A dix-huit ans, Justine avait déjà clairement pris conscience du fait qu’elle était bien plus attirée par les filles que par les garçons. Les quelques expériences qu’elle avait eues avec ces derniers étaient loin de lui avoir procuré le plaisir intense qu’elle ressentait au cours des jeux érotiques auxquels elle se livrait avec certaines de ses copines de lycée.Elle avait aussi compris qu’il était assez aisé de repérer les filles qui appréciaient les relations homosexuelles. Il y avait quelque chose dans l’attitude, dans le regard aussi, qui lui permettait généralement de savoir qu’elle pouvait tenter des approches sans courir un trop grand risque d’essuyer une rebuffade. Son plus grand plaisir, elle l’éprouvait dans les manœuvres de conquête de celles qui cachaient le plus possible leur penchant. Faire succomber une de ces filles qui refusait de s’avouer son lesbianisme était particulièrement suave.Dans ce domaine, ce fut avec une femme – une femme de trente-cinq ans – qu’elle connut l’aventure la plus extraordinaire. Il s’agissait de sa prof de français, une personne assez jolie, mais d’aspect fort sévère, toujours vêtue de façon stricte et cachant son regard derrière d’imposantes lunettes de myope.Pas assez cependant pour que Justine ne surprenne, lors de brefs instants de distraction, certaines façons d’observer des élèves un peu court vêtues qui l’avaient amenée à se demander si, derrière cet apparent bloc de glace, ne se cachait pas des désirs inavoués.Il faut dire que l’hypothèse était hardie, car Mme Grinon – c’était son nom – ne faisait rien pour plaire. Particulièrement dure dans sa manière de noter, autoritaire durant les cours, exigeante dans le travail, elle s’en tenait résolument à des relations scolaires avec ses élèves, évitant systématiquement toute attitude familière.Justine se mit à l’observer d’un regard neuf. Elle tenta de deviner, sous le tailleur, les courbes et les formes du corps de sa prof. Ce n’était pas simple, car elle en montrait peu. Il n’était pas aisé, par exemple, de se faire une idée du volume de sa poitrine. Pourtant, la fraîcheur de peau de son visage laissait supposer une chair douce et pulpeuse. Justine l’imagina nue, avec des seins un peu lourds, presque neigeux, avec des cuisses bien rondes et un ventre douillet, agrémenté d’une toison rase mais fournie. Elle l’imagina même en train de se caresser, s’efforçant de deviner ces transformations du visage que le plaisir charnel imprime aux traits et qui devaient – chez Mme Grinon – métamorphoser son air distant et hautain habituel.* * *Un beau matin, Justine décida de se livrer à un test. Elle mit un soutien-gorge particulièrement pigeonnant et un chemisier blanc dont elle pouvait défaire à loisir plusieurs boutons. Se livrant à un essai devant son miroir, elle constata que, avec deux boutons ouverts, elle restait parfaitement décente ; avec trois, elle laissait entrevoir le galbe arrondi de ses seins, mis en valeur par le soutien-gorge. À l’issue du cours de français, alors que les élèves sortaient, elle défit subrepticement le troisième bouton de son chemisier, s’approcha de Mme Grinon et lui demanda une explication sur une faute sanctionnée dans une de ses épreuves écrites. L’accueil fut assez rude, la prof s’étonnant qu’elle ne puisse apercevoir elle-même la grossièreté de l’erreur commise. Justine dut en convenir, se pencha légèrement pour reprendre sa copie sur le bureau et s’éloigna rapidement. Mais au moment où elle s’était penchée, elle avait vu, à travers les verres épais des lunettes, les yeux de Mme Grinon se fixer sur l’échancrure de son chemisier et y rester un temps légèrement plus long que ne le réclame un regard distrait. Simple étonnement, simple curiosité ? Ou plaisir de voir, trouble ? Une chose portait Justine à pencher du côté du trouble : c’était le fait que sa prof n’avait rien dit, n’avait fait aucun commentaire acerbe sur sa tenue. Ça ne lui ressemblait guère.Dans les jours qui suivirent, Mme Grinon se révéla injustement sévère à l’égard de Justine. Il faut dire que la sévérité de Mme Grinon allait habituellement de paire avec un sens aigu de la justice. Or, manifestement, elle réprimandait maintenant Justine bien au-delà de ce qu’elle méritait, d’autant que celle-ci était une bonne élève.Justine décida de tenter une deuxième expérience. Elle s’installa un jour au premier pupitre de la classe et, en cours de leçon, croisa délibérément les jambes assez haut alors que sa courte jupe plissée était remontée à mi-cuisses. Il fallut un certain temps pour que Mm Grinon baisse une première fois le regard sur les jambes de Justine. Mais il en fallut beaucoup moins pour qu’il y revienne. Il n’y avait pas de doute, elle était attirée par le spectacle offert.Elle se mit même à hésiter dans son exposé, manifestant qu’elle parvenait plus malaisément à se concentrer sur son cours. Puis, alors qu’elle avait parlé jusque là debout à l’estrade, elle s’approcha lentement de son fauteuil et s’y assit. De là, elle pouvait encore mieux plonger le regard sous le pupitre de Justine.Tout cela se fit cependant de manière imperceptible et Mme Grinon conservait une grande maîtrise d’elle-même.Elle prenait soin de laisser son regard vagabonder longtemps sur l’auditoire avant de venir, comme par hasard, échouer sous la jupe de Justine. Mais celle-ci remarqua que, invariablement, elle y revenait. Elle accentua le croisement de ses jambes, de sorte que soit dévoilée davantage la face postérieure de sa cuisse. Pourrait-elle même apercevoir un petit bout de sa culotte ? Elle n’en savait rien. Il fallait bien sûr veiller à ne pas en faire trop et à rester dans les limites d’une innocence feinte.Alors que le cours s’achevait, Mme Grinon décida d’interroger quelques élèves sur ce qu’elle venait d’exposer. La troisième et dernière à subir cet interrogatoire fut Justine. Elle s’en tira bien. Pourtant, elle dut subir de sérieuses réprimandes injustifiées et s’entendre gratifier d’une note de cinq sur dix.Une bouffée de colère la submergea et elle dut faire un important effort sur elle-même pour ne pas exploser. Après la classe, plusieurs condisciples vinrent lui demander ce qu’elle avait bien pu lui faire pour provoquer pareille injustice.Le même soir, Justine décida d’agir. Vers les huit heures, elle se rendit au domicile de Mme Grinon. Celle-ci fut très étonnée de la voir, mais elle l’a fit entrer. Bien qu’elle parut seule dans l’appartement, la prof entraîna son élève dans un bureau d’aspect sévère où elle s’assit derrière une table de travail et invita Justine à s’asseoir en face d’elle.— Je devine que vous venez encore me demander des explications sur les notes que je vous donne, dit-elle d’un ton très rude.Justine resta muette.— Je suis mécontente de votre travail et je n’ai pas de justification à vous donner. C’est moi votre professeur et c’est à moi qu’il revient de juger la qualité du travail scolaire. Vos questions sont impertinentes. Vous êtes une effrontée.Sa voix était exagérément cassante. Elle était manifestement mal à l’aise. Elle se forçait à être arbitraire.— Voulez-vous voir mes seins ? demanda Justine d’une voix volontairement neutre.Le visage de Mme Grinon fut parcouru d’une secousse, comme si elle venait de recevoir une gifle. Un long silence s’ensuivit. Puis Justine reprit, de la même voix neutre :— Voulez-vous que je vous montre mes seins ?Alors, Mme Grinon explosa :— Mademoiselle, je ne vous permets pas ! Vous allez sortir immédiatement et…— Ecoutez-moi ! s’écria Justine en l’interrompant. Cessez de faire votre mijaurée ! Si vous ne vous taisez pas, je me rendrai dès demain matin chez la directrice pour l’avertir de la manière dont vous regardez sans cesse sous mes jupes pendant les cours.La prof en resta bouche bée. La menace avait immédiatement fait effet. Elle était manifestement inquiète à l’idée d’une diffamation sur cette question.— De toute façon, je ne vois pas pourquoi je vous pose la question, continua Justine d’une voix radoucie. Je sais que vous voulez voir mes seins et je vais vous les montrer.Et elle entreprit de déboutonner lentement son chemisier. Mme Grinon restait assise très droite sur son fauteuil, dans une attitude très raide, le visage légèrement rouge. Mais son regard suivit les mains de Justine qui faisait sauter les boutons.— Votre air ne me trompe pas, poursuivit celle-ci. Vous avez envie de les voir, mes seins, depuis longtemps déjà. Peut-être même en rêvez-vous ? Et en vous branlant, sans doute ?— Vous allez…, hoqueta la prof.— Silence ! Je n’hésiterai pas à vous dénoncer si je vous entends encore.Puis, d’une voix beaucoup plus douce, Justine susurra— Vous n’allez quand même pas me laisser croire que vous ne vous branlez pas ? Et que le souvenir des filles de la classe ne vous aide pas à jouir ? Le visage de Mme Grinon était devenu impénétrable. Ses yeux restaient cependant fixés sur le chemisier de son élève, dont quatre boutons défaits laissaient voir le soutien-gorge pigeonnant déjà aperçu et la rondeur débordante de mignons petits seins. Mais Justine ne pouvait deviner si, derrière les lunettes, la fixité de ce regard traduisait de l’intérêt ou de la désapprobation. Cette incertitude lui inspira une nouvelle tactique. Elle reboutonna son chemisier en disant d’une voix contrite :— Vous avez raison. Je me suis trompée : vous ne mangez pas de ce pain là.— Vous allez maintenant me faire le plaisir de sortir de chez moi, enchaîna aussitôt Mme Grinon. Je ne suis pas prête d’oublier vos paroles et vos façons insultantes.Adoptant alors une attitude soumise, Justine murmura :— Pardonnez-moi, Madame. Je voudrais vous expliquer…— Et que diable y a-t-il à expliquer ?— Voilà… Vous l’avez compris : je suis lesbienne. Et, ces derniers temps, j’ai fantasmé sur vous, sur votre corps.Un silence s’ensuivit.— Je suis sidérée par votre culot, s’exclama enfin la prof. Comment osez-vous me dire des choses pareilles ?— Oh ! ce n’est pas du culot. C’est au contraire très difficile d’en parler. Mais le désir est si puissant…Après un temps :— Je dois vous l’avouer : moi, je me branle en pensant à vous. D’ailleurs, en ce moment, je suis toute chavirée de vous en faire l’aveu : je mouille !Justine vit Mme Grinon déglutir difficilement.— Vous ne me croyez pas ? Si, si, je mouille !Regardez !Et elle se leva, tourna le dos à sa prof, releva sa jupe jusqu’à la taille et cambra très fortement les reins. Mme Grinon avait sous les yeux les fesses nues de son élève. Entre celles-ci, elle apercevait le mince bout d’étoffe du slip qui enfermait la petite masse charnue de la vulve.— Ma culotte est mouillée, n’est-ce pas ?Pétrifiée de stupeur, Mme Grinon resta muette. Justine glissa alors la main sur le globe de sa fesse, jusqu’à ce que ses doigts entrent en contact avec le bord du slip.— Vous me regardez le cul… Du coup, je mouille encore plus ! Ah ! Madame! Comme j’aime ça, vous montrer mon cul !— Ça suffit ! explosa Mme Grinon. Où vous croyez-vous?Elle criait à présent, rouge de colère et de confusion. Justine laissa retomber sa jupe et se rassit, une expression de honte et de remord sur le visage.— Excusez-moi, murmura-t-elle d’une voix à peine audible, c’est plus fort que moi…Un long silence s’ensuivit. Mme Grinon finit par se lever de son siège.— Ecoutez, dit-elle, je pense que vous êtes… malade. C’est ça : malade. Si vous me promettez de cesser définitivement toutes ces folies, je suis disposée à vous aider.— Oui, Madame.— Etes-vous croyante, Mademoiselle ?— Euh… Non, Madame.— C’est dommage. Vous comprendriez plus facilement qu’un démon s’est emparé de vous – le démon de la chair – et qu’il vous pousse à vous conduire de manière scandaleuse.— Mais, que dois-je faire ? s’enquit Justine d’un ton soumis.— Vous devez d’abord me promettre de ne rien dire de tout ceci à qui que ce soit. Car je ne peux vous aider que de manière totalement secrète.— Je vous le promets.— Vous allez retourner chez vous, oublier ce qui s’est passé ici et faire vos devoirs. Et surtout éviter tout comportement libidineux. Venez me voir samedi soir : nous parlerons et j’espère pouvoir vous détourner du mauvais chemin que vous avez pris. Deux minutes plus tard Justine avait quitté la maison de sa prof, très perplexe.Le samedi soir suivant, Justine se représenta chez Mme Grinon. Elle avait mis un pull à col roulé et à manches longues, une jupe étroite et des bas. Mais cette tenue plus stricte n’était pas exempte d’arrière-pensées : le pull lui moulait la poitrine de façon assez agressive et, sous sa jupe, elle cachait un porte-jarretelles assez coquin.Depuis sa première visite, sa prof s’était montrée plus bienveillante avec elle qu’elle ne l’était auparavant. Aussi, sa curiosité était-elle extrême lorsque celle-ci l’introduisit dans son salon et l’invita à s’asseoir dans un gros fauteuil club tandis qu’elle prenait elle-même place en face d’elle dans un profond divan.— Je peux vous appeler Justine ? commença-t-elle.— Oui, bien sûr.— Et bien, Justine, j’ai beaucoup réfléchi à ce qui vous est arrivé. Un accident, j’espère. Mais un accident auquel il faut réfléchir pour qu’il ne se reproduise plus. Justine écoutait en silence. De temps à autre, elle posait le regard sur les genoux de Mme Grinon qui débordaient de sa robe, une robe paysanne boutonnée sur le devant et que sa position assise dans ce divan retroussait légèrement.— Parlons franchement, Justine. Votre problème réside probablement dans un manque d’activités. Vous restez sans doute trop souvent désœuvrée, ce qui laisse facilement l’imagination vagabonder dangereusement.Vous êtes une bonne élève. Mais vous le devez plus à votre intelligence qu’à votre travail. Voilà ce qui vous perd. Vous devriez faire du sport.— Oui, Madame.— Aimez-vous le sport ?— Oui, mais…— Mais quoi ?— Je ne crois pas que le problème est là.— Ah ?… Pourquoi ?— Je crois que les désirs charnels ne se guérissent pas par le sport.— Vous croyez ?Justine observa un instant son interlocutrice. Elle semblait calme et disposée à écouter.— Vous-même, Madame, vous n’avez jamais de désirs ?— Si, bien sûr.— Quand votre chatte se met à fondre, rien qu’à l’idée d’un corps entrevu, vous pensez que le sport peut vous calmer ?Le visage de Mme Grinon se crispa.— Pourquoi parlez-vous comme ça ? Vous ne savez pas parler de ces choses en restant polie ?— Si. Mais si je parle de votre chatte, c’est précisément pour que votre chatte s’en émeuve.Prenant le ton patient du professeur contrarié :— Vous recommencez. À quoi cela peut-il vous mener ?— À ceci, Madame. Votre chatte n’est pas un pur esprit. Elle est là, sous votre robe, dans votre culotte. Elle est là, tout près de moi et j’en parle. Vous ne pouvez pas ne pas en être troublée. Oseriez-vous le nier ?— Mais qu’est-ce que tout ça veut dire ?— Cela veut dire qu’il y a là une petite prune bien fendue, surmontée d’une toison intime et chaude qui ne vous laisse certainement pas indifférente. Le visage de Mme Grinon s’était légèrement empourpré.— Je ne me fâcherai pas, dit-elle après un silence.— Mais vous ne voulez pas me répondre… Elle ne vous laisse pas indifférente, n’est-ce pas ?— Qu’est-ce que ça veut dire ?— Dites-moi : en ce moment, mouillez-vous un peu ?— Vous êtes vraiment une dévergondée, répondit la prof avec un air de résignation désespérée.— Vous ne voulez pas répondre ! s’écria alors Justine.Comment voulez-vous qu’on parle franchement : vous ne jouez pas le jeu !Et après un long silence, elle reposa sa question :— Répondez : vous mouillez ?— Non ! Voilà, vous êtes contente ? Je vous ai répondu.— Vous ne dites pas la vérité. Je suis sûre que vous mouillez.— Vous mettez ma parole en doute, par-dessus le marché !— Oui, parce que je suis certaine que vous mouillez.Je ne peux pas me tromper.— Et bien vous vous trompez !Un nouveau silence s’installa, puis Justine reprit à mi-voix :— Laissez-moi vérifier.— Vous êtes folle, Justine !— Je sais que cela a l’air un peu fou. Mais laissez-moi d’abord vous dire comment nous allons procéder. Vous allez déboutonner le bas de votre robe et je vais glisser la main entre vos cuisses jusqu’à ce que je pose les doigts sur votre slip, à l’endroit de votre chatte… Qu’en dites-vous ?Mme Grinon n’en croyait pas ses oreilles.— Je pense que nous allons en rester là, fit-elle en se levant.Et Justine fut prestement poussée dehors.Les jours qui suivirent, Mme Grinon conserva vis-à-vis de Justine une attitude bienveillante, comme si elle craignait, en manifestant de l’agressivité, de paraître accorder de l’importance aux événements vécus.Justine avait d’abord pensé abandonner la partie. Puis, elle s’était ravisée, convaincue que son instinct ne pouvait la tromper.L’occasion de progresser dans son attaque se présenta par hasard. La fête du lycée approchait et la directrice avait demandé à quelques professeurs et à quelques élèves de décorer le grand réfectoire où devaient avoir lieu les festivités. Mme Grinon et Justine étaient de la partie. L’après-midi fut occupée à confectionner des guirlandes et des lanternes en papier et, alors que certains participants quittaient les lieux, les derniers finissaient d’accrocher les décorations.Munie d’une grande escabelle, Justine s’était chargée de fixer au plafond les attaches des guirlandes. Mme Grinon était parmi celles qui lui passaient les attaches et les guirlandes. Or, ce jour là, Justine avait mis un porte-jarretelles et des bas, ce que sa position perchée laissait voir à qui venait sous son escabelle.Alors que Mme Grinon lui passait une attache, Justine fit un mouvement qui déstabilisa légèrement l’escabelle.— Oh ! Mme Grinon, s’il vous plaît, vous voulez bien tenir l’escabelle, fit-elle.— Oui, oui, s’empressa celle-ci.Justine reprit alors son travail. Mais tout en faisant mine de se concentrer sur une attache, elle jeta un œil vers le bas. Mme Grinon, la tête renversée, l’observait. Et son regard plongeait sans équivoque sous la jupe plissée de son élève. Justine imagina ce qu’elle voyait : les jambes gainées de nylon, les cuisses barrées d’une couture sombre au-delà de laquelle éclatait la blancheur de la peau nue ; et, plus haut, comme désignées par les jarretelles noires, les fesses largement dévoilées par un petit slip de dentelle noire.— Ça va ? demanda Mme Grinon.— Oui, mais tenez bien l’échelle ; j’ai peur de tomber.— Ne craignez rien : je la tiens.Lorsque sa prof lui eut passé la guirlande suivante, Justine se pencha pour l’accrocher. Et, dans ce geste, elle écarta un peu les jambes, convaincue de dévoiler ainsi son entrejambes. D’un coup d’œil, elle vérifia que le spectacle était goûté. Mme Grinon, dont les lunettes gênaient le champ de vision, avait ployé la nuque pour mieux voir au-dessus d’elle. Mais dès que Justine se retourna, elle fit mine de regarder au loin.Les derniers profs et élèves crièrent un au revoir et disparurent.— Nous avons fini, dit Mme Grinon, signifiant par là qu’il fallait aussi partir.— Non, il y a encore plusieurs guirlandes à accrocher, répondit Justine.Et elle porta l’escabelle à un autre bout du réfectoire.— Vous venez tenir l’échelle ? fit-elle.Mme Grinon hésita un instant, puis :Le manège reprit et Justine s’appliqua à se tortiller pour multiplier les angles de vue.A un moment donné, constatant que sa prof se tenait immédiatement devant les dernières marches de l’escabelle, elle descendit un peu et se retourna. Une jambe pliée sous elle et l’autre tendue, sa jupe resta accrochée sur la cuisse relevée. À quelques centimètres du visage de Mme Grinon, elle exhibait ainsi son pubis, à peine voilé par le slip et suavement encadré par la blancheur des cuisses. Elles restèrent toutes deux immobiles un instant, puis Mme Grinon, dont le visage s’était empourpré, s’écarta.L’escabelle fut transportée dans un autre coin du réfectoire.— J’ai un peu mal aux bras, dit Justine. Pourriez-vous me remplacer ?Mme Grinon hésita un moment avant d’accepter :— Mais ce n’est pas la peine de tenir l’échelle, s’empressa-t-elle d’ajouter. Je n’ai pas peur du tout. Lorsqu’elle fut juchée au sommet de l’escabelle, Justine vint cependant se poster au pied de celle-ci. Sans se cacher, elle regarda sous la robe de sa prof. Celle-ci se contorsionna pour restreindre le spectacle ainsi involontairement offert, mais en vain. Elle précipita son travail et dévala les marches en s’exclamant :— Voilà ! C’est terminé : nous pouvons nous en aller.Lorsqu’elles se quittèrent devant le lycée, Mme Grinon dit gentiment :— Au revoir Justine. À bientôt.Et celle-ci lança :— Dites, Madame, vous devriez mettre des bas plutôt que des collants. C’est plus agréable à porter et plus joli à voir.Et, sans attendre la moindre réponse, elle tourna les talons et s’éloigna.Les jours qui suivirent, Mme Grinon sembla ne plus prêter aucune attention à Justine. Elle se comportait sans agressivité, mais avec une indifférence complète. En s’adressant à Justine, elle l’a gratifia même d’un « Mademoiselle » dont celle-ci ne comprit pas s’il était destiné à donner le change au reste de la classe ou à signifier l’effacement de relations privilégiées dont l’usage de son prénom fut un signe.Comment progresser ? se demanda Justine.Tous les mois, Mme Grinon demandait à ses élèves de lui rentrer une dissertation écrite. Cette fois, le sujet était une phrase de Platon qu’il fallait commenter et illustrer : » Mon but n’est pas de faire accepter pour vrai par les assistants le langage que je tiens (ce que je n’aurai à cœur que par surcroît), mais de juger moi-même, le plus possible, qu’il a ce caractère. « Habituellement, Justine se sortait très bien de ce genre d’exercice. Mais cette fois, la rédaction fut très laborieuse et, lorsqu’elle remit sa copie à Mme Grinon, elle avait le cœur qui battait la chamade. Il est vrai qu’elle avait pris cette fois un grand risque. Le soir même, lisant cette copie, Mme Grinon découvrit en effet ceci : » En s’exprimant comme il le fait, Socrate – car il s’agit de lui – met en cause la propension que nous avons tous à préférer convaincre les autres de partager nos opinions. Or, il serait plus avisé de vérifier sans cesse si nos opinions méritent d’être partagées, autrement dit si ce qu’elles renferment est vrai.Il va de soi que ce conseil est des plus judicieux dès lors qu’il s’agit d’opinions qui portent sur des faits. Les conquêtes de la science nous ont en effet 0montré que la circonspection était de mise pour parler de la vérité des choses, mais que, en respectant la rigueur dans la méthode, nous pouvions aboutir à écarter bien des erreurs.Mais lorsqu’il s’agit des jugements, des sentiments, des désirs, le respect du conseil de Socrate est autrement compliqué. D’abord, bien sûr, parce que nous sommes beaucoup plus impliqués et, par conséquent, plus facilement portés à préserver nos intérêts et nos préférences, plutôt que la vérité. Ensuite parce que, en ce domaine, il est difficile de savoir ce que l’on peut appeler la vérité.Prenons un exemple.Imaginons que je sois attirée par une autre personne. J’ai le sentiment de l’aimer et de la désirer. Quelle que soit l’origine de ce sentiment, je suis contrainte de le prendre pour ce qu’il est. Il est vrai. Je peux évidemment me dire qu’il serait éventuellement souhaitable que je n’aie pas ce sentiment, ou que je m’en débarrasse. Mais je ne puis nier que, ici et maintenant, j’aime et je désire la personne.Imaginons maintenant que l’autre personne, informée du sentiment que je lui porte, prétende que ce sentiment n’est pas partagé, alors même qu’il l’est. Ce qui dicte son attitude relève d’un calcul, à savoir que la rencontre de ces sentiments réciproques provoquerait des bouleversements de vie malaisés à gérer.En pareil cas, cette personne veut me faire partager l’opinion qu’elle ne m’aime pas, ou qu’elle ne me désire pas, alors que cette opinion n’est pas vrai. Si Socrate pouvait connaître son cœur et ses sens, il lui conseillerait de dire la vérité… ou de se taire. Et si elle avait déjà menti, elle ne pourrait plus se taire. On aperçoit ici combien le projet de Socrate est ambitieux et compliqué. Il suppose que, dans le domaine des sentiments, des jugements et des désirs, le silence ne soit rompu qu’en faveur de la vérité, même si cette vérité est dure à gérer.Je suis personnellement d’accord avec Socrate. En effet, si la vérité des sentiments et des désirs est parfois très difficile à gérer, ces difficultés mêmes font partie de la vérité et doivent à leur tour être acceptées par chacun. Tant et si bien que, quelle que soit la façon dont les choses peuvent évoluer, la vérité reste préférable au mensonge. « Lorsque le jour de la remise des copies vint, Justine était inquiète, une inquiétude qui fut cependant tempérée par une découverte qui la laissa perplexe. Au moment où Mme Grinon s’installa à son bureau, elle croisa les jambes et, l’espace d’un instant, Justice aperçut la couture d’un bas. De deux choses l’une : ou bien sa prof mettait régulièrement des bas et le hasard seul avait voulu que, le jour où elles décorèrent ensemble le réfectoire, elle avait exceptionnellement mis des collants ; ou alors elle s’était pliée à son conseil. Comment savoir ?Mme Grinon égrena les notes et les commentaires. Quand le tour de Justine vint, elle dit :— Sur le plan de la forme, même si votre travail est un peu court, il est de bonne qualité. Mais sur le fond, par contre, c’est irrecevable. La phrase de Platon évoque la vérité des assertions et vous l’avez fait glisser vers la sincérité ; elle évoque le travail sur soi-même et vous l’avez fait glisser vers le jugement d’autrui. Désolé, mais tout est erroné. Je vous ai mis la moitié des points.Justine se sentit rougir. Elle ne pouvait donner totalement tort à sa prof. Elle avait évidemment détourné le propos du philosophe. Mme Grinon leva les yeux sur elle, découvrit sa rougeur et rougit à son tour.— Venez me voir après la classe, s’empressa-t-elle d’ajouter. Et elle poursuivit l’annonce des résultats.Lorsque toutes ses condisciples eurent quitté la classe, Justine s’approcha du bureau de Mme Grinon.— Vous l’avez fait exprès, fit celle-ci, plus affirmative qu’interrogative.— J’admets avoir été infidèle à Platon, répondit Justine. …mais seulement à Platon.— Que voulez-vous dire ?— Je veux dire que ma dissertation repose sur l’hypothèse que l’autre est attirée par moi et n’ose pas l’admettre, alors que moi je lui ai avoué mes sentiments et mes désirs. À cet égard, je suis en quelque sorte plus fidèle que l’autre, plus fidèle à la vérité, plus sincère.— Vous jouez au chat et la souris, Mademoiselle.— Vous m’appeliez Justine…— Justine, concéda-t-elle en réprimant un léger sourire.Un long silence suivit dont Julie craignait de mal interpréter le sens.— Lorsque je vous ai menacé de tout dire à la directrice, fit-elle alors, c’était indigne, j’en conviens. Mais je voulais vous permettre de tirer prétexte de la contrainte pour vous laisser aller à ce que vous désirez. En réalité, jamais je ne dévoilerai ce qui se passe entre nous, …à personne.— Mais il ne se passe rien entre nous, murmura Mme Grinon.— Etes-vous sûre ?Voyant à nouveau la rougeur envahir le visage de sa prof, Justine poursuivit :— Vous ne pouvez plus nier. C’est inutile. Je suis persuadée que si, aujourd’hui, je retroussais à nouveau ma jupe et que je m’approchais de vous, vous ne pourriez résister à l’envie de poser vos mains sur moi et de baisser mon slip pour caresser ma chatte.— Taisez-vous, souffla Mme Grinon, à présent écarlate.— C’est très dur de me l’avouer. Mais c’est aussi sans doute un plaisir… Vous avez autant envie de moi que j’ai envie de vous ?… Dites-le !La prof restait silencieuse, manifestement en proie à un combat intérieur.— Avouez-le moi, insista Justine. Vous me désirez ?Alors, d’une voix à peine audible, Mme Grinon murmura :Justine se pencha, déposa un léger baiser sur les lèvres de sa prof et sortit précipitamment.(A suivre – Chapitres 6 à 9)