Résumé de l’épisode précédent : Cinq siècles après l’interrogatoire d’une sorcière, sa descendante a voulu se remettre dans l’esprit de l’époque.Il me faut donc traduire dans les faits un vieux texte latin.Mais le désir s’accroît quand les faits se reculent…Lorsque j’ai ouvert les yeux, j’ai compris que la neige était là.Comme tous les saints lieux qui respectent les traditions, ma chambre est orientée vers l’orient pour que je sois réveillé en douceur par les rayons du soleil levant.Ce matin-là, une grande lueur blanche et sans ombre baignait la pièce. Ce n’était pas un soleil levant qui aurait fait des jeux d’ombres et de lumières avec les poutres du plafond, c’était une grande clarté un peu irréelle qui faisait ressembler la chambre à un dessin d’architecte, crayonné en nuances de gris très pâle.Et puis, il y avait ce silence plus silencieux que le silence ordinaire. Aucun des petits bruits habituels de la nature, pas de rongeurs qui trottent, pas d’oiseaux qui chantent, pas de branches qui craquent. Le bruit de mon cœur résonnait seul dans mes oreilles comme un métronome bancal.Aucun doute, la neige était là.La tête de Béalaure était là aussi, posée tout près de mon épaule et, en tendant l’oreille, j’entendais le bruit discret de son souffle paisible.Ma belle sorcière s’est éveillée en douceur, en souriant et dans une nudité biblique, nous sommes allés vérifier à la fenêtre que la neige était là. D’après les vieux textes médiévaux, Mazan s’appelait à l’origine, en latin, le Mas Adam. Se lever en tenue d’Adam est donc une façon de respecter la tradition locale.La couche blanche, uniforme, avait tout recouvert et avait effacé les repères. Par-ci, par-là, quelques arbres commençaient juste à réapparaître au fur et à mesure que la neige posée sur les branches tombait au sol.Elle a voulu que j’ouvre les battants pour profiter, nue, de la caresse du froid. Je me suis serré contre elle pour lui communiquer un peu de chaleur animale de crainte qu’elle ne s’enrhume, mais elle respirait à pleins poumons l’air frais qu’un petit vent glacial nous apportait généreusement.Toujours par souci de préserver sa santé, je me suis plaqué contre son dos et j’ai empoigné ses seins en profitant, par pure obligation anatomique, de son sillon fessier et de ses petits tétons frissonnants.Alors, elle m’a demandé, à voix basse : — Fais-moi l’amour en silence, je veux jouir en silence, je veux jouir de ce silence, je veux jouir dans ce silence.J’ai adhéré sans réserve à ce projet et, pendant qu’elle s’accoudait à la fenêtre, les reins cambrés, j’ai introduit mon « membrum » dans son « sexum ».Après nos sombres cérémonies du soir et de la nuit, nous avions l’impression de vivre une nuit de noces en plein jour. Décidément, notre union était irrémédiablement, diablement, diaboliquement (peut-être même) à contresens des usages établis.J’ai attrapé une poignée de neige dans chaque main et je les ai plaquées sur les seins de ma sorcière. Elle en a frissonné jusqu’au fond de son ventre et j’ai senti ses muscles vibrer autour de mon membre érigé. Alors, j’ai frotté avec la neige fondante son ventre, son dos et ses flancs pour la sentir encore vibrer.Depuis la veille au soir, notre « cognoscebat carnaliter » avait bien progressé et c’est au seul bruit de nos souffles que nous nous sommes fiés pour jumeler la montée des sensations et des plaisirs. Le moment est venu où les petits frissons ont fait place à un grand tremblement et où nos jambes se sont mises à flageoler.La créature octopode s’est alors déplacée vers le pied du lit pour s’écrouler, tremblante et essoufflée. Chacun de nos cerveaux, étonné, a repris le contrôle des organes sous sa dépendance et a, à contrecœur, rendu à l’autre son indépendance.La deuxième journée commençait au mieux. Le diable et la sorcière entamaient leur vie de couple par une activité copulatrice.Nous avons cependant constaté que notre nature humaine restait intacte et qu’il faisait un peu frisquet, alors on a refermé la fenêtre et on est allés se réchauffer, tendrement emboîtés sous la couette.Plus tard, on s’est sommairement habillé pour aller prendre le petit déjeuner : je pensais manger dans la crotte, mais on s’est mis dans le salon de la fuste pour mieux profiter du paysage enneigé.Faute de boulanger ouvert dans un rayon de cinq kilomètres, j’ai un petit stock de viennoiseries surgelées dans un coin d’un de mes congélateurs.Et puis, vu l’heure avancée, on a télescopé le petit déjeuner avec le repas de midi pour faire ce que les anglophones nomment un brunch.J’ai, bien entendu, sorti un assortiment de mes confitures et voilà que, pendant que je buvais sagement une gorgée de thé, Béalaure a eu la gentillesse de me complimenter sur le goût de la confiture de fraises « de mon jardin ».Allez savoir pourquoi, à ce moment précis, la remarque de la postière m’est remontée à l’esprit et j’ai frôlé l’étouffement. Essayez de pouffer de rire avec la bouche pleine de thé ! Comme je me suis mis à tousser, le thé a essayé de ressortir par mes narines et sans Béalaure qui a eu l’excellente idée de me donner une claque dans le dos, j’aurais risqué une « fausse route ». J’ai donc été contraint de la rassurer, puis de lui conter l’histoire de ma factrice et sa comparaison entre le goût du préservatif « arôme fraise » et les fraises de nos jardins.Bien entendu, elle a mis en doute une théorie basée sur l’avis d’une seule expérimentatrice, surtout dans un domaine aussi subjectif. Elle a expliqué que c’était une question essentielle de procéder à un nouveau test, avec une autre dégustatrice, pour valider l’expérience. Et elle s’est, tout naturellement proposée pour l’opération.Nous avons mis en place le dispositif expérimental : je me suis retrouvé assis au bord de la table, convenablement déculotté, à portée de sa bouche. Près de sa main droite, elle a posé le pot de confiture et sur mon « membrum » en voie de rigidification, elle a enfilé le préservatif à déguster.Après les prestations de la nuit, j’ai eu un peu de mal à me motiver et le préservatif avait, il est vrai, un aspect un peu plissé. J’ai ainsi découvert que Béalaure avait des connaissances anatomiques plutôt poussées, car elle a sorti sans hésitation un gant de latex et l’a enduit d’un peu de l’excellent beurre fermier prévu pour les tartines. Puis elle a envoyé son index inquisiteur s’enquérir, dans mon fondement, de la position de ma prostate. Elle a vérifié la taille de ladite prostate et la position du sillon médian avant d’aller la titiller.Les obscurantistes imbéciles qui ont interdit qu’on enseigne l’anatomie aux femmes ne sauront jamais quels plaisirs ils ont ratés… Mon vieux médecin local a pour habitude de contrôler l’état de ma prostate à peu près une fois par an et je reconnais qu’il effectue ça avec délicatesse et sans que je n’éprouve de sensations désagréables, mais je n’imaginais pas qu’on puisse stimuler ainsi cet organe mystérieux. Le doigt de ma belle avait été inquisiteur dans un premier temps, il devint cajoleur, flatteur et finalement voluptueux. Nul doute que, si les inquisiteurs de la Sainte Inquisition avaient été capables de procéder aux interrogatoires des hérétiques avec la même empathie, nous aurions aujourd’hui des volumes entiers d’aveux circonstanciés à notre disposition.J’ai repensé, un bref instant, à ce bon vieux « Dernier Tango à Paris » pour me dire intérieurement que les temps avaient changé et que, dans ce nouveau siècle, c’était moi, le mâle, qui l’avait dans le cul. Pour ne pas briser la magie de l’instant, je n’ai rien dit : ce n’était pas le moment de rire, ça m’aurait déconcentré.Je présentais maintenant le préservatif avec compétence et fermeté : la dégustation comparative pouvait commencer. Il va sans dire que sur le plan gustatif ma confiture emporta nettement le premier prix, la richesse de ses arômes était incomparable. Mais la belle insista pour finir la dégustation de l’arôme artificiel jusqu’à ce que le réservoir du préservatif soit rempli.Cette fois, mon membrum était bien assagi. Vulgairement parlé, je n’étais plus bon à rien sur le marché du sexe et nous avons réfléchi à la façon dont nous allions profiter de l’après-midi qui s’annonçait. On a sorti deux paires de raquettes de la remise, et nous voilà partis à travers bois. Béalaure fut un peu frustrée car il est difficile d’herboriser quand tout est recouvert d’un manteau blanc.De temps en temps, une branche se soulageait de sa couche neigeuse et remontait, panache vert foncé sur le fond blanc du décor. Au passage, le paquet de neige tombait la plupart du temps au sol, mais aussi parfois sur nous, glissant dans nos cols pour fondre en petits écoulements frisquets le long de nos dos. Certains ruisselets audacieux se sont même écoulés tout au long du dos pour finir par nous rafraîchir la raie des fesses. On en a ri comme si on avait quelques décennies de moins. Béalaure m’a fait remarquer que, dans mes bois magiques, même les arbres arrivaient à humidifier sa petite culotte.Comme cueillette, tout ce qu’on a réussi à grappiller c’est un lot de cynorhodons que les oiseaux n’avaient pas encore mangé. Ils étaient gelés à point et nous sommes rentrés pour en faire un peu de confiture.Depuis bien longtemps, les habitants du plateau font de la confiture des fruits de l’églantier, ils en vendaient même sur les marchés. Certains écrivaient sur l’étiquette « confiture d’églantier », d’autres après vérification de l’orthographe dans un dictionnaire mettaient : « confiture de cynorhodons » et le produit avait ses adeptes. Et puis, un jour, un vendeur a osé écrire « confiture de gratte-culs », puisque c’était l’appellation de loin la plus usitée pour désigner ce fruit sauvage. Le nom a fait rire les acheteurs et le lot a été vite vendu. Du coup, le produit est devenu emblématique.On a fait un petit tour, et puis on est rentré. Sur le trajet du retour, tout près de la maison, une branche vicieuse a lâché un beau paquet de neige dans l’encolure de ma sorcière. J’ai eu le tort, je l’avoue, de me moquer de sa très élégante veste d’hiver, hélas dépourvue de capuche…Quelques secondes plus tard, avec de grandes marques d’affection, elle m’embrassait fougueusement pour, sournoisement, ôter ma capuche et glisser dans mon dos une petite boule de neige qui m’a refroidi la colonne vertébrale jusqu’au point où les pudiques auteurs du dix-neuvième siècle affirmaient que le dos perd son nom.Devant cette attaque perfide, je ne pouvais rester sans réaction. Il en allait du respect dû à ma diablerie ! J’ai donc, tout en enlaçant ma sorcière, attrapé dans ma main droite une poignée de neige pendant que ma main gauche soulevait le bas de sa veste et écartait sa ceinture. Ma riposte glacée partit du creux de ses reins et prit le chemin de son périnée.J’appris ainsi qu’elle avait quelques notions d’un quelconque art martial, car, pliant les genoux, elle nous coucha doucement dans la congère qui, à cet endroit, comblait le chemin creux. Nous avons ainsi combattu tendrement au corps à corps, glissant des poignées de neige par tous les orifices accessibles, pouffant de rire et poussant des cris chaque fois qu’un paquet de froidure atteignait un point sensible.Elle a réussi à remplir de neige les poches de mon pantalon, me mettant, selon son expression, « les génitoires au rafraîchissoir ». J’ai réussi à placer une grosse boule de neige entre ses seins en lui disant que pour jouer au billard français il faut trois boules. On a glissé, roulé, rampé, bataillé et surtout rit, on rit aux éclats, en jouant comme des gosses de dix ans.Même si la température restait, de peu, au-dessus du zéro du thermomètre, et même si nous étions bien échauffés par l’effort, il n’a fallu qu’une poignée de minutes pour que nous nous sentions refroidir.La porte de la chaufferie n’était qu’à quelques pas et nous nous sommes précipités à l’abri avant de risquer le rhume. Sitôt rentrés, on s’est débarrassés de nos vêtements tout enneigés.En hiver, cette pièce sert souvent d’entrée lorsqu’on rentre du bois, bien crottés, il y a un tuyau alimenté en eau chaude et froide pour laver les bottes et les raquettes et au milieu, j’ai prévu un siphon de sol. En plus, avec la chaudière, la pièce est assez tempérée pour qu’on puisse s’y déshabiller confortablement.Comme on n’avait plus rien à se cacher de nos anatomies les plus intimes, on s’est assez vite retrouvés nus comme au paradis terrestre, même pas une feuille de vigne, vu que, avec l’altitude, la vigne ne pousse pas par ici. On a ramassé nos vêtements qu’on avait laissé tomber au sol pour les accrocher sur l’étendage après les avoir secoués dans tous les sens pour faire tomber les paquets de neige. J’ai entrepris de rassembler cette neige autour du siphon de sol à l’aide du tuyau alimenté en eau chaude. En plus, ça réchauffait agréablement le sol sous nos pieds nus.Est-ce le froid, le bruit de l’eau qui coule, ou le thé du brunch ? Un besoin pressant m’a saisi et, posant au sol le tuyau, je me suis discrètement permis de pisser dans le siphon. Béalaure m’a regardé faire, est venue se planter devant moi, avec un grand sourire, jambes écartées, a posé ses mains sur mes hanches et a fait de même. Nous avons mêlé nos jets, visant les paquets de neige, et nous avons ri comme deux enfants découvrant les joies du touche-pipi. L’eau chaude coulant au sol a fini de faire fondre ce qui restait de neige et de nettoyer tout ça.On a enfilé deux vestes rapportées d’un voyage professionnel au Canada et on est resté cul nu pour aller en cuisine.Vu la taille réduite de notre récolte, j’ai sorti d’un congélateur le stock constitué depuis plusieurs semaines qui attendait sagement que je me décide à sortir la bassine à confitures. Bien entendu, Béalaure a voulu vérifier si les graines velues du cynorhodon grattaient bien le cul. Elle m’en a donc glissé quelques-unes dans le cou et je me suis prêté de bonne grâce à l’expérience, mais, m’a-t-elle fait remarquer, on parle bien de gratte-cul et pas de gratte-cou, elle m’en a donc glissé aussi entre les fesses.Elle s’est ensuite documentée, via internet, sur les vertus nutritionnelles et médicinales du fruit. Allez savoir comment elle est tombée sur un texte ayant pour titre « Cynorhodons », publié en 2006 par un certain Olaf sur un site érotico-littéraire où on préfère faire de l’art que du cochon. Le texte est remarquablement bien écrit, mais les vertus aphrodisiaques du cynorhodon sont visiblement surestimées.Ma recette de confiture n’est pas simple, car elle nécessite plusieurs cuissons et filtrations afin de récupérer un jus sans poils. Nous avons donc cuisiné sagement, du moins au début.Quand on cuisine, la pièce se réchauffe forcément, et quand on a chaud, on est bien obligé de se déboutonner un peu. Et puis, à deux dans une petite pièce, on se gêne forcément, et on est bien obligé de se frotter un peu l’un contre l’autre.Bref, au bout d’une bonne heure, quand le jus de cynorhodons et le sucre se sont retrouvés pour la cuisson finale, nous étions à nouveau nus et enlacés.Les graines, les peaux et les poils des gratte-culs étaient dans une cuvette en attendant d’aller régaler mes poules. Elle a regardé ces déchets et s’est inquiétée de savoir si on ne pourrait pas en tirer quelque extrait ayant des vertus cosmétiques. On est repartis jouer avec cette espèce de pommade gluante à des jeux du style : dis-moi si ça gratte ici ou là… Jules Romain qui écrivit « Knock », étant natif de la région, je ne pouvais éviter de lui réciter, en imitant la voix de Louis Jouvet : « Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ? ».Et puis, il a bien fallu se débarrasser de ces fichus poils englués dans nos diverses sécrétions cutanées. Belle occasion de passer délicatement une lingette humide sur nos intimités respectives et de requinquer la mienne en douceur en allant humer celle de ma belle.Quand la confiture a été mise en pots, nous sommes passés au salon d’en haut, celui qui offre une vue quasi panoramique sur le paysage environnant. On ne s’est pas rhabillés, on n’avait pas envie, et puis, comme il allait faire nuit, ça ne servait à rien.La nuit nous est tombée dessus alors que nous copulions tendrement, le ciel s’était dégagé à l’ouest et un rayon de soleil rouge est venu éclairer la pièce en passant sous les nuages. Décidément, ce pays n’en finira jamais de me surprendre avec ses lumières toutes plus extraordinaires les unes que les autres.La pénombre est propice aux confidences et Béalaure m’a doucement raconté comment elle avait construit sa vie au fil des rencontres et des ruptures.Mais ceci est une autre histoire…