J’avais roulé presque toute la journée. Il était bientôt six heures du soir, et je devais encore me rendre dans une énième entreprise pour essayer de vendre mes produits. Je commençais vraiment d’en avoir assez de ce boulot. Tout le temps sur les routes, pour une paye qui n’était finalement pas extraordinaire. Quasiment toutes les nuits à l’hôtel. Pas ou peu de vie de famille envisageable. Je n’arrivais pas à me détacher de ces pensées. Je commençais d’être fatigué. Toulouse, 72 km, indiquait le panneau. J’essayais de garder toute mon attention sur la route. Il fallait que je m’arrête. J’avais besoin d’une pause.Je garai la Xsara sur le parking de l’aire d’autoroute. Il n’y avait pas grand monde, comme souvent en semaine dans ce genre d’endroits. Quelques camions, une ou deux voitures, probablement des VRP, comme moi. J’ouvris la portière et sortis. L’air frais me fit du bien, me réveillant quelque peu. Je marchai jusqu’à la boutique de la station service. J’entrai. Une musique un peu bluesy-jazzy assez forte ambiançait l’endroit. Il y avait deux types appuyés au comptoir de ce qui ressemblait à un bar. Ils étaient plutôt mal fagotés, et me firent penser à des routiers. Je les saluai d’un bref « bonjour ». L’un d’eux hocha la tête à mon attention. Mais il n’y avait personne derrière le bar, ni dans le reste de la salle. Je parcourus du regard les différents étalages, où étaient proposés toutes sortes de friandises, sandwiches, gâteaux et autres trucs plus ou moins mangeables. Mais les quelques prix que j’aperçus me firent oublier ma gourmandise. Je me dirigeai plutôt vers les trois machines à café, qui clignotaient au fond de la salle. Un euro le pauvre café… Tu parles d’une arnaque. J’en pris un, et le bus tranquillement, en feuilletant vaguement un « Voici » qui traînait là .J’entendis s’ouvrir une porte. Je regardai. C’était écrit: « privé » dessus. En sortit un homme, encore probablement un routier, qui vint sans rien dire s’asseoir auprès des deux autres, lesquels partirent d’un long rire bien gras lorsqu’il s’installa. Je me replongeai dans ma lecture hyper-intéressante. Les trois hommes se mirent à discuter entre eux. J’essayai de comprendre, mais j’étais trop loin. Je terminai mon café et me dirigeai vers les toilettes. Quand j’en ressortis, un couple de petits vieux était entré dans la station, et attendait près de l’espèce de comptoir pour payer, mais il n’y avait toujours personne. L’un des routiers hurla:— Eh, Gina, t’as du monde.Une femme d’une quarantaine d’années finit par sortir de la porte privée. Elle fonça vers la caisse, et s’occupa rapidement des petits vieux qui partirent eux aussi rapidement quand ils eurent payé. La femme tourna les yeux vers moi, et me salua froidement en réponse au vague « bonsoir » que je balançai. Puis elle repassa par la porte « privé », et disparut. L’un des types, le dernier arrivé, se leva, ramassa ses quelques affaires, et dit aux autres:— Bon, allez, j’y vais, à plus.— Salut.— Bonsoir, bonne route. » fis-je également.— B’soir. » me fit-il aussi, surpris.Je m’apprêtai à le suivre et reprendre la route moi-aussi, mais la porte privée s’ouvrit encore et un autre homme en sortit, celui-ci habillé en costume. Sans doute un représentant comme moi. Il serra la main aux deux autres toujours appuyés sur le comptoir. Je l’entendis leur dire:— Bon, eh ben, ça fait du bien, ça détend. Allez, à la prochaine.— À la prochaine.La femme ressortit également par la même porte. Je trouvai tout ça assez curieux, je décidai de reprendre un café, et d’observer discrètement tous ces gens encore un peu. Ils se mirent à discuter entre eux; je ne compris pas tout, leurs voix étaient couvertes par la musique. Finalement, la femme repassa encore cette porte, suivie de l’un des deux gars. L’autre se tourna vers moi, voulant sans doute observer ma réaction. Je fis mine de n’avoir rien vu, et maintins la tête plongée dans mon « Voici ». J’essayais d’entendre quelque chose, mais aucun bruit ne venait couvrir la musique. Voyant (ou sentant plutôt) que l’endroit était fumeur. Je m’allumai une cigarette. Je devinai que l’homme me regardait encore un instant. Mais je ne levai pas les yeux vers lui. Il finit par se retourner et se lever de son tabouret. Je l’observai du coin de l’œil par-dessus mon magazine. Il zyeuta encore une fois dans ma direction, puis à son tour, franchit la porte privée. J’hallucinai. La porte se referma derrière lui.Quelques minutes passèrent, durant lesquelles je restai attentif au moindre son, mais toujours aucun bruit. Je trouvai tout cela vraiment glauque, mais également excitant. J’essayai d’imaginer ce qui se passait derrière cette porte. Je tentai de réfréner mon début d’érection en pensant à la route qui me restait à parcourir, ou à l’affreuse femme de mon directeur, mais rien à faire. Je décidai de me lever et de m’approcher doucement de cette porte, pour essayer d’entendre plus précisément quelque chose. J’étais juste derrière cette porte quand la musique s’arrêta brusquement; c’était la fin d’une piste du cd. J’en profitai pour tendre l’oreille. J’entendis la voix d’un des types s’élever, pas très forte, et ordonner:— Tiens, prends ma queue !Mais pas d’autre bruit, j’hallucinai totalement. Et pas de réponse. La musique reprit, une nouvelle piste, sans doute. J’attendis, tentant d’entendre autre chose. Mais plus aucun son ne me parvint. Et mon sexe durcissait encore. Je trouvais ça hyper glauque, presque malsain, mais ça m’excitait malgré moi. Je laissai passer toute la chanson, deux ou trois minutes, durant lesquelles mon imagination travailla méchamment. La musique s’arrêta soudain, et j’entendis une voix d’homme résonner doucement à travers la porte:— Pousse-toi, je vais la mettre dans ce trou-là …Je sentis poindre en moi une nouvelle montée d’excitation. La musique redémarra. Je m’imaginais les deux mecs en train de se taper la femme, tranquillement, dans l’arrière-boutique. Et elle s’en était déjà tapée deux autres avant. Incroyable ! Je bandais à tout rompre. J’étais partagé entre l’envie d’entrer, de passer cette porte, et celle de me branler. J’hésitai. C’était quand même trop glauque pour moi ce genre de plans. Je me mis à me masturber doucement à travers le fin tissu du pantalon de mon costume. Une nouvelle pause se produisit dans la musique, j’écoutai encore attentivement. La voix de la femme s’éleva, apparemment empreinte de satisfaction:— Oh, ouiiii. Les deux dans le même trou…Et la musique reprit. Je n’en pouvais plus. Je me mis à me toucher plus vivement, toujours à travers mon fute. Je gardais quand même un oeil sur le parking de la station, prêt à m’arrêter si quelqu’un se pointait, et un autre sur la porte, également prêt à m’arrêter si elle s’ouvrait. Deux ou trois autres minutes passèrent. La musique s’arrêta encore. J’entendis la voix de l’un des hommes:— Aaaah ! Je crois que je vais finir…— Oh, non, pas déjà  ! » répondit la femme, suppliante.Je me retenais pour ne pas sortir mon sexe et me masturber carrément. La musique reprit encore, plus forte que jamais, un gros roulement de batterie. Je me ressaisis et m’arrêtai, m’attendant à ce que l’un des mecs sorte, d’un moment à l’autre. J’allai m’appuyer sur le comptoir, essayant de paraître le plus serein du monde. La porte ne tarda pas à s’ouvrir en effet. Un type en sortit. Il ne s’arrêta pas, et se dirigea vers la sortie de lastation. Il me fit un vague « bonsoir », sans même lever les yeux vers moi. À peine une minute plus tard, la femme et l’autre gus passèrent à leur tour la porte. La femme parut étonnée de voir que j’étais encore là . Il me sembla même qu’elle rougissait légèrement en remarquant ma présence. L’homme prit la parole, en se dirigeant aussi vers la sortie:— Bon, ben, merci Gina, je te payerai un de ces jours.— Okay. Salut, bonne route.C’était bien ce que je pensais, elle ne faisait pas ça juste pour le plaisir. C’était surtout pour arrondir ses fins de mois. Elle reprit la parole, à mon attention cette fois, en me désignant une sonnette posée sur le comptoir, et que je n’avais pas remarquée:— Il fallait sonner, si vous aviez besoin de quelque chose.— Non, non, je n’étais pas pressé.— Alors, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?J’hésitai. J’étais toujours très excité par ce que je venais d’entendre derrière cette porte. Mais je ne savais pas si je pouvais oser. Ah, après tout… En plus cette femme était plutôt pas mal. Allez !— C’est combien ? » lui dis-je en désignant d’un geste la porte marquée « privé ».Elle parut surprise. Je la regardais fixement, essayant de ne pas laisser paraître mon hésitation et de lui sembler déterminé.— Hmmm… » fit-elle, « tout le monde n’y a pas accès, normalement… »— Mais je ne suis pas tout le monde. » m’entendis-je lui répondre.Elle me contempla longuement, avec un petit sourire malicieux et aguicheur, puis finit par me dire:— Bon, allez, pour vous ce sera… hmmm, disons deux euros…Je sursautai d’étonnement:Si ce n’était pas une invitation, je ne m’y connaissais pas. Elle devait vraiment avoir envie de moi (ou disons d’une bite), pour ce prix-là . Je sortis mon portefeuille en tremblotant à moitié, tandis que Gina se dirigeait vers la porte marquée « privé ». Je pris un billet de dix euros, en lui disant:— Tenez, gardez tout.— Monsieur est trop bon. », dit-elle, toujours avec un sourire.— Vous valez bien ça, quand même… » parvins-je à lui retourner.Je recommençais de bander. Elle ouvrit la porte, et entra. Je la suivis, la pièce était très sombre.— Attendez, je vais allumer… » me dit-elle.Je m’apprêtais à défaire mon pantalon, ouvrant déjà ma ceinture. Une pâle lumière tamisée apparut, en même temps que j’entendis sa voix:Elle se retourna en me tendant une queue de billard. Je regardai sans comprendre autour de nous. Je vis un superbe billard sur le côté de la pièce, et je compris soudain à quel point j’étais con.— Votre ceinture est défaite… » me dit-elle finalement.— Ah ? Euh… merci…Je fis mine de la refermer machinalement, et attrapai la canne qu’elle me tendait toujours.— Vous deviez avoir rudement envie de jouer pour être prêt à payer dix euros la partie…— Euh… oui… en effet, j’avais très envie de jouer… »Mais pas à ce jeu-là  ! » pensai-je, en me reprochant une fois encore d’avoir été aussi stupide.