En 1966, à 17 ans, Émilie étudiait au lycée technique de la ville de C., une petite ville de 14 000 habitants. Elle habitait à Châtelet, un village isolé à 45 km de là , et ses parents, amis de ma mère, lui avaient demandé si elle pouvait loger leur fille, notre maison étant située à 800 m du lycée. Ainsi, Émilie occupa la chambre de ma grande sœur, à côté de la mienne. Intelligente et vive, cette fille avait un corps parfait, une chevelure rousse et sombre, un teint clair et des dents éclatantes, elle n’avait pas tardé à habiter mes fantasmes de garçon de 17 ans. Chaque soir, je la convoquais dans mes rêves éveillés et elle devenait la source la plus courante de mes plaisirs solitaires. Elle avait tout de suite remarqué l’intérêt que je lui portais. Un flirt et quelques baisers plus tard, nous sortions ensemble. Elle avait plus d’expérience que moi pour les baisers et c’est grâce à elle que j’appris à utiliser ma langue… Pour le reste, nous étions vierges tous les deux.Chaque matin, nous prenions le chemin du lycée ensemble, main dans la main. Nous discutions de tout et la confiance s’installa dans notre relation. C’était avant tout une relation sentimentale. J’étais amoureux d’elle et, je crois, elle de moi. Ses baisers et mes mains qui s’égaraient parfois sur son corps allumaient un désir brûlant en moi. Bien que je ne les ai jamais vus, je peux dire qu’Émilie avait des seins parfaits, fermes, tendus, en forme de poires et aux tétons érigés lorsqu’elle me laissait les effleurer au travers du tissu. Elle était fière de ses seins et ils hantaient mon imagination. Nous discutions parfois d’amour, de couple, de mariage et de grossesse. Je lui avais confié que j’admirais beaucoup les femmes enceintes, que je trouvais si féminines et désirables. Elle avait apprécié cet aveu.Arrivés devant l’établissement, nous nous séparions avec un baiser, car mes cours se déroulaient dans une aile éloignée du lycée. Il nous était impossible de nous rencontrer pendant une journée de cours. Rarement, à certains moments de la journée, j’avais pu l’apercevoir dans la cour avec les lycéens de sa classe, mais c’était relativement loin et il n’était pas possible de communiquer. Elles n’étaient que trois filles dans sa classe et elles faisaient évidemment l’objet de toute la sollicitude de leurs camarades masculins. Plusieurs fois, je l’aperçus en discussion avec l’un d’eux, ils jouaient et se chamaillaient… Je trouvais cela amusant, mais quand même avec un petit pincement de jalousie.Une fois, le garçon lui avait pris les deux mains et l’avait poussée en arrière contre un gros arbre dans la cour. Ils discutaient, mais leur conversation était devenue moins joueuse, plus grave. Il s’approcha d’elle et je crus qu’il allait l’embrasser. La sonnerie retentit et elle s’échappa vers l’entrée du bâtiment. La jalousie, mais aussi une étrange excitation m’avait fait battre le cœur.* * *Le premier dimanche soir, alors qu’elle arrivait de chez ses parents, elle me dit que le lundi matin elle avait « atelier », et leur professeur exigeait pour des raisons évidentes de sécurité que les filles portent un filet sur leurs cheveux. À sa façon de me dire ça, je compris que cette contrainte lui faisait honte. Elle redoutait de porter ce filet devant les garçons de sa classe. Pourtant, elle me dit :— Lundi, je vais peut-être le mettre avant de partir en cours.— Et tu vas faire le chemin vers le lycée avec le filet sur la tête ?— Oui, enfin je ne sais pas, dit-elle en rougissant.Je compris que de porter un filet en public lui procurait en fait une grande excitation, et à ma grande surprise, je me mis à bander instantanément. Son plaisir était contagieux.Ce lundi, nous nous apprêtions à quitter la maison pour aller en cours.— Tu n’as pas mis le filet, tu en as un dans ton sac ? lui demandai-je.— Oui.— Tu avais dit que tu le mettrais avant de partir, lui rappelai-je.Elle rougit.— Je le mettrai en arrivant.— Mets-le.— Maintenant ?— Oui, je veux te voir avec et je veux que tu le portes pour aller au lycée avec moi.Elle n’essaya pas de protester, chercha le filet dans son sac et alla se placer devant la glace pour le poser. Quand ce fut fait, elle se tourna vers moi, attendant ma réaction. Sa longue chevelure d’un roux sombre ainsi enveloppée tombait lourdement sur son cou et le début de son dos. Je la pris dans mes bras, la plaquai contre le mur et, fiévreusement, je trouvai ses lèvres. Ce fut un long baiser, sensuel et érotique. J’appuyai mon bassin contre elle pour qu’elle puisse ressentir la vigueur de mon érection, et après notre baiser, j’ajustai le filet pour qu’il couvre bien la totalité de sa chevelure jusque sur le front. Elle protesta.— On le voit trop comme ça.— Si l’on rencontre quelqu’un, je veux qu’on le voie bien.— Et si ta mère me voit comme ça.— Elle n’est pas encore levée, mais je suis sûr qu’elle te trouverait belle.Il fallait partir. Nous avons pris la route comme chaque matin avec cette excitation et cette complicité entre nous, mais aussi en redoutant (ou en espérant ?) de rencontrer une connaissance sur le chemin, bien qu’à cette heure-là , c’était assez peu probable.À partir de là , chaque lundi, nous avions ce rituel excitant et cette complicité qui me faisaient attendre ce jour avec impatience tout au long de la semaine. Marcher ainsi avec elle dans la ville en imaginant ce mélange de peur et de honte qu’elle ressentait me donnait un plaisir trouble et nous nous sentions vraiment connectés émotionnellement. Cette situation vécue ensemble nous rapprochait.Un jeudi après-midi, Émilie s’était lavé les cheveux. Je l’avais aidée en y versant l’eau tiède, en les massant alors qu’ils étaient pleins de mousse, et en les rinçant. Penchée en avant sur le lavabo, elle montrait son cou fin et blanc. Je l’embrassai derrière la nuque tandis qu’elle terminait de se rincer. Elle eut un petit rire de contentement, puis se releva et s’essuya dans une grande serviette.— Je vais te mettre le filet pour qu’ils puissent finir de sécher en restant bien ensemble, lui dis-je.— En plein après-midi ? Ta mère est là et on devait aller au Prisu.— Ma mère n’est pas un problème et on ira au Prisunic comme prévu.L’excitation nous avait pris tous les deux et elle ne protesta pas davantage. Je l’aidai à poser le filet sur ses cheveux, puis nous descendîmes main dans la main vers la cuisine.Ma mère était là . Elle sourit en nous voyant, percevant parfaitement la confusion d’Émilie et mon plaisir.— Tu t’es lavé les cheveux, Émilie ? En attendant qu’ils finissent de sécher, vous allez me faire une course au Prisunic… il me faut six bocaux d’un demi-litre pour la compote. Allez-y tout de suite, elle va être cuite.J’étais ravi, ma mère était complice. Elle aussi trouvait que la jeune fille était sexy et elle voulait qu’elle aille dans un des endroits les plus peuplés de la ville, les cheveux emprisonnés dans un filet.Je regardai Émilie, elle me rendit un petit sourire, à la fois heureuse et honteuse.J’ai pris le porte-monnaie et nous sommes partis, main dans la main, dans la rue. Nous avons rencontré deux voisines qui nous ont salués avec un petit sourire et un regard un peu plus insistant que d’habitude. Émilie serrait ma main en baissant la tête.Devant le magasin, elle avait hésité puis avait fini par entrer. Nous fîmes les courses habituelles puis j’emmenai Émilie vers le rayon cosmétique où se trouvait un étal qui présentait des peignes de toutes sortes, des épingles, des brosses, des bigoudis, et des filets à cheveux.Je pointai du doigt un filet brun rectangulaire au fil plus épais et à mailles serrées, une sorte de voilette.— Tu vois, celui-ci est mieux. On le verrait mieux sur tes cheveux. Celui que tu as, il est presque invisible.— Il n’est pas si invisible que ça, et puis je ne peux pas porter ça dans la rue ni au lycée.— Pourquoi pas ?— Il n’y a pas d’élastique, je ne sais pas le mettre, dit-elle, gênée que nous ayons cette conversation devant la vendeuse.Je m’adressai à la jeune femme qui nous regardait en souriant.— On peut l’essayer ?— Bien sûr. Et je vais vous aider à le mettre, dit-elle à Émilie. Voilà , vous faites un petit nœud en dessous, vous prenez les deux autres coins, comme ça, et vous faites un deuxième petit nœud comme le premier. On ne les voit pas, ils sont cachés dessous et vos cheveux sont parfaitement enveloppés. Votre petit ami a raison, ça vous va très bien… Vous avez une couleur de cheveux extraordinaire et le filet brun la fait ressortir.Rougissante, Émilie passa la main sur sa tête le long du filet, puis vers ses oreilles, et son plaisir était visible.— On le prend, et il n’y a qu’à le laisser puisqu’il est mis, dis-je.Émilie me mit des coups de poing dans le coude et cacha son visage contre mon cou pendant que je payais la vendeuse. Celle-ci se mit à rire en voyant la réaction de la jeune femme.Le passage à la caisse pour régler les autres courses fut un autre moment difficile pour elle. Dans la queue, plusieurs personnes la regardèrent de manière appuyée, et elle se blottit contre moi. Je souris intérieurement, c’était moi son bourreau et c’est vers moi qu’elle se tournait pour chercher du soutien.Nous sommes rentrés à la maison, tenant chacun une poignée du grand sac particulièrement lourd. En nous voyant, ma mère interrogea Émilie ?— Tu as changé ton filet ?Ce fut moi qui répondis.— Je l’ai acheté pour elle au Prisu.— Tu as bien fait, il lui va bien !Depuis ce jour, Émilie n’hésita pas avant le repas du soir à apparaître la tête enveloppée du filet, celui que j’avais acheté, et nous aimions la voir ainsi dans une ambiance familiale et intime. Son plaisir et le nôtre n’étaient plus tabous. Par contre, pour le lycée, elle continua à utiliser le plus fin, chaque lundi.* * *Vers le milieu de l’année, nous discutions dans sa chambre un dimanche soir alors qu’elle rentrait du week-end.— J’ai revu Vincent, dit-elle.Vincent était un garçon de son village qu’elle avait fréquenté avant moi… Celui, sans doute, qui lui avait appris à embrasser avec la langue.— Ah ! Qu’est-ce qu’il t’a dit ?— On s’est embrassés, dit-elle.Dans son regard, il n’y avait aucune culpabilité, nul remords, plutôt un certain plaisir et un soupçon de défi.— Tu veux te remettre avec lui ? Tu ne veux plus qu’on sorte ensemble ?— Mais non, bêta, dit-elle en s’approchant pour m’embrasser.Après son baiser, elle reprit :— Mais le week-end, tu n’es pas là … Vincent, lui, il est là .— Et donc tu sors avec deux garçons à la fois.— Oui, ça te gêne ? Tu es jaloux ?Je mentis.— Non pas du tout. Il t’a seulement embrassée ?— Oui, enfin non, il m’a prise dans ses bras, on a discuté, c’est comme avec toi, dit-elle simplement.— C’est tout ?— En fait, il m’a un peu déshabillée, dit-elle à voix basse.— Complètement ?— Non, il a ouvert mon corsage, il l’a enlevé et a dégrafé mon soutien-gorge.— Wouaou ! Et il a caressé tes seins ?— Oui.— Il les a embrassés ?— Oui, mais je n’ai pas voulu aller plus loin. Je pensais à toi. Je me suis rhabillée. On s’est arrêté là .— D’accord.Ainsi Vincent avait vu ses seins, il les avait caressés, sucés. La jalousie m’envahit, mais son aveu m’avait déclenché une grosse érection. Je sentais battre mon cœur et il me sembla qu’on aurait pu l’entendre. Émilie sentit mon trouble.— Tu n’es pas fâché ?— Non, vraiment, je suis d’accord.— Mmmm, c’est sympa.Elle me prit dans ses bras pour un nouveau baiser bien plus long que le précédent, plus langoureux aussi et qui me fit chavirer le cœur. Elle reprit :— Je ne pensais pas que tu réagirais si bien. Je suis contente, j’ai raison de t’aimer.— Et moi, je suis content que tu me l’aies dit… Merci d’avoir été honnête. Et puis, tu es belle, alors je comprends Vincent… je ne peux même pas lui en vouloir.Ce soir-là , dans mon lit, je repensai à cette conversation. Malgré la jalousie qu’elle venait de rallumer en moi, je ne parvenais pas à lui en vouloir. Elle embrassait Fred et Vincent en toute simplicité, c’était naturel. Elle avait été honnête et je ne l’aimais pas moins pour cette infidélité… peut-être même encore plus ! Je l’admirais et la trouvais encore plus belle pour cette liberté qu’elle s’octroyait et qui semblait lui donner une plus grande confiance en elle. Elle semblait heureuse d’être infidèle et que cela ne me gênât pas.Mais ce Vincent… C’était l’ombre au tableau. Il acceptait lui aussi de partager ? Et s’il était meilleur que moi ? Moins timide, carrément plus culotté ou plus expérimenté ? Et si elle allait beaucoup plus loin avec lui qu’avec moi ? Jusqu’où ? Jusqu’au bout ?Mon érection était si forte, si délicieuse. Pourquoi je bande en pensant à ça ? Est-ce que je suis normal ? Pourquoi est-ce que j’imagine ça ? Pourquoi est-ce que je veux ? Non, je ne peux pas vouloir ça ! C’est trop tard, ma main est allée trop loin, trop vite, et je crie. Mon corps se cabre, mon plaisir vient de souiller les draps.La culpabilité et la honte m’envahissent. Je me masturbe en pensant à elle avec Vincent ! Pourquoi autant de plaisir à l’imaginer faisant l’amour avec Vincent ? Malgré l’éjaculation qui vient d’avoir lieu, le plaisir et l’excitation reviennent. Étonné et bouleversé, j’ai dû une nouvelle fois céder à mon fantasme et me libérer dans un deuxième orgasme encore plus violent, parce que cette fois je suis pleinement conscient de ce qui me donne ce plaisir.* * *Les mois passèrent de cette façon, Vincent faisait maintenant partie de nos discussions. Elle me parlait de ses baisers et de ses caresses. Je la questionnais et elle répondait en toute sincérité. Elle devinait mon trouble et nous découvrions que ces dialogues étaient excitants pour tous les deux. Vincent, lui, ne voulait rien savoir de moi, elle ne lui en parlait donc pas.Un jour, en avril, Émilie était à Châtelet pour les vacances de Pâques.Jacques, un copain plus âgé de quelques années était passé me voir pour me montrer la voiture qu’il venait d’acheter : une Ondine Gordini. Un bijou, il en était très fier. C’était un bel après-midi d’été, il me proposa une balade en voiture et me demanda où je souhaitais aller.— Pourquoi pas à Châtelet ? On pourrait prendre Émilie en passant.Lorsqu’elle vit la voiture s’arrêter devant chez elle, Émilie s’approcha et je descendis la vitre. Je lui présentai Jacques qu’elle ne connaissait pas encore et l’invitai à nous accompagner en balade. Elle sourit. C’est un sourire à la fois doux et grave.— Non, Fred, je ne peux pas venir. Vincent va arriver et on va passer l’après-midi ensemble.Son refus me surprit. Je ne sus pas trop quoi dire.— Il est là aujourd’hui ?— Oui, on se voit tous les jours depuis le début des vacances.Je me sentis totalement humilié, et son sourire s’agrandit. Son regard me fixa. Elle comprit parfaitement ce que je ressentais et ce qu’elle me faisait subir. La présence de Jacques et le grand sourire qu’il arbora en entendant notre conversation rendirent son plaisir encore plus vif. Il faut que ça s’arrête !— Bon, on va y aller. Bonne fin de vacances.— Toi aussi, Fred ! Excuse-moi.Mais son sourire démentit toute culpabilité. Elle m’humilia en présence de mon ami avec un plaisir évident.La balade fut courte et Jacques eut la délicatesse d’abréger sa visite.* * *C’était la rentrée. Comme chaque dimanche, Émilie revint en début de soirée. Il fit beau et chaud toute la journée, elle portait une petite robe à fleurs, légère et courte. Sa taille était fine et ses jambes, sublimes. Elle s’assit sur le bord de son bureau et balança une jambe doucement.Assis sur le lit en face d’elle, je lui demandai comment s’étaient finies ses vacances. Elle me regarda avec un sourire tranquille.— J’ai changé, Fred. J’ai beaucoup changé depuis quelque temps.Elle scruta ma réaction. Je ne dis rien. J’attendis et commençai à deviner. Elle lut en moi comme dans un livre ouvert, mon cœur battait à tout rompre.— Qu’est-ce que tu veux dire ? Ma voix est mal assurée.— Tu ne devines pas ?Il y eut un silence. Je n’osai pas le dire. Elle reprit :— Je ne suis plus vierge.Ce fut vraiment difficile, j’avalai ma salive.— C’est Vincent ?— Oui, c’est Vincent. On sort vraiment ensemble maintenant et il veut que j’arrête avec toi.— Bon, c’est bien. Je te souhaite d’être heureuse, dis-je d’une voix blanche, et je me lève pour sortir.Elle m’arrêta. Sa voix était anxieuse.— Attends, ne t’en va pas comme ça. On peut toujours être amis, parler, se faire confiance. Il veut juste qu’on arrête de s’embrasser. Mais notre relation, c’est plus que ça.— OK, on peut parler si tu veux.— Alors, parle-moi de tes vacances. À part Jacques, tu as vu quelqu’un d’autre ?— Oui, une fille. Rachel, la fille des Peterson.— Et il s’est passé quelque chose ?— Oui, comme toi. Mais on ne s’est vus que deux fois, dis-je en essayant de prendre l’air assuré et satisfait.Elle n’en crut pas un mot, j’en étais sûr. Pourtant, elle me félicita et me dit qu’elle était contente pour moi.Que j’avais rencontré Rachel était vrai et on avait flirté tout un après-midi. Après l’humiliation de la balade à Châtelet, j’avais besoin de rebooster mon ego, mais il n’y avait rien eu au-delà du flirt.Émilie ne tenta pas d’obtenir des détails, ce qui me confirma qu’elle n’en croyait pas un mot. Elle préférait certainement m’éviter une plus grande humiliation.Nous parlâmes encore un moment de choses et d’autres puis nous nous souhaitâmes bonne nuit.Il n’y eut pas de baiser. Une nouvelle relation commençait.Ce soir-là dans mon lit, j’eus du mal à trouver le sommeil. Émilie n’était plus vierge. Vincent l’avait déflorée. C’était le plus chaud de mes fantasmes qui était devenu réalité, pourtant, cette nuit-là , je n’étais pas dans l’ambiance pour avoir du plaisir sexuel. La blessure narcissique ainsi que celle au cœur étaient trop profondes. Et quelle idiotie d’avoir essayé de lui faire croire que moi aussi j’avais couché avec une fille ! Elle n’y croyait évidemment pas, je le savais, et mon mensonge m’humiliait encore davantage. Elle avait su se montrer douce en évitant d’en rajouter et en faisant semblant de me croire. Le cœur lourd, je finis par m’endormir.* * *Le lendemain, nous allâmes ensemble au lycée. Ses cheveux étaient libres, sans le filet. Je ne fis pas de remarques. Émilie n’était plus ma petite amie, juste une amie… Émilie était dépucelée, elle avait raison, bien des choses avaient changé.Pourtant, nos discussions reprirent, comme avant, intimes, confiantes. Je lui dis que je me demandais parfois ce que ressentaient les filles avec les garçons, pendant l’acte par exemple…— Tu veux savoir comment ça s’est passé ? me dit-elle d’un air moqueur.Je rougis et essayai de me rattraper.— Oui, enfin, je parlais en général, pas spécialement pour toi.— Je ne peux te dire que ce qui s’est passé pour moi. Tu veux savoir quoi exactement ?— Les sensations, si ça fait mal, si c’était bien, si tu as eu du plaisir…— Oui, j’ai eu mal. J’ai saigné un peu et je n’ai pas vraiment eu de plaisir cette première fois… Mais c’était fait. J’étais contente de l’avoir fait et Vincent m’a couverte de baisers, il était visiblement ravi d’avoir été le premier. Les fois suivantes, j’ai eu du plaisir, de plus en plus…— Tu as pensé à moi des fois ? Pendant ou après ?— Pas pendant, mais après, oui.— Tu as pensé quoi ?— Que j’allais devoir te le dire ! Que tu serais jaloux ! J’ai essayé d’imaginer comment aborder le sujet.— Je vois. Et c’était quand ? Je veux dire, la première fois ?— Le jour où tu es venu avec Jacques. Le soir même.— Oh ! J’y suis pour quelque chose ?— Je ne sais pas trop. Peut-être, oui.— Comment ça ?— Je crois que ça m’a débloquée. Quand j’ai vu ta réaction, comme tu as accepté… je sais que c’était un peu cruel, mais ça m’a fait plaisir. Je me suis sentie libre de le faire, je me suis sentie prête, Vincent était prêt aussi et j’ai compris que toi tu ne l’étais pas encore. Mais j’étais certaine que tu pourrais accepter que je le fasse avec Vincent et qu’on resterait amis.Je restai silencieux, à la fois honteux et étonné qu’elle me connaisse aussi bien.— Et toi, avec cette fille, Rachel ?— Oh, ça n’a rien d’important, lui dis-je, embarrassé.— Elle existe vraiment ?— Oui, elle existe bien, mais il ne s’est rien passé en fait, juste un petit flirt pendant un après-midi.— Je m’en doutais.— Je suis désolé de t’avoir menti, mais j’étais tellement chamboulé…— Ce n’est pas grave. Je comprends pourquoi tu l’as fait… dit-elle, d’un ton rassurant.— Merci.— Donc tu es encore puceau ! ajoute-t-elle avec un grand sourire provocant.Je rougis.— Arrête, c’est méchant !Elle s’accrocha à mon bras en riant.— Non, c’est pas méchant ! C’est juste que je suis ravie que tu sois encore vierge. Tu as encore le temps, rien ne presse, et puis je trouve que ça te va bien.— Comment ça ?— Oui, je trouve que c’est très sexy, un garçon vierge de 18 ans. Ne te presse pas, tu trouveras la bonne et elle sera ravie de te dépuceler. Dans quelques mois… ou dans quelques années, ajouta-t-elle en riant.Émilie avait un don pour me mettre mal à l’aise.* * *L’année scolaire se termina ainsi. Elle ne reviendrait pas l’année prochaine, et moi, je partais à l’université à 80 km de là . Elle avait un petit ami, un amant même, et vivait certainement une vie sexuelle active. Le contacter et maintenir une relation proche et platonique avec elle ne me semblait ni légitime ni souhaitable. Nous éloignâmes ainsi et je n’eus de ses nouvelles que deux ans et demi plus tard sous la forme d’un faire-part de mariage.Émilie se mariait avec Vincent. Elle avait ajouté un petit mot à la main pour me dire que je serais le bienvenu si je souhaitais assister aux noces et rester pour le repas.J’avais beaucoup hésité à y aller. J’allais voir Émilie se donner officiellement à un autre homme. C’était bizarre, mais l’idée de la voir en robe de mariée devenir Mme G., le fait que ce jour était important pour elle, le souvenir de toutes nos confidences, nos baisers, de mes mains chastes effleurant son corps de vierge, de mes fantasmes et de mon désir pour elle, tout ça ne pouvait pas ne pas avoir compté.Lorsqu’elle entra dans l’église au bras de sa mère, toute l’assistance s’était retournée pour la voir franchir l’allée qui la menait vers l’homme qui l’attendait là -bas. Elle marchait lentement, radieuse et souriante, puis elle me vit. Son sourire s’élargit plus encore et je le lui rendis. Émilie était heureuse que je fusse venu pour participer à son jour de gloire.Lorsqu’ils échangèrent leurs vœux, leurs voix dans l’acoustique austère et sacrée de l’église, ainsi que la solennité de la cérémonie, m’amenèrent un pincement au cœur et des larmes dans les yeux.J’espérais sincèrement qu’elle soit heureuse, mais je regrettais d’avoir été si naïf, si immature et si timoré ! Je pris conscience que je regretterai toute ma vie de n’avoir pas couché avec elle, de ne l’avoir même pas déshabillée.Le moment tant redouté arriva. Il fallait que je présente mes félicitations au jeune couple. Je fis la bise à Émilie en bredouillant une phrase convenue, elle me remercia avec douceur, étonnée et ravie de voir mon trouble. Et puis, il y a ce type à côté d’elle, ce Vincent. Je le trouvais banal. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui trouver ? Mais il était là , il fallait être poli et serrer la main de celui qui avait dépucelé mon Émilie et ça me remplit de honte. Émilie se tourna vers lui et lui dit.— C’est Fred, tu sais ?Il acquiesça en me serrant la main avec un mot de remerciement. Il avait déjà compris.Même si j’étais invité au repas, je partis juste après la cérémonie. Rester plus longtemps était au-dessus de mes forces.* * *La surprise arriva plus de deux ans plus tard. C’était un dimanche à midi et le téléphone sonna. Ma mère répondit, puis après quelques échanges, elle posa le téléphone et vint me dire.— C’est pour toi, c’est Émilie.Je pris le récepteur et la voix d’Émilie vint remuer mes souvenirs.Après quelques échanges usuels, elle me dit qu’elle était enceinte. Je fus pris de court. Je mis du temps à me ressaisir et à la féliciter. Je m’étonnai que si longtemps après, elle ait pris la peine de prendre le téléphone pour m’annoncer qu’elle était enceinte de cinq mois. Puis je me souvins de nos conversations sur le sexe, le mariage, la grossesse. Je lui avais alors confié qu’une femme enceinte était belle et excitante et je compris qu’elle voulait que je sache qu’elle était maintenant cette femme, belle, enceinte et excitante. Ainsi elle ne m’avait pas oublié et elle savait qu’il en était de même me concernant. Elle savait qu’avec cette annonce, elle titillait ma jalousie et mon désir pour elle. Émilie savait que je l’aimais toujours, que je l’aimerais sans doute toute ma vie. Cette prise de conscience me toucha et la jalousie refit surface. C’était ce qu’elle recherchait en m’appelant ce jour-là .Alors, je voulus lui montrer qu’elle n’avait pas eu tort, que je pensais toujours à elle.— Est-ce que tu penses qu’on pourrait se rencontrer un jour de cette semaine ? Je voudrais voir ton ventre.Elle rit, heureuse d’avoir été comprise. Nous fixâmes un rendez-vous dans un café de la ville le mercredi à 14 h.* * *Elle était là lorsque j’arrivai, assise à la terrasse au soleil de cette fin d’été devant une petite table ronde. Elle était vêtue d’une petite robe noire, largement décolletée. Je me baissai pour l’embrasser et remarquai tout de suite les changements de son corps.Elle avait pris du poids, même son visage avait un peu grossi. Elle avait ramassé sa chevelure sombre en un gros chignon sur sa nuque. Elle avait un magnifique ventre rond et ses seins gonflés par sa grossesse montraient leur galbe délicieux dans l’échancrure de sa robe. Je ne pus m’empêcher de me dire qu’elle avait soigneusement choisi cette dernière pour notre rencontre… Elle savait comment me tenter.Nous parlâmes de choses et d’autres, de nos familles, de Vincent… puis je demandai :— Je ne m’attendais pas à ton coup de téléphone. Pourquoi as-tu tenu à m’annoncer ta grossesse alors qu’on ne s’est pas contacté depuis plus de deux ans ?— Je ne sais pas trop, j’ai longtemps hésité. Je n’arrête pas de penser à toi depuis que je suis enceinte, à nos conversations à ce sujet, et je me suis décidée.— Ça m’a fait très plaisir. Que tu sois enceinte et que tu me téléphones pour me le dire… les deux ! Ça se passe bien ?— Oui, mais tu sais, ce n’est pas aussi idyllique que dans nos discussions d’ados. Il y a les nausées, les visites chez le gynéco, et surtout, c’est très fatigant. Mais je suis quand même super contente et Vincent aussi. Il trouve que je commence à ressembler à une baleine.— Tu es magnifique, plus belle, plus femme et… Je peux dire ce que je pense ?— Oui, vas-y, comme avant.— Tu es encore plus désirable, ton ventre rond… tes seins… tellement femme… fécondée.Elle rit devant mon trouble et mon enthousiasme.— Tu n’as vraiment pas changé. Depuis que tu es là , tes yeux n’ont pas beaucoup quitté mes seins.— C’est ta faute. Ta robe, je suis sûr que tu l’as choisie exprès.Elle rit à nouveau, ses yeux dans les miens, mais elle ne répondit pas.— Tu crois que je peux toucher ton ventre ?— Viens là  !Elle écarta sa chaise de la table. Je m’accroupis à côté d’elle et posai ma main sur son ventre un moment, puis, je le caressai. Comme je désirais ce ventre ! Je sentais son regard sur moi. La douceur, la fermeté de son ventre de femme pleine eurent sur moi un effet immédiat. De la main droite, je dus ajuster mon pantalon, puis posai mon oreille sur son ventre.— Il bouge de temps en temps, mais pas en ce moment, dit-elle doucement.— Peut-être qu’il dort, dis-je.Elle rit. Alors j’appuyai ma bouche pour un long baiser sur ce ventre gros et plein. Elle posa sa main sur ma tête et me caressa doucement les cheveux.— Tu as pensé à moi pendant tout ce temps, demanda-t-elle ?— Oui, souvent.Je me relevai et repris ma place.— Et toi, tu n’es pas marié, mais tu as une amoureuse, je suppose. Raconte-moi.— Non, je n’ai personne.— Mais, tu en as eu ?Je me mis à rougir. Elle me regarda avec encore plus d’insistance, amplifiant mon embarras.Je ne pouvais pas lui mentir encore une fois… elle le saurait immédiatement et ce serait pire. Je lui donnai la réponse minimum.— Non.— Jamais ?— Non. Je ne suis vraiment pas doué avec les filles. Les deux ou trois avec lesquelles j’avais un peu accroché, ça n’a pas été bien loin. L’une est partie en Angleterre avant qu’il se passe quelque chose, une autre a trouvé quelqu’un d’autre… enfin, voilà  !— Je n’en reviens pas que tu sois toujours vierge. Et en même temps, ça te ressemble bien.— Comment ça ?— Quand tu es amoureux, tu es super gentil, timide, respectueux. Tu places la femme sur un piédestal et tu n’arrives pas à te décider, tu n’oses pas. Pendant que tu chéris la fille dans ton cœur, un autre vient te la prendre. Les femmes ont aussi besoin de l’acte physique.— Tu me vois vraiment comme ça ?— Oui. Et c’est touchant, romantique. J’aime que tu sois comme ça. Je suis ravie que tu sois encore puceau.— Tu es cruelle.Elle mit une main sur la mienne.— Non, Fred ! Ne fais pas un drame de ta virginité, elle te va bien. Tu es comme ça, admets-le et ne sois pas obsédé par ça. Et puis, tu n’as que 23 ans, tu as encore le temps de trouver une femme qui te plaira et qui te voudra comme tu es. Ne te presse pas, vis ta virginité avec bonheur et sans honte.— Ouais, c’est facile à dire, mais pas facile à vivre.Elle regarda son poignet.— Il est tard, il faut que j’y aille.— Déjà  ? Je suis vraiment content de t’avoir revue. Je te souhaite un beau bébé.— Merci, Fred, moi aussi, je suis contente.Elle se leva.— Je ne sais pas si l’on se reverra, dit-elle, mais je peux te dire que notre amitié amoureuse restera un de mes plus beaux souvenirs.Elle approcha son visage, me planta un long baiser sur les lèvres, puis se retourna et partit.