GĂ©rard MarĂ©chal Ă©tait un savant maudit, comme ces artistes qui n’ont pas rĂ©ussi, ou du moins que le monde de l’art n’a pas reconnus. Lui c’était la communautĂ© scientifique qui l’avait rejetĂ©. SurdouĂ© depuis l’enfance, qu’il avait passĂ©e d’école en Ă©cole tant son insolence et son agitation le rendaient insupportable. Il avait obtenu le bac S Ă treize ans sans mĂŞme s’en rendre compte, comme l’un des nombreux tests qu’on lui faisait passer, et l’universitĂ© ne l’intĂ©ressa que lorsqu’il put y rencontrer quelques chercheurs rĂ©ellement en pointe. Il les impressionna vite par son sens aigu des mathĂ©matiques appliquĂ©es, revisitant leurs calculs pour les simplifier par d’étonnants raccourcis qui, une fois Ă©crits, semblaient tomber sous le sens. En quelques mois il atterrit au CERN, près de Genève, oĂą il se frotta Ă la communautĂ© scientifique europĂ©enne. Se frotter est bien le mot, c’est-Ă -dire que tout ne se passa pas exactement comme il l’aurait souhaitĂ©.Pour lui, intelligence signifiait ouverture d’esprit. Or il se heurta Ă des savants très soucieux de propriĂ©tĂ© intellectuelle, de patriotisme Ă©galement, tous bien plus vieux que lui et avec des parcours bien plus laborieux. Ils prirent donc Ă rebrousse-poil ce jeune prĂ©tentieux qui dĂ©barquait en voulant tout savoir y compris leurs petits secrets, et qui de plus semblait vouloir leur en remontrer. Notamment, il dĂ©veloppait Ă qui voulait l’entendre que l’on ne comprendrait la matière qu’au travers des « trous noirs » et non pas en tentant de l’éclater en particules de plus en plus petites, ce qui Ă©tait malgrĂ© tout le but du colossal accĂ©lĂ©rateur de particules europĂ©en. Comme en plus ces savants Ă©taient chouchoutĂ©s par l’administration de l’organisme et les politiques de leurs pays respectifs, il n’obtint pas les financements qu’il souhaitait, pourtant dix fois infĂ©rieurs Ă ce qui Ă©tait dĂ©pensĂ©, pour dĂ©velopper sa thĂ©orie et ses travaux. Au bout de trois ans, il claqua la porte avec fracas, c’est-Ă -dire qu’il livra Ă la presse spĂ©cialisĂ©e les raisons de son dĂ©part avec la mĂŞme insolence dont il avait toujours fait preuve.Quand un type de ce calibre, dĂ©jĂ cĂ©lèbre par son parcours atypique, fait un scandale et se retrouve, de fait, « à la rue », il existe toujours quelques vautours pour profiter de la situation. Et comme MarĂ©chal Ă©tait aussi peu mĂ©fiant qu’intelligent, il ne s’étonna mĂŞme pas qu’une noria d’hommes en costumes sombres tente de l’approcher pour lui faire des propositions mirifiques. Peu importe d’oĂą ils venaient, qui ils reprĂ©sentaient. Pour lui, l’essentiel Ă©tait que ses compĂ©tences soient reconnues, que ses thĂ©ories intĂ©ressent et qu’on lui donne les moyens de les dĂ©velopper. Il accepta donc la proposition qui lui semblait la meilleure et se retrouva quelques mois plus tard sur une Ă®le privĂ©e de Norvège, Ă la tĂŞte d’un petit centre de recherche oĂą il avait toute libertĂ© et tout le financement qu’il souhaitait. Certes, le climat Ă©tait parfois rude, l’hiver dĂ©sespĂ©rĂ©ment long et sombre, mais ces dĂ©tails n’avaient pour lui aucune importance. Des gens s’occupaient de tout, des repas, de l’entretien de son linge comme du somptueux appartement qu’il occupait très peu. Il pouvait passer son temps sur ses ordinateurs, dans son grand laboratoire, construisant les machines dont il avait toujours rĂŞvĂ©, plongĂ© Ă corps perdu dans ses recherches.Pour l’assister, il disposait d’une douzaine de techniciens de pointe, tous ingĂ©nieurs Ă minima ou enseignants-chercheurs issus de nombreux pays. Ils travaillaient Ă la mise au point des engins imaginĂ©s par MarĂ©chal pour la plupart, seule Lily Farwell avait trouvĂ© place d’assistante auprès du jeune savant fou. Cette Anglaise avait l’intelligence et l’esprit fantasque comme son mentor, mais disposait en plus du flegme britannique qui lui permettait de le supporter. Ils faisaient une bonne Ă©quipe et s’entendaient plutĂ´t bien, sauf lorsqu’un de ces violents accès de colère agitait le jeune scientifique.Ça avait Ă©tĂ© le cas la veille, lorsqu’une expĂ©rience avait Ă©chouĂ© simplement parce que l’intensitĂ© du courant consommĂ© par la machine avait fait tout sauter et plongĂ© l’île dans l’obscuritĂ©. Pourtant ça y Ă©tait, il tenait la preuve de la justesse de son raisonnement, il en Ă©tait sĂ»r. Tout ça ratĂ© pour quelques ampères… Sa colère avait Ă©tĂ© si violente que, dans la nuit, un hĂ©licoptère avait apportĂ© sur l’île un nouveau gĂ©nĂ©rateur plus gros et plus puissant, uniquement destinĂ© au laboratoire de MarĂ©chal. Au moins, s’il faisait encore tout sauter, le reste des habitants de l’île pourraient continuer Ă vivre. Dès dix heures du matin, les techniciens annoncèrent que le nouveau raccordement Ă©tait opĂ©rationnel. Ils avaient travaillĂ© toute la nuit pour satisfaire l’impatience du bouillant scientifique. Toute l’équipe Ă©tait au garde-Ă -vous, attentive au moindre mouvement de ses sourcils. C’est qu’il fallait des heures pour charger les Ă©normes condensateurs accumulant l’énergie suffisante, aligner les lasers au millième de millimètre, vĂ©rifier les quatre cent cinquante points de la check-list. En ne commençant qu’à dix heures, l’expĂ©rience proprement dite, qui ne durait qu’une fraction de seconde, ne pourrait pas avoir lieu avant dix-sept heures, et encore si tout le monde se passait de dĂ©jeuner. Tout cela pour rĂ©duire… une orange ! Mais attention, pas en faire de la bouillie, mais diminuer sa taille de moitiĂ©. Vous savez, « ChĂ©rie j’ai rĂ©trĂ©ci les gosses », la mĂŞme chose, mais en vrai. Pour GĂ©rard MarĂ©chal, c’était la première Ă©tape vers le trou noir.Un trou noir, c’est un endroit oĂą la pression crĂ©Ă©e par la matière accumulĂ©e est tellement forte, que les atomes de matière s’effondrent sur eux-mĂŞmes. Les Ă©lectrons, qui donnent le volume Ă un atome en couches successives, tombent sur le noyau, donnant ainsi la mĂŞme masse de matière mais pratiquement sans volume. Si une telle chose arrivait Ă une voiture par exemple, un monospace de deux tonnes aurait la taille d’une tĂŞte d’épingle… pesant toujours deux tonnes. Imaginons que mille monospaces soient ainsi rĂ©duits, ils tiendraient tous dans une timbale qui pèserait alors deux mille tonnes… Elle n’y rĂ©sisterait pas, aucun support n’y rĂ©sisterait, pas plus que la croĂ»te terrestre et cette poignĂ©e de tĂŞtes d’épingle s’enfoncerait inexorablement vers le centre de la Terre, l’épicentre de l’attraction.Le raisonnement va plus loin : cette masse si colossale et en mĂŞme temps si petite provoquerait une attraction ponctuelle si puissante que toute la matière autour d’elle s’écroulerait Ă son tour et, de proche en proche, absorberait inexorablement toute matière environnante, accĂ©lĂ©rant le processus jusqu’à crĂ©er l’un de ces fameux trous noirs, qui absorbent tout y compris la lumière, d’oĂą leur nom : trou noir. C’est pourquoi, dans sa folie scientifique, MarĂ©chal Ă©tait cependant assez prudent et commençait son approche avec circonspection. D’abord, une plaque de titane de seize pouces d’épaisseur servait de support Ă l’engin susceptible de faire s’écrouler la matière. Ensuite, il n’allait procĂ©der que sur un objet de quelques grammes, une orange. Enfin, son expĂ©rience ne visait qu’à faire Ă©crouler un seul niveau atomique, le plus simple, le premier, le plus proche du noyau. L’expĂ©rience ne serait rĂ©ussie que si l’orange diminuait de volume, de combien il ne savait pas trop, tout en conservant la mĂŞme masse, il suffirait de la peser.La tension montait dans le labo en mĂŞme temps que dans les condensateurs. L’heure de vĂ©ritĂ© approchait, les visages Ă©taient crispĂ©s, sauf ceux de GĂ©rard et de Lily qui, eux, Ă©lucubraient toujours sur les probabilitĂ©s du rĂ©sultat et notamment sur la taille finale de l’orange.—  J’ai envie d’un cafĂ©, dĂ©clara soudain Lily. Tu en veux un ?—  Oui, oui, merci, rĂ©pondit machinalement GĂ©rard, replongĂ© dans ses calculs.Lily partit dans les couloirs en direction de la salle de pause et ses distributeurs. Elle revint chargĂ©e de ses deux gobelets et s’engagea par la première porte venue qui, par chance, n’était pas fermĂ©e alors qu’elle l’est habituellement. Elle y appuya le dos pour la refermer car cette porte Ă©tait terriblement lourde, chargĂ©e de couches de titane et de plomb, comme l’ensemble de cette pièce oĂą trĂ´nait la machine. Le pĂŞne Ă peine enclenchĂ©, il y eut un Ă©clair aveuglant, comme un souffle d’explosion nuclĂ©aire, et la pauvre fille fut projetĂ©e sur la porte avec une violence inouĂŻe qui la plongea dans les pommes. Dans la cabine, lĂ -bas de l’autre cĂ´tĂ©, un hurlement retentit. GĂ©rard sautait en l’air, battait des mains, hurlait sa joie. LĂ , devant ses yeux Ă©blouis, les Ă©crans montraient l’image de l’orange apparemment intacte mais, et l’étalonnage le confirmait, rĂ©duite de moitiĂ©. Victoire, il avait la preuve, preuve qu’il avait raison. En cet instant unique, il Ă©tait le maĂ®tre du monde. On coupa tous les circuits et il courut vers sa machine pour rĂ©cupĂ©rer l’orange modifiĂ©e et la peser. Un gĂ©missement attira son attention derrière sa machine. Et lĂ , stupeur ! Sa prodigieuse intelligence guida ses actes, prenant le relais d’une conscience Ă©branlĂ©e. Il rĂ©cupĂ©ra prestement l’orange et la tendit Ă ses collaborateurs accourus qui s’apprĂŞtaient Ă envahir le local.—  Allez la peser, mais Ă vue de nez ça me paraĂ®t conforme. Et puis pause pour tout le monde, on se retrouve dans la salle de dĂ©tente pour boire un coup. Sortez le champagne !On ne se le fit pas dire deux fois, et la joyeuse troupe disparut. GĂ©rard ferma la porte et se retourna, comme si un sac de ciment venait de lui tomber sur les Ă©paules. Il fit le tour de la machine et s’approcha de l’autre porte, la coupable qui n’était pas verrouillĂ©e. Par terre, il y avait un tas de vĂŞtements, deux gobelets de cafĂ© renversĂ©s. Et au milieu, Ă demi assise contre la porte, Lily qui gĂ©missait doucement, essayant de revenir Ă elle après ce terrible flash. Recouvrant progressivement la vue, elle aperçut GĂ©rard ou sa silhouette, mais complètement dĂ©formĂ©, très grand, gigantesque mĂŞme. GĂ©rard se pencha vers le petit ĂŞtre qui gisait au milieu des vĂŞtements.—  Lily ? Lily, ça va ? Co… Comment te sens-tu ?Ses neurones tournaient Ă toute allure, mais pour la première fois de sa vie aucune rĂ©ponse ne venait, c’était un peu le trou noir ! Devant ses yeux Ă©bahis, Lily Ă©mergeait lentement du choc subi et commençait Ă bouger, Ă ouvrir les yeux. Lily, certes… Mais une Lily de la taille d’une poupĂ©e ! Elle devait mesurer Ă peu près quatre-vingts centimètres. Il y avait fort Ă parier qu’elle pesait toujours le mĂŞme poids… Tous les jurons de la Terre n’auraient pas suffi Ă exprimer l’état dans lequel il se trouvait. La boulette du siècle, le truc qui peut vous briser dĂ©finitivement. Dans quel merdier Ă©tait-il ! Certainement que la faute en revenait d’abord Ă celui qui n’avait pas verrouillĂ© cette porte, ensuite Ă Lily qui l’avait empruntĂ© alors qu’elle savait très bien oĂą elle menait. Mais c’était lui le responsable de l’expĂ©rience, lui qu’on allait incriminer. De plus, il Ă©tait un peu gĂŞnĂ©, parce que Lily Ă©tait nue comme au jour de sa naissance, s’extirpant de vĂŞtements deux fois trop grands. Il insista :—  Lily, comment te sens-tu ? Lily, parle-moi…—  Que veux-tu que je te dise ? Je ne sais pas ce qui m’est arrivĂ©, rĂ©pondit une voix faible.—  Ah, dieu du ciel, tu es en bonne santĂ©.—  Pas vraiment, non, j’ai mal au crâne et des troubles de la vision. Je te vois immense…—  C’est normal. Enfin, il y a de la logique lĂ -dedans, je t’expliquerai…—  Mais c’est quoi tout ce bordel ici, ces chiffons… Mais… Mais ce sont mes vĂŞtements… Mais… Je… Je suis Ă poil ! ! Mon dieu, qu’est-ce qui se passe ? GĂ©rard, retourne-toi !GĂ©rard obĂ©it en rougissant. Son obsession scientifique l’avait jusque-lĂ fait passer Ă cĂ´tĂ© de la vie « normale ». Les femmes, il en ignorait tout, sinon la dĂ©finition du dictionnaire. Et celles qu’il connaissait Ă©taient des « scientifiques », comme lui, une espèce asexuĂ©e qui ne pensait qu’à la recherche. Soudain, il venait de dĂ©couvrir le joli corps nu de sa collègue, c’était une première, et son comportement de pudeur lui sembla très inhabituel. Ce qu’il en avait vu l’avait chavirĂ©. Il la trouvait belle, très belle, mĂŞme. Ce corps harmonieux, ces seins, ces fesses… Il rougit et se mit Ă bander, rĂ©action Ă©galement tout aussi inhabituelle qui le plongea dans la perplexitĂ©. La petite bonne femme tirait des bouts de vĂŞtements et finit par se couvrir intĂ©gralement avec sa seule petite culotte.—  Bon, tu peux te retourner. Dis-moi ce qui est arrivĂ©, explique, vite…—  Eh bien…, nous avons rĂ©ussi…—  C’est-Ă -dire ?—  L’orange est rĂ©duite de moitiĂ©, c’est toi qui avais raison…—  D’accord mais pour moi ?—  Euh… Il semble que les lasers Ă©taient Ă©talonnĂ©s sur les atomes de matière organique, le cas de l’orange, alors… quand tu es entrĂ©e… par là … au mauvais moment…—  Tu veux dire… C’est bien ce que je comprends ?—  Je crois, oui. En mĂŞme temps, c’est fantastique, Lily. Tu te rends compte ? Tu es vivante, normale et tout… Enfin normale… Disons pareille qu’avant mais rĂ©duite de moitié…—  Nom de dieu de bordel de putain de merde ! GĂ©rard, excuse-moi mais… Mets-toi Ă ma place ! Je suis foutue… Je n’ai plus qu’à …—  Lily ! Attends, arrĂŞte. J’en suis responsable aussi, j’aurais dĂ» contrĂ´ler…—  ArrĂŞte aussi GĂ©rard. Si le patron de recherche doit aussi contrĂ´ler les portes, alors il n’y a plus de recherche possible ni de chercheurs. Peu importe le coupable, la question est : comment je vais vivre comme ça ?—  Bien sĂ»r, Lily, je ne te laisserai pas tomber, je vais m’occuper de toi. D’abord, je vais te mettre Ă l’abri des autres. Je vais t’emmener chez toi. Et puis on va rĂ©flĂ©chir et on va sĂ»rement trouver une solution… Merde, on n’est pas des cons, tout de mĂŞme. Quand on vient de rĂ©ussir ce qu’on vient de faire…—  Oui… Non, pas chez moi.—  Pourquoi ?—  J’ai un chat, il va me bouffer…—  Un chat ? Toi ?—  Ben oui, une pauvre bĂŞte que j’ai trouvĂ©e dans la neige et dans le froid, un petit Ă©garĂ© qui avait perdu sa mère. Je ne pouvais pas le laisser crever.—  Bon alors je t’emmène chez moi.GĂ©rard ramassa les vĂŞtements, les roula en paquet et installa Lily au milieu. Il jeta les gobelets et Ă©pongea le sol. Lily pensait Ă sa place et lui commandait tous ces actes du quotidien dont il ignorait presque tout. Il mit son manteau, prit celui de Lily et porta tout cela vers son appartement.—  Ce que tu es lourde ! Pas grosse mais lourde.—  Ça mon vieux, c’était dans le protocole de l’expĂ©rience.—  Oui je sais, mais il n’était pas prĂ©vu que je te porte.Il posa le tout sur le lit et courut retrouver les autres. On le trouva distrait, un peu bizarre, pas aussi satisfait qu’on pouvait s’y attendre. Il but une flĂ»te de champagne, on lui rĂ©clama un discours, il s’exĂ©cuta :—  Nous avons atteint un objectif fantastique : modifier la structure de la matière. C’est très bien, une grande victoire scientifique. Mais… Mais cette victoire doit, pour l’instant, rester absolument, TO-TA-LE-MENT secrète. Je l’exige de chacun d’entre vous. Car nous n’aurons de cesse, et il n’y aura de rĂ©el aboutissement QUE… lorsque nous aurons rĂ©ussi l’expĂ©rience inverse, c’est Ă dire redonner Ă cette orange sa taille normale.Murmures, soupirs accueillirent cette dĂ©claration. On avait atteint le saint Graal, il fallait aussi les reliques sacrĂ©es, la croix et la bannière… Puis peu Ă peu, l’esprit scientifique reprit le dessus et les conversations s’amplifièrent sur ce nouveau challenge. On s’étonna de l’absence de Lily, GĂ©rard rĂ©pondit qu’elle avait Ă©tĂ© appelĂ©e en urgence pour le dĂ©cès d’un proche et il retourna vite chez lui. Lily allait bien, très bien mĂŞme. Il aurait sĂ»rement fallu avoir recours Ă un mĂ©decin, effectuer un bilan de santĂ© après ce choc incroyable, mais rien n’était possible sans Ă©bruiter l’affaire. Et ça, Lily ne le voulait pas, bien qu’elle fĂ»t la preuve vivante de l’extraordinaire rĂ©ussite de GĂ©rard.—  Quoi ? Tu voudrais peut-ĂŞtre me traĂ®ner sur les plateaux de tĂ©lĂ©vision du monde entier, comme un cirque montre la femme Ă barbe ou Ă deux tĂŞtes ? Pas question… D’abord, tu te dĂ©brouilles pour faire subir le mĂŞme traitement Ă quelques vĂŞtements, que je ne sois plus comme ça, Ă poil par obligation.GĂ©rard essaya toute la nuit, carbonisant la moitiĂ© de la garde-robe de Lily, en vain. Ils conclurent ensemble que ce devait ĂŞtre l’eau, prĂ©sente dans les tissus vivants, qui avait Ă©tĂ© le vecteur de la rĂ©action. Épuise, GĂ©rard se dĂ©shabilla pour dormir quelques heures.—  HĂ©, s’écria Lily, mais mon grand savant bande comme un cerf en rut !—  Je suis dĂ©solĂ©, Lily, je n’ai mĂŞme pas de pyjama, je dors toujours nu. Ça gagne du temps, autant pour le mettre que pour l’enlever. Et puis, je te trouve très belle, tu sais…—  Belle, une demi-femme, tu rigoles, non ?—  Modèle rĂ©duit peut-ĂŞtre mais… Tu as gardĂ© tout… enfin, je ne sais pas comment tu Ă©tais avant mais… oh puis zut ! Tu es belle un point c’est tout.—  Tu es mignon malgrĂ© ton sale caractère de savant fou. Je ne peux pas te prendre dans mes bras mais prends-moi dans les tiens. J’ai peur, tu sais, j’ai besoin d’être rassurĂ©e…—  Je comprends, je suis dĂ©solĂ©. Si j’avais pu imaginer…—  Mais non, tu ne pouvais pas et moi non plus. Allez, viens, reposons-nous pour avoir l’esprit plus clair.GĂ©rard Ă©tendit son grand corps sous les draps, Lily vint Ă cĂ´tĂ© de lui et posa sa tĂŞte sur son Ă©paule, d’un geste assez naturel, dans une recherche de sĂ©curitĂ© et de compassion. Mais cette tĂŞte trop petite pesait le poids d’une tĂŞte normale, ce qui fit un drĂ´le d’effet Ă GĂ©rard, qui n’avait mĂŞme jamais vĂ©cu cette situation avec une femme de taille normale. Pire, les pieds de Lily, froids comme les pieds de toutes les femmes, arrivaient juste Ă la hauteur des testicules de son collègue qui frĂ©mit d’abord puis banda encore un peu plus fort. Sentant cette première rĂ©action, Lily s’enhardit et posa sa jambe Ă demi pliĂ©e sur le sexe tendu, le frottant tendrement, son pied rĂ©chauffĂ© caressant toujours les testicules. Enfin, elle se dĂ©cida Ă tendre une main vers l’objet et en polit le gland.—  Lily, mais qu’est-ce que tu fais ?—  Oh Ă©coute, depuis le temps que j’ai envie de coucher avec toi, a-t-il fallu attendre que je sois devenue un monstre pour que tu me mettes dans ton lit.—  Mais, Lily, mais j’ignorais. Tu aurais pu le dire, dĂ» le dire… Je… Je suis pas très… habituĂ©, tu sais… alors en plus… j’ai peur de te faire du mal…—  Haha ! Ne rĂŞve pas mon grand, ce n’est pas maintenant que tu vas pouvoir perdre ton pucelage. Tu imagines ? Tu me ferais exploser… Laisse-moi faire…Et Lily Ĺ“uvra, besogna, chevaucha, saisit ce sexe Ă pleins bras, le serrant entre ses seins, le branla de ses petites mains, le frotta sous ses fesses. Elle vivait un moment extraordinaire, câlinant un pĂ©nis colossal, plus Ă©norme qu’elle n’aurait pu en rĂŞver. Elle le manipula avec tant de conviction que soudain le geyser jaillit, inondant l’abdomen de GĂ©rard. Les rĂ©serves du jeune homme, jamais entamĂ©es, Ă©taient considĂ©rables. Ravie par cette mare de sperme, Lily y plongea Ă plat ventre, s’y roula, s’y frotta tout le corps comme dans une fontaine de jouvence, jusqu’à ce que GĂ©rard proteste :—  C’est sympa Lily, mais lĂ tu m’étouffes, tu m’écrabouilles les boyaux, je n’en peux plus. Souviens-toi que tu pèses toujours autant !—  Oh excuse-moi mon grand chĂ©ri. Je rĂ©alisais juste un vieux fantasme, me couvrir tout le corps de sperme. Tu as raison, dormons.Ils s’endormirent dans les bras l’un de l’autre, ivres de fatigue, couple paradoxal s’il en est.GĂ©rard fit d’autres tentatives avec des vĂŞtements mouillĂ©s, tout aussi infructueuses. Ils en conclurent que la seule prĂ©sence d’eau ne suffisait pas, il fallait qu’elle fasse partie intĂ©grante de la matière Ă transformer. Mine de rien, la science avançait. Il ne voulut pas qu’on touchât Ă la machine qui avait Ă©tĂ© utilisĂ©e brillamment, et il imposa la construction d’une nouvelle machine pour tenter de renverser le processus. Il fallut nĂ©gocier avec les financeurs. Pour cela, il prit un hĂ©licoptère pour Oslo, apportant avec lui la fameuse orange, preuve de sa rĂ©ussite. L’entretien fut positif, on observa bĂ©atement l’orange rĂ©trĂ©cie, on la pesa et la repesa, et il obtint une importante rallonge budgĂ©taire ainsi que l’assurance d’un silence total tant que le processus ne serait pas parfaitement maĂ®trisĂ©, rĂ©duction puis retour Ă la normale. Il en profita pour faire tous les magasins de jouets de la ville afin d’y trouver des vĂŞtements de poupĂ©e Ă la taille de Lily. DĂ©jĂ , une poupĂ©e de quatre-vingt-cinq centimètres, ce n’est pas courant. Mais en plus, ces jouets n’ont absolument pas la forme et les proportions d’un humain modèle rĂ©duit. Ils sont bien plus dodus et ressemblent plus Ă des bĂ©bĂ©s. Ce n’est qu’en passant devant la boutique d’un antiquaire qu’il aperçut une poupĂ©e ancienne de porcelaine qui avait vaguement la silhouette de sa belle amie. Il entra, nĂ©gocia avec une vieille dame qui avoua fabriquer elle-mĂŞme ces objets de collection et lui montra son atelier. En fait, seules la tĂŞte et les mains Ă©taient en porcelaine, le reste n’était qu’un bourrage de kapok dans de vieux collants. La vieille dame consentit Ă lui vendre trois ensembles de vĂŞtements conçus pour de futures poupĂ©es, Ă condition qu’il achetât celle en vitrine.GĂ©rard revint avec ses trĂ©sors qui ne plurent guère Ă Lily, ces vĂŞtements n’étaient pas vraiment Ă la mode. Cependant, elle lui fit une longue sĂ©ance d’essayage, debout sur la table, qui ne manqua pas d’exciter le jeune homme au plus haut point. Cette mini-femme le fascinait, surtout lorsqu’elle Ă©tait nue, bien entendu. L’un des problèmes majeurs qu’ils rencontrèrent fut la nourriture. Lily parvenait Ă se dĂ©brouiller Ă manger avec ses mains et de petits morceaux de pain, mais elle avait faim sans cesse. En fait, son mĂ©tabolisme Ă©tait celui de la « grande » Lily, et elle aurait dĂ» consommer autant de nourriture qu’avant sa transformation, ce qui n’était guère possible en fonction de sa taille. Donc elle mangeait sans cesse mais avait toujours faim, ayant l’impression de n’absorber que du vent. Il fallut que la nuit GĂ©rard descende des plateaux de nourriture au labo et les rĂ©trĂ©cisse comme l’orange pour satisfaire les besoins de Lily. Elle fut la première Ă tester « gustativement » ces produits et assura que le goĂ»t n’en Ă©tait pas modifiĂ©.GĂ©rard prenait soin autant qu’il le pouvait de sa « crĂ©ature », mais celle-ci savait le remercier et lui offrait chaque nuit des sĂ©ances dĂ©lirantes de caresses, Ă©tant elle-mĂŞme très excitĂ©e par ce pĂ©nis colossal qu’elle manipulait avec dĂ©lectation. Elle n’avait pas sa pareille, et pour cause, pour le saisir entre ses cuisses et frotter son clitoris sur le mĂ©at sensible jusqu’à ce que le colossal Priape crache sa semence. GĂ©rard avait pris un goĂ»t Ă©vident Ă ces jeux Ă©rotiques et caressait tant bien que mal Lily qui s’offrait volontiers Ă ses attouchements maladroits. Ă€ peine plus haute que la table, elle parvenait Ă y grimper en utilisant une chaise comme Ă©chelle. Elle se dĂ©brouillait plutĂ´t bien puisqu’elle pesait toujours soixante kilos et n’avait aucun problème pour bouger la chaise. Pire, la table tremblait et craquait quand elle s’agitait dessus. LĂ , assise en tailleur face Ă son presque amant, elle prenait ses repas avec lui dans une soucoupe avec une touillette Ă cafĂ©. Il la regardait de tous ses yeux admiratifs, matant les trĂ©moussements de ses seins et sa vulve grande ouverte par la position. Souvent, il avançait une main timide et titillait ses appâts du bout des doigts. Elle aimait ça, riait, et dès qu’il avait dĂ©barrassĂ© elle s’allongeait Ă plat ventre devant lui, palmant l’air de ses jambes repliĂ©es. Il caressait doucement son dos, le creux de ses reins et palpait avec dĂ©lices ses petites fesses pommĂ©es. Elle Ă©cartait alors ses cuisses et les trop gros doigts allaient fureter entre elles, massant le sillon jusqu’à l’humiditĂ©. En gĂ©nĂ©ral, elle se levait et, face Ă lui jambes Ă©cartĂ©es bassin offert, elle se laissait lĂ©cher jusqu’à l’orgasme.Mais tout n’était pas aussi simple. Il Ă©tait impossible pour Lily d’aller aux toilettes, par exemple, et GĂ©rard dut acheter un petit pot de chambre pour bĂ©bĂ© qu’il devait rĂ©gulièrement vider et nettoyer. Pareil pour la toilette, qu’elle faisait en grimpant sur l’évier, toujours Ă l’aide d’une chaise. LĂ , elle pouvait facilement atteindre et manipuler les robinets. Mais il fallut aussi acheter une brosse Ă dents de bĂ©bĂ© et des couches pour les pĂ©riodes de règles. Au final, ils parvenaient assez bien, Ă force d’astuces, Ă surmonter ce handicap inattendu. Pour occuper ses longues journĂ©es de solitude, Lily faisait de son mieux pour participer Ă la rĂ©solution du problème en noircissant quantitĂ© de demi-feuilles de calculs qu’elle expliquait Ă GĂ©rard quand il rentrait.Les travaux allaient bon train et GĂ©rard repartait sur de nouvelles bases. La seconde machine ne ressemblerait pas totalement Ă la première, il s’agissait lĂ de fournir suffisamment d’énergie de manière uniforme pour que les Ă©lectrons sautent une couche et retrouvent leur position initiale. Le chercheur s’était basĂ© sur le concept du tube nĂ©on qui utilise ce procĂ©dĂ©. On fait sauter une couche Ă un Ă©lectron du gaz nĂ©on en lui fournissant beaucoup d’énergie et, quand il retombe Ă sa place d’origine, il restitue cette Ă©nergie sous forme de lumière. L’engin possĂ©dait donc deux puissants « ballasts » censĂ©s crĂ©er un plasma dans lequel baignerait l’objet Ă agrandir et, dans un second temps, une dĂ©charge Ă©lectrique très brève, de peu d’intensitĂ© mais d’une tension très Ă©levĂ©e, un peu comme la foudre, viendrait provoquer le dĂ©clic nĂ©cessaire.On refit des essais avec la première machine, d’une part parce qu’il fallait des objets rĂ©trĂ©cis en quantitĂ©, ensuite pour mesurer la quantitĂ© d’énergie fournie dans un sens pour restituer exactement la mĂŞme dans l’autre sens. Ils explosèrent des kilos d’oranges. Au bout de trois mois, GĂ©rard Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©. Ça ne fonctionnait pas et la pauvre Lily n’était pas près de retrouver sa taille normale. Elle suivait les travaux par son mentor interposĂ© et rĂ©flĂ©chissait avec lui longuement le soir. Elle noircissait toujours des feuilles de calculs et les donnait Ă son presque amant le soir. Le lendemain, le responsable de labo sortait les feuillets de sa poche et les soumettait Ă ses collègues :—  Tenez, Lily m’a Ă©crit. Toujours des soucis familiaux mais je la tiens au courant. Si on essayait ses suggestions…—  Mais pourquoi diable Ă©crit-elle si petit, râlaient les collègues ? Il va nous falloir des lunettes-loupes !De son cĂ´tĂ©, contrainte Ă l’inaction, Lily n’en pouvait plus. Il y avait des semaines qu’elle Ă©tait enfermĂ©e dans l’appartement de GĂ©rard, des semaines qu’il fallait qu’elle passe des matinĂ©es cachĂ©e dans le fond de la penderie pendant que la femme de mĂ©nage faisait l’entretien. Elle avait soif de grand air, de soleil et d’espace. L’étĂ© commençait et on savait qu’il serait bref. Elle demanda Ă GĂ©rard de la sortir un peu. Elle prit place dans un sac Ă dos robuste et le chercheur la transporta dans l’un des 4×4 du centre. Il rechercha une plage dĂ©serte, au bout de plusieurs kilomètres d’allĂ©es forestières dans un coin isolĂ© de l’île. Il faisait beau, Lily gambada sur le gazon frais et voulut se baigner. Grave erreur ! L’eau Ă©tait froide, mais ça ne la dĂ©rangeait pas. En revanche, elle n’avait plus aucune portance sur l’eau et coulait Ă pic bien qu’elle fut une excellente nageuse. GĂ©rard dut plonger deux fois pour la secourir, il lui fallut se rĂ©soudre Ă abandonner.Ils eurent alors une longue discussion. Il fallait tout reprendre Ă zĂ©ro. GĂ©rard rapporta les enregistrements des camĂ©ras qui avaient filmĂ© la toute première expĂ©rience. On n’y voyait pas Lily, tout juste apercevait-on, en le sachant et en repassant image par image, l’extrĂ©mitĂ© d’un gobelet dans sa chute. Duquel des deux l’idĂ©e germa-t-elle ? Ils ne s’en souvinrent pas. Mais en fait, Lily avait Ă©tĂ© rĂ©trĂ©cie sans se trouver directement dans le champ des lasers, lĂ oĂą Ă©tait l’orange. La rĂ©action s’était donc produite par un autre processus, mais lequel ? Vraisemblablement par un phĂ©nomène ondulatoire avec Ă©cho sur les parois plomb/titane de la salle d’essai. Une amplification des ondes par rĂ©sonance, ce que les physiciens appellent « interfĂ©rences ». GĂ©rard bondit au labo, mobilisa l’équipe. On plaça une orange dans la première machine et le reste du cageot tout autour de la pièce. Ă€ trois endroits, les oranges furent rĂ©trĂ©cies, pas ailleurs. On fit des marques au sol, on essaya avec trois entrecĂ´tes, mĂŞme rĂ©sultat. MalgrĂ© quelques protestations de la part de certains collègues, GĂ©rard apporta le chat de Lily, le plaça sur un point repĂ©rĂ© avec une coupelle de pâtĂ©e et lança le flash. L’animal fut un peu affolĂ©, tituba quelque temps tout poil hĂ©rissĂ©, puis se calma et accepta de nouveau les caresses, ronronna et termina sa petite pâtĂ©e dans une très grande coupelle. Le minou ne mesurait plus qu’une vingtaine de centimètres. Tout le monde applaudit, considĂ©rant qu’un pas immense avait Ă©tĂ© franchi. MarĂ©chal put rendre compte Ă ses financeurs, avec cette nouvelle preuve Ă©blouissante sur un ĂŞtre vivant, que leurs investissements Ă©taient justifiĂ©s, et que d’autres seraient nĂ©cessaires. On lui accorda. Il en avait grand besoin, parce que ce qu’il envisageait de faire semblait totalement dĂ©ment.D’abord, dans un local contigu, il fit faire une exacte rĂ©plique de la pièce oĂą se trouvait la première machine. Ensuite, il utilisa non plus deux mais trois nouveaux ballasts de très forte puissance, en les positionnant rigoureusement sur le pourtour de la pièce, aux endroits prĂ©cis oĂą les oranges avaient Ă©tĂ© rĂ©trĂ©cies. La puissance nĂ©cessaire Ă la crĂ©ation du plasma Ă©tait telle qu’il fallut faire venir trois nouvelles gĂ©nĂ©ratrices, une par ballast. Avec tous ces travaux de grande ampleur, il fallut encore trois mois avant que les essais puissent reprendre. Pendant ce temps, Lily avait acquis un peu de joie de vivre en retrouvant son chat, rĂ©duit Ă son Ă©chelle. Les premiers essais ne furent pas très concluants, les oranges explosèrent encore. Mais, on put enfin constater un dĂ©but de rĂ©action sur les enregistrements vidĂ©o. Au millième de seconde qui prĂ©cĂ©dait l’explosion du fruit, l’intense lumière du plasma passait d’un coup au noir total, avant de revenir en lumière normale. On monta la tension, on baissa la tension et soudain, Ă l’essai N° 72 d’après les fiches, on obtint enfin une orange plus grosse, presque normale. Presque, parce qu’elle n’était pas ronde mais en forme de ballon de rugby… De plus, lorsqu’on coupa le fruit bizarre, sa structure interne rĂ©vĂ©lait une matière spongieuse d’oĂą s’exhalait une forte odeur d’œufs pourris.On recommença dix fois l’expĂ©rience pour obtenir dix fois le mĂŞme rĂ©sultat. Brainstorming. Il en sortit que l’explication la plus logique Ă cette modification de structure Ă©tait qu’un seul Ă©lectron au lieu de deux avait rejoint sa position initiale en première couche. Mais Ă quoi Ă©tait due cette anomalie ? On chercha longtemps. On vĂ©rifia les positionnements des ballasts, leurs directions. On chercha une Ă©ventuelle anomalie dans la forme de la pièce. Enfin, et c’était plus difficile Ă dĂ©tecter parce que l’impulsion finale Ă©tait extrĂŞmement brève, on contrĂ´la la puissance dĂ©livrĂ©e par chacun des ballasts. En fait, on ne put mesurer rĂ©ellement que la puissance consommĂ©e. Et lĂ , on s’aperçut que l’un des gĂ©nĂ©rateurs fournissait un peu moins de puissance que les autres, bien qu’étant exactement du mĂŞme type. Pour supprimer cette panne et s’assurer de ne plus la connaĂ®tre Ă l’avenir, GĂ©rard fit recâbler toute l’installation, couplant les gĂ©nĂ©rateurs en parallèle de façon Ă annihiler une Ă©ventuelle faiblesse de l’un d’eux. Une semaine de travaux. Mais l’enjeu pour GĂ©rard, ce que les autres ne soupçonnaient pas, c’était Lily, sa vie, sa sĂ©curitĂ©. On reprit les essais, on explosa encore des oranges, il fallait tout rĂ©-Ă©talonner. Enfin, sept mois après avoir rĂ©trĂ©ci la première orange, l’équipe obtint un fruit redevenu normal en apparence, en poids et en goĂ»t. On but Ă nouveau le champagne, mais GĂ©rard demanda encore une fois Ă tout le monde un peu de patience avant de pouvoir crier victoire. Il fallait multiplier les expĂ©riences, ĂŞtre tout Ă fait certains du rĂ©sultat avec diffĂ©rentes matières organiques, et notamment il faudrait redonner sa taille au chat sans le tuer. Tout le monde respecta les volontĂ©s du patron.GĂ©rard et Lily Ă©taient très excitĂ©s. Plus l’échĂ©ance approchait, plus le trac augmentait, peut-ĂŞtre plus encore dans les tripes de GĂ©rard que dans celles de Lily. Ils s’aimèrent comme jamais durant cette pĂ©riode, multipliant leurs curieux Ă©bats Ă©rotiques, et GĂ©rard s’abandonna Ă faire des dĂ©clarations qu’il n’avait jamais imaginĂ©es auparavant. Mais une contrainte inattendue survint. Une fuite certainement, un collaborateur un peu trop bavard… GĂ©rard fut convoquĂ© Ă Oslo par son financeur, qui lui imposa sa prĂ©sence lors de la remise Ă taille normale du chat. Impossible de refuser Ă celui qui paye. Ainsi, le jour venu, une noria d’hĂ©licoptères dĂ©chargea des dizaines d’hommes en armes sur l’île, dĂ©jĂ naturellement protĂ©gĂ©e. Puis un gros appareil atterrit, avec hommes en costumes sombres, larbins dĂ©roulant un tapis, pour un Ă©mir en costume traditionnel et grosses lunettes noires. Il visita ce qu’il appela son Ĺ“uvre, et rĂ©clama la dĂ©monstration par interprète interposĂ©.On apporta le chat avec une petite gamelle pour le faire tenir tranquille et on enclencha le processus. La lumière augmenta, le plasma se forma, le chat s’affola et pouf ! Un matou hĂ©bĂ©tĂ© et hĂ©rissĂ© remplaça le chat miniature, la petite gamelle dĂ©bordait d’une pâtĂ©e elle aussi doublĂ©e. L’émir semblait très content et fit ses commentaires : avec un seul avion, on pourrait transporter des centaines d’hommes. L’imbĂ©cile n’avait rien compris, puisque les hommes, mĂŞme rĂ©trĂ©cis de moitiĂ©, pèseraient toujours le mĂŞme poids et la capacitĂ© de l’avion serait atteinte de la mĂŞme façon qu’avec des soldats de taille normale. L’émir parti, GĂ©rard Ă©tait dĂ©pitĂ©, tenant dans ses bras le chat qui l’avait bien reconnu. Il porta l’animal Ă Lily qui fut renversĂ©e d’un coup de tĂŞte affectueux et il le ramena dans l’autre appartement. Puis ils discutèrent.Ainsi, depuis le dĂ©but, ses recherches n’intĂ©ressaient que pour faire de nouvelles guerres. HĂ©las, c’était le lot de bien des dĂ©couvertes que de servir la folie destructrice des hommes. De lĂ Ă dĂ©river une sorte de canon qui rĂ©duirait les soldats ennemis, il n’y avait pas loin. Ou de faire une armĂ©e de « poupĂ©es » qui pourrait s’introduire partout sans ĂŞtre repĂ©rĂ©e. Il ne fallait pas que cette dĂ©couverte, fondamentale pour la science, devienne une arme, d’autant qu’au bout de l’expĂ©rience il y avait la possibilitĂ© de crĂ©er un trou noir, bien plus redoutable que la bombe atomique. C’était la disparition de la Terre assurĂ©e ! Sans GĂ©rard et ses phĂ©nomĂ©nales capacitĂ©s de calcul et de crĂ©ation, les autres seraient incapables de reconstituer le procĂ©dĂ©. Il fallait donc le dĂ©truire. Mais auparavant, il fallait redonner sa taille normale Ă Lily. Ils prĂ©parèrent leur scĂ©nario avec soin. PrĂ©textant un appel de l’émir qui voulait le voir une dernière fois avant de retourner dans son pays, pour les suites Ă donner aux recherches, GĂ©rard rĂ©serva un hĂ©licoptère pour le lendemain matin, direction Oslo.Vers une heure, il porta Lily jusqu’au laboratoire et, les mains moites et tremblantes, il lança le processus d’agrandissement. GĂ©rard, en scientifique athĂ©e, ne croyant qu’en la science, n’avait jamais priĂ©. Il le fit tant que dura la montĂ©e en puissance. Puis ce fut le flash, ou plutĂ´t le trou noir. Quand ses yeux se rĂ©habituèrent Ă l’éclairage normal, il vit Lily Ă genoux, s’ébrouant et se frottant les yeux, nue, belle, grande… Il ouvrit la porte, elle courut vers lui et se jeta dans ses bras. Tout allait bien. Elle retrouva avec plaisir ses vĂŞtements sĂ©lectionnĂ©s pour l’occasion, courut avec dĂ©lice dans la nuit, et ce soir-lĂ ils firent l’amour vraiment pour la première fois. Le plus hĂ©bĂ©tĂ© des deux, après cette double expĂ©rience inĂ©dite, c’était bien GĂ©rard pour lequel un univers inconnu de bĂ©atitude et de sensations prodigieuses venait de s’ouvrir. Ă€ six heures, chaudement habillĂ©e, Lily se glissa au fond de l’hĂ©licoptère dans une caisse que son ami avait chargĂ©e. GĂ©rard arriva comme le pilote, avec le jour, et ils dĂ©collèrent. ArrivĂ©s Ă Oslo, le pilote aida GĂ©rard Ă dĂ©charger la lourde caisse que le savant roula sur un chariot. Dès qu’ils furent Ă l’abri d’un hangar, Lily sortit avec soulagement :—  C’est encore pire que la penderie de ton armoire, s’écria-t-elle !Elle fit un rapide bisou Ă son amant et ils quittèrent prestement l’hĂ©liport. Un taxi les conduisit en bord de mer, Ă quelques kilomètres de la ville. Au bout d’un quai, deux hydravions attendaient, sagement amarrĂ©s. Ils servaient de liaison avec les nombreuses Ă®les des cĂ´tes norvĂ©giennes. Ils nĂ©gocièrent la location d’un appareil, Lily dut montrer tous ses papiers et brevets prouvant qu’elle Ă©tait capable de piloter ce genre d’engins. Elle avait de la ressource, cette jeune femme, et elle Ă©patait son amant qui, lui, Ă©tait un peu passĂ© Ă cĂ´tĂ© de la vie. Elle retint l’appareil pour dans trois jours vers dix-sept heures et le ramènerait le lendemain matin vers neuf heures. Ils eurent le temps de dĂ©jeuner ensemble dans une brasserie, au grand bonheur de Lily qui retrouvait enfin une vie normale. Puis ils reprirent l’hĂ©lico et rentrèrent.—  Regardez qui j’ai trouvĂ© attendant une navette, dit-il Ă ses collègues.On fĂŞta le retour de Lily qui dut inventer une histoire familiale compliquĂ©e pour expliquer une si longue absence, puis ils les laissèrent poursuivre la fĂŞte, prĂ©textant qu’il fallait l’informer dans le dĂ©tail des avancĂ©es rĂ©alisĂ©es. En fait, ils peaufinèrent leur plan pour le surlendemain : dĂ©truire les machines et tous les documents permettant de les reconstruire, et surtout prĂ©server les vies de toutes les personnes du site.GĂ©rard donna congĂ© Ă tous ses collaborateurs pour la journĂ©e, Lily et quelques-uns prirent la navette pour Oslo sous prĂ©texte de courses, d’autres jouaient au foot sur une plage proche du centre, il serait tranquille. Il rĂ©cupĂ©ra les clĂ©s d’un 4×4 puis se dirigea vers le labo. EnfermĂ© Ă double tour, il dĂ©vissa patiemment les panneaux des cloisons qui sĂ©paraient les deux machines. Ces panneaux de titane et plomb Ă©taient très lourds, il ne fallait pas se faire coincer dessous lorsqu’ils tombèrent un Ă un. Curieusement, ils ne firent presque aucun bruit, car la couche d’air qu’ils comprimèrent en tombant amortit leur chute. Après deux heures d’efforts, les deux pièces Ă©taient rĂ©unies. Ă€ l’aide d’un palan qui servait Ă dĂ©placer divers Ă©lĂ©ments, GĂ©rard se mit en devoir de dĂ©placer la machine Ă rĂ©trĂ©cir, la plus petite, et Ă la positionner au centre des ballasts. Il fallut encore retirer les câbles de la goulotte initiale et les installer Ă mĂŞme le sol dans l’autre pièce. Le jeune homme Ă©tait en nage et rompu de fatigue lorsque minuit sonna au clocher de sa montre. Prenant juste le temps d’une boisson fraĂ®che, il se mit en devoir de rĂ©cupĂ©rer toutes les notes, tous les plans, tous les CD et les DVD et empila le tout dans la première machine. Puis il fit le tour de tous les ordinateurs et lança le formatage complet de tous les disques durs. Seuls restaient intacts ceux qui pilotaient les machines. Il se lança dans leur programmation pour une mise en route simultanĂ©e des deux machines Ă cinq heures trente, niveau opĂ©rationnel atteint Ă six heures trente. Enfin, il vĂ©rifia que tous les volets blindĂ©s Ă©taient fermĂ©s, il verrouilla les portes et cassa les clĂ©s dans les serrures.La tĂŞte lui tournait un peu lorsqu’il monta Ă son appartement, il croqua quelques sucres et but un cafĂ©, le dernier ici. Il prit son sac et celui de Lily, prĂ©parĂ©s Ă l’avance, fourra le chat docile dans un troisième et sauta dans le 4×4. Traverser Ă nouveau la forĂŞt, mais de nuit cette fois, relevait de l’exploit. Dix fois il manqua de s’encastrer dans un tronc ou de verser dans un profond fossĂ©. Il arriva enfin Ă leur petite crique favorite, lĂ oĂą Lily avait failli se noyer. Ă€ la vue des feux de la voiture, le plafonnier de l’avion s’alluma. Puis dans le faisceau des phares, GĂ©rard aperçut un petit bateau gonflable s’approcher du rivage. Il sortit ses sacs que Lily rĂ©cupĂ©ra, et il manĹ“uvra la voiture en haut d’une petite butte. La voiture ronfla et prit un soudain Ă©lan, dĂ©valant la courte pente de plus en plus vite, elle entra dans l’eau en projetant des gerbes visibles dans les phares. Les fenĂŞtres ouvertes laissèrent s’échapper de longs glouglous, les phares restèrent visibles un long moment, de plus en plus profonds puis disparurent. Le couple monta dans le dinghy et rama jusqu’à l’avion. D’un coup de couteau, le petit bateau perdit son air, sa forme et sombra Ă son tour. L’aube pâlissait le ciel, Lily fit les vĂ©rifications d’usage et mit le contact. Le petit appareil glissa longuement sur l’eau puis s’éleva, trouvant le soleil avant l’île qu’il survolait.Tout semblait calme et endormi dans le centre pourtant, Ă peine l’hydravion s’était-il Ă©loignĂ© qu’un fantastique Ă©clair de lumière bleue flasha le ciel, concurrençant un bref instant l’astre levant. Les regards des deux amants se croisèrent, un lĂ©ger sourire aux lèvres. Quand le responsable de la petite compagnie arriva Ă son bureau, il constata que son hydravion Ă©tait dĂ©jĂ rentrĂ©, en bon Ă©tat apparemment. En revanche, la porte de son cabanon avait Ă©tĂ© forcĂ©e. Mauvaise journĂ©e ! Il constata que le chèque de caution de la cliente avait Ă©tĂ© volĂ©, que la page du registre avait Ă©tĂ© arrachĂ©e. Mais il y avait sur le comptoir une poignĂ©e de billets avec un petit mot : « pour le carburant et la serrure ». Ma foi, des clients pressĂ©s, ou discrets, ou les deux… Peu importait, il Ă©tait grassement payĂ©. C’était sĂ»r, ceux-lĂ , il ne les aurait jamais vus.Les pompiers, la police puis les autoritĂ©s norvĂ©giennes se succĂ©dèrent sur la petite Ă®le, au centre de recherche international. Ă€ la place du laboratoire, il n’y avait plus qu’un immense cratère et quelques pans de murs. Autour, hormis quelques vitres brisĂ©es, les dĂ©gâts Ă©taient limitĂ©s et les blessures se rĂ©sumaient Ă quelques coupures et contusions. On s’inquiĂ©tait surtout pour les deux personnes manquant Ă l’appel, GĂ©rard MarĂ©chal chef de projet et Lily Farwell son assistante. Leurs appartements Ă©taient vides d’occupants, mais des tasses de cafĂ© et quelques affaires personnelles montraient qu’ils avaient bien servi le jour de l’accident. Ă€ n’en pas douter, ce sont eux qui, poursuivant leurs recherches tard dans la nuit, avaient provoquĂ© l’explosion ou l’implosion, on ne savait pas trop, du moins la fusion du laboratoire. La tempĂ©rature Ă©tait montĂ©e Ă des niveaux si Ă©levĂ©s que le sable des parois du cratère s’était vitrifiĂ©. Toute l’ancienne Ă©quipe Ă©tait en larmes, les gens erraient dans le centre dĂ©vastĂ©, persuadĂ©s de la mort de leurs collègues. La thèse de l’accident fut retenue.Un Ă©mirat ami du gouvernement norvĂ©gien, partenaire de l’exploitation de nombreux forages pĂ©troliers off-shore, insista pour que l’incident soit classĂ© « secret dĂ©fense », et la presse se limita à « dramatique accident dans un centre de recherche, deux morts ». Des hommes en noir inspectèrent l’île pendant plusieurs jours, sans rien trouver. Les membres de l’équipe scientifique furent interrogĂ©s sĂ©parĂ©ment, tous leurs tĂ©moignages concordaient. Mais on avait tout perdu, documents, ordinateurs, il ne restait que des bribes, des Ă©lĂ©ments disparates et incomplets dans les documents personnels de chacun. Rien qui permette de remonter les machines disparues sans le gĂ©nial concepteur du projet, GĂ©rard MarĂ©chal.ooo00O00oooQuelque part au nord d’Angers, dans cette campagne rĂ©putĂ©e pour sa douceur de vivre, un jeune couple probablement britannique pour porter de tels noms, Gully Waer et Lily Puthe, acheta une ancienne ferme isolĂ©e et rĂ©nova Ă grands frais les bâtiments.—  Tu m’étonneras toujours, mon chĂ©ri. Pourquoi ton futur laboratoire est-il si petit ?—  C’est que je compte rĂ©orienter mes recherches, mon amour. En venant ici, j’ai en quelque sorte atteint mon objectif puisque ce lieu s’appelle « Le Trou Noir ». DĂ©sormais, je souhaite me consacrer pleinement aux mystères de la procrĂ©ation. Mon laboratoire, ce sera toi…—  Encore ! DĂ©cidĂ©ment, je serai ton cobaye Ă perpĂ©tuitĂ©. Allez, viens faire une expĂ©rience.