Voilà qu’elle me dit :— Aimons-nous comme des Gaulois !Tout de suite, je pense évidemment aux gauloiseries. Aux gauloiseries, tous les Gauloises rient. Me vient aussi à l’esprit la gaule… Mais concrètement comment pratiquer ? Faire l’amour en écoutant les Grosses Têtes ? Non, quand même, il y a des limites à la perversion. Je fais une rapide recherche et je découvre qu’il y a très peu de documents sur la sexualité des Gaulois. Ils n’ont quasiment rien laissé comme témoignage. Tout ce que l’on sait c’est qu’ils n’avaient pas peur de combattre nus et qu’ils vouaient un culte au dieu Priape. Avec ça…C’est alors qu’Alain, un copain de fac, entre. Je lui dis tout de go (lois) :— Viens dans la salle à manger, on va pousser les meubles et on va combattre nus.— Pourquoi faire ?— Pour faire plaisir à Valérie.— Ah bon.Nous nous déshabillons avec célérité et nous voici face à face. Il me prend par les épaules et me fait rouler sur la moquette. Peu habitué à cette pratique de la bagarre, comme à celle de la nudité, j’ose à peine le prendre par le bassin pour le renverser comme j’avais vu des lutteurs faire à la télé. Mais je me dis que la lutte gréco-romaine serait une hérésie pour des Gaulois. Dans le même temps, mon pénis se heurtait parfois au sien et dansait tout près de ses fesses quand nous étions au sol. Au hasard des prises, il y eut quelques timides érections incontrôlables, puis nous reprenions nos esprits et notre dignité de statue antique. Le combat était équilibré. L’un et l’autre prenaient tour à tour l’avantage. Et avec l’envie impérieuse de gagner, vint la perte complète de la pudeur. Ainsi, je lui griffai les fesses alors qu’il empoignait mes testicules. Le manque de compétition nous réduisit vite à nous contenter d’un match nul et nous gisions tous les deux sur le dos quand on entendit Valérie prendre la voix de Jacques Chancel :— Et Priape dans tout cela ?— Alain, tu ne veux pas faire Priape ?— Oui, mais il faut m’aider un peu.Il monta sur un tabouret et prit un air céleste. La tête haute, voire hautaine, le buste élancé, l’attitude hiératique, mais entre ses jambes le reste ne suivait pas le mouvement vers le haut. Valérie s’en occupa fort bien. Avec les doigts d’abord pour qu’il se redresse à l’horizontale, puis avec les lèvres pour qu’il occupe une position altière à la verticale. Priape était né. Je pouvais tomber à genoux devant ce dieu ithyphallique, protecteur des jardins et des troupeaux. Valérie me rejoignit pour honorer elle aussi la divinité de la fertilité. Mais elle fut bientôt déconfite.— Dis donc Priape, queue en l’air, s’il te plaît !— Je fais ce que je peux, je ne suis pas atteint de priapisme. Il faut m’aider, je vous l’ai dit.— Tu veux encore que je t’astique, mon antique ?— S’il te plaît. Moi, ça me plaît.— Mais moi, à ce compte-là, je ne peux jamais me recueillir. Vas-y, toi, Clément.— Moi ?— Mais oui, on ne va pas demander cela à la voisine. Il ne s’agit pas ici d’homosexualité, mais de religion, quasiment de théologie.Zobtempérai, en me contentant de le contenter de la main. Ce ne fut bientôt plus suffisant ; la fellation était de rigueur. Je n’avais jamais osé sauter le pas, et je le faisais dans un but purement contemplatif. Mais finalement – et d’après ce que me dit par la suite Alain – je m’en sortais aussi bien que Valérie. J’oubliais complètement que je suçais un garçon pour me concentrer sur le fait que de ma bouche, je donnais vigueur et naissance à un dieu.Nous nous sommes ainsi recueillis devant cette virilité pendant de longues minutes. Et puis Alain est reparti pour nous laisser faire l’amour comme des Gaulois pratiquants : grivoiserie, grossièreté, obscénité, gaillardise, gaudriole, insolence, bêtise, canaillerie, cochonnerie, égrillardise, joyeuseté, paillardise, plaisanterie, polissonnerie, truculence étaient au programme.C’est ainsi qu’elle me dit :— Je vais péter !— Bonne idée ! Pétons dans la soie !— Mais la production de la soie ne commença en France qu’au XIIIème siècle !— Tu me fais débander avec cet anachronisme…— Allez, un petit effort, retrouvons l’esprit gaulois. Quelle est la différence entre un hanneton et un morpion ? Le hanneton est de la famille des coléoptères et le morpion de la famille des collés aux couilles… À remarquer chez le morpion : il adhère aux parties, et il peut changer de sexe en moins d’une minute.— C’est un reproche ?— Non, c’est une gauloiserie.— Mais enfin qu’est-ce qui te plaît tant dans la gauloiserie ?— La santé ! Oui, la paillardise, la gaillardise, c’est sain. La preuve, ce sont les carabins et les salles de garde. Aujourd’hui, on ne parle plus que de sexe, ce mot anglo-saxon tellement triste. L’hypocrisie consiste à exciter les désirs puis au nom de la morale de supprimer les moyens de les apaiser. Allez, je vais encore péter. Tu vas te branler sur mon pet. Mélangeons joyeusement le gaz et le foutre, les vapeurs et le liquide.Ainsi fut fait. Mais quand notre copine Aurélie entra pour nous apporter un cours de civilisation romaine, elle fit la réflexion à voix haute (j’étais dans mon bureau, mais j’ai tout entendu) :— Ça ne sent pas la rose ici.— On baise à la gauloise et la rose ne fut introduite en France qu’au Moyen-âge.— Mais toi, tu as été introduite il y a pas si longtemps, vingt minutes à tout casser.— Oui, eau et gaz à tous les étages.— Pendant que moi, je m’emmerde à prendre des notes en cours de latin, tu t’envoies en l’air.— À décharge de revanche.— Tu baises à la gauloise… Alors on va devoir attendre la Renaissance pour que tu te laves ?— Oh, juste un peu de foutre sur les fesses…— Ça dégouline sur tes jambes.— Jalouse ?— Peut-être…— Je sais que tu t’es envoyé le prof de latin, alors ne viens pas te plaindre.— Oui, mais tu sais, pour un cunnilingus, une langue morte… Ça manque de piquant.— Et quoi de neuf sinon ?— Mulier equitans, position trouvée par les femmes romaines qui leur permettaient, à cheval sur l’homme, de le dominer. Il semble que ce soit un des premiers signes de l’émancipation sexuelle des femmes.— Ce qui est surtout intéressant dans cette position, c’est que les deux partenaires peuvent voir magnifiquement le pénis pénétrer le vagin.— Et la femme est visible dans toute sa nudité ardente. Mais d’autres prétendent qu’ainsi c’est la femme qui fait tout le travail.— Pas du tout. Elle règle le rythme de l’étreinte. Elle peut contrôler sa jouissance à tout moment. Elle s’arrête de bouger, reprend, accélère… L’homme est réduit au rôle d’olisbos.Je me devais d’intervenir :— C’est quand même du boulot, parce qu’il faut rester concentré. Sinon, c’est la débandade. Comme on ne peut pas bouger beaucoup, il faut compenser par la vue de la chatte qui craque et du membre qui pistonne.— C’est votre problème. Enfin quoi, tu as une fille nue complètement enfilée sur toi et tu n’aurais pas d’érection ! ?— Je ne dis pas cela, mais cela s’émousse avec les minutes…— Putain les mecs, vous me courrez sur le haricot.— Aurélie, si tu veux, on va te montrer.— Je serais curieuse de voir cela.— Non, mais attendez, j’ai éjaculé il y a une demi-heure ! C’est un travail de Romain que vous me demandez là !— Ça fait rien, on va essayer quand même. Pour lui montrer.On a donc pris la position. J’ai eu la trique au début, mais évidemment au bout d’un moment, j’ai faibli. J’en étais sûr. Je commençais à sortir du sexe de Valérie quand elle me dit :— Attends un peu ; ta Gauloise a plus d’une gaillardise dans son sac.Je sentis alors mon pénis submergé par un liquide chaud et âcre. Elle pissait toute en flatulences et je reprenais une vigueur telle qu’Aurélie se signa comme devant Priape :— Tu l’as dit, Valérie : eau et gaz à tous les étages.— Dis donc, je ne pourrais en profiter un peu puisque je suis co-pine ?— Oui, puisque tu es tout à fait dans l’esprit gaulois.Mais au moment où tous les trois nous allions trouver une position d’une gauloiserie indiscutable, Alain fait son retour parmi nous pour briller en société :— Il y a erreur sur l’étymologie. Gauloiserie vient du francique galer et n’a rien à voir avec la Gaule.— Galère ?— Galer, qui voulait dire s’amuser, être galant et grivois à la fois. D’ailleurs, le mot gauloiserie qui n’est pas attesté avant la deuxième moitié du XIXème.— Galère !Mon pénis qui avait repris un certain port altier est retombé vaincu comme Vercingétorix à Alésia. Nous avons repris nos vêtements et nos études pour devenir huissiers de justice.