Courage fuyonsC’est bien connu, les hommes sont courageux. Un nombre incalculable d’actes de bravoure sont là pour le prouver. Par conséquent, est-il bienvenu que j’exhibe ma masculine vaillance et qu’ainsi j’ajoute ma pierre au fossé qui nous sépare de la gente féminine ? Non, ma décision est prise, irrévocable : je pars.Maintenant que j’ai surmonté l’instinct bestial qui voulait me mener au combat, je me sens mieux. Je me sens fort. Je me sens intelligent. Je me sens… Un craquement sur le plancher interrompt mes vaines cogitations.— Nathalie ? C’est toi ? Tu sais je ne voulais pas te laisser ligotée toute la journée c’était juste pour rire mais ce n’était pas drôle et maintenant je regrette car nous deux c’était comme j’aime et j’ai tout gâché mais je ne voulais pas te fâcher il faut que tu me croies car vraiment c’est trop bête et je…Un gros chat noir entre dans la chambre et contemple ma nudité d’un air absent.Je saisis rapidement un linge de bain et enroule ma pudeur à l’intérieur. Puis, prenant conscience de l’absurdité de ma conduite, je tente de me donner une contenance en faisant onduler le linge à la manière d’un torero de pacotille :— Olé taureau… Olé taureau…Le chat me lance un regard vide et sort tranquillement de la chambre.J’essuie machinalement les gouttes de sueur qui perlent sur mon front et je murmure entre mes dents :L’intermède félin terminé, je peux revenir à la question qui me tarabuste : comment vais-je rentrer chez moi ?En premier lieu, il faut absolument éviter toute rencontre avec Nathalie. Non pas qu’une telle rencontre me fasse peur, bien sûr que non, mais un nouveau conflit serait inutile et destructeur pour notre relation.Ensuite il faut que j’atteigne ma voiture. Cependant, la seule pièce de vêtement qu’il me reste est ce linge de bain. Non seulement cela risque d’être gênant si je croise quelqu’un, mais je n’ai ni clé, ni argent, ni téléphone, ni rien du tout. Heureusement, en ce qui concerne la voiture, j’ai une clé de réserve qui est dissimulée sous la voiture, dans la roue de secours. Eh oui, cela m’était déjà arrivé de me retrouver « enfermé dehors ». Mais pour le reste, il va falloir improviser…La JocondeLe chauffage au maximum, je roule sur de petites routes inconnues. Impossible de prendre l’autoroute, je n’ai pas un centime. Quant à la nationale, je l’ai quittée après quelques kilomètres, suite à une interminable attente à un feu rouge sous le regard plongeant et insistant d’un camionneur.Et voilà une nouvelle bifurcation, et un panneau avec deux noms de localités inconnues.Je repense au jour où Julien m’avait fait une démonstration avec son petit GPS. Nous nous étions glorieusement perdus et je m’étais moqué de lui pendant une heure. Présentement, je donnerais cher pour que ma voiture soit équipée de ce petit gadget. Je tourne à gauche et continue ma route approximative en direction de l’est. Je jongle avec les intersections pour conserver le soleil légèrement sur ma droite.Je diminue le chauffage, j’ai un peu moins froid… première bonne nouvelle depuis un long moment.Je réfléchis à mon retour chez moi. Je vais devoir aller chez la concierge chercher un double de mes clés. Il faudra que je baratine une histoire de douche, de palier, de courant d’air… Je vais vraiment passer pour le dernier des…Enfin un panneau avec un nom connu, mais ça fait déjà deux heures que je me traîne en pleine campagne.Enfin ma ville. Enfin mon quartier. Enfin ma rue. Enfin mon immeuble. Je me gare au plus près de la porte d’entrée et je fonce.— Merci beaucoup, Anne-Chantal, vous me sauvez la vie.— Ce n’est rien, Monsieur Éric, mais ne sortez plus comme ça, même si on sonne à votre porte… imaginez si je n’avais pas été là  !— Oui, oui, je m’en rappellerai. Merci beaucoup, Anne-Chantal.— Parce que vous savez, avec le froid qu’il fait dans l’immeuble, on a vite fait d’attraper un rhume.— Merci beaucoup, Anne-Chantal.— C’est simple, dès que je sens un courant sur mes chevilles je sais que le lendemain j’ai de la fièvre.— Merci, Anne-Chantal.— Vous voulez que je vous donne une de mes infusions ?— Non, non, et encore merci Anne-Chantal— Le mois passé j’en ai donné une à Monsieur Albert et il s’est senti mieux tout de suite— Oui, mais là non… Merci…— Mais je ne veux pas vous retenir et vous faire prendre froid, rentrez vite chez vous, Monsieur Éric.— Merci beaucoup Anne-ChantalEnfin me voici devant ma porte d’entrée. Enfin la porte s’ouvre. Enfin la chaleur de mon appartement. Enfin mon salon. Enfin mon fauteuil. Enfin un peu de calme… de sérénité… de…— Je te prépare un café ?Je sursaute et écarquille des yeux grands comme des ballons de football. Confortablement installée dans mon canapé, Nathalie me considère avec un sourire énigmatique.Un singulier plurielDurant cinq minutes, plus aucun mot n’est prononcé. Trois cents secondes pendant lesquelles Nathalie me fixe droit dans les yeux alors que je m’enfonce dans mon fauteuil. Je sens le poids du mur de silence qui augmente. Je sens la force de son regard qui me domine. Je suis fatigué physiquement, je suis vidé émotionnellement, je suis épuisé nerveusement, je n’en peux plus.Finalement, rassemblant le peu d’énergie qu’il me reste, je tente maladroitement de repousser la chape de plomb du silence :— Tu es… fâchée ?Rien. Pas un rictus. Pas la moindre réaction. Et toujours cette espèce de sourire qui n’en est pas vraiment un.Le silence reprend lentement possession des lieux. Dans mon esprit engourdi, je vis un calvaire au ralenti. Les secondes peinent à se frayer un chemin dans le sablier du temps. Tout mon être est cotonneux. Est-ce l’attraction terrestre qui est décuplée et m’écrase ainsi dans mon fauteuil ? Les paupières de mes yeux commencent à tomber.Je perçois une ombre, un léger mouvement de Nathalie et juste après, elle rompt le silence :— Surtout, ne bouge pas.Je ne saisis pas bien la raison d’être de cette phrase. Pourquoi me dit-elle cela ? Pourquoi cette espèce de mise en garde ?Une étrange sensation me tire subitement de ma torpeur. L’impression de moins bien respirer, comme si ma gorge avait rétréci. D’un mouvement réflexe mes mains montent vers mon cou et découvrent la présence d’une corde qui l’enserre.— SURTOUT NE BOUGE PAS !Une décharge d’adrénaline me ranime totalement et dans un éclair de lucidité je me fige. Nathalie est toujours assise face à moi, son sourire narquois a disparu derrière un visage sévère. Mais qui donc tient cette corde qui me serre le cou ?À peine cette question est-elle apparue dans mon esprit qu’un bandeau est appliqué sur mes yeux. Plongé dans le noir, la gorge fortement comprimée, abasourdi par la surprise, je cesse de réfléchir et applique l’injonction de Nathalie : surtout ne pas bouger.Une toute petite voix me chuchote dans le creux de l’oreille :— Lève tes bras au-dessus de ta tête, s’il te plaît.Cette voix ??? Elle ne m’est pas inconnue… j’en suis pratiquement certain… je cherche le visage qui lui correspond…Je sursaute, surpris par le ton autoritaire de Nathalie. Je laisse temporairement de côté la douce voix féminine et lève mes bras en direction du plafond.Un cliquetis caractéristique, combiné à un contact dur et froid, m’indique que mes poignets vont être menottés. Je reconnais la patte de Nathalie dans cette opération, elle adore utiliser ces petits joujoux de métal. Les mâchoires de fer sont rapidement et fermement verrouillées sur mes poignets. Une tension contraint mes bras à se replier derrière ma tête. Les menottes sont amarrées au dossier du fauteuil, immobilisant solidement mes poignets et condamnant mes bras à rester repliés en arrière.Quelques secondes plus tard, une opération similaire débute avec mes chevilles. À nouveau, un cliquetis métallique résonne dans mon salon, puis le contact dur et froid de l’acier sur ma peau m’informe que mon immobilisation se poursuit. Bientôt mes chevilles sont solidement entravées et contraignent mes jambes à rester plaquées contre le cuir du fauteuil.Me voici totalement solidaire de mon siège. Cette opération n’a pas duré plus de trois minutes et aucune parole n’a été prononcée. Un vrai travail de professionnelles. Dois-je me réjouir ou m’inquiéter de cette efficacité ? Qui est cette femme qui a agi de concert avec Nathalie et dont la voix ne m’est pas inconnue ? Je suis toujours trop abasourdi pour savoir que penser. Mon seul réconfort est que l’angoissante pression qui s’exerçait sur mon cou a maintenant disparu.La leçon— Viens, je vais te montrer. Tu sais les hommes ne sont pas faits comme nous, ils ne comprennent pas grand-chose aux sentiments du sexe. Ce beau mâle, devant toi, tu n’as pas besoin de lui adresser la parole pour l’exciter. Il te suffit de le manipuler un peu correctement et hop ! tu en fais ce que tu veux. Tu te demandes pourquoi nous avons dû l’enchaîner ainsi ? Mais c’est très simple, c’est un faible et tu ne peux pas lui faire confiance. Dès qu’il perd le contrôle de la situation, il panique… et lorsqu’il panique c’en est fini de sa fière et dure virilité. Alors pour contourner cette faiblesse, on le fait bien stresser avant de commencer et on lui enlève tout contrôle de la situation. D’ici un moment il va se calmer et on pourra pleinement l’utiliser. Tu verras, il sera vraiment excellent lorsqu’il aura un peu mariné sa défaite et aura accepté sa situation d’homme-objet.L’insolence de Nathalie à mon égard est trop forte. Je ne peux plus supporter son discours rabaissant et je veux commencer à exprimer mon désaccord lorsqu’elle reprend.— Tiens, l’objet veut se rebeller. C’est rare, mais ça peut arriver. Je te laisse appliquer la mesure corrective. C’est juste, tu prends cette boule caoutchoutée et tu l’introduis dans sa bouche. Il faut un peu insister… Comment ? Ça ne passe pas ? Il ne veut pas desserrer les dents ? Alors c’est simple : tu pinces son nez comme ça… et voilà maintenant tu pousses fort entre ses dents… très bien ! À présent tu tires sur cette lanière… tu passes celle-ci sous son menton… tu rassembles les autres ici… attention les cheveux… repositionne bien le bandeau sur ses yeux… tu passes celle-ci derrière… et tu termines en resserrant les fixations de toutes les lanières. Super ! tu vas devenir une vraie pro.Ah, la salope ! On ne m’avait jamais fait un coup pareil. J’ai l’impression d’avoir une espèce de muselière autour de toute la tête et je ne peux plus articuler le moindre mot.— Et maintenant, est-ce que tu vois ce qui ne va pas ? Non ? Regarde, il est parfaitement attaché en haut, au niveau de ses poignets, et en bas, au niveau de ses chevilles. Ainsi étiré sur le fauteuil il n’a aucune possibilité de se soustraire à nos manipulations futures et c’est très bien. En revanche, il conserve une certaine mobilité latérale. Or, pour que nous puissions travailler avec précision, il est indispensable d’empêcher tout mouvement parasite. Il est donc primordial d’immobiliser plus sévèrement la partie du corps où se trouve son sexe. Comment comptes-tu procéder ? Oui, s’il avait été raisonnable je te suivrais sur la piste des cordes, mais compte tenu de son lourd passif, je te suggère une mesure plus radicale : le scotch. C’est plus simple, c’est plus efficace et il s’en souviendra plus longtemps… Alors, tu fais trois tours en passant juste au-dessous de son nombril et derrière le fauteuil… c’est ça… Et maintenant la même chose avec sa cuisse droite, oui plusieurs tours pour que ça colle parfaitement. Et rebelote avec la cuisse gauche, toujours en appliquant bien le scotch… t’es une cheffe !Mais elles jouent à quoi, ces cinglées ? Et c’est qui, cette apprentie muette ? Je suis quasiment sûr qu’elle me connaît, que je la connais, qu’on se connaît…— Bien, le gigot est prêt, tu peux commencer à le cuisiner. Souvent, la température des mains est inférieure à la température du corps et le contact d’une main froide est désagréable. Aussi tes premières caresses doivent être comme des salutations qui servent d’une part à échauffer tes mains et d’autre part à débuter un dialogue avec Éric. C’est un peu comme les premières phrases banales que l’on échange lorsque l’on rencontre une connaissance. Il s’agit de débuter une discussion entre vos deux corps. Voilà , tu peux poser tes doigts sur ses mains, lui caresser les paumes, promène tes mains sur ses bras, n’hésite pas à tirer sur les menottes pour lui rappeler qui mène la danse, oui tu peux aussi entrelacer tes doigts avec les siens… Il t’appartient.Les caresses sont plutôt agréables, mais devoir supporter les commentaires de Nathalie c’est vraiment humiliant.— Tes mains peuvent maintenant faire connaissance avec l’ensemble de son corps. Est-ce que tu réalises pourquoi ce n’est pas parfait ? Pourquoi tes caresses ne sont pas suffisamment douces et fluides ? Non ? C’est tout simple, il faut ajouter un peu de lubrifiant pour que tes doigts puissent glisser langoureusement sur son corps. Personnellement, j’ai toujours avec moi quelques flacons d’huiles essentielles pour associer l’utile et l’agréable. Tu vois la différence ? Tu peux faire jouer tes doigts sur ses formes comme s’il s’agissait d’un instrument de musique… à toi de choisir la bonne partition… à toi de trouver le bon rythme… à toi de trouver les bons accords… Insiste un peu davantage sur ses cuisses, malaxe ses muscles en profondeur. Ne va pas trop vite, prends le temps d’écouter les réponses de son corps à tes sollicitations. Caresse un peu plus à gauche, c’est une zone très sensible.Je sombre petit à petit dans une douce torpeur. Les caresses de l’apprentie de Nathalie sont agréables. La peur qui me tenaillait s’évacue et je me laisse bercer par les douces phalanges de ma mystérieuse geôlière.— Tes caresses sont trop monocordes. Tu dois plus laisser transparaître tes émotions, plus être à l’écoute de ton instrument. Je vais te montrer. Regarde, je remonte à l’intérieur de sa cuisse et maintenant j’infléchis légèrement mon mouvement… Tu as vu son léger tremblement ? Alors je repasse et j’accentue un peu plus la pression de mes doigts… Tu vois comme il réagit ? Et maintenant j’ajoute une caresse avec mon autre main… Vois comme son sexe s’éveille. Je peux insister encore un peu et remonter bien haut à l’intérieur de ses cuisses… Oh, le beau cierge que voilà , mais il bande comme un puceau, ce beau garçon !Mais comment fait-elle ça ? Avec quelques pressions bien senties, elle a mis le feu à mes entrailles. J’aimerais lui dire de continuer, mais mes paroles se transforment en un ânonnement ridicule.— Mais que tente de radoter notre objet d’étude ? SILENCE ! À toi maintenant, je te laisse poursuivre. Oui, tu peux te focaliser sur ses parties intimes. Très bien, cette manière de presser la base de sa verge. Avec deux doigts tu peux malaxer ses bourses… pas trop fort, reste à l’écoute ! C’est bien, ce changement de position, une main devant, une main derrière. Parfait, cette manière d’astiquer son chandelier. Excellent, la progression sous-marine de ta deuxième main entre ses cuisses. Tu arrives à lui caresser le fion ? Tu peux… Regarde ! Regarde ! Il bave toute sa salive ! Il ne se contrôle plus ! Continue !Je n’en peux plus. Mais qu’elles arrêtent de me trafiquer dans tous les sens et qu’elles en finissent. Et qu’est-ce qu’il me prend de saliver comme un chien devant une saucisse ? Je sens que des fils humides me dégoulinent sur la poitrine… c’est dégueulasse…— Stop ! Stop ! Il est complètement mûr. Si tu continues, il va déballer toute sa marchandise et je ne veux pas qu’après sa conduite immonde il connaisse ce plaisir. Comme première sanction, je veux qu’il connaisse la frustration. Viens avec moi, nous avons à causer.— Oui, Nathalie.Cette voix ! C’est sûr, je la connais ! Mais je n’arrive toujours pas à replacer un visage dessus. Mais… mais elles ne vont pas me laisser comme ça ??? Je tente de réagir, mais que puis-je faire ? Rien.Je les entends s’éloigner et une porte se referme. Elles sont probablement dans ma chambre. Je discerne vaguement des bruits de voix, mais elles sont trop confuses pour que je puisse les comprendre.Et je reste seul…Seul dans ma nuit sans étoiles…Seul dans mon silence visqueux…Seul dans mon fauteuil prison … à attendre que mon mât baisse pavillon.Vengeance perverseUn tintement léger me tire de mon assoupissement. Je réalise que mes chevilles ne sont plus entravées et je sens maintenant que l’on s’affaire sur mes poignets. L’étau qui les enserrait se relâche et mes bras dégringolent du dessus de ma tête. Sans attendre, je retire le bandeau qui m’aveugle et la lumière du jour me force à cligner des yeux. Je m’attaque ensuite à mon douloureux bâillon et me bagarre plusieurs minutes avec les lanières de ma muselière. Finalement, je réussis à extraire l’incommodante et obsédante boule de caoutchouc poisseux de ma bouche. C’est avec soulagement que je peux effectuer quelques exercices de mastication et avaler à nouveau ma salive.Je prends alors le temps de regarder autour de moi : le salon est vide de toute présence, le silence règne dans mon appartement. Pour me libérer totalement de ma position assise, il me reste à retirer les bandes de scotch qui me maintiennent encore sur mon fauteuil. Je ne tarde cependant pas à réaliser que cette opération est loin d’être une partie de plaisir. L’arrachage du scotch peut être assimilé à une séance épilatoire géante. Durant quinze minutes, je mène un douloureux combat pour me libérer. Mon ventre brûle, mes cuisses gémissent, mais le plus difficile est de ne pas penser à Nathalie et au sourire sadique qui doit actuellement illuminer son visage.Enfin je peux m’extirper de mon fauteuil. Une seule pensée me préoccupe, nettoyer toutes les humiliations subies sous une douche régénératrice. Toujours en tenue d’Adam, je traverse mon appartement pour atteindre la salle de bain. Cependant, au moment où je passe devant la porte de ma chambre à coucher, un petit bruit attire mon attention. Je me fige sur place et écoute attentivement. Oui, j’ai maintenant la certitude que quelqu’un se trouve dans ma chambre. Je pousse doucement la porte… de longs cheveux châtains colorient mon oreiller.Je reste immobile quelques secondes, avant de m’avancer pour découvrir le visage de la femme qui squatte mon lit. Réagissant au bruit de mes pas, elle tourne doucement son visage vers moi :— Salut, Éric.— Catherine ??? Mais comment… que… fais-tu là  ???— Eh bien…Les joues de mon ex rougissent légèrement.— Je t’attends.— Tu m’attends ??? Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Tu connais Nathalie ? Explique-moi car je ne comprends rien.— Je vais t’expliquer, mais d’abord pourrais-tu m’aider à me tourner ?— Heu…Je m’approche de Catherine et retire la couette qui la recouvre. La surprise qui m’étreint alors est moins due à la nudité de son corps, qu’à sa position contorsionnée. Les seuls atours de Catherine sont des menottes aux très courtes chaînes qui emprisonnent ses poignets et ses chevilles en un point central de son dos. Ainsi enchaînée, il lui est pratiquement impossible de se mouvoir, ne fut-ce même que pour se retourner. Ma surprise passée, je l’aide à trouver une position plus confortable, couchée sur le côté, face à mes questions. — Je vais te libérer, où sont les clés des menottes ?— Non, non, Nathalie a emmené les clés et de toute façon je ne dois pas me libérer.— Mais pourquoi Nathalie t’a-t-elle menottée ainsi ?— Pour te punir…Elle a prononcé ces mots faiblement, sans soutenir mon regard.— Pour me punir ? Mais c’est ridicule, comment Nathalie peut-elle imaginer que le fait de te découvrir ainsi soit une punition pour moi ? Et d’abord, comment connais-tu Nathalie ?— Je l’ai rencontrée il y a trois mois— Trois mois ? Mais… c’est bien avant que je la rencontre moi-même ?Les joues de Catherine rougissent à nouveau.— Oui, nous nous sommes aperçues que nous te connaissions toutes les deux.— Mais… explique-moi…— Depuis notre rupture, je continue de souffrir lorsque je pense à toi… c’est-à -dire tout le temps. Un soir, je suis sortie en boîte et comme souvent je me suis saoulée. Ce soir-là , c’est Nathalie qui m’a ramenée chez moi. Je lui ai raconté mon histoire, notre histoire. Ces mois de bonheur parfait, cet Amour que je pensais éternel, les projets fous que j’imaginais, puis le début mon enfer. Tes premiers reproches sur ma sexualité, ma perte de confiance, la frigidité qui s’installe…— Mais nous sommes séparés depuis presque une année…— Depuis 10 mois et 3 jours exactement.— Et tu as souffert ainsi ? Mais je n’en n’ai jamais rien su…— Qu’aurais-tu pu faire ? Notre histoire était derrière nous, je me devais de t’oublier. C’est du moins ce que je croyais, jusqu’à ce que je rencontre Nathalie.— Comment ça ?— Je lui ai tout raconté de nous, depuis notre rencontre dans la décharge publique (elle a ri pendant dix minutes), jusqu’à notre dernier ratage sexuel. Je lui ai tout raconté de moi, depuis mon enfance heureuse au Liban, jusqu’à ma vie de dépressive. Je lui ai tout raconté de toi, depuis ta méconnaissance absolue de la musique classique, jusqu’à ton humour décalé. Et après m’avoir longuement écouté, elle m’a dit que notre amour n’était pas mort, que je pouvais le ressusciter— Quoi ? Mais comment as-tu pu croire les bobards de cette diablesse ?— Je comprends ton scepticisme. Cependant, regarde comment Nathalie a fait de toi son jouet. Regarde comme elle sait parler à tes émotions, éveiller tes envies sexuelles. Elle m’a dit qu’elle pouvait m’apprendre comment faire naître le désir, comment attiser le plaisir, comment vivre une sexualité totalement épanouie. Et je suis sûre qu’une fois qu’elle m’aura enseigné son savoir, je pourrais te conquérir à nouveau.— Mais c’est complètement fou, cette histoire ! Et alors, tout était prémédité ? La rencontre dans le bus ? Mais… mais oui ! je me rappelle maintenant de sa furieuse colère lorsque je l’ai appelée Catherine, elle a dû croire que son stratagème était éventé ? Quel étrange acte manqué de ma part ! Et pourquoi Nathalie a-t-elle initié ce jeu sexuel ?— Oui, votre rencontre a été préméditée. Pour ce qui est de la sexualité, c’est Nathalie qui décide tout et elle a dit qu’elle devait te connaître parfaitement. Moi je suis son élève et je lui obéis. Elle m’a dit que mon enseignement durerait plusieurs mois, que certains moments seraient difficiles, déstabilisants, mais que je devrais lui obéir aveuglément. Et c’est ce que je fais.— Tu étais déjà présente à la ferme ?— Oui, il était prévu que j’intervienne sur un ordre de Nathalie. Mais finalement elle a modifié ses plans et a décidé que la rencontre aurait lieu chez toi. Elle m’a expliqué son nouveau plan dans la voiture. Elle est très intelligente et très manipulatrice, elle avait anticipé toutes tes réactions. Seule la rapidité de ton retour a été une surprise, elle pensait que nous disposerions de plus de temps pour nous préparer.— Mais comment s’est-elle libérée à la ferme ? Est-ce toi qui l’a détachée ?— Oui, j’étais cachée derrière une porte de communication et je suis immédiatement venue libérer Nathalie lorsque tu es parti prendre ta douche.— Et maintenant ? Que fais-tu dans mon lit ? Enchaînée ?— Je lui obéis.— Mais que dois-tu faire ?— Je te l’ai déjà dit : te punir.— Mais c’est insensé…— Nathalie me l’a ordonné, et même si ça va être très difficile, c’est ce que je vais faire.Un coup de sonnette à la porte d’entrée retentit.— C’est elle, hein ?Une nouvelle fois les joues de Catherine rougissent et elle baisse son regard.— Je ne sais pas…— Quelle menteuse tu fais ! Quelle est la suite du programme ?— Je n’ai pas le droit de te le dire.Un deuxième coup de sonnette retentit plus longuement.— Bon, et bien puisque tu ne veux rien me dire je vais aller ouvrir la porte à ton experte sexuelle. J’espère qu’elle n’a pas perdu la clé de tes menottes !— Excuse-moi, Éric.— Que dis-tu ???— Excuse-moi, j’espère que tu comprendras que je dois lui obéir.— Quoi ??? Que racontes-tu ??? Je ne comprends rien à ton charabia larmoyant.À ce moment, de grands coups de poings ébranlent la porte d’entrée de mon appartement et une forte voix masculine se fait entendre :— Police ! Ouvrez !Incrédule, je me tourne vers Catherine :— Qu’est-ce que ça veut dire ?J’ai à peine le temps de terminer ma phrase, que des hurlements hystériques retentissent dans la pièce :— AU SECOURS !!! IL EST FOU !!! SAUVEZ-MOI !!!