Il est tard. Tu rentres à la maison : la porte s’ouvre doucement, tu poses tes clés sur la tablette et leur cliquetis t’indique que la journée est finie. Cela t’a fait du bien de sortir, de sentir l’air tiède puis le début de la fraîcheur de la nuit. Tu as beaucoup marché, et tu accueilles volontiers cette sensation de fatigue qui monte – fatigue de la plante des pieds, des mollets, un peu de poids à l’arrière des épaules.Tu laisses échapper un léger soupir en passant ta main sur ta nuque – un très léger voile d’humidité est apparu à la toute fin de ton trajet. Cela fait du bien de sentir les réactions de ton corps.Tu réprimes un bâillement. Time to undress…Ton esprit ne forme plus de pensées conscientes, complètes. Tu te sens… satisfaite. Il y a sans doute quelques zones pas tout à fait en ordre, quelques éléments invisibles qui, une fois à la lumière, nécessiteront d’être réglés. Les inquiétudes sont quelque part – mais loin, derrière, absentes pour le moment. Ta respiration est facile et tu as commencé (avant même d’arriver et de refermer la porte derrière toi) à te projeter dans le repos, dans le confort réparateur et familier du sommeil.Tu disperses négligemment tes affaires et tes vêtements par terre, autour de toi – elles restent là où elles glissent : sac, chaussures, collants, robe, le long du couloir. Tu souris en te rendant compte que tu titubes légèrement en arrivant à la porte de notre chambre : décidément, si tu as du mal à marcher droit tout en enlevant ton soutien-gorge, il est temps de s’allonger ! Ce simple sourire d’autodérision te fait du bien, tu en profites. Ton soutien-gorge se pose par terre.— J’ai de la chance, tu murmures.Et tu fais un pas en te penchant en direction du lit.La voix qui te répond est grave, vibrante, ironique… impérieuse. Et la main qui s’est posée sur ta bouche avec force et rapidité est plus impérieuse encore. Une décharge parcourt ton corps, qui se cambre violemment. Tu gémis, tu grognes, mais seul un son étouffé, à peine audible, en résulte.Un bras solide te maintient, juste sous la poitrine, et tu ne peux ni avancer ni reculer.Ton esprit qui avait commencé à s’éteindre en préparation de la nuit peine à se réveiller. Ta réaction est celle d’un animal emporté par un prédateur, mais trop lente. Tu bandes tes muscles et tu pousses, tu repousses, tu piétines… Ou plutôt tu essaies, sans effet.— You can fight, dit la voix. It’s OK. You’re mine.Tu comprends et tu ne comprends pas. Cela ne peut être que moi. Et si c’est moi, tout va bien. Mais ce n’est pas censé être possible. Tu ne comprends pas. Ton esprit tourne et retourne ce qu’il a entendu. Les différentes parties de ton inconscient se sont emparé d’interprétations différentes. Ton ventre se serre sous l’effet de trop d’émotions contradictoires, aléatoires, qui se mêlent et s’entortillent et plongent leurs griffes dans ta chair. Et aucune partie de toi ne sait quoi faire. Tes bras sont encore crispés, les muscles de tes jambes sont contractés et tu enfonces le haut de ton dos contre moi. Tu te tends par devoir, pas par espoir ; tu tentes d’immobiliser une situation qui t’échappe complètement.Et d’un coup, douleur dans le bras droit. Pincement aigu, qui monte, qui te dresse verticalement. Court-circuit mental.— Silence, dit ma voix, calme et posée.Comment peut-elle être si calme et posée alors que je suis en train te pincer ?Tu devines que j’observe ta réaction. Tu fermes les yeux, tu te plies en avant, le son qui monte du fond de ta gorge est rauque, animal, perdu, primitif. J’accompagne ton mouvement vers l’avant, et j’appuie ta tête contre l’oreiller. Ta respiration est gênée, mais tu ne penses même pas à protester. Tu accueilles au contraire la sensation du coton, doux, absurdement familier dans ce contexte où tous tes repères ont disparu.Tu sens une corde prendre place autour de tes poignets. Elle est sans pitié, solide, elle te serre. Elle frotte contre tes reins à chaque tour. Elle mord ta peau et tu n’oses pas bouger jusqu’au moment où tu sens la tension du nœud s’installer. Cette fois, une étincelle te parcourt et tu essaies d’écarter les bras, de te redresser, de reculer, le cœur battant. Mais la corde ne bouge pas d’un centimètre, et l’étau qui enserre ta nuque te fige sur place.La dose de menace est parfaitement perceptible. Tu restes figée. Ton esprit manipule des dizaines de pensées, ou du moins c’est ce qu’il te semble, mais aucune n’arrive à prendre forme cohérente. C’est ma main gauche qui tient ta nuque. Je te soulève un peu ; de la droite, je plaque un tissu sur ta bouche. Je te lâche, pour le nouer rapidement sous tes cheveux. J’appuie à nouveau ta tête contre l’oreiller. Je soulève tes hanches et je ramène tes genoux sous ton ventre, en les maintenant écartés.Tu ne le vois pas, mais une partie de toi le sent : j’admire ton cul dressé vers moi, ta peau lisse, l’intérieur de tes cuisses. Tu es humiliée, flattée, abandonnée.Tu entends au loin le claquement d’une bouteille en plastique qui s’ouvre, et tu gémis en te contorsionnant lorsque tu sens le glissement froid du lubrifiant, d’abord à l’entrée de ton sexe, puis entre tes fesses. Ce que tu ressens, c’est le début de ton impuissance.Mais c’est au moment où je prends vraiment possession de toi que ton esprit réalise où je t’emmène. Car je glisse mon pouce dans ton cul, deux doigts dans ta chatte, et ma main gauche vient prendre fermement ton cou. Tu miaules, fort. Je te le fais remarquer :— Tu miaules. Ça me plaît. Miaule, puisque tu es à moi.De la main, je te baise sans ménagement ; mes doigts poussent, glissent et frottent tes chairs. La vague de sensations qui s’abat sur toi est bien plus forte que ce que tu es capable d’analyser. Tu es prisonnière de mes liens, de ma volonté, de mes mains, et des sensations que je t’impose.Je te baise avec mes doigts, fort. Et je t’explique très posément ce qui est en train de se passer. Que je contrôle désormais ton corps et tes réactions. Que ton corps va de lui-même obéir à mes demandes. Qu’il me suffit de murmurer pour que tu réagisses exactement comme je l’indique.Je t’en donne la preuve en te murmurant de commencer à trembler : ton corps s’agite tout entier ; un tremblement profond qui prend naissance au creux du dos, monte jusque dans ta nuque, et redescend dans ton dos, dans tes hanches et dans tes jambes.Tu trembles de plus en plus. Tu ne miaules plus, mais tu gémis. Tu transpires, mais tu ne le sais pas. Tu ne te rends plus compte de rien. C’est l’abandon absolu. Ton esprit s’est détaché de ton corps. Ton esprit brûle et ton corps tremble de plus en plus fort.— Jouis.— Pour…— Moi.Je continue mon mouvement d’allées et venues, fort, au creux de toi. Ton esprit met plusieurs secondes à intégrer ce qu’il a entendu, à assembler les mots et à convoquer le souvenir de leur signification.Il a compris.Il parcourt ton corps, tes bras ligotés, ta chatte remplie, ton cul volé, ton bâillon. Il assemble les sensations, les sources de trouble, les émotions violentes et contradictoires.Et au moment où je resserre mes doigts autour de ton cou en murmurant « Jouis… », une décharge violente prend ta nuque, ton bassin, ta nuque encore, et puis ta chatte ; tes muscles se serrent avec une force extraordinaire, tes cuisses se resserrent violemment, ton vagin et ton anus se contractent contre mes doigts.Encore ? Mais tu n’as même pas fini… Et pourtant tu sens une seconde vague qui monte le long de ta colonne vertébrale, tu la sens approcher lentement, s’élever, et sans que tu puisses rien y faire, elle s’abat sur toi, sur ta nuque, t’emporte tout entière dans une contraction de tout le corps. L’onde reste, commence tout juste à diminuer progressivement, mais ton esprit reste attentif.— Encore. Dans ta chatte.Tu voudrais protester ; dire non, ralentir, comprendre. Mais c’est trop tard, « ça » a déjà commencé.— C’est bien, oui c’est bien… comme ton corps a bien compris.Alors tu te laisses aller, c’est si bon d’être encouragée, c’est si parfait de laisser ton corps obéir de lui-même. Ta chatte jouit, jouit, jouit… c’est une pulsation profonde, qui ébranle ton corps, te fait fermer les yeux fort, fort, et tu tombes, tu tombes, tu roules entre les étoiles du ciel immense…Et doucement, tout s’évanouit autour de toi dans une nuit silencieuse et sereine.Tu te souviens m’avoir entendu murmurer quelque chose, des mots d’amour, des félicitations. Tu ne t’es pas rendu compte que je libérais tes poignets, que je retirais ton bâillon, que je t’enroulais dans la couette et dans mes bras.— Être à toi, tu murmures.Il y a quelque chose de nouveau, inscrit à l’intérieur de toi. Tu souris à cette chose-là .— Toujours, je te réponds.