Assise à mon bureau, je fais mine de finir un dossier, évitant ainsi de saluer mes collègues qui quittent peu à peu le bureau avec une joie trop forcée pour être naturelle. Je les entends rire et parler fort, échangeant sur leur soirée, forcément magique, de la Saint-Valentin.Je me retiens de leur hurler que leurs mecs sont forcément infidèles, comme Marc, dont j’attends pathétiquement depuis ce matin l’appel. Ce devait être notre première Fête des Amoureux, comme il me l’a promis depuis des semaines, et à vingt-huit ans, je crois encore aux contes de fées.Marc est beau comme un dieu, mais marié comme un imbécile ! Il ne pouvait pas m’attendre au lieu d’épouser cette blondasse débusquée sur son profil Instagram, qui lui a fait deux enfants en trois ans pour le tenir par les couilles, ou au moins par le porte-monnaie ?Je l’ai rencontré un soir dans un pub où son regard insistant sur mes formes généreuses de brune à la peau mate a fini par attirer mon attention, puis mon corps que je lui ai offert sans retenue, me laissant prendre à la hussarde, plus tard, dans les toilettes de l’établissement…Je suis une fille facile, pensez-vous ? Pas du tout, mais ce soir-là j’ai cru rencontrer mon âme sœur et me suis donnée sans hésitation, débutant ainsi notre histoire qui dure depuis presque un an, mais il faut bien avouer que le bilan comptable est bien maigre au bout de ces quelques mois… Seulement trois nuits passées ensemble, au gré d’absences de sa femme et de ses gosses, et une flopée de moments volés, d’abord excitants, puis de plus en plus frustrants au fil du temps.En tant qu’analyste financière, je déconseillerais ce type de placement à n’importe quel client, mais quand la passion est là, la raison s’éloigne !Un dernier regard sur mon portable me confirme que Marc ne profitera pas de la lingerie sexy achetée pour l’occasion et c’est d’un geste rageur que je range mon iPhone dans mon sac après avoir éteint mon PC.Ma colère est telle que je ne peux m’empêcher de lâcher tout haut ce que je pense tout bas.— Il ne t’a pas appelée ?Une voix féminine légèrement rauque me fait sursauter.— Tu m’as fait peur !Je souris à Anne, ma seule amie dans cette boîte de requins. Ma jolie collègue est aussi blonde que je suis brune, aussi fine que je suis… comme je suis, et aussi lesbienne que je suis hétéro. Et pourtant on s’entend super bien sans vraiment se connaître.À l’aise, elle s’assoit sur le bord de mon bureau sans se préoccuper de la vue qu’elle m’offre ainsi sur sa cuisse gainée de nylon noir.— Il baise sa femme ce soir ?Même pas surprise par sa question directe, je lui réponds sans fausse pudeur.Elle me regarde, compatissante mais espiègle.— Tous les mêmes, ces mecs mariés ! Tu devrais essayer les femmes.Je ris à cette blague éculée qui provoque toujours la même réplique.— J’en parlerai à mon cheval.Nous rions de bon cœur, sachant l’une et l’autre que cela reste de l’ordre de la plaisanterie de potaches sans matérialité possible. Je ne suis pas une oie blanche, mais les femmes ne m’ont jamais attirée sexuellement, même si je sais reconnaître le charme de certaines dont Anne fait partie.Nous bavardons encore quelques minutes durant lesquelles je ne peux m’empêcher de regarder mon portable, espérant malgré tout un message de dernière minute m’invitant – soyons folles – dans un hôtel de charme. En vain ! Ce stupide iPhone reste muet, confirmant ainsi que je suis une conne amoureuse d’un salopard.Anne remarque mon exaspération, mais n’en profite pas pour me faire inutilement la morale, m’abandonnant bientôt à ma propre solitude avec un dernier conseil.— Ne mange pas trop de Nutella, Émilie.Je ris nerveusement.— Et toi, elle s’appelle comment ton rencard de ce soir ? lui demandé-je en la regardant s’éloigner.— Netflix.— Sérieux ?— Eh oui ! Les parents de ma belle ne l’ont pas laissée sortir. Elle a cours demain.Interloquée par cette confession inattendue, je reste sans voix, le regard sur sa silhouette qui disparaît bientôt dans la cabine d’ascenseur. ********Le moteur de ma voiture est éteint si bien que je commence à me geler les pieds, alors que je bous de l’intérieur.Je n’ai pas pu m’en empêcher. En quittant le bureau, je suis allée dans SA rue au pied de SON immeuble pour espionner SA vraie vie, celle où il rentre directement du bureau pour jouer avec ses enfants et probablement embrasser sa femme. Si elle savait, cette dinde, ce qu’il dit sur elle et sa supposée frigidité que je m’empressais de lui faire oublier en m’offrant de toutes les manières possibles, elle le mettrait dehors illico. Pourtant, c’est avec elle qu’il va passer cette soirée symbolique, lui offrant probablement des fleurs, ou pire, un bijou en gage de son « amour éternel ».Je suis à deux doigts de monter sonner à sa porte pour faire exploser la vérité et son couple en même temps lorsque l’écran de mon portable éclaire la pénombre de l’habitacle. Je regrette aussitôt toutes mes funestes pensées, décrochant fébrilement sans vérifier le numéro.— Allo ?— J’espère que tu n’es pas là où je crois que tu es.La voix d’Anne est presque sévère…— …— Donc, tu es où je crois.J’avoue honteusement le pseudo-espionnage de mon amant.— Oui.— Tu vas sonner et foutre la merde ?— Non…Je retiens mes larmes, consciente de mon attitude puérile d’amoureuse trahie, comme tant d’autres dans le même cas que moi ce soir. Pourtant on m’avait prévenue de ne jamais tomber amoureuse d’un homme marié, mais je pensais être plus maligne que les autres en étant l’exception.Sentant mon profond désespoir, Anne se radoucit et me propose sa compagnie pour la soirée.— Ne reste pas seule. Rejoins-moi au Flamant Rose. C’est un bar sympa. Ça te fera du bien.Je refuse un peu pour la forme et beaucoup par honte, puis cède finalement devant la douce insistance de mon amie. ********Je ne connaissais pas ce bar, et pour cause ! Dès mon entrée, j’ai compris que la seule personne masculine serait le vigile destiné à assurer une relative tranquillité aux clientes de l’établissement réservé aux femmes.Soudain peu à l’aise malgré leur relative indifférence à mon égard, je suis soulagée de repérer assez rapidement Anne en grande discussion avec une jolie barmaid. M’apercevant, elle me fait signe avec un grand sourire avant d’en rajouter lorsque je m’assois.— Voici la plus belle !— Tu exagères.— À peine, dit la métisse derrière le bar.— Merci.Son regard pourtant discret sur mon décolleté me fait prendre conscience que ma position sur le tabouret lui offre également une vue plongeante sur mes cuisses.— Deux mojitos, Mélissa, s’il te plaît.— Ça marche !Anne me sourit, posant négligemment sa main sur mon genou pour me souhaiter la bienvenue.— Je suis contente que tu sois venue.— J’avoue que j’ai déconné. C’est décidé, je le quitte !— Parfait !Elle semble soulagée de me voir prendre cette décision, même si elle en connaît probablement la fragilité en raison de son impulsivité.— Ici, tu ne rencontreras pas de mec.— A priori.Nous rions tandis que je regarde autour de moi, intriguée malgré moi par ce « monde nouveau » que je ne connais pas. À ma grande surprise, les femmes présentes ne sont pas toutes des caricatures de lesbiennes masculines ni des top models comme dans les vidéos X.À ma gauche, une brune dans la quarantaine ressemble à ma conseillère bancaire. Plus loin, une jeune blonde bavarde avec une brune comme deux étudiantes le feraient à la sortie des cours.Certes, certains couples s’embrassent goulûment et d’autres clientes sont franchement moches, mais pas plus que dans le monde hétéro.— Tu as fait ton choix ? me taquine Anne.Je rougis malgré moi, sous son regard amusé et celui de Mélissa qui nous apporte les verres à cet instant. Troublée par la présence de la jolie serveuse, je bafouille avant de répondre un « non » presque pas convaincant qui les fait bien rire.Le toast semble hors de propos, mais ne me blesse pas, bien au contraire.— Et ta chérie ? Elle est lycéenne ?— Aurélia ? Elle a vingt et un ans. Et si elle ne sort pas ce soir, ce n’est pas à cause de ses parents, mais d’un partiel, car elle est à la fac. Rassurée sur ma moralité ?Et elle poursuit, presque amusée de raconter leur rencontre au ski.— C’était fin décembre, chez des amis. Il neigeait trop pour moi et je suis restée au chalet pour bouquiner. Aurélia est rentrée bien plus tôt que les autres, frigorifiée, mais avec un regard mutin qui m’a allumée. Un chocolat chaud et un massage plus tard, je l’embrassais puis l’emmenais sous ma couette pour une étreinte passionnée. Depuis, on se voit dès que possible.Anne sourit à l’évocation de ce souvenir sensuel, mais son regard est dirigé à l’extrémité du bar, vers ce que j’identifie rapidement une jolie rousse assise quelques tables plus loin et qui capte toute son attention. Sans crier gare, elle se lève soudainement, se dirigeant vers sa cible, qu’elle semble bien connaître si j’en crois la bise chaleureuse qu’elles échangent et le sourire qu’elles partagent.Abandonnée au comptoir, je deviens soudainement une proie facile pour les prédatrices en manque de chair fraîche et il ne faut que quelques minutes pour qu’une « camionneuse » m’accoste sans finesse.— Bonsoir.— Bonsoir.— Je vous offre un verre ?Sa voix est aussi masculine que son physique, bien éloignée de la féminité de ma lâcheuse de collègue, et, presque apeurée, je vais répondre, mais la serveuse intervient prestement.— Laisse-la tranquille. Elle est avec Anne.Le ton et l’argument sont suffisamment convaincants pour que l’intruse parte sans demander son reste à mon plus grand soulagement.— Merci. Vous m’avez sauvé la vie, dis-je en souriant.— Normal. Je veux que les clientes ne soient pas importunées. Surtout les bi-curieuses.Connaissant la signification de ce terme, je vais protester, mais son sourire chaleureux me fait comprendre qu’elle est tout sauf moqueuse.— Cadeau de la maison.Un second mojito scelle notre complicité naissante qui me paraît finalement naturelle, d’autant qu’elle me parle d’elle spontanément.Mélissa a trente ans, est célibataire – selon elle – et gérante de ce bar de nuit qui appartient à sa famille. De mon côté, je me confie un peu, passant rapidement sur la raison de ma présence ici en ce soir de Saint-Valentin, mais à son sourire entendu, je sais qu’elle a compris.Notre conversation est si agréable que j’en oublie Anne, probablement occupée avec « sa » rousse, concentrant mon attention sur la barmaid qui repousse à nouveau une audacieuse cliente que ma jupe courte doit attirer.— Décidément, tu as du succès !— N’est-ce pas ?Nouveau sourire complice et regard brillant qui, loin de me choquer, m’intriguent au point que je suis presque déçue lorsqu’elle projette de m’abandonner quelques minutes.— Je vais griller une clope dehors. Tu m’accompagnes ?— Désolée, mais je ne fume pas.— Pas de souci. Bonne chance avec les rapaces !Elle a déjà filé, donnant des consignes en son absence, me laissant seule en territoire ennemi sans protection aucune. Soudain mal à l’aise, je scrute la salle, apercevant Anne trop éloignée pour me porter secours et trop proche de la jolie rousse pour se soucier de moi.Le cœur battant, je suis à l’affût d’une nouvelle offensive hostile qui semble prendre la forme d’une nouvelle tentative de ma première camionneuse, qui se lève de son siège sans me quitter des yeux. D’un geste presque désespéré, je quitte soudain mon tabouret, partant à la recherche de Mélissa, que je retrouve sur le pas de la porte dans le froid de la ruelle.— Tu t’en vas ?— Non. Je te cherchais.Ma réponse spontanée la fait sourire, comme si c’était celle attendue, mais elle ne se presse pas pour finir sa clope, le regard brillant de malice. Presque gênée d’être ainsi observée en présence du vigile, je vais pour réellement partir lorsqu’elle saisit soudainement ma main pour m’entraîner dans un couloir peu éclairé.Tout est allé ensuite très vite.Sitôt une porte ouverte sur un bureau obscur, Mélissa m’enlace et m’embrasse avec une telle douceur infinie que je fonds aussitôt entre ses bras dénudés par son débardeur. Ses lèvres sont si légères que je lui offre ma bouche sans attendre, d’autant que ses mains partent à la découverte de mon corps lourd.Mon premier baiser au féminin !Nos langues se découvrent et s’apprivoisent peu à peu pour trouver un rythme si sensuel que je me laisse faire, comme dans une évidence pourtant inimaginable il y a deux heures. Ses doigts défont déjà mon chemisier, accédant rapidement à ma lourde poitrine encore protégée par le soutien-gorge acheté la veille pour Marc. Je me cambre, lui offrant ainsi la fine dentelle vite écartée pour découvrir mes pointes dressées.Sa voix rauque résonne dans le bureau exigu qui abrite notre première étreinte. Je ne sais que répondre, tentant maladroitement de partir à la découverte de son corps que je sens ferme sous jeans moulant.Je suis bientôt adossée à ce qui doit être un bureau, seins nus et offerts à sa bouche qui a délaissé la mienne pour lécher mes larges aréoles dans de larges mouvements affolants.Sa langue experte me fait bientôt frissonner à chaque passage sur les tétons durcis par le désir alternant les hommages entre contacts appuyés, frôlements exaspérants, et succions avides.Je me retiens au meuble pour ne pas m’affaisser, car bientôt mes jambes ne me porteront plus, le désir et les deux mojitos faisant leur effet combiné. Cambrée, la tête en arrière, je me laisse dévorer la poitrine avec délectation comme bon nombre de mes amants l’ont fait auparavant, mais jamais avec autant d’efficacité.Je sens mon sexe dégouliner, trempant mon string au point où il semble absorbé par mes lèvres.Presque honteuse de mon état, je proteste mollement lorsque Mélissa frôle mes cuisses pour bientôt glisser sous ma courte jupe déjà relevée.Sûre d’elle et faisant fi de #metoo, elle ne m’écoute heureusement pas, poursuivant sa caresse inexorablement efficace.En une seconde, je suis à elle, frissonnant dès que ses doigts frôlent la dentelle humide et collante. Elle prend diaboliquement son temps alors que mon corps la réclame de toutes mes terminaisons nerveuses. Je halète, tremblant sous ses caresses combinées, respirant plus vite et marmonnant des supplications inaudibles.Une faible lumière inonde soudain la pièce me faisant sursauter devant la crainte d’être surprises, mais Mélissa me rassure.— C’est moi. Je veux juste l’admirer.Ses yeux brillants ne peuvent mentir, et sa bouche gourmande qui s’empare de la mienne me fait chavirer, au propre comme au figuré, car elle m’allonge sur le bureau, me chevauchant goulûment. La position est inconfortable, mais si excitante que je soulève avec difficulté les fesses pour l’aider à remonter ma jupe, m’offrant sans ambiguïté à ses doigts glissant sous mon string. Mon cri est assourdi par notre baiser gourmand lorsqu’elle écarte mes lèvres pour accéder à mon sexe trempé qu’elle investit aussitôt.Je mords presque sa langue tant mon désir est fort, d’autant qu’elle frôle rapidement mon clitoris impatient. Elle sait en jouer, trouvant rapidement la caresse idoine qui agite mon bassin sans équivoque. Je n’en peux plus ! Cette nana est diabolique !En manque de souffle j’abandonne sa bouche qui en profite malicieusement pour glisser sur mes seins dressés et en gober les aréoles brunes. Attaquée de toute part, je ne suis que gémissements et tremblements sur le bureau métallique qui grince sous le poids de nos corps imbriqués. Cuisses écartées et seins exhibés, je dois ressembler à une chaudasse de fin de bal, mais Mélissa me susurre des mots si tendres qu’ils me font oublier l’incongruité de la situation : je vais me faire lécher par une femme alors que je rêvais de Marc qui honore peut être sa régulière dans le lit conjugal.Bientôt, sa bouche glisse inexorablement vers sa destination finale, abandonnant mes seins pour lécher au passage mon nombril, embrasser ma toison rase et frôler délicatement mes lèvres débarrassées adroitement du string collant.Je me cambre aussitôt pour mieux m’offrir à sa langue experte qui cherche et trouve mon clitoris, décapuchonné par ses doigts complices. Je m’agrippe au bureau à m’en briser les articulations tant les sensations sont extrêmes, très éloignées des cunnis de mes amants les plus attentionnés. Mélissa joue avec moi, modulant les contacts de sa langue tandis que ses mains caressent le reste de mon corps offert.C’est trop bon !Ma maîtresse grogne aussi de désir perdant un peu de sa maîtrise, sans doute envahie par le même désir qui rend sa bouche moins précise désormais, mais tout aussi efficace. Me sentant bientôt partir, je me sens presque obligée de la prévenir.Ma voix presque suppliante obtient comme seule réponse une succion plus forte de mon clitoris durci avec la conséquence inéluctable : je jouis. Agrippée au bureau comme à un radeau de sauvetage, je me laisse envahir par des vagues de plaisir qui m’agitent successivement avant de me laisser inerte, trempée de sueur et dégoulinante d’un plaisir que mon initiatrice boit avec passion. Le silence revient peu à peu dans la pièce mal éclairée et finalement pas si glauque que cela. Mélissa se redresse un peu sans m’abandonner totalement, me dévorant de ses yeux marron brillant de désir.— Joyeuse Saint-Valentin, ma chérie.Je lui souris, émue et bouleversée par le moment magique qu’elle vient de m’offrir, avant de me dégager tendrement pour mettre un peu d’ordre dans ma tenue.Je surprends son regard triste comme celui d’un enfant qu’on prive soudainement de dessert ; mais je la rassure aussitôt.— Tu m’emmènes chez toi ?— Avec plaisir.Le sourire retrouvé, elle m’embrasse amoureusement avant de prendre ma main.Et je l’ai suivie jusqu’au bout de la nuit…