire…Karen poussa un soupir, mais se leva et se dirigea vers la porte de l’appartement. Je savais que je pouvais compter sur elle. Pendant qu’elle se faufilait sur le palier, je continuai d’écouter. Était-ce là les bruits « suspects » dont parlait Maxwell ?À l’étage du dessus, le rythme s’accélérait, les choses arrivaient à leur conclusion. J’étais tellement absorbé par le travail de surveillance que j’en avais oublié l’érection qui déformait les draps. Je n’eus toutefois pas le temps d’y penser, car je percevais désormais au-dessus de moi des « ah » clairement féminins, l’affaire se terminait d’une belle façon apparemment. Quelques instants plus tard, j’entendais une porte claquer, et moins d’une minute après Karen faisait son apparition dans la chambre.— Alors ?— J’ai clairement vu madame Robinson se faufiler dans l’escalier, répondit-elle.— Il y a donc un cocu dans l’immeuble… je note.Mais le travail était fini, et je rappelai Karen :— Karen, ne crois-tu pas qu’il serait temps de penser à autre chose ?— Dormir ?Je repoussai les draps, dévoilant mon sexe tendu à l’extrême.— Non, je ne pensais pas à ça…— Oh, ça t’a filé la trique d’imaginer ce qui se passait là -haut ?— On peut dire ça, oui, et je me demandais si tu accepterais…— De te laisser te soulager ? Oui, bien sûr, ne te gêne pas pour moi !Et sans rien ajouter, elle retourna sur le canapé pendant que j’étouffais un juron.C’est bien malgré moi que je mis à imaginer les événements qui avaient pu se dérouler juste au-dessus de ma tête quelques instants plus tôt. Madame Robinson n’était pas forcément une femme magnifique, mais pour ce que j’avais pu constater, elle devait être relativement excitante une fois nue. J’imaginais sans peine le plaisir qu’un homme pouvait ressentir en posant les mains sur les hanches plutôt larges de la dame, ou en pétrissant sa poitrine lourde qui devait emplir les paluches à ne plus savoir quoi en faire.Je commençais bien malgré moi à me caresser en imaginant le corps musclé et dur de Dooling couché sur la femme, s’empalant en elle comme un marteau piqueur. Je pouvais presque entendre les bruits de sommier grinçant dans ma tête… mais… ce n’était pas mon imagination, j’entendais vraiment des bruits de sommier !Crik… crik… crik…— Karen !— Oui, j’ai entendu aussi, répondit-elle, je retourne espionner sur le palier.Bon sang, les bruits venaient encore de chez le catcheur ! Il devait avoir une santé de fer et une bite d’acier ! Madame Robinson était-elle remontée discrètement pour un deuxième round ? Je l’imaginais insatiable, nue, à quatre pattes, les seins pendant sous elle, la chatte ruisselante, grande ouverte, en attendant la pénétration de l’homme qui allait lui agripper les hanches et la défoncer sans ménagement. Je repris de la vigueur, posai ma main sur mon sexe et commençai des allers et retours. Mon gland trempé de liquide séminal se gonflait de désir, je fermais les yeux, n’avait plus qu’une seule pensée en tête : le cul de madame Robinson, son cul que je prenais, défonçais et retournais en tous sens comme le laboureur pendant les semailles de printemps. Et très vite je jouissais, balançant tout mon foutre un peu partout, maudissant ces masturbations improvisées qui ne laissent pas le temps de prendre un Kleenex pour éponger. J’éjaculai en criant malgré moi :— C’est pour vous madame Robinson, et à votre santé…… lorsque je vis Karen qui, les bras croisés, debout au pied du lit, me regardait avec un air courroucé…— OK, alors moi je bosse, et toi tu te tripotes comme un adolescent ?— Euh…Machinalement j’essuyai le sperme avec le drap.— J’essayais de me mettre dans la peau du personnage afin de mieux comprendre ses motivations !— Sauf que ce n’était pas madame Robinson…— Hein ? Qui alors ?— Madame Kuck !Je restai abasourdi.— Madame Kuck ?— Oui, elle-même !— Mais je pensais que…— Moi aussi Don, je te rassure. Mais n’empêche que c’était bien elle. Et la prochaine fois, c’est toi qui vas espionner sur le palier !Et elle retourna vers son canapé. Madame Kuck… Je n’arrivais pas à y croire. Elle qui avait l’air si strict, si sévère, et surtout si vierge ! Se laisser aller ainsi à la débauche… moi qui étais habitué pourtant à fréquenter tous les cas pathologiques de la société, je dois bien admettre que je ne parvenais plus à analyser cette relation sauvage qu’elle pouvait avoir avec le catcheur de l’étage du dessus… Malgré moi je me mis à penser à madame Kuck sans sa tenue de pionnière du Mayflower. Elle portait plutôt bien sa cinquantaine, ses traits restaient délicats, en était-il de même pour son corps ? Peut-être que sous ses allures revêches se cachait un volcan ? Je regardai vers mon entrejambe et murmurai :— Non, tu ne durcis pas ! Assez d’une fois ! Je vais encore me faire traiter de pervers !Mais fort heureusement l’objet du délit ne broncha pas. J’étais en train de me réjouir lorsque j’entendis quelque chose…Crik… crik… crik…— C’est une blague ?— Don, n’oublie pas, c’est ton tour !Je passai en toute hâte un pantalon, pris mon fidèle Colt avec moi, des fois que je tombe sur une nympho possédée, et entrebâillai la porte. Dans la cage d’escalier, les bruits étaient ténus, j’entendais à peine le crik, mais pourtant il était bien là , obsédant, comme le rythme d’un 33 tours de disco-electro-house tournant au ralenti sur un vieux gramophone rouillé récupéré dans les surplus du service théâtral de l’armée colombienne.Je montai d’un étage, arrivant sur le palier du cinquième, et collai mon oreille contre le battant. Là , j’entendais distinctement le crik,mais aussi d’autres bruits, des « ah », des « oh », bon sang ce Dooling était expressif ! Lorsqu’il besognait les femmes le sommier portait au loin, et lorsque l’on s’approchait on avait droit à plus de détails, et dans tous les cas mes oreilles saturaient. Ce cinquième étage n’était plus un appartement, mais un véritable lupanar dans lequel la moindre nuit se transformait en orgie sexuelle digne d’un film Marc Dorcel.Et pourtant, malgré les apparences, je réfléchissais ! Madame Robinson était la maîtresse du catcheur. La pourtant irréprochable madame Kuck l’était aussi. Qui était la troisième ? Forcément une personne venue de l’extérieur, à moins que Dooling soit en train de se taper une poupée gonflable, ce qui me paraissait franchement glauque pour un type qui vient de s’envoyer en l’air avec deux « vraies » femmes. Et qui dit « personne venue de l’extérieur » dit « suspecte potentielle », non ? Enfin, moi j’y croyais en tous cas.Le crik cessa, j’entendis distinctement un profond râle de jouissance comme seuls les hommes peuvent en produire. Vu la rapidité du gaillard à enchaîner les partenaires, il ne valait mieux pas rester devant la porte. Je courus me planquer dans un renfoncement de l’escalier, un demi-étage plus haut, et attendit.De là où j’étais, je ne voyais pas très bien la porte et je maudis les architectes qui n’étaient pas fichus de penser au job des détectives lorsqu’ils concevaient leurs immeubles. Je me penchai un peu, juste un peu, priant pour que la personne qui allait en sortir n’aurait pas la mauvaise idée de regarder vers le haut en partant. La porte de l’appartement de Dooling s’ouvrit enfin dans un grincement. J’entendais la voix profonde du catcheur qui disait « bonne soirée ma puce » et je vis une silhouette à la chevelure blonde et bouclée se profiler dans le clair-obscur du palier.— J’ai pas le droit à un baiser ? dit la silhouette, me faisant tressaillir…Cette voix…— Si, bien sûr, répondit Dooling en joignant le geste à la parole.Et là , la lumière de la veilleuse du palier tomba sur la silhouette… la troisième maîtresse de Dooling : Robinson ! Monsieur Robinson ! Il n’était pas si cocu que ça finalement…Mais il était déjà parti dans l’escalier afin de rejoindre son appartement et sa femme. Qui allait suivre ? Trout ? Maxwell en personne ? Mais alors je m’aperçus d’une chose : la porte ne s’était pas refermée… Au contraire, elle restait grande ouverte, pour une bonne et simple raison : l’immense Dooling se trouvait planté devant moi, rivant son regard de bête droit dans le mien !— Alors Booth, on dort dans l’escalier ?— Ben, vous savez… comme on fait son lit on se couche.— Oui, et chacun voit midi à sa porte.— Mais faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.— Ça, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !— Mais tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise…— Chat échaudé craint l’eau froide !— Il est des raisons qui ont raison de la raison.— Oui, mais qui a vécu par l’épée mourra par l’épée !— Chez les Papous il y a des papas à poux et des papas pas à poux !— Je crois que nous nous sommes tout dit !— Je le crois aussi…Il claqua la porte, me laissant seul. J’avais gagné cette manche, c’était incontestable, et, fier de moi, je repartis vers ce qui me servait de logement de fonction afin de raconter l’histoire à Karen que je trouvai malheureusement endormie sur son canapé, et que je n’osai par réveiller.Le lendemain matin, je descendis le premier, laissant Karen dormir. J’avais remarqué, dans un coin de la salle commune du rez-de-chaussée, ce qui ressemblait à une antique machine à café ; le meilleur moyen de se réveiller. Seul problème : trouver le mode d’emploi du noble percolateur… C’était pourtant un comble de ne pas pouvoir trouver du café chez un type qui s’appelait Maxwell ! Je m’escrimais depuis déjà plusieurs minutes lorsqu’une âme charitable, en la personne de monsieur Trout, me vint en aide…— Pas facile à maîtriser, hein ? Faut abaisser le levier à droite en premier lieu, et puis après… oh et puis laissez-moi faire, je vous montre !Je m’écartai bien volontiers, lui laissant ma tasse afin qu’il la remplisse du noir breuvage.— Mon père fabriquait ce genre de machines, me disait l’homme tout en manipulant l’engin. Alors je connais ce genre de bidule ! Faut taper très fort là , juste à droite !Et, à ma grande surprise, il sortit de sa poche un marteau et entreprit de donner de violents coups sur le côté de la machine qui se mit à émettre un bruit de locomotive et à cracher du café droit dans ma tasse.— Et voilà , dit-il de façon naturelle.— Merci bien, répondis-je. Sans vous je n’avais pas de café. Mais dites-moi, vous avez toujours un marteau sur vous ?— Ben oui. Pourquoi ?— Rares sont les personnes qui ont un marteau sur elle en permanence…— Ben… elles ne boivent pas de café ?— Oh si, sûrement.— Pas de marteau, pas de café ! C’est comme ça ! Je me souviens, à une époque, je cueillais du café au Guatemala, on allait le moudre direct à la sortie de la cueillette et on s’en tapait de ces tasses ! Je vous raconte pas ! Tout frais ! Du genre qu’on n’arrive plus à s’endormir après !Je saisis l’occasion :— D’ailleurs, en parlant de dormir, vous y arrivez sans soucis vous ? Car moi la nuit dernière…Ma question restait énigmatique à dessein, je pouvais ainsi aussi bien embrayer sur les bruits étranges dont Maxwell m’avait parlé que sur la nuit d’orgie de Dooling…— Ah, n’en dites pas plus, répondit-il. C’est les petits hommes verts qui vivent dans le grenier !— Hein ?— Ben oui, vous savez, les hommes verts… Il y en a un dans le grenier, je vous jure ! Je le croise régulièrement dans l’escalier ! Tiens d’ailleurs, en parlant de vert, je vous ai déjà parlé de l’époque où j’ai traversé la jungle ? On ne voit que du vert de partout !— Oui, je sais, quand vous construisiez un chemin de fer en Afrique…— Non, pas cette jungle-là  ! L’Amazonie ! J’étais avec un groupe de conquistador à l’époque, je les avais rejoints un peu par hasard en fait, et…— Euh, oui, en fait j’ai à faire, désolé.Soit le bonhomme buvait dès le matin au réveil, soit il n’y avait pas que quand il était sous l’emprise de l’alcool qu’il délirait… Je repartis vers mon appartement, le laissant planté là , lui et ses élucubrations. Je m’arrêtai à peine à mon logement, le temps de finir mon café si chèrement acquis et, Karen dormant toujours, j’entrepris d’aller faire une fouille en règle du grenier, puisque, apparemment, c’était là que les bruits étranges avaient été entendus.Arrivé au dernier étage, sur le palier menant à l’appartement de Maxwell, je trouvai assez vite une sorte de petite échelle qui, allant droit vers un carré d’obscurité découpé dans le plafond, semblait mener vers le grenier. Je m’y hissai d’un air résolu et débouchai dans un espace aussi vierge que noir. Je sortis mon briquet et l’allumai, jurant en voyant que les ténèbres ne reculaient pas à plus de cinquante centimètres. On y voyait comme dans le cul d’une nonne, mais je me disais que la vérité était peut-être là , je fis contre mauvaise fortune bon cœur et tentai l’exploration dans le semi-aveuglement du briquet.Sauf qu’en fait, il n’y avait rien à explorer… Ce n’était qu’un simple grenier, étroit et bas de plafond. D’ailleurs j’entendais au-dessus de ma tête les gouttes d’eau qui cinglaient les tuiles. Il n’y avait rien à voir ici, juste un plancher bancal recouvert de poussière, des murs bruts, une charpente de bois rongée par les bestioles… Tiens, d’ailleurs, en y regardant de plus près, j’arrivais à apercevoir l’appartement de Maxwell entre les lattes disjointes du plancher… Il dut s’apercevoir de ma présence, car j’entendis une voix criant :— Hé ! Il y a quelqu’un là -haut ?— Oui, répondis-je sur le même ton, c’est moi, Don Booth. J’enquête !— Ah, d’accord ! Mais prévenez-moi la prochaine fois, j’ai cru avoir une attaque cardiaque !Il n’y avait décidément rien de suspect dans ce grenier qui de toute façon se terminait sur un mur de brique impénétrable. Je fis demi-tour, retournai vers la trappe et redescendis.Lorsque je revins à l’appartement, Karen s’était levée et avait disparu. Je profitai du fait que la salle de bain était libre pour prendre une douche, puis, regardant ma montre, je constatai qu’il était près de midi et que je n’avais rien avalé depuis le repas dégueulasse de la veille. Je descendis l’escalier, bien décidé à reprendre ma voiture et à aller jusqu’à la 5e Avenue, là où se trouvait Chez Jack, mon resto préféré. J’avais déjà le goût du hamburger-moutarde-ketchup-oignon à la bouche lorsqu’une main, surgie de nulle part, m’agrippa l’épaule alors que je descendais les escaliers.Je me retournai vivement et fit face à la menace… qui en l’occurrence était constituée par madame Robinson.— Ah, vous m’avez presque fait peur. Que puis-je pour vous ?— Vous sortiez ?— Oui, j’allais me chercher un truc à manger…— Oh, mais venez donc ! Je vous invite avec plaisir ! Entrez !Je la suivis dans un appartement copie conforme de celui que j’occupais deux étages plus haut. Elle me fit signe de m’installer à une petite table posée dans un coin et entourée de deux chaises.— J’ai justement du rôti, et je me demandais qui allait m’aider à le finir avant qu’il ne soit périmé.— Votre mari ? risquai-je.— Oh non, il est au travail, il est chauffeur-livreur, il ne rentrera pas avant demain.— Et vous ? Vous ne travaillez pas ?— J’ai bien assez à faire ici !— Dans ce petit meublé ?— Hé oui ! Figurez-vous qu’il y a un million de choses à faire ici !— Je m’y ennuierais au bout de quatre jours, que pouvez-vous y trouver ?— Par exemple : décaper les joints du carrelage, ou enlever la poussière derrière l’armoire, ou nettoyer l’intérieur des canalisations d’évacuation d’eau de l’évier.C’est alors que je m’aperçus, en regardant autour de moi, que tout l’appartement était d’une propreté ébouriffante, comme si le moindre grain de poussière avait refusé de s’y poser, préférant migrer vers d’autres cieux plus cléments. J’aurais pu lécher le sol sans risque tellement il était nettoyé, récuré, astiqué, propre comme les instruments d’un chirurgien !Elle déposa devant moi une assiette qui contenait des tranches de rôti froid accompagné d’une sauce mayonnaise, de rondelles de tomates, de maïs et de cornichons, rien d’anormal me direz-vous ? Sauf que chaque composant du plat était disposé de façon parfaitement géométrique dans l’assiette, les rondelles de tomates formant un socle sur lequel une couche de maïs venait se superposer en reproduisant un carré parfait, chevauché par des rondelles de cornichon placées en quinconce avec un souci du détail qui en devenait maladif. La sauce elle-même n’avait pas été placée n’importe comment dans l’assiette et elle formait un motif géométrique parfaitement agencé avec le reste.— J’hésite à manger, l’assiette est si bien présentée…— Si, vous allez manger…— Oui, bien sûr que je vais manger, j’ai très faim, mais c’est juste que tout est si harmonieux dans cette assiette… on hésite à casser cette belle organisation…— Si ! Cassez-la ! Mangez !Le ton était devenu soudain si brutal que je sursautai.— Je vous demande pardon ?— Détruisez-la, cette harmonie ! Oui ! Détruisez l’harmonie ! L’harmonie est la mort !— Vous êtes hystérique ?— Oh… pardonnez-moi, je me laisse parfois emporter…— Ce n’est rien, je comprends.En fait, non, je ne comprenais rien du tout.— Excellent, votre rôti, dis-je pour changer de sujet.Elle s’empourpra et baissa le regard.— Merci, vous êtes gentil. J’aime les hommes gentils.Je pensai à Dooling. Était-il gentil avec elle ? Je me mis, malgré moi, à imaginer l’énigmatique catcheur et ses muscles saillants au lit avec l’hystérique madame Robinson. Il aurait pu trouver pire, remarquez, elle n’était pas si fade en y regardant de plus près, avec son petit nez mutin, ses lunettes qui lui donnaient un air faussement intello, mais ne cachaient pas ses yeux noisettes, et puis je devinais sans peine des formes épanouies sous le tissu de sa robe… Et cet accès de violence qu’elle venait d’avoir, le reproduisait-elle au pieu ? Cela pouvait donner quelque chose de barbare, mais de puissamment excitant… Mais je me rendis compte que je m’étais laissé un peu trop absorber par son décolleté et que j’en oubliais d’écouter ce qu’elle me racontait :— Alors comme ça vous êtes un expert en sécurité ?— Hein ? Expert ? Ah oui ! Effectivement !C’est dingue comme une simple paire de nichons bien opulente peut vous faire soudain oublier les bases du métier. J’avais manqué de fiche en l’air ma couverture.— Auriez-vous des conseils à me donner ? J’aimerais justement me sentir en sécurité.— Oh, eh bien, oui, je peux vous en donner des tas !— Par exemple ?— Hé bien… verrouiller votre porte lorsque vous sortez, par exemple, c’est la base. Ou alors, un petit tuyau que je peux vous donner : si vous rentrez chez vous tard le soir et qu’une vingtaine de types portant des blousons noirs vous accoste en vous proposant de les accompagner dans la cave d’un immeuble : refusez, c’est peut-être un piège !— Oui, c’est un précieux conseil, je n’y aurais jamais pensé !Je sautai sur l’occasion, attrapant au vol la perche qu’elle me tendait :— Pourquoi me parlez-vous de cela, vous ne vous sentez pas en sécurité dans cet immeuble ?— Oh de nos jours, on n’est en sécurité nulle part ! Mais c’est vrai que dans cet immeuble, depuis quelque temps… En plus mon mari n’est pas souvent là à cause de son métier, alors il est vrai que je me sens parfois un peu seule…Je me remis à l’imaginer dans les bras de Dooling, le costaud lui défonçant la chatte dans une position tout droit sortie d’un manuel de lutte gréco-romaine, et elle hurlant comme une possédée et pétrissant ses seins lourds alors qu’elle… je m’arrêtai soudain dans mes réflexions : pendant que mon esprit « déviait », elle avait continué de parler et là encore je n’avais pas fait très attention à ce qu’elle disait, mais un détail venait brutalement de m’arracher à mes divagations…— Attendez, qu’avez-vous dit ?— On lui a volé son pénis, parfaitement !Alors j’avais bien entendu…— Le pénis… de votre mari ?— Mais bien sûr, c’est de ça que je vous parle ! J’ai eu un mal fou à m’en remettre !— Mais comment peut-on… voler le pénis de quelqu’un ?— Il était rangé à sa place ; toute chose a une place dans l’harmonie universelle !— Oui, j’imagine bien, un pénis se range… euh… là où la nature l’a mis ! Mais comment quelqu’un peut-il le prendre à l’insu de son propriétaire ?— Selon moi, quelqu’un a dû se faufiler ici un jour où l’appartement était vide, ouvrir le tiroir où je l’avais rangé, le prendre, et disparaître avec !— Vous aviez rangé le pénis de votre mari dans un tiroir ? Je ne vous suis pas très bien là …— C’est très simple : mon mari est souvent absent, je vous l’ai dit. Et moi je m’ennuie en son absence. Alors il a eu la grande idée de faire un moulage en plâtre de son pénis en érection afin que je puisse me sentir moins seule lorsqu’il part pour plusieurs jours. Et quelqu’un a volé ce pénis dans le tiroir où je le rangeais. J’en ai fait toute une maladie vous pouvez me croire, j’adore le pénis de mon mari, il est tellement… disharmonieux ! Il est moche, tordu, petit, il ressemble un peu à … hum… comment dire… une sorte de mélange entre Elephant Man et une taupe, avec un petit côté Mickey Rourke en plus, vous voyez ?— Pas très bien, non… Mickey Rourke maintenant ? Ou alors le Mickey Rourke de 9 semaines et demie ?— Mais non ! De maintenant ! Dans 9 semaines et demie, il était trop harmonieux ! Mort à l’harmonie ! L’harmonie est…— Oui, oui, la coupai-je alors qu’elle redevenait hystérique. Mais selon vous comment ce vol est arrivé ? Pouvez-vous me dire précisément les circonstances ? Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel ?— Oh ! Oui ! Une chose tellement étrange, bizarre, incongrue, saugrenue même ! Bref fatalement… disharmonieuse ! Je vais vous la montrer !L’espace d’un instant, connaissant les penchants bizarres de la dame, j’eus peur de ce qu’elle allait exhiber, et ma main alla doucement tâter la crosse de mon Colt sous ma veste, juste par simple réflexe. Mais madame Robinson revint très vite en tenant à la main une simple petite boîte en plastique qu’elle ouvrit sous mes yeux avec un air triomphant :— Alors ? Vous en dites quoi ?— Une boîte vide…— Vide ? Bien sûr que non ! Regardez bien au fond ! Vous ne le voyez pas ?— Voir quoi ?— Mais cette… chose ! ! Horrible ! Laide ! Repoussante ! Là , dans le coin, en bas à droite !— Quoi ! Ce grain de poussière, là  ?— Mais oui ! Je l’ai trouvé sur la scène du crime en rentrant chez moi. J’étais allée faire des courses, l’appartement était vide, je rentre chez moi et je trouve « ça » par terre, juste ici même sur le carrelage ! Ce n’est que le soir que j’ai découvert la disparition du pénis de mon mari et que j’ai compris qu’il y avait peut-être un lien !— Un lien avec ce grain de poussière…— En fait, je l’ai regardé à la loupe, ce n’est pas vraiment un grain de poussière, je dirais plutôt que c’est un morceau de sciure de bois !— Intéressant… Votre voleur de pénis serait donc un bûcheron ?— Peut-être ! Remarquez : ça peut aussi être un menuisier ! J’ai toujours trouvé que les menuisiers avaient un côté pervers à tripoter des morceaux de bois comme s’il s’agissait de la poitrine d’une femme, vous n’avez jamais remarqué ?— Faut dire que j’ai jamais vraiment eu l’occasion de voir un menuisier en action…— Croyez-moi sur parole !— OK, mais selon vous, pourquoi voler le pénis de votre mari ?— Mais pour s’en servir afin de se donner du plaisir, bien sûr !— Vous ne croyez pas qu’on peut trouver facilement des sex-toys n’importe où de nos jours ?— Aucun ne saurait égaler le potentiel du pénis de mon mari, croyez-moi, et en vrai il est encore plus… Mmmmm… si vous pouviez le sentir s’insinuer entre vos fesses !— Je ne préfère pas… Mais sinon, d’autres choses ont-elles disparu ?— Un énorme poulet rôti que j’avais dans le frigo.— Le même jour que le pénis ?— Oh non, le pénis a disparu il y a six jours seulement, alors que le poulet c’était il y a deux semaines, le même jour que mon plaid, pensez donc, une si jolie petite couverture indienne que j’avais achetée lors de mon voyage de noces au Nebraska !— Madame Robinson, arrêtez donc de vous foutre de moi !Elle resta interdite quelques instants, me regardant comme si j’étais Maryline Manson en personne. Je dois bien admettre que j’avais pris un risque au cours de ce petit interrogatoire improvisé. Mais je pensais que madame Robinson avait besoin d’être un peu bousculée pour faire progresser les choses, et puis je devais bien admettre que sa conversation idiote commençait à me courir là où je pense. Poursuivant dans ma théorie je repris :— Personne ! Vous m’entendez ? Personne ! Non, personne ne va jamais en voyage de noces au Nebraska, c’est l’endroit le plus flippant, le plus chiant et le moins sexy de cette fichue planète ! De la même façon, personne ne s’éclate à se mettre une bite en plâtre dans le cul si cette bite a le corps d’une taupe et la gueule de Mickey Rourke, ce serait encore plus malsain que d’écouter Tom Cruise parler de scientologie, personne n’est aussi tordu ! Et de toute façon, pourquoi auriez-vous besoin d’un tel appareil alors que vous avez cet empaleur professionnel de Dooling qui vous besogne toutes les nuits quelques étages plus hauts ? Enfin, votre soi-disant microscopique morceau de sciure de bois pourrait aussi bien être une puce savante dressée pour faire la morte au fond d’une boîte qu’un poil de cul fossilisé d’Abraham Lincoln ! Ça ne prouve rien du tout ! Et pour conclure, l’alcool que vous nous avez filé hier soir ne ressemblait à rien de connu, et je suspecte une tentative d’empoisonnement de votre part, et ça, c’est de loin le plus grave de toute cette histoire !Je m’arrêtai, en nage, le visage congestionné, attendant sa réaction. Elle resta comme fascinée, sans rien dire, dans un état proche de la transe hypnotique transcendantale. Elle ouvrit la bouche comme pour parler, mais sans prononcer le moindre son. Son visage s’empourpra, elle ne savait visiblement plus quoi faire. J’attendais toujours, et là il se passa un truc que je n’avais pas prévu… Ses mains remontèrent vers sa gorge, cherchèrent le col de sa robe, l’empoignèrent, et tirèrent brutalement dessus. J’entendis le crac du tissu qui se déchire, je vis les marques rouges laissées sur sa peau, alors qu’elle se débarrassait de son vêtement, apparaissant brutalement en culotte et soutien-gorge devant moi, le visage plus rouge que jamais à tel point que je crus qu’elle allait nous faire une syncope.— Monsieur Booth… prononça-t-elle enfin d’une voix bizarre, toute cette disharmonie en vous…J’avoue que j’avais un peu perdu mes moyens et que c’est d’une voix hésitante que je répondis :— Euh… et vous allez me dire maintenant que votre psy joue un rôle important dans votre vie, c’est ça ?— Hé bien, voyons voir… Le Dr Williams, c’est le mercredi et le vendredi matin, séance spéciale de 10 h à 11 h, il aime me voir avec un bâillon-boule et me donner des coups de martinet. Dooling, comme vous l’avez dit, c’est tous les soirs, 7 jours sur 7, et également quatre après-midi par semaine depuis qu’on m’a volé le pénis de mon mari. Il y a aussi le facteur deux jours par semaine les semaines paires et trois fois les semaines impaires, le laitier c’est l’inverse… Le facteur aime les trucs un peu crades, mais « chut », il ne faut pas en parler, d’accord ? Et puis il y a le vendeur de journaux dans le kiosque là -bas, au bout de la rue, une pipe tous les lundis à 9 h pendant qu’il reste à son stand, il adore filer les magazines à ses clients tout en se faisant sucer sans que personne ne se doute de rien. Mais en matière d’exhibitionniste, le mieux c’est le patron du bar qui est plus loin dans la rue, un gros type qui pue la transpiration, il aime me prendre derrière la vitrine juste avant l’ouverture ; parfois les gens qui passent dans la rue s’aperçoivent de quelque chose et s’arrêtent pour mater mes seins qui se balancent sous moi…— Euh… attendez un peu, j’ai perdu le fil… Vous baisez combien de fois par jour au final ?— Entre sept et onze fois selon les jours et selon si mon mari est à la maison ou en tournée pour son travail. Aujourd’hui ce sera la troisième fois.— Comment ça « ce sera la troisième fois » ?— Ben oui, avec vous, là , tout de suite ! Parce que vous allez me faire l’amour n’est-ce pas ? Je ressens tellement de disharmonie en vous, c’est obligé ! La disharmonie me fait mouiller comme une chienne en chaleur, regardez vous-même !Et elle arracha plus qu’elle n’enleva sa culotte et me la jeta au visage. Malgré mon entraînement poussé, je ne pus esquiver le coup et me la pris en pleine poire, pouvant ainsi constater qu’elle ne mentait pas. J’eus à peine le temps d’ôter le sous-vêtement trempé de mon visage que je vis la dame qui se ruait vers moi avec un regard qui aurait fait faire demi-tour à un rhinocéros en pleine charge. Je ne pus que hurler en tentant vainement de me protéger alors que madame Robinson me percutait de plein fouet et m’envoyait chuter lourdement sur le dos ; à tous les coups c’était Dooling qui lui avait appris cette prise ! Elle me chevaucha sans attendre, me maintenant au sol dans l’étau de ses cuisses. J’eus beau me débattre, je ne réussis pas un seul instant à me libérer.— Cours de gym les mercredis, dit-elle en constatant mon impuissance, je me tape la prof à la fin, elle aime les claques sur les fesses pendant que je la défonce au gode-ceinture !Décidément cette madame Robinson était pleine de surprise ; j’espérais qu’elle n’avait pas son gode-ceinture sous la main… Elle arracha son soutif et ses seins tombèrent d’un coup. Je fermai les yeux, instinctivement.— T’as peur de te faire assommer ? Ne t’inquiète pas, ils ne sont pas si lourds que ça ! Tiens, regarde !Et elle se pencha brusquement vers moi afin de me donner ce que l’on pourra décrire comme étant un « impétueux coup de nichon à la tempe ».— Tu vois ? Ça ne fait pas si mal que ça !Et pour ajouter du poids à ses dires, elle m’en redonna un autre, puis un autre encore. J’avais l’impression d’être un boxeur se prenant des punchs en pleine tête, et même si la sensation n’était pas forcément désagréable, les lourdes mamelles de la dame me mettaient quand même du kilo dans la tronche à chaque coup. J’essayai de dégager ma main afin de la remonter sous ma veste jusqu’à mon Colt, mais sans aucun succès.— Ose me dire que tu n’aimes pas ça ! me cria au visage la dame en arrêtant sa boxe mammaire. Ose le dire ! Tu bandes comme un type qui vient de sortir de vingt ans de tôle et qui voit une pub Aubade sur un abribus ! Je le sens ! Tu veux qu’on vérifie ?Et sans attendre ma réponse, elle s’attaqua à ma braguette que j’entendis craquer sous ses doigts. Mais bon sang quelle brute ! Elle allait bien avec Dooling le catcheur ! J’allais peut-être me faire violer ? Enfin… était-ce vraiment un viol ? En ce qui me concerne, je devais bien admettre que je piaffais d’impatience en attendant la suite des opérations, car bon sang cette fille avait le diable au corps, et la chaleur qui émanait de celui-ci, je peux vous jurer que la sentais, et pas qu’un peu ! À croire qu’on m’avait planté un radiateur sur la queue !À force de déchirer mon pantalon, elle finit d’ailleurs par exhiber mon membre dur comme une poutre d’érable, ce qui la fit ronronner comme une panthère sur le point de se jeter sur sa proie.— Tu aimes les préliminaires ? me demanda-t-elle.— Ben, c’est-à -dire que ça dépend… J’aime bien boire l’apéritif avant un bon repas…Je n’eus pas le temps d’en dire plus, elle souleva un peu son bassin et s’empala directement sur ma bite qui rentra comme dans une motte de beurre à tel point que je ne sentais presque rien.— Moi, j’aime bien aller directement au fond des choses !— Ben en fait, en y repensant, il est vrai que tout dépend de la qualité de l’apéritif et de celle du repas…— Tu penses trop ! La pensée est harmonieuse ! L’action est chaotique ! Le chaos est disharmonieux !— C’est une façon de voir les choses…— C’est la mienne !Et en hurlant comme une furie, elle s’agrippa à mes vêtements à hauteur de ma poitrine et les arracha brutalement, dévoilant mon torse musclé.— Oh, tu as un flingue ?— Je suis un pro de la sécurité… Une sorte de Clint Eastwood des temps modernes !— Je parie que tu aimerais que je te l’enfonce derrière !— Euh…— Ou alors tu préfères me le mettre ? Tu veux qu’on essaye les deux ? Tu verras ce que tu préfères…— Je crois que je vais le laisser dans son étui… mais par contre je pourrais demander une faveur ?— Laquelle ? demanda-t-elle sans cesser de monter et descendre sur ma queue, ce qui faisait d’ailleurs tressauter sa grosse poitrine de la plus belle des manières, et juste devant mon visage en plus.— Libère mes mains, j’aimerais tellement pétrir tes nichons, ils me font envie !Elle réfléchit un instant sans cesser ses mouvements et répondit entre deux soupirs :— Seulement si tu promets qu’après que tu aies joui au fond de moi, tu me laisseras venir m’asseoir sur ton visage et que tu ouvriras la bouche sous ma chatte pour recueillir tout ce que tu y auras déversé ! Je veux ta parole de déshonneur !— De déshonneur ? ?— Ben oui, l’honneur est harmonieux ! Quand je baise, je ne veux rien d’harmonieux !— Bon, finalement je crois que mes mains vont rester là où elles sont…Elle sautait si fort à califourchon sur moi que je sentais les lattes du parquet vibrer sous mes reins. Heureusement qu’elle était large et lubrifiée sinon…— Mon mari disait ça aussi au début ! Et puis le jour où on a volé son pénis a été une libération ! Ce jour-là j’étais tellement en manque que j’ai failli violer Harry le Désosseur !— Qui ?— Dooling, c’est son nom de scène. Et après du coup j’en ai parlé à mon mari !— Et si tu te penchais en avant un peu plus, je pourrais au moins lécher tes tétons ! Ce serait gratuit ?— J’en ai parlé à mon mari et il est monté voir Dooling ! Et il est redescendu une heure plus tard ! Et il était comme au paradis !— T’as pas répondu à la question !— T’es pas en mesure de poser des questions !— Mais là je vais jouir ! Et j’aimerais jouir en tétant tes seins !Je ne mentais pas, je n’en pouvais plus tellement elle me baisait comme une dingue ! J’étais sur le point d’exploser, malgré mes techniques de retardement inspirées du zen.— Tu jouis quand je le désire, pas avant !— Quoi ? Mais j’y peux rien, moi ! C’est toi qui dictes le mouvement !— M’en fous ! Si tu jouis quand tu veux, c’est harmonieux ! J’aime pas ! Tu jouis quand moi je décide ! Si tu jouis avant, ou après, attends-toi au pire !Et avant même que je n’aie eu le temps de dire quoi que ce soit, elle desserrait les cuisses, prenait mes mains, les enserrait dans une poigne de fer, sortait une paire de menottes en acier (mais de où ? Je n’avais rien vu venir !) et me liait à son bon plaisir au tuyau du radiateur qui passait juste à côté de nous.— Et voilà  ! Comme ça, tu es à moi ! T’as intérêt à assurer !— Et si ça part tout seul ?— On recommence jusqu’à ce que ce soit moi qui aie le contrôle !Et elle partit d’un rire atroce, qui n’eut aucun impact sur le rythme qu’elle donnait à son bassin. J’aurais bien aimé que quelqu’un vienne l’interrompre ; n’importe qui, même Dooling. Mais pourtant je n’osais pas crier, appeler à l’aide ou quoi que ce soit…— Maître Devil Apocryph !— Hein ?— Mon maître sado-maso ! Tous les premiers dimanches du mois, je suis à lui pour toute la journée ! C’est lui qui m’a appris ce truc des menottes et de l’orgasme contrôlé !— Ben faudra que je lui rende une petite visite !— Tu n’aimes pas ce qui se passe en ce moment ?Je dus réfléchir à la situation l’espace d’une seconde ; une seule petite minuscule seconde, juste un instant de réflexion avant de répondre :Et là je m’abandonnai complètement, oubliant tout, me donnant entièrement à cette femme qui me tenait au creux de sa main, et, le lecteur excusera la grossièreté de mon langage, mais putain ce que c’était bon d’être au creux de sa main !Lorsque je revins à l’appartement, une éternité plus tard, j’entendis Karen dans la salle de bain.— Karen ?— Ah ! Don ! T’es enfin là , répondit-elle.— Oui ! Et toi ? T’étais où ? Je ne t’ai pas vu de la journée !— Oh ! J’ai enquêté à droite et à gauche ! Et toi ?— Euh… j’ai enquêté à droite et à gauche… moi aussi…— Et t’as découvert quelque chose ?Je l’entendais remuer à la salle de bain pendant qu’elle parlait, cela me contrariait, car j’aurais bien aimé y aller aussi…— Oui, des trucs, et toi ?Elle sortit alors de la pièce et se trouva face à moi dans la salle de séjour. Elle était nue, juste « vêtue » d’une serviette entourant ses cheveux.— Mais… Don… T’es passé dans un presse-purée ?Elle me détaillait des pieds à la tête, et il est vrai que je ne devais pas être très présentable… Mon froc était déchiré à l’entrejambe, mon caleçon avait disparu, je me baladais la bite à l’air, molle. Ma chemise était en lambeau, ma veste aussi, mon holster retenait un godemichet de belle taille à la place de mon fidèle Colt que j’avais perdu quelque part, mon corps qu’on devinait à travers toutes les ouvertures des vêtements montrait un nombre incalculable de balafres…— Oh Karen, si tu savais ce qui… mais ! C’est quoi, ces marques sur ton corps !Je venais seulement de les apercevoir, des marques rouges, cramoisies, sur son ventre, autour de ses seins, et j’en devinais aussi derrière, sur ses fesses et son dos.— Oh… répondit-elle, un peu gênée. Ben comme je te l’ai dit, j’ai enquêté, et Dooling m’a montré des trucs inimaginables…— Harry le Désosseur ?— Si tu connais son nom de scène, alors tu vois ce dont je veux parler ! Bon sang quel mec !— Quoi ?— Oh bon sang, oui ! Le pied qu’il m’a fait prendre ! Il m’a défoncée comme une bête, m’a montré des positions que je ne soupçonnais même pas, m’a fait jouir huit fois ! Non, mais t’imagines ? Le mieux que t’aies pu faire était deux fois en cinq heures ! Enfin… je ne dis pas ça pour te vexer, hein ? C’était bien quand même…— Ben, en l’occurrence, si, tu me vexes un peu là , quand même…— Ben et toi ? C’est quoi cet état délabré ?— Ne change pas de sujet, s’il te plaît !— Si tu ne me racontes pas en détail, je te fais la gueule pendant un mois !— Mais vous vous êtes toutes liguées contre moi aujourd’hui ?Le lecteur me pardonnera, mais je ne vois pas trop l’utilité de m’épancher ici. Il faudra juste retenir que je racontai juste l’essentiel à Karen : comment mon flingue avait été remplacé par un vibro, comment des marques rougeâtres étaient subitement apparues sur mon dos et mes fesses, comment mon caleçon avait disparu, pourquoi je me retrouvais avec un porte-jarretelles dans la poche intérieure de ma veste, pourquoi les restes de mon pantalon sentaient si fort le pipi, pourquoi j’avais la bite en feu et pourquoi j’avais un plug enfoncé dans le derrière… (d’un autre côté, si elle avait su à quel point mes couilles étaient vides, elle ne m’aurait pas pris en pitié comme elle le fit, alors j’étais plutôt content de moi).Le soir tombait peu à peu, et derrière les volets fermés la pluie faisait rage, pour ne pas changer… Nous ne nous étions rien dit de plus dans l’après-midi. Nous avions compris… nous étions aussi morts que les zombies d’un film de Romero. Nous nous étions affalés sur le lit côte à côte, et ce malgré ses réticences lors du début du séjour. Plus tard dans la soirée, après une sorte de coma mutuel, Karen avait ramené des plats du traiteur chinois et une poche de glace qu’elle avait gentiment posée sur mon entrejambe sans un mot. Elle était précieuse, Karen…Elle s’était également arrêtée au drugstore et avait rapporté un tube de crème qu’elle me tendit afin que j’en tartine les marques sur ma peau. Je fis semblant de ne pas voir qu’elle s’était servie du tube pour elle-même avant de me le donner…Nous mangeâmes un riz mêlé à des trucs impossibles à déterminer, mais l’ensemble n’était pas mauvais. Elle avait même ramené un pack de six de Corona bien fraîches. Elle était gentille Karen…Nous finissions chacun notre bière en nous regardant à travers du lit. Il était temps de parler.— Alors, Dooling, il t’a dit des trucs ?— J’ai appris beaucoup sur lui… C’est un pervers, mais il n’a pas forcément aussi confiance en lui qu’il veut bien l’admettre, en fait c’est juste un beau parleur, et après il se pose tout un tas de questions existentielles. Par contre si tu réussis à le pousser au pieu, là il devient un super coup. Une terreur ! Brutal comme un ours si t’as envie qu’il le soit, doux comme un agneau si tu préfères comme ça, inventif, à l’écoute, imaginatif, joueur, attentionné… bref l’amant parfait selon moi. Et en plus avec ça un physique génial, des pectoraux durs comme de l’acier, des abdos en tablette de chocolat, des bras comme des poutres, une queue longue et travailleuse…— Je voulais dire : est-ce qu’il t’a dit des trucs en rapport avec l’enquête !— Ah, l’enquête… On lui a fauché son peigne il y a quelque temps ! Et crois-moi, il faut être taré pour faucher le peigne d’un type qui se fait appeler « Harry le Désosseur » ! Et il a entendu également à plusieurs reprises du bruit dans l’escalier. À chaque fois il pensait que c’était l’un ou l’autre de ses partenaires de sexe, mais c’était plutôt une sorte de fantôme…— En gros la même histoire que madame Robinson… Des choses ont disparu chez elle, un poulet rôti, un plaid, le pénis de son mari…— Hein !— Oui enfin, la réplique en plâtre du pénis de son mari…— Hein !— Oui, elle possédait une réplique en plâtre du pénis de son mari, c’est depuis qu’on l’a volée qu’elle a découvert les plaisirs de la chair avec Dooling.— Ah comme elle doit être heureuse !— En même temps, toi, tu es heureuse avec n’importe qui du temps que ce ne soit pas moi !— Médite là -dessus et pose-toi des questions sur toi-même…— Bref, il nous faut un plan pour ce soir !— Il s’est passé quoi d’autre chez madame Robinson ?— Euh… rien de vraiment passionnant ! En tous cas rien qui concerne notre enquête.— Il faudra que tu me racontes un jour en détail ce qu’elle t’a fait au juste pour te mettre dans cet état ; ça pourrait me donner des idées…— Justement, je n’ai pas envie de te donner ce genre d’idée, une fois de temps en temps c’est sympa, mais si ça devenait une généralité j’aimerais sûrement un peu moins…— C’est ce que tu dis…— C’est ce que je pense ! Et puis n’oublie pas que nous sommes monsieur et madame Booth uniquement pour l’enquête !— D’accord, comme tu voudras. Et quel est le plan alors ?— Ce soir je vais traîner en bas, dans la salle commune, à l’écoute de tout ce qui pourrait se dire ou se passer. Toi pendant ce temps tu resteras ici en essayant de surveiller les étages.— OK, et si l’un de nous voit un truc étrange, il prévient l’autre d’une façon ou d’une autre !— J’y vais alors ! Le temps de trouver des fringues pas trop abîmées… Ah zut, je n’ai que cette espèce de vieille robe de chambre !— Tu vois, j’avais raison d’emporter plein de fringues de rechange ! Tu vas être ridicule !— Bof, avec ce t-shirt en dessous et ce petit foulard que je vois dans ta valise ça ferait presque gentleman anglais en vacance ; un peu plus et je passerais pour un touriste canadien !— Tu veux tes chaussures ?— Non, ça ferait ridicule, je vais mettre mes pantoufles, ça restera dans le ton. Mais toi, tu n’es pas trop fâchée de rester en retrait ?— Oh non, répondit-elle un peu vite à mon goût, ça m’évitera de goûter l’horrible breuvage de madame Robinson !— Si elle ose se pointer ! Après ce que je lui ai mis cette après-midi !… Et pourtant elle était bien là , l’air de rien, fraîche comme une rose, tournant et se faufilant entre les gens avec sa bouteille de tord-boyaux à la main, pendant que mon honorable fessier se rappelait certaine choses qu’elle avait eu l’audace faire quelques heures plus tôt.Nous étions quelques-uns attroupés autour de la table de billard : madame Robinson était là , comme je le disais, ainsi que Trout, Maxwell et madame Kuck. Je m’étais lancé dans une partie de billard endiablé avec Maxwell et il était clair qu’aucun de nous n’était prêt à lâcher l’affaire. Je dévoilai toute ma science dans le maniement de la queue face à un adversaire accrocheur qui, ma foi, savait exactement où il voulait en venir. Toutefois, petit à petit je prenais l’avantage. Je me concentrais pour frapper un coup qui allait me permettre de prendre une solide avance, mais au moment où je déclenchais mon mouvement j’entendis madame Robinson dire à madame Kuck :— Comme je vous le disais, à fond dans le cul ! Et je ne sais pas jusqu’à quand il l’a gardé ! En tous cas il avait l’air d’adorer que je lui mette ce plug ! Sa queue frétillait !— Hé bien Mr Booth, intervint Maxwell, faites attention, vous avez failli abîmer la table de billard. Mais je ne saurais m’en plaindre : vous me laissez en bonne position pour le coup suivant…Et alors que le proprio se préparait, la queue à la main, j’entendis la réponse de madame Kuck :— Bof, c’est un bon début, mais une fois, sur mon ordre, ce petit toutou de Maxwell a gardé le plug pendant 48 heures, alors vous avez encore du chemin à parcourir !Et pour le coup, c’est mon honorable proprio qui se vautra complètement et expédia sa boule totalement à côté de l’objectif pendant que je ne pouvais m’empêcher de sourire.— Vous savez, je m’y connais en boules, car un jour, lors de la retraite de Russie, sur la Berezina… commença Trout.— Non Trout ! coupa Maxwell, vous n’étiez pas à la Berezina !— Ah ? Et pourquoi donc ?— Car vous n’étiez pas né ! C’était il y a 200 ans ! !Réussissant miraculeusement à les oublier, j’étais sur le point de jouer mon coup, mais alors j’entendis en fond sonore madame Robinson qui disait :— N’empêche que je suis bien contente d’avoir des esclaves de ce genre ! De nos jours, une bonne baise ne se refuse pas ! Je vous le prêterai, la prochaine fois, vous verrez, il devient docile très vite et il bande sur commande !Et je loupai encore mon coup ! La partie allait devenir tendue, et je me dirigeai vers les deux dames, bien décidé à mettre fin à la conversation, mais je me pris les pieds dans mes pantoufles et m’étalai de tout mon long, la robe de chambre remontée très haut sur les fesses.— Ah oui, commenta madame Kuck, effectivement, un fessier comme ça, ça donne des idées ! Regardez Maxwell, qu’en pensez-vous ?Je n’avais pas envie que Maxwell mate mon cul et je me relevai en hâte, mais madame Robinson reprenait :— La prochaine fois, je le travaille au gode de 40 cm de long ! Ça le fera hurler, mais j’adore ça ! Quand je pense que si on ne m’avait pas volé le pénis de mon mari…— C’est les petits hommes verts, intervint Trout.— C’est toi qui es vert, dit madame Kuck, t’es vert de rage ! Vert de rage de voir qu’on prend notre pied avec des mecs qui sont capables de bander alors que toi tu n’as qu’un vieux détritus tout mou entre les jambes !— S’il vous plaît, Madame, voyons, intervint Maxwell.— La mollesse, c’est à cause des essais nucléaires, renchérit Trout, tu le sais très bien !— Bon, toute cette histoire, ça va être vite vu, cria madame Kuck.Et elle me prit ma queue de billard des mains et la brandit devant Trout avant que je n’aie pu faire le moindre geste.— Maintenant, si t’as pas une bite dans la bouche tout de suite, tu auras droit à une séance de flagellation ce soir ! Suce, et comme ça tu verras ce que c’est qu’une bite bien dure !Voir ainsi la madame Kuck que je croyais connaître me réconfortait : je l’imaginais finalement plus dans le rôle de la dominatrice que dans celui de la fille qui se faisait prendre par le catcheur du cinquième… Mais toutefois j’intervins, uniquement par goût de l’être humain :— Euh, pardonnez-moi, mais vous ne croyez pas que vos propos sont un peu durs envers ce pauvre homme ?Elle me regarda comme si je venais de dire qu’Arnold Schwarzenegger serait le prochain président des USA et articula :— Hein… mais je croyais que vous étiez avec nous dans notre expérience sado-maso…— Je le croyais aussi, déclara Maxwell.— Moi aussi, dit Trout, même si je pense que la CIA a fomenté un complot pour évincer Kennedy ; je le sais !— Quel est le rapport entre moi et Kennedy ? demandais-je.— Eh bien il y en a pourtant un, répondit Trout. Voyez-vous lorsqu’Oswald a soi-disant tiré, j’étais juste à côté, et en fait la balle qu’on a pompeusement appelée « Pièce à conviction 399 de la Commission Warren » a en fait été…— On s’en fout ! déclara madame Robinson.Mais c’est alors qu’un cri résonna plus haut dans l’immeuble… un cri strident… un cri de femme…— Ah ! Dooling s’éclate, commenta madame Robinson.— Qui est avec lui ? demanda madame Kuck.— Pourquoi crier comme ça ? ajouta Maxwell.— L’assassinat de Lincoln, j’y étais aussi, je peux vous raconter ! clama Trout.— Karen… dis-je en montant l’escalier à toute vitesse.J’entendis derrière moi les autres qui suivaient tout en continuant leurs discussions.En un rien de temps j’arrivai au quatrième et défonçai ma propre porte, mais l’appartement était vide comme le cerveau d’une star de la télé-réalité.— L’étage au-dessus, cria Maxwell en passant sur le palier.— Partouze sado-maso, ajouta madame Robinson avec un air de satisfaction intense en passant à son tour sur le palier derrière moi.— Les coups de règle sur les fesses me sont réservés, n’oubliez pas que j’en ai le copyright, cria madame Kuck en passant à la suite.Seul Trout, qui arrivait loin derrière, tout essoufflé, s’arrêta à la hauteur de mon palier et prit le temps de me regarder à travers le chambranle de la porte que je venais de défoncer. Et il me dit :— Je sais !— Vous savez quoi ?— Je sais ce que vous avez fait !— Quand ? Où ?— Là où vous étiez ! Et vous y étiez ! Je le sais ! C’était vous !— Vieux fou !Mais les cris reprenaient, et cet organe je le reconnaissais immédiatement : Karen m’avait assez crié dessus pour que je détecte le son de ses cordes vocales à un kilomètre de distance. Je bousculai Trout qui me parlait des hommes verts du grenier et montai les marches pour arriver devant la porte du catcheur, porte devant laquelle tout le monde était agglutiné et à travers laquelle perçaient les cris de mon assistante.Je me ruai sur le battant en poussant un cri de bête et me fracassai l’épaule sans résultat.— Ah quel bel effort, dit madame Robinson, on aurait dit Jack Nicholson dans Shining !— Moi je voyais plutôt Anal Fatal dans Viole-moi l’anus avec le tuyau du lavabo, vol. 19 !— Nous n’avons pas les mêmes références…— Moi, je me rappelle plutôt Marie-Anne Charlotte de Corday en train d’essayer de rentrer dans les appartements de Marat, déclara Trout.— Ben oui, bien sûr, vous étiez aussi témoin de la Révolution française, répliqua madame Kuck !— Non, c’est un ami qui m’a raconté ! Moi pendant ce temps, j’étais à Saint-Domingue et je participais à l’abolition de l’esclavage ! Je ne pouvais pas tout faire ! D’ailleurs je crois qu’elle a fini par y entrer assez facilement ; les dames ont toujours ce qu’elles veulent !— Moi, intervint Maxwell, je pense surtout qu’avant d’essayer de défoncer une porte en chêne massif nous devrions juste essayer de tourner la poignée…L’idée n’était pas bête, je tournai la poignée…et…ben, la porte s’ouvrit, vous vous attendiez à quoi ?Je pénétrai en trombe dans l’appartement du catcheur en hurlant comme Céline Dion un soir de concert, et trouvai ma jolie Karen attachée, nue, en travers le lit, les yeux bandés, des marques de flagellation sur le ventre, les cuisses et les seins.Les autres m’avaient suivi, et j’entendis mesdames Robinson et Kuck crier « génial » et se jeter sur ma pauvre assistante en brandissant des martinets. Je hurlai :Tout le monde se figea, et je savourai cet instant… pour une fois que les gens faisaient ce que je leur disais…Mais Harry le Désosseur sortait de la salle de bain, entièrement nu, le sexe tendu (Mon Dieu, la taille de son bazar ! ! ! ! !), une capote XXL recouvrant l’engin. Il brandissait un fouet dans la main droite pendant qu’il écartait les gens de sa main gauche.— Elle est à moi ! criait-il. Elle s’est donnée à moi !— On se la partage ! déclara madame Robinson avec aplomb.— Ça coûtera cher ! répondit le catcheur.— Combien pour la prendre par le cul avec mon gode-ceinture ?Le colosse réfléchit un instant avant de répondre :— Tu fais le ménage chez moi !— Ah ! Quelle horreur ! Mettre de l’harmonie quelque part ! J’en mets déjà assez chez moi, je ne supporterais pas d’être doublement maniaque !— À toi de voir…— D’accord, finit-elle par concéder…— Et toi ? demanda le catcheur à madame Kuck.— Toi, tu la prends par-devant, la mère Robinson par derrière, et moi je m’assois sur son visage pour qu’elle me lèche pendant que je lui pince les tétons ! Ça coûterait combien ?Là encore il réfléchit…— Tu donnes un petit plaisir à Trout ! Il l’attend depuis si longtemps !— Depuis 1853 que j’ai pas joui ! hurla l’homme, la bave aux lèvres. Je me souviens, c’était pendant le siège de Wuchang ! Une petite métisse à la chatte serrée…— T’es dégueulasse Dooling !— Tu veux ou tu veux pas ?— Oui, elle veut, dit madame Robinson. Laisse-nous de la place maintenant !— Et ceux-là , dit le catcheur en nous désignant.— Ho, répondit madame Kuck, ils n’ont qu’à se branler en nous regardant ! Mais attention, pas de jouissance !— De toute façon, j’ai un round avec toi, hurla Trout, je garde tout en ton honneur !— Moi, je reste sage, ajouta Maxwell.— Allez vous faire voir ! Vous ne faites rien avec Karen tant que j’ai pas son accord, dis-je.— Ils font ce qu’ils veulent Don, me dit Karen, laisse-les !— Ben… c’est-à -dire que ça me pose un problème, dis-je.— Lequel ? demanda Dooling.— J’aurais bien aimé participer…— OK, pas de soucis, tu te branles en la regardant se faire baiser par nous, et à la fin tu jouis sur sa bouche !— Tu jouis seulement si je t’en donne l’ordre, renchérit madame Robinson, n’oublie pas !— Euh… ça coûte combien ça ?— Presque rien, après tu m’offres ton cul pour une sodo…— Il fera ça très bien, je t’assure, intervint une nouvelle fois madame Robinson.— Bon, vous savez quoi ? J’ai une autre idée, dis-je.— Ah ? Laquelle ?— Je pisse à la raie de madame Kuck avant de lui défoncer la chatte, après je me fais une petite branlette espagnole entre les seins de madame Robinson, j’encule Dooling et je termine en me tapant Karen !— Mais voyons, Don, intervint cette dernière ; tu sais bien que physiquement parlant, tu n’en es pas capable…— Là , vous n’avez plus rien à dire, déclara madame Kuck.Et sans rien ajouter, elle se dévêtit pendant que madame Robinson faisait de même. Les seins de cette dernière contrastaient avec ceux, léger, secs et petits de madame Kuck. Madame Robinson n’attendit pas plus longtemps et prit dans son sac à main un énorme gode-ceinture qu’elle enfila. Cette vision de cette noble dame me causant un certain émoi, je tournai la tête et considérai de plus près madame Kuck qui, entièrement nue, se plaçait face à moi sur le lit, la chatte vers nous, le cul vers le mur. Elle vint s’accroupir sur le visage de Karen qui, les yeux bandés, mais la bouche libre, n’en demandait visiblement pas tant. En tous cas nous vîmes tous la langue de ma charmante assistante s’agiter en tous sens sur la vulve de l’honorable dame qui se mit très vite à gémir en commentant les performances de Karen.Du coin de l’œil, je vis madame Robinson et son énorme engin se glisser sous une Karen totalement consentante qui vient empaler son petit trou droit sur la bite en plastique de madame Robinson. Elle ne poussa même pas un soupir ni un gémissement. Elle était brave cette Karen…Dooling vint alors se mettre par au-dessus, son énorme queue à la main, dirigée droit vers le vagin de Karen, et je dois bien admettre que j’eus un pincement au cœur en le voyant s’enfoncer là -dedans ; j’aurais aimé être à sa place…En regardant autour de moi, je voyais Trout qui avait sorti une petite queue à moitié molle de son froc et qui se faisait durcir en haletant. Maxwell, lui, était effectivement resté sage, même si une bosse déformait son pantalon pendant qu’il matait Karen en train de se faire prendre de partout.D’où j’étais je n’en perdais pas une miette. J’avais dû faire un mouvement de côté pour mieux apercevoir la scène quand madame Kuck s’était penchée en avant pour pincer les tétons de Karen, mais je voyais assez distinctement mon assistante se faire démonter par les trois voyous qui la besognaient.La chatte de madame Kuck dégoulinait dans la bouche de mon assistante qui prenait le plus vif plaisir à tout lécher, s’attardant sur le clito de la dame et explorant le moindre pli de sa vulve trempée. Pendant ce temps Dooling y allait de bon cœur dans la chatte de Karen, la défonçant comme une brute avec son énorme gourdin de la taille de l’Empire State Building. Madame Robinson, en dessous, ne faisait finalement rien, elle se contentait d’attendre que Dooling rabatte Karen vers elle : à chaque fois qu’il défonçait la chatte de la jeune femme, elle venait s’affaisser sur la bite en plastique que madame Robinson mettait à sa disposition à l’étage en dessous.Karen criait, suffoquait à moitié sous la mouille de madame Kuck, se faisait déchirer par les bites de Dooling et de madame Robinson, et je voyais d’où j’étais le pied qu’elle prenait. Mais alors, madame Robinson se mit à crier :— Hey ! Don Booth ! Tu te crois où ? Tu ne mates pas comme ça ! Je te préviens que je vais te donner la punition que tu mérites !— Oh oui ! Moi aussi, ajouta madame Kuck. Tu dois rester tranquille et pourtant je vois bien que tu t’astiques le manche !— Aïe, Don, tu vas avoir droit à deux punitions en même temps, et de la part de ces deux furies, tu risques gros, ajouta Dooling.— Don ! Arrête tes conneries, articula péniblement Karen avec une bouche emplie de mouille. Tu as résolu l’affaire, va voir tes chaussures et laisse-moi en finir avec ceux-là  !Euh… Attendez… il s’est passé quoi là  ? Résumons : Karen se fait prendre par-devant par un mec, par-derrière par une fille en gode-ceinture, et sa bouche est occupée par la chatte d’une autre, et moi je mate et je me branle, parce que, oui, j’étais effectivement en train de me branler en regardant cette partouze. Et là , je crois qu’elle m’a dit un truc important…Mes chaussures ?J’arrêtai de me branler, malgré les regards totalement abasourdis de Maxwell, et je regardai mes pieds. Je portais des pantoufles tout ce qu’il y avait de plus classiques… Je ne comprenais pas… Et puis d’un seul coup la lumière se fit : mes chaussures ! Elles étaient dans l’appart ! Je descendis d’un étage, ignorant les cris des autres, et débarquai à nouveau dans mon logement à travers la porte que je n’avais pas pris la peine d’ouvrir un peu plus tôt et qui béait sur le palier. Mes chaussures étaient là , posées au sol. Je les pris, et…Et quoi au juste ? J’étais censé en faire quoi ? Je remontai quelques marches dans l’escalier afin de poser la question à Karen, mais des hurlements de sauvage me parvenaient de l’appart de Dooling et je n’avais en fait pas envie d’y remettre les pieds. Je regardai à nouveau mes chaussures : simples godasses de cuir brun, avec des lacets tout ce qu’il y avait de plus quelconque, avec une semelle elle aussi totalement quelconque, pleine de poussière récoltée à droite et à gauche, et…La poussière !Non !Pas de la poussière ordinaire !De la sciure de bois !La même que le petit bidule ridicule dans la boîte de madame Robinson !Où avais-je ramassé ça ?Je n’étais pas sorti de l’immeuble depuis le matin !Je fis dans ma tête le cheminement de la journée : mon appart, l’escalier, le rez-de-chaussée, l’escalier, mon appart, l’escalier, le grenier, l’escalier, l’appartement de madame Ro…Le grenier !Le grenier, de là où étaient venus les bruits !Le grenier qui était accessible par une trappe au pied de laquelle on avait retrouvé la chaise de feue madame Rochester !Le grenier dans lequel on trouvait un bois pourri qui laissait une sorte de sciure poussiéreuse sur le sol !Le grenier !Je fonçai dans les escaliers et me heurtai à une silhouette massive qui errait sur le palier. Grimaçant un juron, je sortis mon Colt… et je m’aperçus trop tard que mon holster ne contenait pas un flingue, mais un vibro ! Je brandissais un Jack Rabbit tout frétillant devant mon agresseur, et je dois bien admettre que je n’en menais pas large ! Je m’attendais à une pluie de coups au milieu d’un déluge de cris, et après, quand le méchant m’aurait rossé, j’entendrais son rire qui me poursuivrait pendant toute ma vie !Et pourtant une voix me dit, dans la semi-obscurité :— Ah ! C’est pour moi ce gode ?Et cette voix…Je la connaissais…— Monsieur Robinson ?— Ben oui, c’est moi ! Pourquoi essayez-vous de me frapper avec votre machin ? Si vous voulez vous en servir, je vous conseille d’essayer plus bas, j’aime pas sucer du plastique !Je rangeai le gode dans mon holster en pestant, puis repris :— Mais vous n’êtes pas censé être en livraison ?— Oh vous savez, si vous voulez vous taper ma femme, vous n’êtes pas obligé d’attendre que je sois parti… Ne vous dérangez pas pour moi, et puis je regarderai avec plaisir d’ailleurs ! Je bande quand je la vois faire la chaude avec un autre ! Vous avez une petite bite ? Ça la fait mouiller à mort, les petites bites… Pire que le Missouri et le Mississippi réuni ! Si vous tentez le cunni à ce moment-là , prenez un masque et un tuba ! Mais c’est juste un conseil bien sûr… Mais c’est quoi ces cris à l’étage supérieur ? Dooling ?Avais-je le choix ? J’attaquai de face :— Vous voulez retrouver votre bite ? Alors, suivez-moi !Nous montâmes à toute allure, passant devant le cinquième sans même jeter un œil à l’intérieur… enfin… si, je dois bien admettre que je regardai suffisamment pour voir que les choses avaient changées : Karen était désormais à quatre pattes sur le lit, le visage collé contre la chatte de madame Kuck qui hurlait de plaisir en plaquant le visage de mon assistante entre ses cuisses. Pendant ce temps, Dooling était en dessous, Karen plaquée contre lui pendant qu’il lui défonçait la chatte que je devinais grande ouverte alors que madame Robinson continuait d’agiter son gode-ceinture dans le cul de la jeune femme, mais cette fois en levrette par-derrière. Tout le monde semblait prendre son pied, même Trout qui, les yeux révulsés, criait que ça lui rappelait le Fezzan. Seul Maxwell sembla garder un semblant de cohésion en nous voyant passer et se mit en tête de nous suivre, abandonnant ainsi le reste du groupe.C’est donc à trois que nous arrivâmes au pied de l’échelle menant au grenier.— Quelqu’un a une lampe torche ?— Oui, me répondit Maxwell, je vais la chercher chez moi !Il fut à peine parti que Robinson me dit :— Au fait, ce n’était pas ma femme que j’ai vue en train de défoncer le cul de ta femme ?— Ma femme ?Je me souvins que Karen était censée être Madame Booth, mais cela avait-il encore de l’importance ?— Ben écoute, il faut croire que nos femmes s’entendent bien !— Oui, je le crois aussi ! Peut-être qu’on pourrait les imiter ?— Euh… on en reparlera… un de ces jours… promis !Heureusement que Maxwell revint à ce moment, tenant deux lampes torches à la main. J’en pris une et montai dans le grenier, suivi par Robinson, Maxwell fermant la marche avec la deuxième lampe.Arrivés en haut, il n’y avait pourtant rien à voir…— Pourquoi venir ici ? demanda Maxwell.— Oui, c’est désert, ajouta Robinson qui de toute façon n’avait rien compris à l’affaire.— Parce que, répondis-je, votre femme a récupéré chez elle un fragment de sciure de bois le jour où on a volé votre pénis, et que, si vous regardez bien au sol, vous verrez de la sciure de bois du même type. Elle provient des poutres qui sont vieilles et rongées par les insectes. Ça veut dire que celui qui a volé votre bite n’était pas forcément bûcheron ou menuisier, mais juste qu’il était passé dans votre grenier avant de visiter votre appartement ! Allez, montrez-vous, qui que vous soyez ! Nous savons que vous êtes là  !J’avais lancé ça un peu en l’air, mais pourtant cela avait fonctionné, car c’est alors qu’une partie de l’un des murs pivota, révélant une alvéole secrète assez vaste pour contenir un homme. Et d’ailleurs ça tombait bien, car dans l’alvéole en question se tenait justement un homme, petit, trapu, et vêtu d’une sorte d’horrible costume vert…— Le voleur, ajouta Maxwell.— Ma bite ! clama Robinson en apercevant un objet difforme et horrible posé sur le sol de la petite niche.— Les petits hommes verts, murmura Trout qui s’était glissé au grenier sans que personne ne l’aperçoive…À peine quelques minutes plus tard, tout le monde était dans l’appartement de Maxwell face au petit homme vert.— Comment peut-on porter un costume aussi moche ? demanda madame Robinson.— On s’en fiche, répliqua son mari, l’essentiel est de savoir pourquoi il a volé ma queue !— Moi je voudrais surtout savoir pourquoi il a pris tous ces objets chez les uns et les autres ! ajouta Maxwell.— Et moi j’aimerais bien savoir pourquoi personne n’a pensé à impliquer Marlon Brando dans le scandale du Watergate alors que je faisais pourtant équipe avec lui pour poser les micros, ajouta Trout.— Attendez, je suis sûr que ce type au costume affreux a forcément bien des réponses à nous donner ! Allons, parlez !Et il faut croire que ma voix avait un certain effet, car le petit homme habillé de vert parla :— Si je porte un costume aussi moche, c’est parce que je n’ai pas le budget nécessaire pour en porter un meilleur. En fait je suis un agent de la CIA. Je suis chargé de surveiller le dénommé Maxwell ici présent, nous le suspectons d’espionnage pour le compte du Bangladesh ! Alors je me suis introduit dans ce grenier afin de l’observer à travers les lattes du plancher disjoint. Mais comme vous le savez peut-être, les budgets ont été plutôt serrés ces derniers temps, alors pour survivre j’ai dû improviser. J’ai alors emprunté divers objets dans les appartements : un peigne, un peu de nourriture, une couverture…— La chaise de madame Rochester ?— J’en avais marre d’être debout pendant mes surveillances, alors j’ai eu l’idée de la piquer, mais l’un de vous passait par là alors j’ai dû l’abandonner en cours de route… ce monsieur, là , le dénommé Trout !— Ben oui, je l’ai déjà vu, le petit homme vert, je vous l’avais dit !— Ma bite ? demanda Robinson.— Je me sentais seul… physiquement.— Si tu veux la vraie après t’être tapé la réplique…— Ce sera avec joie, elle m’a donné envie !— Mais la vraie question, dis-je alors, c’est de savoir si Maxwell est oui ou non un agent secret !— Oh ! Ça, je peux vous le dire facilement tellement c’est évident ; mais peut-être que ce serait encore mieux qu’il vous le dise lui-même… mais où est-il passé ?Tout le monde regarda autour, mais Maxwell avait effectivement disparu !— Je crois que sa culpabilité ne fait pas de doute ! argumenta Robinson.— Mais pourtant… il m’a engagé comme détective, précisai-je. Pourquoi ?— Vous ? Un détective ? Ben si je m’y attendais… commença Trout.— Je pense qu’il n’avait pas trop le choix, répondit madame Robinson. Tous les locataires de l’immeuble lui ont mis la pression suite aux disparitions d’objets. Il devait faire quelque chose sinon la police aurait peut-être fini par être alertée…— Au fait, ajoutai-je, quelqu’un a vu Karen ?— Oh, elle allait très bien quand je l’ai quittée, répondit madame Robinson, elle s’éclatait avec Harry le Désosseur et madame Kuck…La nuit avait été courte… beaucoup trop pour moi en tous cas. Les valises étaient faites, et vu que Maxwell avait disparu durant la nuit plus personne n’était là pour les porter… C’est moi qui m’y collai, malheureusement pour mon dos.Le type de la CIA, l’étrange homme vert, avait disparu lui aussi. D’après ce qu’il nous avait dit, une enquête approfondie serait menée contre Maxwell pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi. Quant à Karen et à moi, faute d’employeur, il ne nous restait plus qu’à prendre nos affaires et à disparaître.On nous avait toutefois prévu une petite séance d’adieu, et en arrivant dans le hall nous tombâmes entre les mains de Dooling, des Robinson, de madame Kuck et de Trout. Il nous fallut un temps fou pour réussir à nous extirper de leurs pattes sympathiques, mais un peu encombrantes. Mais alors que Karen était déjà montée dans ma vieille Ford et que je m’attardais à ranger les bagages dans le coffre, la voix de madame Robinson s’éleva depuis le trottoir :— N’oublie pas ! Tu me dois une punition depuis hier soir !— Tu m’en dois une aussi, ajouta madame Kuck de sa voix aigre.— Et moi je vous rappelle que quelqu’un a toujours mon Colt et que j’aimerais le récupérer ! Je garde son Jack Rabbit en otage en attendant !— Eh bien ce sera une troisième punition alors, tu sais à quoi t’en tenir, Don Booth ! Tu vas souffrir comme jamais ! Et tu aimeras ça !— Oui, ajouta madame Kuck, nous allons te rendre fou !— J’en serai aussi, ajouta Dooling.— Tiens, en parlant de fou, dit alors Trout…Je n’écoutais plus, j’étais monté dans la voiture et je démarrai, laissant cette bande de dingues derrière moi. Sur le siège passager, Karen ne disait rien, je la sentais nostalgique. L’étais-je aussi ? Devais-je faire demi-tour et assumer mes punitions ? La perte de mon fidèle Colt me causait un coup au moral… Et ces punitions d’ailleurs, tout le monde en parlait, mais au final quelles étaient-elles ? Voilà un mystère de plus… Un mystère que je résoudrai peut-être… un jour… quand j’en aurai le temps… et l’envie…J’appuyai sur l’accélérateur et la voiture bondit sur le macadam.— Il faudra prendre à gauche à l’intersection, me dit Karen.— Ton GPS ?— Non, mon bon sens.Je pris finalement à droite…
