Chère LĂ©a,Merci avant tout pour ce long moment au tĂ©lĂ©phone, qui nous aura retenu bien tard, l’autre nuit. Il est toujours Ă©tonnant que la distance parvienne Ă ajouter sa sĂ©duction particulière Ă nos conversations. Le plaisir se trouve sans doute amplifiĂ© Ă se partager en aveugle, par le biais de nos rĂ©seaux les plus virtuels : ce qu’on ne met dans la vision, on le reporte sur le texte. Enfin, j’ai eu donc beaucoup de bonheur Ă vous entendre, sinon Ă vous entreprendre, et si longuement, cette fois-ci.Je vous ai ennuyĂ©e, je crois, en vous racontant par le menu mes aventures avec Marie, et vous vous ĂŞtes gentiment moquĂ© de moi, vous Ă©tonnant de me voir empĂŞtrĂ© dans une telle affaire, alors que je vous affirmais, il y a si peu encore, tenir Ă la plus grande indĂ©pendance d’esprit et de sentiments… J’avais tentĂ© de vous faire comprendre les attraits si particuliers de mon amante, ce goĂ»t du jeu que nous partageons, et qui nous a placĂ© en quelques occasions dans des situations pour le moins contradictoires. Vous sembliez perplexe, ne pas saisir l’intĂ©rĂŞt ou le sel de telles expĂ©riences. Eh bien voici qu’une anecdote toute fraĂ®che me donne l’occasion, en vous la rapportant, d’illustrer mon propos.L’affaire dont je veux vous parler me paraĂ®t d’autant plus remarquable qu’on ne peut rien y trouver qui soit vraiment Ă mon avantage. Je n’avais le contrĂ´le de rien, et fus simplement la victime du ressentiment et des manigances de ma belle. Je vais donc tenter de vous communiquer la saveur paradoxale de cette aventure – et pardon par avance si je vous parais parfois encombrer mon rĂ©cit de quelques dĂ©tails superflus.Les faits sont tout rĂ©cents : ils datent d’avant-hier, ce 14 Juillet, le soir mĂŞme qui suivit notre conversation. Pour faire pièce aux rĂ©jouissances rĂ©publicaines, nous avions Marie et moi organisĂ© une grande rĂ©union dans sa maison de Meudon. Ce fut une soirĂ©e très «Education Nationale», malgrĂ© cette Ă©poque de vacances scolaires : Marie, vous vous en souvenez, est professeur de lettres, et il y avait lĂ bon nombre de ses collègues encore prĂ©sents dans la Capitale. D’amis en connaissances, et de connaissances en inconnus, l’assemblĂ©e rĂ©unissait peut-ĂŞtre de quarante Ă cinquante personnes, dont je ne devais pas connaĂ®tre la moitiĂ©. Mais la maison est plaisante, vraiment ; adossĂ©e au bois de Meudon, deux Ă©tages, caves et grenier, avec cinq cent mètres carrĂ©s de jardin, elle semble conçue pour la fĂŞte, et elle s’avère en tous cas tout Ă fait pratique pour les amateurs de feux d’artifices : du second Ă©tage, on a en effet une vue imprenable sur Paris et donc sur le palais de Chaillot, d’oĂą partent les fusĂ©es…Bref, la soirĂ©e avait dĂ©butĂ© très tĂ´t, et, en attendant l’heure de cĂ©der aux extases citoyennes que vous pouvez imaginer, nous avons pas mal abusĂ© de boissons, de musique, ainsi que de jeux divers (… mais finalement très raisonnables !).Pour ce qui me concerne, je me tenais un peu en retrait : cette petite sauterie Ă©tait plutĂ´t celle de Marie et, en maĂ®tre de maison attentif, je m’étais laissĂ© investir du rĂ´le stratĂ©gique d’intendant. C’est lĂ une mission dont je sais m’acquitter avec bonheur, je vous l’assure, mĂŞme quand les circonstances ne s’y prètent pas, et Dieu sait que ce soir-lĂ elles ne s’y prĂŞtaient nullement : chaleur insupportable, ambiance Ă©lectrique, je me sentais terriblement… inadĂ©quat. Je trouvais surtout que mon amoureuse, entourĂ©e qu’elle Ă©tait de sa cour d’admirateurs au grand complet, exagĂ©rait un peu son cĂ´tĂ© «Reine de la soirĂ©e». Marie il est vrai a toujours affectĂ© un cĂ´tĂ© Diva en ce genre de situation, encouragĂ©e le plus souvent par la complicitĂ© acquise des membres de sa tribu. Et il faut avouer que, comme Ă son habitude, elle Ă©tait tout Ă fait craquante. La petite robe courte, noire, coupĂ©e de bandes de dentelle, qu’elle avait passĂ©e pour l’occasion, dĂ©voilait tout autant qu’elle masquait les creux les plus secrets de sa peau brune. ChaussĂ©e d’élĂ©gants escarpins elle jouait, impudique, de ses jambes magnifiques, gainĂ©es de bas noirs que retenait le bout d’une jarretelle, entr’aperçu parfois, lorsqu’un air de musique plus vigoureux que les autres amenait son cavalier Ă la faire virevolter au milieu de notre salon. Ou bien lorsqu’elle se laissait tomber, ensuite, feignant l’épuisement, au plus profond de l’un des fauteuils, jupe troussĂ©e au-delĂ du raisonnable…Un brin jaloux, je ne pouvais m’empĂŞcher de l’admirer : ongles vernis, lèvres vermeilles, une stricte coupe au carrĂ© encadrait de mèches noires son minois ravissant. Bref, elle Ă©tait au centre de la soirĂ©e et chacun semblait ĂŞtre tombĂ© sous le charme de son jeu…Mais l’unanimitĂ© de ce succès ne pouvait me masquer longtemps quelques diffĂ©rences, quelques nuances dans le regard que chaque invitĂ© – surtout du type mâle – portait sur ma belle, particulièrement quand telle ou telle marque d’admiration semblait ne pas laisser Marie absolument indiffĂ©rente. Attentif Ă ces diffĂ©rences de traitement, il m’apparut ainsi bien vite que l’un des invitĂ©s prĂ©sents semblait bĂ©nĂ©ficier, de façon privilĂ©giĂ©e, des bonnes manières et des attentions de ma belle.J’en fus d’abord surpris. Le personnage en question Ă©tait un nouveau venu – un ami d’ami – et Marie reste d’habitude très circonspecte avec les tĂŞtes nouvelles, prĂ©fĂ©rant le plus souvent les succès quasi-assurĂ©s qu’elle sait pouvoir trouver auprès de sa bande. Et puis l’intrus m’avait paru d’emblĂ©e un peu Ă©pais – du genre gentil colosse (professeur d’éducation physique, il pratiquait je ne sais quel sport en qualitĂ© de professionnel, avais-je cru comprendre), ce qui ne constitue pas Ă priori le profil des hommes ayant les faveurs de mon amoureuse. Toujours est-il qu’il avait pratiquement passĂ© le dĂ©but de la soirĂ©e Ă se tenir collĂ© aux basques de celle-ci, parlant fort, un bon mot de temps en temps, un moins bon le plus souvent… Et Marie, de façon Ă©vidente, ne faisait rien d’autre que l’encourager, d’un regard par-ci, d’un frĂ´lement par-lĂ , jambes haut croisĂ©es au fond d’un fauteuil quand l’animal se trouvait Ă ses cĂ´tĂ©s, allant mĂŞme jusqu’à anticiper les offres de service de celui-ci dès que le moindre slow dĂ©marrait sur la platine.Mon mĂ©contentement allait croissant, mais j’étais bien obligĂ© de me contenir. Je crois avoir tentĂ© Ă vingt reprises de faire comprendre Ă Marie, Ă demi-mot, combien son manège m’agaçait – hĂ©las sans le moindre succès. Enfin, j’ai fini par profiter d’une reprise de la musique et d’un Sinatra liquoreux – elle n’a jamais su rĂ©sister Ă Sinatra – pour l’arracher in extremis Ă une nouvelle invitation de l’importun et l’entraĂ®ner danser avec moi. Ce qui me permit enfin de lui faire part de façon explicite de toute ma mauvaise humeur.La riposte fut immĂ©diate : non, elle n’accordait aucune faveur particulière au bonhomme, elle ne faisait rien d’autre qu’assurer au mieux son rĂ´le de maĂ®tresse de maison, et puis oui, elle apprĂ©cierait que ce soit un peu plus mon cas Ă moi, et, puisqu’on en parlait, sa jolie collègue agrĂ©gĂ©e d’histoire, que je courtisais assidument depuis le dĂ©but de la fĂŞte devait bien ĂŞtre la seule Ă ne pas se plaindre de la qualitĂ© de mon service !J’ai cru, chère LĂ©a, que j’allais exploser devant tant de mauvaise foi ! D’autant que ladite collègue agrĂ©gĂ©e d’histoire – de fait une très jolie blonde d’une trentaine d’annĂ©es – avait effectivement recherchĂ© ma compagnie, sans doute par compassion, et que j’avais prĂ©cisĂ©ment veillĂ© Ă ce que nos Ă©changes ne dĂ©passent les strictes limites de la biensĂ©ance (je ne connais que trop ma donzelle et sa jalousie pathologique…). Bref, l’ambiance Ă©tait lourde. Et en tous cas, mes remarques n’eurent aucun effet apparent : Ă peine la plage du disque terminĂ©e, Marie retourna Ă sa place, continuant Ă minauder et Ă encourager les manoeuvres de son collègue.La soirĂ©e avançait donc et les rangs de nos invitĂ©s s’étaient un peu Ă©claircis, certains d’entre eux ayant voulu courir jusqu’au pas de tir du TrocadĂ©ro. Nous ne fĂ»mes bientĂ´t plus qu’une petite vingtaine. «Lui» Ă©tait toujours lĂ , et «Mon» historienne aussi. Il me devenait d’ailleurs dĂ©licat d’éviter cette dernière.Marie, en tous cas, ne se calmait pas, au point que chacun – du moins cela me paraissait Ă prĂ©sent Ă©vident – devait remarquer son manège… et notamment la prof d’histoire, justement, qui me sembla mĂŞme gĂŞnĂ©e pour moi, me jetant des regards Ă la dĂ©robĂ©e chaque fois que Marie riait un peu fort Ă une pauvre rĂ©partie de son chevalier servant.Les exigences d’un service minimal firent qu’à un certain moment nous nous retrouvâmes ensemble Ă la cuisine, Marie et moi, afin de rĂ©approvisionner nos invitĂ©s. Je ne pus alors me dĂ©fendre de lui dire tout ce que j’avais retenu Ă grand peine depuis le dĂ©but de la soirĂ©e : elle Ă©tait vraiment sans pudeur aucune, elle draguait ce type ostensiblement, sans la moindre vergogne, tout le monde s’en apercevait, un vrai spectacle, etc…Sa rĂ©action fut une nouvelle fois Ă©tonnante, consistant Ă tout nier, en bloc. En gros, lĂ , je dĂ©lirais – et en devenais franchement agaçant. D’ailleurs, pour tout dire, « il » Ă©tait nul, tellement nul que cela en Ă©tait presque… touchant ! Comment pouvais-je me montrer jaloux d’un personnage pareil ? Mes soupçons Ă©taient mĂŞme quasiment insultants Ă son Ă©gard, Ă Elle : en quelque circonstance que ce soit, ce type Ă©tait hors-jeu, jamais il ne saurait Ă©veiller son intĂ©rĂŞt, encore moins recevoir la moindre faveur de sa part. Et son petit cĂ´tĂ© macho et latin lover ne saurait suffire Ă la faire craquer, bien au contraire…Ses dĂ©nĂ©gations devinrent si excessives que loin de me rassurer, elles eurent le don de m’exaspĂ©rer encore un peu plus, et me poussèrent Ă commettre cette bĂ©vue que je regrette encore. Je ne me souviens plus, mot pour mot, de ce que je lui rĂ©pondis alors – il faut dire que j’avais l’esprit brouillĂ©, ayant toute la soirĂ©e tentĂ© de compenser ma frustration dans les alcools – mais en tous cas je pris le contre-pied de ses beaux discours, me rĂ©criant que je la trouvais bien injuste vis-Ă -vis de son soupirant, qui sans nul doute ne mĂ©ritait pas plus ses attentions outrancières que ses mĂ©pris affichĂ©s, et j’ajoutai que rien après tout, absolument rien pour l’instant du moins, ne garantissait que les manoeuvres Ă©hontĂ©es dont elle se rendait coupable Ă©veillent un rĂ©el intĂ©rĂŞt de la part de notre invitĂ©, au-delĂ bien sĂ»r de ce qu’exigeaient les règles du simple savoir-vivre. Il ne la fuyait pas, certes, mais qui chercherait Ă dĂ©plaĂ®re Ă une hĂ´tesse si attentive ? Bref, lui dis-je de façon fort peu diplomate, cette espèce de jeu auquel elle se livrait, ces manoeuvres, toute cette sĂ©duction qu’elle dĂ©ployait, Ă©taient d’autant plus pitoyables et dĂ©placĂ©s qu’il Ă©tait Ă©vident aux yeux de chacun qu’elle… se compromettait en vain, sans la moindre chance de succès ni le moindre sens du ridicule.Pendant tout le temps que dura mon morceau de bravoure, elle me regardait fixement, le regard brillant de colère, mais aussi avec une esquisse de sourire sur ses lèvres serrĂ©es. Je perçus Ă temps un risque, et ma fureur tomba d’un coup ; je cherchai quelque chose Ă dire, un nouveau commentaire susceptible de dĂ©samorcer l’affaire, quand, juste Ă ce moment, le bruit assourdi d’une explosion lointaine nous parvint, annonçant le dĂ©part du feu d’artifice. A cet Ă©cho – que chacun attendait depuis un long moment – Marie tourna instantanĂ©ment les talons, me laissant, un brin dĂ©semparĂ©, sur cette impression de bras de fer irrĂ©solu. Nous nous retrouvâmes dans le salon, oĂą l’excitation Ă©tait Ă son comble, et tout le monde prit le chemin des Ă©tages, Marie en tĂŞte de la troupe… Je vous l’ai dit, chère LĂ©a, la maison est immense. Au second, il y a trois grandes chambres disposant d’une belle vue sur Paris. Restant dans l’obscuritĂ© pour ne pas amoindrir l’éclat du spectacle, chacun se rĂ©partit dans l’une ou l’autre, se serrant aux fenĂŞtres ouvertes afin de ne pas perdre une Ă©tincelle de pyrotechnie. Les commentaires, les cris, allaient bon train. Dans la chambre oĂą je m’étais retrouvĂ©, la baie vitrĂ©e n’était pas si large, et nous Ă©tions un peu les uns contre les autres Ă nous bousculer. Mon historienne se tenait Ă mes cĂ´tĂ©s… me serrant m’a-t-il semblĂ© d’un peu plus près qu’il n’était nĂ©cessaire. Voulant laisser le maximum de champ Ă mes invitĂ©s, je reculai d’un pas… ce qui me permit de surprendre une manoeuvre dont j’eus d’ailleurs du mal dans l’obscuritĂ© ambiante Ă reconnaĂ®tre l’instigateur : une main masculine, appartenant Ă un proche voisin, s’attardait de façon distraite sur la croupe puis sous la jupe lĂ©gère de la gentille agrĂ©gĂ©e. Je perçus avec un certain amusement le changement de rythme qui affecta la respiration de la gredine, entrevis sa poitrine se soulever plus rapidement, sans parvenir Ă bien discerner quel Ă©tait son degrĂ© de consentement Ă cette caresse inattendue… Je me plus un instant Ă imaginer que le mĂ©rite de cette passivitĂ© me revenait tout entier, dans la mesure oĂą elle ne rĂ©sultait sans doute que de l’idĂ©e – erronĂ©e – que la belle se faisait quant Ă l’identitĂ© du… manipulateur.Vaguement Ă©moustillĂ©, je dĂ©cidai de laisser la Miss Ă ses Ă©mois injustifiĂ©s afin d’aller voir comment les choses se passaient dans les deux autres pièces. Dans la seconde, la plus bondĂ©e, dont la baie vitrĂ©e s’ouvre sur un petit balcon, l’humeur semblait Ă©gale, et les « oh » et les « ah » manifestaient le ravissement de nos amis. La troisième Ă©tait moins investie. Deux couples Ă©taient lĂ , le nez vers les Ă©toiles. Deux couples : autant dire qu’il me fallut très peu de temps pour constater que Marie n’en faisait pas partie. Je pensai tout de suite qu’elle avait dĂ» redescendre un instant, afin peut-ĂŞtre de rĂ©cupĂ©rer son verre ou bien ses cigarettes oubliĂ©es et je dĂ©cidai d’aller Ă sa rencontre. Revenu au palier du premier, je vis que la porte de notre bibliothèque Ă©tait entrouverte…Je ne vous Ă©tonnerai pas ma chère LĂ©a, en vous rĂ©vĂ©lant qu’ils Ă©taient lĂ , tous les deux, Ă l’intĂ©rieur, et… discutaient, dans la pĂ©nombre. En arrière-plan, par la fenĂŞtre ouverte, le ciel Ă©tait rouge du tir des fusĂ©es, faisant palpiter le clair-obscur de la pièce, sans que ce spectacle ne semble vraiment les captiver tant ils semblaient pris par leur sujet de discussion. J’eus alors un piètre rĂ©flexe, comprĂ©hensible mais sans doute malheureux : au lieu d’entrer dans la bibliothèque et de me montrer Ă eux, la surprise me fit m’arrĂŞter tout net sur le palier, et je me pris Ă les observer de cet endroit, tentant de surprendre leur conversation qui se dĂ©tachait sur le fond sonore des explosions lointaines.Je compris très vite qu’ils parlaient bouquins… ce qui eut d’emblĂ©e le don de m’énerver, tant ce type m’avait paru franchement ignare et peu susceptible de partager avec mon amoureuse un quelconque engouement littĂ©raire. Je me dis que Marie s’était mise en tĂŞte de lui faire je ne sais quel savant numĂ©ro, et, peu soucieux d’y assister, je m’apprĂŞtai enfin Ă m’esquiver sur la pointe des pieds, quand… je m’aperçus que leur Ă©change prenait une orientation parfaitement douteuse : Marie, tout sucre tout miel, dĂ©signait en effet un ouvrage placĂ© en haut des Ă©tagères, et demandait Ă son interlocuteur de bien vouloir s’en saisir, certaines gravures mĂ©ritant, semblait-il, qu’il les dĂ©couvre dans l’instant. Or, il faut vous dire, chère LĂ©a, que tout en haut de ces Ă©tagères, c’est lĂ que nous avions installĂ© notre « Enfer » Ă nous : une modeste mais amusante collection plus que rose, de toutes Ă©poques, toutes provenances et… de toutes tendances ! J’étais sidĂ©rĂ©.Et je me demandais ce qu’elle recherchait au juste. Voulait-elle l’embarrasser en lui prĂ©sentant ces fort littĂ©raires horreurs, que j’avais jusqu’à prĂ©sent pensĂ© entièrement dĂ©diĂ©es Ă notre unique usage, Ă elle et moi ? Et Ă quoi bon, d’ailleurs, cette sotte provocation : l’ignare n’était certainement pas Ă mĂŞme d’apprĂ©cier la saveur soufrĂ©e des Ă©crits du Divin Marquis, avec ou sans estampes pour les illustrer !En tout cas, lui, il affichait un air ravi. Mais bizarrement, au lieu d’accĂ©der Ă la demande de Marie avec tout l’empressement qu’on pourrait imaginer, il se mit alors Ă faire ouvertement l’imbĂ©cile, feignant de ne pas bien distinguer de ses voisins l’ouvrage qu’elle lui montrait. Je vous avoue ne pas avoir compris tout de suite oĂą il voulait en venir. Marie d’ailleurs semblait n’y rien comprendre non plus, et je vis Ă son expression qu’elle commençait Ă se montrer agacĂ©e de ce marivaudage franchement niais, quand il finit par mettre bas le masque, en lui proposant, mi-figue mi-raisin, sur le ton de la boutade, en ne semblant pas trop y croire… de la hisser dans ses bras puissants, afin qu’elle se saisisse par elle-mĂŞme du livre convoitĂ©Â !A cette suggestion, je vis Marie prendre son air le plus poli, accompagnĂ© d’un mouvement d’impatience, et il m’apparut clairement qu’elle allait rabrouer le finaud. Manifestement, elle ne comptait pas pousser aussi loin la provocation. HĂ©las, mille fois hĂ©las, chère LĂ©a, Ă cet instant prĂ©cis – sans doute du fait de l’émotion – j’ai dĂ» bouger un peu : elle a tournĂ© son regard dans ma direction, et m’a aperçu, Ă travers la porte entrouverte. Son expression s’est figĂ©e en un clin d’oeil, se faisant identique Ă celle qu’elle avait eu dans la cuisine, un moment plus tĂ´t : elle se mit Ă me fixer de son regard noir, les lèvres serrĂ©es, esquissant un sourire mauvais.Lui, qui me tournait le dos, n’a rien remarquĂ©. Complètement concentrĂ© sur son sujet (c’est-Ă -dire : elle…) il avait joint le geste Ă la parole, la saisissant dĂ©jĂ Ă la taille, mais de façon lĂ©gère, encore en quĂŞte de son approbation… LĂ , j’ai dĂ» cesser de respirer, dans l’attente de ce qui allait se passer. Ă€ cet instant, Marie me regardait toujours : elle a pris un air de dĂ©fi, et puis, baissant les yeux, sans piper le moindre mot, elle s’est simplement tournĂ©e vers les rayonnages, pivotant vivement sur la pointe de ses escarpins. L’invite Ă©tait… on ne peut plus claire et l’heureux imbecille ne s’est donc pas fait prier plus longtemps, la soulevant d’un coup, prestement et sans grands efforts apparents.Elle s’est donc emparĂ©e du fameux bouquin, et lui, il l’a laissĂ©e alors redescendre, lentement. Lentement, et en la serrant juste de la façon qu’il fallait, de sorte Ă ce qu’elle se retourne peu Ă peu et se retrouve face Ă lui. Sous cette manoeuvre, au fur et Ă mesure qu’elle descendait, s’agrippant Ă ses Ă©paules, sa courte jupe remontait, Ă©videmment. Tant et si bien que parvenue au sol, Marie s’est retrouvĂ©e toute retroussĂ©e, sa jupe tire-bouchonnĂ©e Ă la taille, pressĂ©e contre son tortionnaire. Dois-je vraiment dire l’embarras dans lequel ce spectacle m’a plongĂ©Â ? Les jambes magnifiques, habillĂ©es de soie sombre de mon amoureuse, le double trait noir des jarretelles, le petit triangle de dentelle accrochĂ© tout en haut Ă leur racine, tout cela Ă portĂ©e de main de ce… j’aurais dĂ» intervenir. Je restai lĂ , sans rien dire, complètement stupide.L’autre, Ă©videmment, s’est empressĂ© de profiter de son avantage, et il s’est enhardi à … « explorer » la croupe trompeuse qui semblait, et « semblait » seulement, je l’espĂ©rais encore, s’offrir Ă lui. Marie, l’air quelque peu dĂ©passĂ©e par la tournure des Ă©vĂ©nemens, lâcha le prĂ©cieux ouvrage – qui lui glissa des mains – et se cambra brusquement sous la caresse imposĂ©e, fermant les yeux, baissant la tĂŞte, la secouant de droite et de gauche, en ce qui m’apparut comme l’expression d’un Ă©vident refus. HonnĂŞtement, j’ai pensĂ© Ă cet instant qu’elle allait parvenir Ă fuir l’assaut de son tortionnaire. HĂ©las, celui-ci, perdant tout jugement, rĂ©agit en la serrant plus fort encore, la tenant d’une main aux reins, allant mĂŞme jusqu’à glisser son autre main au-delĂ de la mince barrière soyeuse, Ă la conquĂŞte d’une autre soie, tout Ă fait brune celle-lĂ .Cette dernière attaque provoqua chez ma Miss une rĂ©action immĂ©diate, un mouvement de recul du bassin… dont son dragueur profita instantanĂ©ment : manifestement impatientĂ©, il saisit la lisière de la culotte noire et la fit d’un coup descendre Ă mi-cuisse, dĂ©voilant le sexe convoitĂ©. Marie ne put sur ce coup retenir un cri de surprise et, rĂ©agissant enfin de façon adĂ©quate, elle repoussa brutalement son agresseur, lui faisant cette fois lâcher prise. Celui-ci recula d’un pas, l’air penaud, tout hĂ©sitant, un peu ridicule. Mon amoureuse s’inclina alors lĂ©gèrement, et se saisit prestement du string qui entravait ses jolies cuisses, en un geste gracieux pour le remonter Ă cette place qu’il n’aurait jamais dĂ» quitter. Tout allait redevenir normal, enfin ! Mais ayant commencĂ© son mouvement, elle s’immobilisa un instant, jouant avec les brins de son bout de dentelle, qu’elle roulotait du bout des doigts… Elle eut comme une hĂ©sitation, redressant la tĂŞte, toute dĂ©coiffĂ©e, les mèches dans les yeux, me regardant de nouveau avec insistance, le souffle court, les lèvres entr’ouvertes, l’oeil brillant. J’étais hypnotisĂ©. Que voulait-elle ? S’attendait-elle Ă ce que je me manifeste ? Probablement. Certainement, mĂŞme. En une seconde, je fus ballotĂ© entre incrĂ©dulitĂ©, jalousie, peur du ridicule et l’envie perverse de voir comment tout ceci finirait. Allait-elle enfin rĂ©agir de façon claire et irrĂ©prochable ? Remettre de l’ordre dans sa tenue et le type Ă sa place ? Je me dis qu’il fallait vraiment que j’intervienne, et j’allais d’ailleurs intervenir, quand, Ă ce moment prĂ©cis, Ă ma plus grande horreur, la gredine perdit toute raison : sous mes yeux stupĂ©faits, tout en me regardant d’un oeil plus brillant que jamais, les lèvres serrĂ©es sur le mĂŞme sourire moqueur, elle… se mit Ă faire glisser son petit bout de dentelle vers le bas, du bout des doigts, par courtes saccades, quelques centimètres Ă droite, puis quelques centimètres Ă gauche, jusqu’à ce qu’il Ă©chappe Ă la tension de ses jolies cuisses et qu’elle le lâche, le laissant choir sur ses escarpins. Il y eut une seconde d’apesanteur et, d’un bref pas de cĂ´tĂ©, elle se dĂ©gagea posĂ©ment de la bien faible entrave qu’il reprĂ©sentait encore, Ă ses pieds.Le temps, Ă nouveau, me parut s’arrĂŞter, la scène se figer, parfaitement irrĂ©elle – je rĂŞvais ! LĂ , c’était certain : je rĂŞvais… VoilĂ , Marie se tenait lĂ , face Ă ce jobard, jupe toute troussĂ©e Ă la taille, le cul, son joli cul Ă l’air, juchĂ©e sur ses escarpins mignons, attendant, faussement consentante, qu’on s’intĂ©resse Ă elle, les bras ballants, fixant de ses yeux le plancher, les mèches en bataille, le visage inclinĂ© et boudeur…Quant Ă l’autre, il m’a semblĂ© ne pas croire tout de suite Ă sa bonne fortune ! D’abord pĂ©trifiĂ©, il se dĂ©cida enfin Ă tendre ses mains tremblantes vers les hanches magnifiques de mon amante, les flattant doucement. J’ai pu voir Ă cet instant, dans le contre-jour, la chair de poule hĂ©risser le duvet des cuisses de Marie. Et puis d’un coup d’un seul, il l’a soulevĂ©e par la taille, sans effort apparent, et l’a assise sur le bureau, juste derrière elle, amenant les fesses adorables tout au bord du bandeau de cuir. Se pressant contre le bureau, il força alors Marie, doucement, Ă Ă©carter ses jolies jambes – elle rĂ©sista encore un peu.C’était comme une vision, un chromo aux couleurs exagĂ©rĂ©es. Je la voyais Ă prĂ©sent toute aurĂ©olĂ©e de l’éclat des fusĂ©es tirĂ©es dans son dos, dans la nuit… Puis tout s’est accĂ©lĂ©rĂ©. De façon quasi-machinale, elle avait posĂ© ses mains autour de son cou, Ă lui. Il a lâchĂ© un court instant sa taille, et d’un geste incroyablement rapide il s’est libĂ©rĂ© de son pantalon, faisant jaillir son… engin, qui, il faut hĂ©las l’avouer, m’apparut ne demander que cela ! Le nul Ă©tait montĂ© de façon exceptionnelle. Je vis comme dans un cauchemar sa queue sombre et cambrĂ©e battre entre les cuisses de mon amoureuse, tressautante, comme animĂ©e d’une vie indĂ©pendante. Il s’empara alors de la main droite de celle-ci et l’obligea doucement Ă le saisir par la hampe. La manoeuvre Ă©tait explicite : Marie ne se la fit donc pas expliquer, et, un vague sourire aux lèvres, elle se mit Ă masser doucement cette barre Ă©rigĂ©e. Lui, impassible, insinua alors une main puissante dans l’entrejambe de mon amoureuse et le jeu de ses doigts agiles dans la fente offerte suscitèrent bien vite des tressaillements, appuyĂ©s de soupirs retenus… Soupirs qui s’enchaĂ®nèrent bientĂ´t en un halètement continu, ponctuĂ© de cris Ă©touffĂ©s, tandis qu’une sarabande que je me croyais exclusivement rĂ©servĂ©e animait les hanches de ma Miss, se projetant au-devant des doigts fureteurs. Des reflets mordorĂ©s commencaient Ă inonder les cuisses de la furieuse. Et puis enfin, perdant ce qui lui restait de dĂ©fenses, Marie, toute tremblante d’énervement et de convoitise, abandonna son massage pour guider sans plus attendre la bite Ă©lancĂ©e vers l’orĂ©e de son sexe… J’étais Ă©berluĂ©. Etait-ce possible ? Comment en Ă©tait-elle arrivĂ©e lĂ Â ? Je vis le bout trapu trouver en tâtonnant sa place naturelle entre les lèvres obscures de ma gredine. L’infâme y marqua une pause ; le voyant de dos, de trois quarts, j’étais fascinĂ© par ses fesses, Ă©troites et musclĂ©es. Je les vis alors se contracter d’un coup et puis s’avancer, lentement, tandis qu’il Ă©cartait Marie, s’enfonçant en elle. Elle poussa un «Ah !», se cabra en arrière sur le bureau, s’y appuyant d’une main incertaine, bousculant les menus objets qui s’y trouvaient, tandis que son autre main – ongles vernis de rouge – Ă©treignait la racine du membre fichĂ© entre ses cuisses ruisselantes, ce membre qui allait et venait Ă prĂ©sent, avec une rĂ©gularitĂ© de piston monstrueux, ponctuĂ©e par le bruit sourd et rythmĂ©, presque mĂ©tallique, du choc des deux bassins, en bout de course, un mouvement dont chaque pulsation coĂŻncidait avec un nouveau gĂ©missement arrachĂ© Ă ma belle.Au bout d’un temps incalculable, le gentil collègue s’arrĂŞta, abutĂ© tout au fond du ventre de mon amante… Quelques secondes s’écoulèrent ainsi, haletantes… En avait-il fini ? Non ! La prenant alors Ă la taille, il eut un mouvement de rotation du bassin, de bas en haut, qui la souleva, elle, cambrĂ©e, au-dessus du bureau, jambes crochĂ©es sur ses fesses, comme si le sexe tout droit et dru plantĂ© en elle Ă©tait devenu l’axe nouveau de tout ce corps de femme… Et puis encore, je le vis empoigner ses seins, Ă travers le haut de soie. Et, Ă©nervĂ© par l’obstacle pourtant lĂ©ger, tirer d’un coup, arrachant boutons et broderies, libĂ©rant les tĂ©tons magnifiques, bruns, durs, bandĂ©s, dressĂ©s. Et leur chevauchĂ©e reprit d’un coup, furibonde. Moi j’étais lĂ , fascinĂ©, littĂ©ralement fascinĂ©. Ă€ cet instant prĂ©cis, le tir dans le lointain du bouquet final illumina la pièce de couleurs orangĂ©es, c’était fou, le sifflement et le choc des fusĂ©es se mĂŞlait aux cris, aux vĂ©ritables hurlements de Marie hagarde pour produire une scène franchement hallucinante. Des feux de toutes sortes Ă©taient tirĂ©s sous mes yeux et sous mon crâne en proie Ă la plus grande confusion.Je me souviens que je fis un effort pour m’arracher au spectacle, et que je me retournai de manière mĂ©canique, avec cette idĂ©e de rejoindre les autres, vite, de faire comme si rien ne s’était passĂ©, de gommer l’épisode. Ă€ deux pas derrière moi, sur le palier, se tenait mon historienne, figĂ©e, bouche bĂ©e, pupilles Ă©carquillĂ©es, fixant par-dessus mon Ă©paule le spectacle offert par sa collègue. Je la bousculai un peu, ou la caressai peut-ĂŞtre, le regard et l’esprit ailleurs, descendis vivement l’escalier, en proie aux Ă©motions les plus contradictoires, l’estomac nouĂ©, contrariĂ© de mille mouvements opposĂ©s…En bas, la fĂŞte se finissait. J’émis, je crois, quelques banales amabilitĂ©s. Je dus attirer quelques regards intriguĂ©s, quelques commentaires, tant mon esprit battait la campagne. Je suis encore dans l’impossibilitĂ© d’évaluer le temps qui se dĂ©roula, avant qu’un peu calmĂ©, je ne me dĂ©cide Ă remonter. Je me souviens que je trouvai la porte de la bibliothèque grande ouverte. Ils n’étaient plus lĂ . J’entrai, allai jusqu’au bureau. Sur le bord du maroquin, il y avait une large tâche humide, oĂą je posai deux doigts… que je portai Ă mes lèvres, apprĂ©ciant de la pointe de la langue le goĂ»t… sucrĂ©-salĂ© de mon amoureuse. Et puis je suis ressorti, j’ai regardĂ© par la fenĂŞtre, le jardin, dans le noir… Elle Ă©tait lĂ , toute seule, assise sur l’un des fauteuils en osier blanc de la terrasse. Elle fumait une cigarette, les yeux clos.Encore plus tard, en bas, je l’ai croisĂ©e. Elle servait les derniers scotchs. Je me souviens qu’elle m’a souri, et tout en me regardant dans les yeux m’a jetĂ© quelque chose comme :«Quel spectacle ces feux ! C’était super, vraiment… Jamais je n’en avais pris autant plein…  » – Elle marqua une pause inutile – « …les yeux ! Tu veux peut-ĂŞtre un verre, mon chĂ©ri ?».Impassible. Elle avait changĂ© de jupe et de chemisier. Je ne lui ai pas demandĂ© si elle avait remis son petit triangle de dentelle noire…