Jacques a dit.Premier Ă©pisodeJe vis avec Maryline depuis bientĂ´t sept ans. Il paraĂ®t que c’est un cycle, un chiffre magique. Je ne crois pas en ce genre de choses. Moi, j’ai foi en ce que je vois et en ce que je touche.Pour ça, je suis servi. Rondeurs de satin, courbes, contre-courbes, vertiges, tendresse, offrande, gĂ©missements, murmures, salive, pupilles dilatĂ©es, battements de cils, chair de poule, tĂ©tons Ă©rigĂ©s, clitoris gorgĂ©, moiteurs, senteurs, chaleur, jeans serrĂ©s, petites jupes affolantes, chemisiers aaaarrrrgh !, frĂ´lements de cheveux, nuque, pli du coude, lobe de l’oreille, mouvement des seins, ouverture, cambrures, tressaillements, petites morts, serments, serrements, chuchotements, rires, sourires, câlins mutins, matins, Ă©veils, assoupissements, rĂŞveries, attentes, dĂ©sirs, Amour ! Je l’aime. Tous les jours un peu plus. C’est la femme de ma vie. Il ne pouvait pas m’arriver mieux. Elle transcende mon existence, la justifie. C’est ma dĂ©esse. Nous nous aimons. Merci Dieu, merci la chance, merci la Terre, merci sa mère et le père tout puissant !Je crois qu’on peut tout faire. On se s’ennuie pas. Elle ne me déçoit jamais. Au bout de sept ans, il n’y a pas de routine. On s’apprĂ©cie mieux parce qu’on se connaĂ®t mieux nous-mĂŞmes et puis on se dĂ©couvre toujours un peu plus. On se surprend encore parce que la confiance permet toutes les expĂ©riences, tous les abandons. J’ai parfois l’impression qu’il n’y a plus de limites. Et c’est Ă mourir de plaisir.Si on m’avait dit que je ferais ceci ou cela avec elle ! Et Ă elle donc !Hier soir, nous avons fait l’amour après quelques jours de chastetĂ© forcĂ©e. Accroupie sur moi, elle a jouĂ© Ă jouir presque cruellement. Je veux dire que les mouvements de son bassin, l’étreinte de son vagin, le rythme entĂŞtĂ©, le flux et le reflux, les vagues de plaisir, les montĂ©es au septième ciel, tout Ă coup suspendues, procurent une tension divine. Naissance de la jouissance, goutte d’eau qui va faire dĂ©border le vase, et puis redescente voluptueuse de mille et une nuits ; Ă mordre d’oreiller. Ô ! Ma ShĂ©hĂ©razade, tu m’as fait souffrir de dĂ©lice. Et quand l’onde t’a emportĂ©e pour la troisième fois, tu m’as emmenĂ©, tu m’as englouti, je me suis senti vidĂ© de ma moelle, attrapĂ© jusqu’à l’âme. Je me suis donnĂ© et tu m’as pris au mot. J’étais entre rire et larmes dans une Ă©motion sans pareille.Tandis que tu exerçais sur moi ta toute puissance d’amante, des mots m’ont Ă©chappĂ© en un petit scĂ©nario de rien du tout. Tes quelques jours d’absence avaient exacerbĂ© mon imagination jusqu’à un fantasme assez banal mais que je n’avais jamais eu : te livrer Ă la concupiscence d’un autre homme, te pousser Ă franchir un tabou.Tu n’as rien dit. Paupières baissĂ©es, concentrĂ©e sur le contrĂ´le de nos sexes survoltĂ©s, tes gĂ©missements Ă©taient tantĂ´t ronronnement tantĂ´t feulement. Je n’ai pas su si mes mots avaient ou pas un effet, ou si nos jouissances rimaient avec coĂŻncidence.…Serge passe Ă la maison cet après-midi. C’est un affamĂ© de sexe. Il te regarde comme on regarderait une vitrine de pâtissier après 24 heures de jeĂ»ne. Des champs electromagnĂ©tiques prolongent ses gestes difficilement retenus. Comment fait-il pour ne pas te sauter dessus ou grimper aux murs ? Sa femme est un monstre Ă enfermer et d’une cruautĂ© psychologique sans borne pour un mari trop soumis. Il n’a pas dĂ» faire l’amour depuis la conception de sa fille, il y a dix ans. Mais la cruautĂ© mentale avait dĂ©jĂ pris le dessus.…Ding-dong ! Serge est venu en compagnie de Marc, le mari de Françoise.— Salut les gars !— Bon, allez ! Montre-nous ton ordinateur qu’on te reformate tout ça, mon coco ! Marc a apportĂ© son nouveau logiciel. Tu nous en diras des nouvelles.— Super !Nous descendons dans mon bureau. Le temps passe toujours très vite dans ces cas-lĂ . Quand Maryline vient faire un petit coucou, nous n’avons guère avancĂ©. Mon dieu comme elle me rend dingue. La sentir dans cette petite pièce en prĂ©sence de trois hommes suffit Ă me serrer le ventre.Elle est toute pimpante au sortir d’un long bain parfumĂ©. Nous humons un Ă©lixir de fĂ©minitĂ© qui dĂ©clenche aussitĂ´t une surproduction anarchique de testostĂ©rone. Elle a enfilĂ© son habituelle blouse blanche de labo… sauf qu’elle ne la porte jamais Ă la maison. Je tique, la considère plus attentivement. Je suis en arrière tandis qu’elle se penche par-dessus l’épaule de Serge pour lire l’écran. L’humiditĂ© de sa peau a collĂ© toute une zone de tissu sur ses fesses : c’est très suggestif. Ă€ l’évidence, elle a passĂ© le premier vĂŞtement venu sans chercher Ă se vĂŞtir rĂ©ellement. Elle n’a rien dessous. Mon cĹ“ur a d’abord du mal Ă redĂ©marrer puis il accĂ©lère un peu n’importe comment. Je me porte Ă son cĂ´tĂ© pour mieux juger. Marc et moi l’encadrons alors qu’elle est en appui contre le dossier du siège.Eh bien ! Le premier bouton du haut n’est mĂŞme pas fermĂ©. Ce qui me fait un choc sachant qu’il devrait clore un dĂ©colletĂ© en V prĂ©vu pour rĂ©vĂ©ler un sous-pull ou un chemisier. Ă€ ce moment, il ne faudrait pas me demander mon âge, mon nom ou mon adresse. J’ai tout Ă coup le Q.I. d’un concombre.Tandis que je dĂ©glutis, malgrĂ© ma vue embuĂ©e, je surprends le regard plongeant de Marc. Evidemment ! Oh lĂ Â ! Oh lĂ Â ! Qu’y faire ? Je m’éclaircis la gorge pour essayer de dĂ©gager un reste de prĂ©sence d’esprit :— Hum ! Heu… On a bientĂ´t fini, Mary. On te rejoint dans le salon tout Ă l’heure, hein !— Oui, bon ! Je vous laisse entre hommes. Si vous voulez boire une bière, ne traĂ®nez pas trop. Après 18 heures, je rĂ©cupère mon Jacques : nous sortons ce soir.Nous nous activons. De toute façon, Serge va encore se faire atomiser en rentrant. Mieux vaudrait limiter les dĂ©gâts.Pour Marc, la vie est plus douce : sa Françoise est au bas du piedestal oĂą elle l’a juchĂ© depuis le coup de foudre initial. Il peut tout faire, elle lui mange dans la main. Par amour, elle a la patience d’une femme de marin, ses yeux s’illuminent Ă l’approche de l’ombre de sa voiture, elle court l’accueillir Ă la porte dans une nouvelle robe. Le maquillage est parfait, son parfum est une dĂ©claration d’amour, elle s’offre Ă lui en permanence comme une bonne pâte prĂŞte Ă pĂ©trir. Ah ! Ces deux-lĂ Â !Maryline ferme la porte. Je vais pouvoir tenter d’échapper Ă l’infarctus. Mary, je t’aime, je te dĂ©sire, tu m’affoles, tu m’affrioles.A 17 heures pĂ©tantes, nous parvenons Ă nous extraire d’un bureau vouĂ© Ă l’hypnose du silicium, au culte de Bill Gates et de son veau d’or. J’éteins, ils montent, je suis.JĂ©sus, Marie, Joseph ! Elle ne s’est pas changĂ©e. Au secours ! Elle ne va pas me prendre au mot ? ! Elle ne va pas faire ça ! ! !— Ah, vous voilĂ tout de mĂŞme !Elle est très maĂ®tresse d’elle-mĂŞme. Toute de simplicitĂ©, d’ingĂ©nuitĂ©, elle me tient comme au bout d’une perche, un hameçon dans le nez.— Venez, venez ! Asseyez-vous ! Je vous sers une bière ?Moi, je suis Bernardo, le muet de Zorro. Mentalement, j’ai le chapeau de travers, j’agite mes mains pleines de doigts, je roule des yeux ronds dans leurs orbites orbitaux, je me tortille.Elle aussi. Mais pas dans le mĂŞme style. Les autres sont de très bonne humeur. Ils ont l’air de tout trouver normal, la vie les ravit, ils la prennent comme elle vient. Eh oui ! Le bonheur sourit aux âmes simples.EnfoncĂ©s dans leurs fauteuils, ils n’ont plus qu’à se laisser servir. Dans la cuisine, les cannettes s’entrechoquent, la porte du frigo se referme, un plateau se prĂ©pare. Bières, pistaches, bretzels et petites dentelles ?MĂŞme pas. OĂą je suis, moi ? Deux yeux dans un cendrier ? Un trophĂ©e d’encornĂ© suspendu au mur ? Une statue de sel ? Je pourrais aussi bien ĂŞtre BelphĂ©gor ou le gĂ©ant vert incognito car ce n’est pas moi qu’on regarde.— Aaaah ! S’exclament-ils en chĹ“ur.C’est la bière que v’là … et mon petit cĹ“ur en blouse lĂ©gère.Ah, mon dieu ! Elle ne porte rien dessous. Ses seins bougent et me remuent les tripes. Mes hormones suintent, ma pomme d’Adam fait pom-pom-pom dans un ascenseur.Qu’elle est souriante, qu’elle est sexy ! Les deux gugus parlent aussi fort que s’ils avaient dĂ©jĂ bu. Elle pose le plateau sur la table basse. NĂ´Ă´Ă´Ă´Ă´n !Si. Le dĂ©colletĂ© qui s’ouvre, les seins qui jouent aux obus sur Kaboul. Et moi, je suis kaput. Kaput Ă Kaboul. Kabouli dans l’ébouli. Ebloui mais maboule de toi. De plus en plus, ma toute belle. Tu m’assassines.C’était un fantasme, ma chĂ©rie ! Faut pas faire tout ce que je dis ! D’ailleurs l’avais-je vraiment dit ? Je pensais, je murmurais, je ne savais mĂŞme pas si tu m’entendais ! Mary, Maryline, tes seins si beaux, si doux, si tout ! Tu… tu me tues, tur-lu-tu-tues !Et que tu disposes les verres, et que tu dĂ©capsules pour Serge, et une cannette pour Marc, et tu en veux une, mon chĂ©ri ?— Mowââhjjje… humpff… Je… mmoui, je veux bien.J’ai parlĂ©.Simple balbutiement prĂ©historique. Ça remonte Ă bien avant NĂ©anderthal, ça. Les premiers mots de l’anthropopithèque ont sĂ»rement Ă©tĂ© arrachĂ©s d’un gosier par Lucy, Lucette ou Lolotte en chaleur. Nous sommes nĂ©s d’un Aâââârrrrgggggh Ă©tranglĂ©. Passons !— Tu veux bien passer les pistaches, mon amour ?Oui, oui, je veux bien ! ArrĂŞte ! Ne bouge plus ! Je m’occupe de tout. Ces messieurs vont gentiment rentrer chez eux, disparaĂ®tre dans leur trou, s’effacer de la planète. Et mĂŞme, tiens ! Je vais les rayer du grand livre. MĂŞme le CrĂ©ateur va oublier qu’il les avait Ă©bauchĂ©s. Hop ! Y a plus de Serge et Marc ! Qui ça ? Comment vous avez dit ? Ah non ; je ne connais pas. C’est sĂ»rement une erreur de la mère nature. Nous n’avons pas ces noms-lĂ dans le registre.Pistaches Ă Laurel et Hardy. Hop, hop, glouglou les bières.Mince ! Elle leur en propose une deuxième. AĂŻe ! AĂŻe ! AĂŻe ! Je n’ai pas encore touchĂ© Ă la mienne. Tiens, je la renverse pendant que j’y suis.— Oh ! Gros bĂŞta ! Attends, attends, ne bouge pas ! Je vais Ă©ponger ça.Elle va, revient avec une Ă©ponge et le rouleau de papier, s’accroupit au chevet de ma bĂ©vue. Vue imprenable. Je meurs.Non ! C’est une catalepsie : je vois encore, j’ai un bourdonnement mais j’entends les sons les plus aigus. Mon cerveau fonctionne comme un magnĂ©toscope rĂ©glĂ© sur image par image. Cran par cran, je zoome entre ses cuisses. Le bouton du bas est ouvert. L’était-il dĂ©jĂ Â ? Je ne focalisais que sur les seins qui dardaient leurs tĂ©tons dans la bĂ©ance du dĂ©colletĂ©, mouvements ronds, oscillations, sillon ardent qu’abreuvaient mes glandes lacrymales.Aux armes citoyens ! Ma femme est nue, on peut voir entre ses cuisses sacrĂ©es, le renflement, la fente, le tabernacle.Je n’en finis pas de mourir. Quelle agonie ! JĂ©sus, tu n’en as pas connu autant. Je ne ressucite que pour me faire recrucifier. Ô ! Dieu odieux ! Pourquoi m’avez-vous abandonnĂ©Â ? ! N’ai-je donc tant vĂ©cu que pour cette infâmie ?Il y a juste un tout petit triangle blond tout lĂ -haut, au nord du clitoris. J’ose Ă peine penser le mot. Cli-to-ris, non ! Ils ne vont quand-mĂŞme pas le voir dans son Ă©crin ourlĂ©Â ! ! ! Est-ce que tu te rends compte au moins ? !Je ne sais absolument plus ou j’en suis. Suis-je seulement rĂ©el ? M’a-t-elle entendu hier soir, oui ou m… ? A t-elle oubliĂ© sa tenue ? Sait-elle pour le bouton ? La prĂ©cipitation entraĂ®nĂ©e par ma bĂŞtise l’aura distraite : elle ne le voit pas et les voilĂ qui la voient !Non, je suis seul dans l’axe fatal. Avec une grue de 50 tonnes, je lève les yeux vers les internautes de MaĂ®tre Kanter : ils la contemplent bĂ©atement, ils voient ses cuisses si douces, sa nuque offerte, ses boucles dorĂ©es, ils clignent dans le roucoulement de ses paroles enjouĂ©es. Tout le monde est heureux, tout va bien. Ils la matent lĂ mais ne biglent pas le big bang !Elle s’accroupit, frotte au chiffon. Cette fois elle est tournĂ©e vers Marc dont le regard se fige. Les deux globes si nerveux, si vivants de mon amour doivent s’agiter Ă qui mieux-mieux. Il tilte !Le dessus de la table basse n’est qu’une vitre transparente.Je suis game over.Perfectionniste, elle insiste. Il ne dĂ©croche pas. Serge et moi, nous sommes tĂ©moins passifs. L’un ne pense Ă rien. L’autre patine Ă cent mille volts et n’y peut mais. Ă€ chaque centième de seconde, je veux croire que c’est fini ; or l’éternitĂ©, c’est long !Elle se relève enfin, plonge en avant pour s’emparer des petites bouteilles vides. Ce doit ĂŞtre pire ; il doit loucher jusqu’au nombril du monde. Elle fait Ă©cran entre lui et moi. Je…Oh ! La blouse fatale est assez courte pour rĂ©vĂ©ler le… l’endroit le plus convoitĂ©, le plus tchatchatchâââh ! Cet intervalle arrondi, le renflement d’abricot fendu, lovĂ© au plus secret. Ma Maryline…J’expire, elle est partie dans la cuisine, l’autre en face s’est re-matĂ©rialisĂ©. Il a rougi, non ? Il a gonflĂ©, non ?Il est dilatĂ©, ses oreilles me regardent. Il baisse la tĂŞte : est-ce qu’il examine bĂŞtement son verre ou cherche-t-il Ă vĂ©rifier que sa quĂ©quette n’a pas surgi de la braguette ? Tiens, il boit cul-sec. Oui, ben on en restera-lĂ pour le cul !Je me lève. Mes genoux craquent tels deux coups de feu.— Bon ! Les gars, c’est pas tout ça mais il faut qu’on se prĂ©pare, on sort ce soir. Allez, allez ! Hop, hop, hop !— Je les bouscule. On dirait un vacher pressĂ© d’expĂ©dier la traite. Que je te vais les expĂ©dier dans l’espace intersidĂ©ral, moi, les deux sidĂ©rĂ©s ! Dans un trou noir, oui !… Non, pas le trou noir. Non.…Pffouh ! Ca y est, ils sont partis. Du haut de l’escalier, ses yeux pĂ©tillants de malice me sourient. AdossĂ© Ă la porte, je ne sais pas si j’aurais encore la force de bouger. Elle est immobile aussi. La voilĂ encore au-dessus de moi. En contre-plongĂ©e, ce qui reste de mes abattis, – mon cerveau avec deux yeux au bout -, gobe la vie terrestre.Ma belle dĂ©fait le deuxième bouton, le troisième et le suivant. Elle Ă©carte les pans de coton, Ă pleines mains empaume les globes de mon supplice, pince les bouts avec une ostententation coquine. Tombe le coton, glisse une main sur les contours sinueux, une vallĂ©e, un bassin, un mont… de VĂ©nus, deux doigts insinuĂ©s.— Mon amour, tu m’aimes ?— …— Viens !Elle s’assied sur la plus haute marche, Ă©carte les cuisses.Un rĂ©flexe de survie m’ébranle (avant l’heure). Ă€ peine m’a-t-elle dĂ©graphĂ© que je surgis comme un taureau musculeux dans l’arène de lumière. Elle saisit mes boules, embouche la hampe, me pĂ©nètre d’un majeur conquĂ©rant. En un Ă©clair, elle s’est emparĂ©e de moi, elle me tient corps et âme jusqu’à ce queue…Non, mais comment fait-elle pour percevoir aussi exactement ma montĂ©e de sève ? Elle se retourne, se cambre ; coudes au plancher, croupe relevĂ©e offerte au ciel, la joue plaquĂ©e sur le sol. Elle devient une cible inouie ; deux hĂ©misphères, une fente, deux trous, une vulve qu’elle Ă©carte de la main, une pulpe rouge et rose, un tourbillon vers un gouffre ensorcelĂ©.Je darde, je plonge, j’enfile, j’emplis, je fouaille, le boutoir jusqu’au butoir. Je pilonne, vais, enfonce et me venge. Je suis bouc, je suis bĂ©lier, je suis bison ; c’est l’asssaut Ă Lascaux. Chargeons, chargeons qu’un sang impur abreuve ce sillon ! Bis.Je n’en finis pas. Les Ă©lectrochocs prĂ©cĂ©dents me dĂ©chaĂ®nent. Ses seins sonnent le tocsin, moi je sonne la charge. Tous les chevaux fougueux de la cavalerie ! Lâââ ka-vâ-leu-riiiie !Elle crie, elle râle, je brâme.…… ?Bang ! La porte a claquĂ©.J’ai rĂŞvĂ© ou quoi ?…Serge avait oubliĂ© ses disquettes.Oups !Fin du premier Ă©pisode.Il y a deux mois, lors de la visite de Serge et Marc, Maryline m’a bluffĂ©. J’ai atteint un pic de sensation dont j’ai du mal Ă me remettre. Nous faisons l’amour chaque soir, chaque matin. Elle vient sur moi , elle me prend, elle me presse, me tire, m’extirpe jusqu’à la dernière goutte et plus encore. Elle me vide, – que dis-je, elle m’anĂ©antit -, et me possède Ă tel point que je finis par me sentir dĂ©possĂ©dĂ© de moi-mĂŞme. Je ne m’appartiens plus, je me dĂ©personnalise. Ma quĂŞte d’amour fusionnel me pousse Ă m’abandonner Ă l’extrĂŞme. Je perds pied.L’autre fois, en lui suggĂ©rant de s’exhiber, je crois bien que je tentais sans le savoir de maintenir un Ă©quilibre dans la fusion : la pousser Ă ĂŞtre ma chose, mon jouet, ma femme-objet, – de dĂ©sir -, soumise Ă mes fantasmes, offerte de par mon bon vouloir au-delĂ de ses propres limites.On a dĂ» aller trop loin.Je la sens un peu Ă©nigmatique. On n’a pas reparlĂ© de cette expĂ©rience. Ou plutĂ´t quand j’ai essayĂ© de l’aiguiller sur le sujet, elle s’est Ă chaque fois cantonnĂ©e dans une attitude façon « MĂ©fie-toi de l’eau qui dort ». Son sourire semblait dire « Je ne dis rien mais je n’en pense pas moins ». Si bien que je ne sais pas si je l’ai blessĂ©e, si j’ai perdu sa confiance. Ou l’inverse.Moi j’ai mauvaise conscience. Je ne fais pas l’amour une seule fois sans me repasser le film en boucle. Ça me hante. Je revois les deux veinards, je suis la ligne de leurs regards, je suppute Ă l’infini leurs pensĂ©es, leur degrĂ© d’attention, d’excitation, leurs angles de vision. Mes pensĂ©es sont polluĂ©es de « Et s’il avait vu ça ? » et de « Est-ce qu’il a pu apercevoir ou seulement deviner ou bien est-ce que ce n’était pas possible ? ».Ces derniers temps, je crois qu’elle n’a pas joui. Alors je lui ai demandĂ© de rester Ă quatre pattes et Ă chaque fois j’ai lĂ©chĂ© son petit trou, nettoyĂ© ses grandes lèvres. Je me sens tout Ă sa dĂ©votion, je voudrais qu’elle me demande n’importe quoi pour pouvoir la satisfaire, pour la rejoindre dans une excitation partagĂ©e. Et puis… rien.Sauf tout Ă l’heure. J’étais assis par terre dans la salle de bain, entre ses jambes. J’avais juste la bouche sur ses lèvres, sans rien faire. Elle a fini de se laver les dents et puis elle m’a dit d’un ton très naturel :— Tu n’oublies pas que tu me dois une revanche ?Je savais de quoi elle parlait. J’ai juste balbutiĂ© un timide :— Oui…— Demain soir, j’ai invitĂ© Françoise et Clara. Tu nous feras la cuisine ?— Oui. Oui, bien sĂ»r.Elle me regarde d’en haut. Du bout du pied, elle donne deux chiquenaudes Ă mon sexe dont la flacciditĂ© me rend peu glorieux. J’ai la queue basse.Qu’a-telle voulu dire ? Sa revanche, ce n’est tout de mĂŞme pas de me faire faire la cuisine pour une soirĂ©e de nanas ?— Qu’est-ce que tu veux dire par « revanche » ?— Ecoute, Jacques, laisse-moi. On en reparlera demain.Elle s’absorbe dans la lecture d’un Ă©norme bouquin, ce qui me rĂ©duit d’un coup d’un seul Ă un moins que rien. Je suis dĂ©semparĂ©.…Le 14 juin se passe en prĂ©paratifs : courses, mĂ©nage, cuisine. Je me consacre Ă mes tâches pour mettre en sourdine un malaise inarticulĂ©.Le premier coup de sonnette me surprend encore en short sous mon grand tablier vert.— Va ouvrir, Jacques ! crie-t-elle depuis la salle d’eau. Je ne suis pas encore sèche.C’est un comble : elle n’a eu qu’à s’occuper d’elle toute la sainte journĂ©e !C’est Clara. Pas mon genre, mais jolie pĂ©pĂ©. Trop classique, je trouve. Son tailleur ajustĂ©, le maquillage impeccable, le rouge Ă lèvre vif, les ongles peints, tout m’intimide. Pour un peu, je lui dirais « Bonjour madame » d’une voix de fausset. Voyons, reprends-toi Jacquou ! Tu perds les pĂ©dales ou quoi !Elle me jette un bref regard de haut en bas : ben, oui ! Je ne suis pas très prĂ©sentable.— On dirait que vous ĂŞtes tout nu sous votre tablier ! Elle joint le geste Ă la parole et soulève le tablier en ricanant.J’ai un mouvement de recul et je rougis comme un collĂ©gien. Je vais de ridicule en ridicule. Ça commence bien.Bon ! Il faut meubler, faire gentiment la conversation. Je dĂ©teste ça. Mais qu’est-ce qu’elle fait Mary ? ! Clara ne m’aide pas. Elle n’est pas très bavarde. En fait, je ne la connais pas bien. Je sais juste qu’elle est arrivĂ©e dans la rĂ©gion depuis six mois et qu’elle vit seule, suite Ă une sĂ©paration et une mutation.Deuxième coup de sonnette. Rebelote ! Je redescends, je fais la bise.— Oh, oh ! Un homme en tablier ! J’adore ça !Françoise est plus simple. C’est une brave fille que j’apprĂ©cie depuis trois ans qu’on se connaĂ®t. Tiens, pourquoi vient-elle sans Marc ?— Marc est au match. Tu ne voulais pas y aller ?— - Euh non, je… Ben non…Elle monte l’escalier prestement. Joli cul ! Jolies jambes. Elle est gentille cette fille.Ouf ! Les voilĂ entre nanas. Mary les rejoint. Ça roule. Je m’occupe de l’apĂ©ro, j’apporte les petits canapĂ©s, je m’active, je suis aux petits soins : le mari modèle, c’est moi. Je veux que Mary me prenne pour mari..Elles ne font pas attention Ă moi. Ce n’est pas plus mal.…J’ai servi le champagne dans le jardin. Puis on a dĂ®nĂ© devant la baie vitrĂ©e au soleil couchant. Le champagne a fait son Ĺ“uvre. Le Bordeaux passe très bien. Sans qu’elles y prĂŞtent attention. Dommage ! Il mĂ©riterait plus de respect. Je remarque une trace de rouge sur le verre de Clara. Ça me chatouille un petit peu, je ne sais pas pourquoi. Je n’aurais pas dĂ» boire cette bière tout en enlevant la peau des pamplemousses au crabe ; ça fait quand mĂŞme beaucoup.J’ai bien tentĂ© quelques efforts de conversation mais c’est tombĂ© Ă plat. Je me trouve lourdeau. Larbin, aussi. Elles me prennent pour qui ? ! Une affaire ou l’homme Ă tout faire ? ! ! !— Mon chĂ©ri, si tu nous allumais les bougies ? Mets-nous le dernier Dylan, mon coeur et apporte le cafĂ©, tu veux.Bien sĂ»r que je veux. Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Par la porte de cuisine entrebaillĂ©e, j’écoute Françoise :— Dis-donc, ce n’est pas Marc qui s’occuperait de nous comme ça !— Oh ! Ne dis pas ça. Marc est le plus beau mec de la terre.Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Eh bien Maryline, le Bordeaux te fait de l’effet !— C’est bien d’avoir un homme soumis. Tu en fais ce que tu veux, non ?— Clara, tu sais avec les hommes, on ne sait jamais. Enfin, Jacques me jure qu’il est tout Ă moi, que je peux tout lui demander. Tout !Elles rient en cascade. Les aigus font faire pĂ©ter les verres…Faut que je m’occupe de la glace ou elle va fondre.— Et tu lui demandes quoi ?— Jacques ! Tu nous l’apportes ce cafĂ©Â ? Et la glace ? Tu n’avais pas prĂ©vu une glace ?— Oui, j’arrive Mary !— C’est ça que tu lui demandes ?— …— En fait, je n’ai encore vĂ©ritablement rien demandé…Je pose mon plateau sur la table. Les bougies et le vin ont allumĂ© des Ă©tincelles dans leurs yeux de biches. On me considère, sourire en coin.— C’est qu’il prĂ©cède mes dĂ©sirs. Je n’ai pas encore explorĂ© toutes les possibilitĂ©s. Que veux-tu que je lui demande ? !Clara me jauge Ă nouveau. Cette nana a le don de me mettre dans mes petits souliers. Bien que je sois pieds nus.— Ah, c’est toi qui dĂ©cides, hein. Remarque, moi, je sais bien ce que j’ordonnerais quand je le vois sous son grand tablier, là …Françoise, pompette, a la machoire bĂ©ante. Clara n’ajoute rien.— Tu ne voudrais tout de mĂŞme pas que je lui dise d’enlever son short !— …— Youhouhouh ! hululle Françoise.Toi, tu ne supportes pas les mĂ©langes, ma vieille.— C’est vrai que comme ça, on dirait qu’il n’a rien dessous !— …— Jacquounet, qu’est-ce que tu en dis ?Je ne dis rien du tout, Bernardo-le-sourd s’est rĂ©incarné ; ça devient une habitude.— Hmmm ?… Viens par ici… Alors c’est vrai que je peux tout te demander ? Est-ce que tu as les couilles de le faire ?— Ah voilĂ la bonne question ! Montrez-les nous si vous ĂŞtes un homme.— Tourne-toi.Les bras de mon amour m’entourent la taille. Dans un rĂŞve silencieux, ses doigts lĂ©gers se jouent de mes modestes barrières. Elle me descend le slip. Je suis cul nu, les pieds emmĂŞlĂ©s dans le short abaissĂ©.Paaff ! Une claque me fouette le postĂ©rieur.— On n’a toujours pas le cafĂ©Â ! Allez !Ca y est. La revanche est servie. Ă€ moi le service, Ă elle le sĂ©vice. Ces dames ne se privent pas de lorgner ostensiblement le bas de mes reins, de commenter, d’émettre des rĂ©serves, de faire des comparaisons.Je respire avec un dĂ© Ă coudre. Je m’assieds.— Alors, est-ce qu’il a des couilles au fait ? On ne l’a mĂŞme pas vu ! Ce n’est pas du jeu !Françoise glousse. Quand elle a bu, elle louche un peu.— Exact ! Hep,hep, hep, mon petit bonhomme ! Veux-tu bien Ă´ter cet horrible tablier !Je pourrais l’avaler pendant que j’y suis. Je me relève, coincĂ© entre la chaise et la lourde table.— Fais-le monter sur la table !— À poil ! A poil ! A poil ! scande Françoise.Tu t’es vue quand t’as bu, ma pauvre fille ? !Je cherche les yeux de Maryline. C’est son menton qui me rĂ©pond d’un signe impĂ©ratif.— Allez ! D’ordinaire, tu es plus pressĂ© de me le sortir, ton petit oiseau. Hmmm ?Au ralenti, je m’exĂ©cute. C’est-Ă -dire que je grimpe, dĂ©noue le cordon… Et puis, il faut bien que je passe la tĂŞte sous la bride et que descende le voile.C’est terrible. On dirait que j’ai six projecteurs de D.C.A. sur mon Airbus Ă gĂ©omĂ©trie variable. Et cet imbĂ©cile se met Ă essayer de prendre de l’altitude. Comme si je n’étais pas assez haut perchĂ©Â ! Il ne rĂ©pond plus aux commandes, il se cabre. Je dois ĂŞtre cramoisi. Mon sang afflue partout. Je bande Ă©perdument. Oh non ! Oh mon dieu ! Non, pas ça !C’est fait. Cet unique et grotesque doigt montre bĂŞtement quelque chose au plafond que personne ne regarde. Elles reluquent.Le petit calicot de soie vanille que j’entrevois par l’ouverture du tailleur gonfle aussi, non ?Françoise n’est plus la femme de Marc. C’est une pintade, le bec ouvert, l’œil rond, des plaques rouges partout.Clara se permet un jugement apprĂ©ciateur :— Ah oui ! Joli paquet, bel organe, ma chère. FĂ©licitations.Elle se penche, tend le bras et, – Oups ! Au secours ! -, soupèse de ses doigts raffinĂ©s mes bourses obscènes.— Mmmm… Oui… Pas mal, pas mal.— Bon ! Descends de lĂ , tu nous donnes le vertige. On va s’installer au salon. Remets-nous un CD au lieu de bander aux corneilles. Rends-toi utile.Je file sous les regards dardĂ©s. Comment mon cul bouge-t-il ? En tout cas, j’ai les balles qui brinqueballent.Contemplatives, elles n’ont pas bougĂ©. CourbĂ© sur l’appareil, dans le plus simple appareil, je mets du jazz suave.Fauteuils, canapĂ©, elles prennent leurs aises. Clara enlève enfin sa veste. Sa poitrine pointe librement et ne me laisse aucune chance de repos. Minable, je minaude :— Heu… Qu’est-ce que je fais ?— Assieds-toi lĂ . Au pied. Du doigt, Mary m’indique le tapis.Ca fait un drĂ´le d’effet. Quelque chose en moi fait mine de se rĂ©volter mais je suis dĂ©passĂ©.— Couche-toi, plutĂ´t.Je m’allonge et elle, ce sont ses jambes qu’elle allonge, talons sur mes ballons. De honte, je ferme les yeux. La suite me dĂ©shonore Ă tout jamais.— Il baise bien, au moins ? Moi, je pense qu’un type doit toujours me lĂ©cher avant. Pas toi ?— Il ne lèche pas mal. C’est ce qu’il fait de mieux.— Tout ?— Oui, tout.— Ah ! C’est bien.— À moi, Marc ne m’a jamais fait ça… C’est toujours dans ma bouche que ça se passe. Je ne pourrais pas passer une journĂ©e sans…— Quoi ! Marc ne t’as jamais lĂ©chĂ©e ? s’étonne Mary, Ă©carquillĂ©e.Elle a l’air Ă©nervĂ© tout Ă coup.— Ben… non, s’excuse l’autre pomme.Clara en rajoute une louche :— Mais tu t’es dĂ©jĂ fait sucer le minou quand mĂŞme ?— Ben… non. Jamais.Ă” lĂ lĂ Â ! Ca dĂ©rape.— Françoise ! Ma petite Françoise ! s’exclament-elles de concert.— Ce soir, ça va ĂŞtre ta fĂŞte, ma petite Françoise. Tant pis pour Marc, ce sera bien de sa faute !Si je n’avais pas composĂ© le dĂ®ner moi-mĂŞme, je dirais que Mary a mangĂ© du lion.— Jacques ! Allez ! Montre-nous ce que tu sais faire ! Allez ! C’est un ordre, mon minou.Qui l’aurait cru ? Moi, devant Françoise, en plus ! A genoux. Elle se soulève en fermant les yeux Ă son tour. S’extirpe de sa culotte. Se fige. Je suis obligĂ© de lui relever les jambes, de me les mettre sur les Ă©paules, de m’approcher dans un parfum diffĂ©rent de celui de Mary. Plus poivrĂ©.J’entre dans une zone de chaleur tropicale. Je m’aventure dans la jungle noire. Mon nez Ă©tablit le contact, : broussaille, humidité… Ca y est, je lape.Une main, par derrière, s’empare de mes roustons ballottants. Humpfff ! On me pelote les fesses. C’est dingue !La pintade se pâme dĂ©jĂ . Aâââh ! Aâââââh ! Aâââââââh !C’est parti. J’ai la tĂŞte dans l’étau de ses cuisses. Je n’entends plus rien, je ne vois plus rien. Je suis coupĂ© du monde… Oh non ! Il y a encore un contact : mes couilles aussi sont dans un Ă©tau. Je…Ouf ! RevoilĂ un peu d’air. Je me dĂ©gage, fais volte-face.Choc ! VautrĂ©e sur le fauteuil, les yeux plissĂ©s, Maryline tire sur un joint. Elle se repaĂ®t de la situation.Clara recule puis l’imite.Hors limite.— Dis-lui de se branler.Mon sexe n’a jamais Ă©tĂ© aussi dur. Je dois ĂŞtre de la mĂŞme couleur que le prĂ©puce dĂ©calottĂ©.— Mets-toi sur la table basse. Que Françoise te voie bien aussi.C’est qu’elle a atterri l’autre poulette ! Cuisses Ă©cartĂ©es, elle a la main sur le clitoris, dans un geste d’apaisement. Elle, si pudique !Je n’ai jamais fait une chose pareille. Le pourrais-je ? Quelle obscĂ©nitĂ©Â ! Mes balles s’emballent dans un rythme terrible. Il le faut.Clara a glissĂ© une main sous la soie. Elle croise les jambes tout en se flattant les seins. Les doigts de Françoise ont disparu. Seule Mary se contente de fumer. Elle a bu plus que je ne pensais, on dirait.Je me branle comme un malade. Je prĂ©fère que ça prenne fin. Ôôôh, je viens ! Non, je ne peux pas ! Je me retiens, ma main a stoppĂ© net.La belle en tailleur bondit et m’empoigne. Je suis saisi, ses ongles laquĂ©s m’étranglent le manche, le gland brille et semble dĂ©visager Françoise.— Ha ! Ha ! claironne l’insolente. Je te tiens, petit mec ! Par la peau des couilles !D’un mouvement vif, elle m’agite un peu. Je suis au bord du prĂ©cipice. Je regarde Françoise qui regarde mon vit.Sans plus bouger, Clara accroĂ®t sa pression. Elle ne ferait pas autrement d’une bouteille de champagne : elle freine le bouchon, l’accompagne puis, au dernier moment, dĂ©cide le lâcher. J’explose.Ma verge se soulève par saccades et tire des jets laiteux dont la courbe atteint les cuisses de la dinde, laquelle se crispe dans un nouvel orgasme.J’ai joui, j’ai honte ; j’aurais fait pipi dans l’autobus que je ne serais pas plus dĂ©confit.Mary souffle un nuage de fumĂ©e odorante.— Lèche-lĂ . Je ne veux pas que Marc trouve ton foutre sur les jambes de sa femme. Ça pourrait lui gâcher la troisième mi-temps !…Nous avons raccompagnĂ© ces dames Ă la porte. Tandis qu’elles prenaient congĂ©, Mary flattait distraitement mes fesses nues.— Merci pour tout et Ă la prochaine !Ben voyons !…La porte se referme.— Au lit ! Je suis crevĂ©e. Tu viens ?Suis-je un chien ? Si ça se trouve, je lui roule des yeux de cocker. Mary m’a tournĂ© le dos.Je suis. La queue basse, pour une fois.Fin du deuxième Ă©pisode.…Rien depuis un mois. Elle est partie en stage quelques temps, elle Ă©tait très prise par son boulot : rĂ©unions Ă n’en plus finir, horaires irrĂ©guliers, fatigue.Les vacances seront les bienvenues. Par malchance, les dates de nos congĂ©s ne coĂŻncident que partiellement si bien qu’elle part avant moi en Bretagne oĂą elle a trouvĂ© une colocation avec Françoise. Je les rejoindrai en fin de sĂ©jour pour 48 heures seulement. Quelle poisse !On a besoin de se changer les idĂ©es, de renouer. J’attends beaucoup de cet Ă©tĂ© parce que notre relation n’est plus ce qu’elle Ă©tait. Je ne sais pas trop pourquoi. Ă€ quel moment est arrivĂ© le premier nuage ?Il me semble que c’est aux environs de la fameuse visite de Serge et Marc. Mais je ne peux pas mettre le doigt sur quelque chose de prĂ©cis. C’est bien le cas de le dire.La soirĂ©e Françoise et Clara, c’était une idĂ©e Ă elle de toute façon. Et puis elle Ă©tait dĂ©jĂ assez froide, rĂ©servĂ©e Ă ce moment-lĂ . J’ai pensĂ© qu’en lui cĂ©dant, en poussant l’excitation je pouvais ranimer le feu. Ça n’a pas marchĂ© du tout.…La location n’est pas mal. C’est assez petit mais c’est tout près d’une plage immense. Maryline m’a sautĂ© au cou. Ouf ! Il ne m’est rien arrivĂ© d’aussi bon depuis trop longtemps. Ça m’a donnĂ© des ailes. Elle a une pĂŞche communicative. Toute bronzĂ©e, tonique, presque endiablĂ©e, elle court sur la grève tĂ´t le matin, fait du vĂ©lo le soir, se baigne pendant des heures ou dore-dort au soleil.En fin de soirĂ©e, c’est autre chose.— ArrĂŞte ! On entend tout, ça me gène. Non ! Laisse-moi… S’il te plaĂ®t, Jacques, non !— Oh, Ă©coute ! Francoise n’est plus à ça près.— …— Un petit câlin, c’est tout !— Demain… Si ça ne choque pas Françoise.— Mais pourquoi veux-tu que ça la choque ? Elle avait l’air de m’apprĂ©cier la dernière fois ; tu ne crois pas ?— Ça t’excite de la savoir juste Ă cĂ´tĂ©, hein ?— C’est pas ça, mais…— Tu sais, je crois que ça ne va pas très fort entre Marc et elle. Elle n’en parle pas trop mais on dirait qu’il a pris de la distance.— Ah bon ? C’est vrai que je ne l’ai pas vu depuis…Eh bien, depuis ton petit blouse-strip-tease.— Bon ! Demain, on lui fait oublier ses soucis et puis le soir on verra.Quand Maryline tranche, il n’y a pas Ă y revenir. Je m’abstiens d’insister mais c’est rude.…Aujourd’hui, je m’applique. Je veux renverser la vapeur. Je fais le marchĂ© pour le soir : moules Ă la crème, salade composĂ©e aux fruits de mer, tarte au citron. Je n’oublie pas les fleurs : un gros bouquet trĂ´ne dans chaque pièce.A leur retour de jogging, c’est Françoise qui s’extasie. Moi je guette la rĂ©action de mon amour : son attention se voile. Je deviens paranoĂŻaque ou il y a quelque chose d’artificiel dans ses paroles ?Je vaincrai cette espèce de vague-Ă -l’âme qui l’envahit par moments. Ă€ coups de bonnes blagues, bonnes bouffes, bons vins, de musique et de persĂ©vĂ©rance.L’après-midi est dĂ©licieuse. Je les regarde jouer au volley : ses longues jambes, ses cheveux fous, ses mains. Qu’elle est belle ! Chaque dĂ©tail de son corps est un bijou prĂ©cieux, une pièce d’un puzzle inestimable. Je donnerais ma vie pour elle. Une rĂ©vĂ©lation m’étourdit : elle sera la mère de mes enfants ! Elle va me donner les plus beaux enfants du monde ! Ca y est : subitement, je rĂ©alise que je suis prĂŞt. Oui ! Je veux ĂŞtre père, je veux des rires d’enfants, Mary Ă mes cĂ´tĂ©s pour la vie, me mirer dans ses yeux, respirer son souffle, la combler de tout mon ĂŞtre, vivre de son bonheur, m’épanouir dans sa lumière. Je murmure :Elle s’affale sur le drap de bain.— Qu’est-ce que tu dis ? Tiens, mets-nous de la crème Ă bronzer. Françoise a les Ă©paules de plus en plus rouges. Non, mais regarde-moi ça ! Attends, Françoise : il va nous pommader Ă fond !Ca a toujours Ă©tĂ© comme ça ; elle prend toutes les initiatives, j’essaie de rester dans son sillage, elle me dynamise, pour ne pas dire qu’elle me mène par le bout du nez. Parfois, je me sens lunaire Ă cĂ´tĂ© d’elle. Pourtant ce n’est pas mon tempĂ©rament.Et j’étale la lotion dans les effluves de noix de coco et de vanille. C’est vrai qu’elle est cuite la Françoise. Il faut faire tout doucement. Elle est Ă©tendue sur le ventre, je l’enduis entièrement, lentement. C’est troublant.— Oh, ça fait du bien ! Continue comme ça. Oui, lĂ .Je consulte Mary du regard. Elle me fait un clin d’œil.Pfff ! Je bande, maintenant. C’est un rĂ©flexe impossible Ă juguler. Alors dans un maillot un peu serrĂ©, bonjour la bosse ! C’est comme le fou rire : plus tu te l’interdis, plus tu l’encourages. Ça vient de lĂ l’expression « rire comme un bossu » ?A califourchon, je caresse ses cuisses. Il y a un instant, elle a dĂ©nouĂ© le cordon de son soutif. Elle a une belle poitrine, Françoise. Plus grosse que celle de Mary. Plus lourde.Bon, ça va comme ça. Je…Mary bondit sur ses pieds.— Je retourne Ă l’eau. Hmmm ! C’est trop bon !Quelle Ă©nergie ! Comment fait-elle pour entrer aussi facilement dans une eau aussi froide. Moi, je n’ai pas encore trouvĂ© le courage de m’enfoncer jusqu’au ventre.Elle y reste longtemps.J’ai la sensation curieuse d’être en vacances avec Françoise. Un gentil petit couple bien tranquille.— Et Marc, que devient-il ?— Oh, tu sais avec les entraĂ®nements et les matchs de foot, je ne le vois pas souvent. En plus, il a suivi une formation Ă Paris ; il travaille comme un fou avant de repartir dans deux jours pour Grenoble. C’est un vrai courant d’air.Je ne sais pas quoi dire. Je me rends compte qu’elle en a gros sur le cĹ“ur. Je me sens plus proche d’elle.— On a un peu les mĂŞmes soucis, tous les deux. Je ne vois pas assez Mary, moi aussi.Elle se soulève sur un coude pour me dĂ©visager par-dessus ses lunettes de soleil. Ses seins me font loucher.J’ai dĂ» avoir un lĂ©ger trĂ©mollo dans la voix car elle presse ma main spontanĂ©ment. Elle ne va tout de mĂŞme pas me prĂ©senter ses condolĂ©ances ! Allez, Jacquounet ! m’intimè-je. Ressaisis-toi. Ce soir, on s’amuse et on oublie tout ; je suis venu pour ça, non ?…J’ai pris ma douche en dernier. Maryline m’observe pendant que je m’essuie. Tout blanc, peut-ĂŞtre un peu grossi, je me hâte vers mon slip et mon jean.— Pourquoi tu ne mets pas la djellabah du Maroc. Si tu ne la portes pas maintenant, tu ne le feras jamais !— Euh, tu crois ?— Mais oui ! Je vais te la chercher.D’un mouvement rapide, elle ramasse mes fringues et disparaĂ®t. Je suis donc tout nu, penchĂ© en avant pour nettoyer la baignoire quand… Françoise fait irruption pour m’apporter cette gandoura Ă la noix.D’ailleurs, ce sont mes noix Ă moi, et leur gaule, qui la saluent d’un balancement allègre.Je ne l’ai pas entendue venir si bien que je ne constate sa prĂ©sence qu’après m’être bien appliquĂ© Ă astiquer la robinetterie, le porte-savon, la tablette.— Tiens ! dit-elle d’une voix enrouĂ©e, en me tendant la « chemise de nuit » marocaine.Pffouh. !…La soirĂ©e est arrosĂ©e et enjouĂ©e. Le baromètre de mon moral remonte. Finalement, j’ai fière allure dans mon peignoir berbère. Pas dĂ©sagrĂ©able de se sentir les roustons en libertĂ©. On a de l’air, ça navigue, ça donne des idĂ©es.Pas seulement Ă moi puisque la conversation nous ramène au dernier Ă©pisode de nos « aventures ». Ce qui est drĂ´le, c’est que ce soit Mary qui y revienne alors qu’elle n’a jamais ouvert la bouche Ă ce sujet. Elle me lance des piques.— Dis-donc, tu n’as pas trop chaud lĂ -dedans ? Il paraĂ®t que les touaregs en ont de très, très grosses ; tu savais ça Françoise ? Passe devant la lampe qu’on profite du contre-jour.Françoise glousse. Ça me rappelle quelque chose !— Approche-toi, mon ami que je vĂ©rifie ! Viens lĂ , viens !Elle saisit le bas du tissu et le soulève d’un coup ; je comprends l’effet que produisent les garçons sur les petites filles qu’ils embĂŞtent dans les cours de rĂ©crĂ©ation. Tchâââh ! Me voilĂ avec les glaouis exposĂ©s Ă hauteur de la table. Elle ne laisse pas retomber le rideau sur le spectacle improvisé ; bien au contraire. Elle se hisse sur sa chaise pour mieux me passer le tout par-dessus la tĂŞte. Et hop ! Je suis re-nu.Lever de bite express, comme de bien entendu. Oscillations tĂŞtues vers le haut, gland sorti de son enveloppe pour mieux briller en sociĂ©tĂ©. : quel Ă©lan de la nature ! Je grossis Ă vue d’œil. Elle me flatte les bourses.— Françoise, regarde-moi ce gros cochon ! Il aime que tu le regardes, le vicieux ; tu peux me croire !— Je … je vais chercher la tarte au citron.— Oui, c’est ça ! Qu’on admire le verso en mouvement…Il a un beau cul, hein ! Comment tu le trouves ?Je n’entends pas la rĂ©ponse. Ça recommence !Il faut retouner au salon. Pas très dissert, je sers le dessert Ă Françoise.— Tu devrais soupeser ses boules, elles sont lourdes comme tout. Je me demande si elles pèsent autant que celles de Marc. Dis-moi ce que tu en penses.Les effets du soleil conjuguĂ©s Ă la timiditĂ© et l’excitation la font entrer dans le rouge. Au compte-tour de ses battements de cĹ“ur, elle tape Ă 5000 coups – minute. Elle me prend en main ; ma tarte ne l’intĂ©resse plus. Ce n’est pas cet appĂ©tit-lĂ qui lui donne un creux au ventre.Je m’arrache sous le prĂ©texte d’aller chercher le cafĂ© mais pendant encore un centième de seconde, elle me tient.En prĂ©sence d’un cheval en Ă©rection, chacun feint le plus grand naturel mais l’attention est toute particulière : on n’est pas loin de la fascination. Ă€ quoi pensent les femmes dans ces moments ? Comment savoir ? Elles sont d’une autre planète. Toujours est-il que, moi, je me sens cheval ! Mon sexe lourd oscille en des mouvements alĂ©atoires. Je ne peux les contrĂ´ler. Si au moins je pouvais mettre bon ordre Ă tout ça, le fixer Ă angle droit, par exemple. Ou bien le scotcher sur le ventre. Sage ! Pas bouger ! LĂ , tout doux la bĂŞte !Mais cette chose est sourde et n’obĂ©it qu’à ses bas instincts et aux lois de la physique. Françoise s’exorbite sur ma bite. Mary darde Françoise. Tout mon corps est soumis Ă examen. Vont-elles m’examiner les dents, me flatter la croupe, me chevaucher ? Ou m’attacher Ă un anneau ?La vie est impĂ©visible. Rien ne se passe dans l’immĂ©diat. Elles boivent une tisane Ă petites goulĂ©es songeuses. Je dĂ©barrasse la table sans dĂ©bander le moins du monde. Ce truc est devenu une ogive tĂ©lĂ©commandĂ©e par elles. Et puis, un murmure de Mary me fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel d’étĂ©Â :— Françoise, je te le laisse ; je vais me coucher, je suis crevĂ©e. Ne faites pas trop de bruit, hein !— Tu ne veux pas que je monte av…— Non, non, non, mon chĂ©ri ! Françoise t’apprĂ©ciera bien plus que moi, ce soir.En passant Ă ma hauteur, elle me serre le poignet et me chuchote Ă l’oreille :— Fais-lui tout. Vas-y puisque je te le demande !Et elle nous plante lĂ .…La suite ? Très simple. Françoise vient Ă moi, se dresse sur la pointe des pieds, me reprend en main, m’embrasse Ă pleine bouche, m’escalade, m’enfile, s’active et se dĂ©bauche et se dĂ©hanche. Sa jouissance fulgure, elle hoquette. Nous continuons sur la table. Je la pĂ©nètre avec rage. Toute ma frustration, mon impatience contenue, toutes mes rĂ©serves d’hormones et de stupre, toute mon Ă©nergie d’homme, font irruption. Ô ! Françoise, je te brutalise Ă coups de bĂ©lier. Tu n’as pas droit Ă ma tendresse. Je n’ai pas d’amour pour toi. Tu es un exutoire, je me sers de toi ; tu es plus un punsching-ball qu’une amante.DrĂ´le d’alchimie. Ta jouissance m’indiffère, je prĂ©fèrerais te faire mal ; mes coups de boutoirs redoublent et de ce fait amplifient, dĂ©passent ton plaisir habituel. Tu repars, tu vas plus haut encore dans le septième ciel, tu… J’explose, tu cries, mes dents sur ta gorge, je pourrais te mordre.…Nous ne bougeons plus. Champ de bataille au petit matin. Pas un geste. Tout ton corps est sous moi. Qu’ai-je fait ? Que m’arrive-t-il ? Mary ?Je me catapulte vers l’autre chambrette :Mais comment fait-elle ?La rĂ©ponse est dans la salle de bains. Sur la tablette, une boĂ®te d’Imovane toute neuve : il manque juste un comprimĂ©. Un demi aurait suffi.Françoise se colle Ă moi par derrière. Je me retiens au lavabo. Son pubis, son ventre, ses seins m’épousent.— Viens te coucher, Jacques. Mon lit est plus grand.Elle me tire par la verge.K.O.…Je me rĂ©veille dans la bouche de Françoise.Elle m’escalade Ă nouveau, s’accroupit pour s’empaler jusqu’au sternum.EberluĂ©, j’enregistre les bienfaits de la nature. Il faut que ça coulisse, que ça glisse, que ça jouisse. Et tout baigne, en effet, dans les liquides Ă©changĂ©s.Volets clos. Nu, un couple enlacĂ©. Ça doit sentir la copulation Ă plein nez ; si Maryline entrait… Oh non pas ça ! Je bouscule Françoise assoupie.— Quelle heure est-il ? OĂą est ma montre ? Tu as l’heure ?Un pantalon. Mon royaume pour un pantalon ! Mon cheval pour un slip ! Misère, voilĂ la gandoura !C’est un bĂ©doin hirsute qui titube dans la cuisine. Deux croissants, une baguettte fraĂ®che, une feuille de cahier Ă spirale :« Jacques,Je n’ai pas voulu te gâcher ton week-end par une mauvaise nouvelle mais je dois rentrer plus tĂ´t pour le boulot. Ne m’en veux pas. Tu es en de bonnes mains. Profitez-en. Grosses bises Ă tous les deux, petits coquins. Maryline. »Elle est partie !— Françoise, Mary est partie !J’ai criĂ© et je bute sur elle.— Oh !… Elle est… Tu le savais ?— Oui ; enfin, elle avait parlĂ© d’une possibilitĂ©. Mais pas si tĂ´t. Elle ne voulait pas te…— Elle est partie, c’est dingue.Dans sa chambre, le lit est fait, la valise a disparu. Tout est net. Mon amour s’en est allĂ©.Je n’aurai pas dĂ». Je n’aurais pas dû ! ! ! Comment j’ai pu faire une chose pareille ? Elle me mettait Ă l’épreuve : je suis tombĂ© dans guet-apens. Elle a tout pris en pleine figure !Un flash me foudroie : quand elle s’est montrĂ©e Ă Marc et Serge, c’était dĂ©jà ça. Je ne l’ai pas arrĂŞtĂ©e , ça m’a excitĂ©Â ! La fois suivante, je me suis laissĂ© branlĂ© par cette Clara de malheur, j’ai lĂ©chĂ© Françoise de façon Ă©hontĂ©e. Vicieux, vicieux, vicieux ! Comment pourrais-je ĂŞtre le père de ses enfants après ça ? ! ! ! Je me suis complètement disqualifiĂ©, je suis dĂ©considĂ©rĂ© Ă jamais. Un pauvre type, un malade.Je me suis cru plus malin que les autres en rĂ©alisant des fantasmes et j’ai perdu la face. J’ai perdu la femme de ma vie. Je ne pourrai jamais rattraper ça.…Nous avons pris le train du retour en fin de soirĂ©e. Le voyage de nuit est sinistre. Je relis le petit mot des dizaines de fois. Je dois avoir l’air hallucinĂ© car le contrĂ´leur me regarde Ă plusieurs reprises comme s’il avait mon portrait-robot en poche.Les gares se succèdent. Tout est glauque sous les Ă©clairages Ă©lectriques. Ma vie se dĂ©traque tout Ă trac. Françoise pleure. De quoi devrais-je la consoler ? D’ailleurs mon propre chagrin m’étouffe.…Cinq heures du matin. Nous dĂ©barquons. Chacun son taxi. Salut Françoise. Vite Ă la maison ! Y ĂŞtre avant son rĂ©veil, la voir, me couler dans les draps, l’embrasser, balayer le ciel d’un mouvement de ses cheveux ; Mary, j’arrive !…La chambre est vide ; je ne comprends pas.Elle est passĂ©e chez ses parents ? Aurait-elle ratĂ© une correspondance ? Ou…La sonnerie du tĂ©lĂ©phone rĂ©sonne dans l’appartement vide et m’électrochoque. C’est Mary !— Mary, mon amour !— Il… Il n’est pas lĂ Â !— Hein ? Que… C’est Françoise ?— Marc est partiii, je te dis ! Marc a foutu le camp !— Comment ça ?— Il n’y a plus une affaire. Rien ! Et…Elle sanglotte ; je ne comprends pas.— Françoise ?— Jacques, viens. Je t’en supplie, viens !Je suis un zombie. Je zombine jusqu’à ma voiture, surpris de la trouver fidèle au poste. Au point oĂą j’en suis, je m’attends Ă tout.La ville s’éveille. Le bleu du ciel s’éclaire, des nĂ©ons s’éteignent. Les feux clignotent encore. Une balayeuse arrose l’asphalte chaud. Vitrines de boulangeries. Chiens en balade. Papiers gras. Un noir est prostrĂ© sur son sac, au pied d’une colonne Moritz.Marc et Françoise habitent au troisième Ă©tage d’un vieil immeuble. L’odeur d’encaustique me salue, les marches grincent. J’entends pleurer Ă gros bouillon. J’accĂ©lère, Jacques fend l’air.Porte ouverte, Françoise effondrĂ©e dans le vestibule.— Oh, Jacques ! Marc m’a quittĂ©e !…VoilĂ comment un destin bascule.Il nous reste une semaine de vacances Ă tuer et ne pas mourir. DĂ©soeuvrĂ©s, dĂ©boussolĂ©s, abasourdis, nous hantons son appartement. J’ai fait basculer mon tĂ©lĂ©phone sur son numĂ©ro. Tous les appareils sont muets. Les portables ne rĂ©pondent pas. Tout le monde est parti. Mais oĂą sont-ils donc tous ? C’est un complot ou quoi ? ! ! !…On a fini par se serrer, essayer de se rassurrer. La chaleur d’une peau, une main tendue, un lit qui ne soit pas un gouffre froid. Nous… Nous avons fait l’amour. Pas jusqu’au bout. Pas vraiment. Sans amour, mais on ne dit pas « faire du dĂ©sespoir ». Il n’y a plus de plaisir ; plus de dĂ©sir. Que de la peine.Trois jours après notre retour, j’extirpe de ma boĂ®te-aux-lettres une bombe Ă retardement maquillĂ©e en enveloppe postale. Je reconnais son Ă©criture, j’en tremble. Je sais que je vais dĂ©cacheter mais je voudrais arrĂŞter le film d’un coup de tĂ©lĂ©commande. Il est trop pourri, pas de happy-end loin de Hollywood.SimultanĂ©ment, Ă quelques encâblures Françoise affronte la mĂŞme littĂ©rature. Il faut s’y reprendre Ă plusieurs fois pour lire un truc pareil. La vue se brouille, les lignes s’emmĂŞlent, on se dit qu’on a mal compris, que ce n’est pas possible. On revient en arrière ; chaque fois, explosent des myriades de neuronesComprendrai-je que Marc lui plaisait bien, que le fameux jour oĂą il a apportĂ© ses logiciels Ă la maison, elle a eu un dĂ©clic d’audace, d’envie ? Qu’ensuite tout s’est enchaĂ®né… Il a tout vu, il a perdu pied, ils se sont revus. De plus en plus souvent. Ils sont faits l’un pour l’autre. Ils sont sĂ»rs que Françoise et moi… « Erreur de casting ».! ! !Je savais bien que le film Ă©tait mauvais.Fin du troisème Ă©pisode.Epilogue.…Un an plus tard.J’habite chez Françoise. On a le cĹ“ur couturĂ©. Nous avons Ă©clatĂ© en sanglots un peu trop souvent pour pouvoir recoller nos morceaux tout Ă fait en bon ordre. Mais on survit ensemble.Marc et Maryline sont resplendissants. Je suis sĂ»r que les rĂ©verbères s’allument rien qu’à leur passage. Pas sages ? Oui, eux ils Ă©clatent de rire pour un rien. Ils s’éclatent, tout court. Je ne l’ai jamais vue comme ça. Elle marche Ă plusieurs centimètres du sol. Ils ne peuvent pas s’empĂŞcher de se bĂ©coter, elle ondule, elle miaule, elle danse nuptiale. On dirait deux patineurs.Pour eux, c’est simple : le film continue. MĂŞme scĂ©nario, nouvelle distribution, la clef du succès. On s’invite une fois par mois. C’est un rite.Hier soir, ça a dĂ©rapĂ©. Ambiance musicale, lumières tamisĂ©es. Elle a dĂ©graffĂ© sa robe pour danser nue, collĂ©e Ă lui.…— Fais-le. Fais-le avec Françoise ! Allez-y !Mon dieu que je bandais. MA-RY !Nous Ă©tions l’un dans l’autre, Françoise et moi, comme des vaches folles devant le TGV du plaisir.Ils ont tout fait. Pour finir, il l’a prise par derrière sur le tapis du salon. Elle Ă©tait Ă quatre pattes, lui debout, jambes Ă©cartĂ©es et flĂ©chies par dessus sa croupe cambrĂ©e. Les seins de mon amour, malmenĂ©s par la cadence de la charge, m’ont fait gicler. J’ai encore entendu le bruit rĂ©gulier de ses gĂ©nitoires Ă lui, battant entre les fesses de ma femme Ă moi pour la vie. Ses yeux chĂ©ris rivĂ©s aux miens se sont dĂ©lavĂ©s. Ses pupilles dilatĂ©es ne me voyaient pas. Ça ne demandait pas pardon, ça disait : « Je jouis, je jouis, je jouiiiiis ! … Je meurs, je te tue. Aââârrrrgh !» Une chute dans un puits sans fond, une grande lumière pour elle, les tĂ©nèbres pour moi.Françoise a dĂ©failli. Pas de plaisir.…Nous recommencerons. Tout le monde est d’accord. Chaque mois. J’attends dĂ©jĂ . Je ne peux pas vivre sans la voir.Je prĂ©fère la voir sans l’avoir.Mary contre vents et marĂ©es. Ă‹tre près de toi, dĂ©pĂ©rir Ă petit feu dans les Ă©clats de lumière de ton rire, humer ton bonheur. Survivre en vampire du pire.Françoise avec Marc ? Idem : pas indemne.…Mary, mon amour ? Mary, rien qu’à moi ? Ma divine, mon âme ?…Non !Jacques a dit : « Sois heureuse. »Jacques a dit :« C’EST FINI ! »