Ils disent « anniversaire », je pense gâteau bien sûr ! Puis bougies également puisque l’un ne va pas sans les autres. Mais avant de souffler sur les flammèches dansantes, encore faut-il la pondre cette fameuse histoire. Vingt ans ! Vingt ans déjà  ? La majorité et quelques poussières. Des années riches en rebondissements avec des personnes qui sont passées, parties, revenues parfois sous d’autres noms, anonymes à la langue acérée ou brillante. Je choisis mon camp, dans ce jeu de dupe, optant pour une neutralité imbécile sans doute, mais si confortable.— xxxXXxxx —Bien ! Le pavé est dans la mare. Développons donc notre sujet sans faire de vagues. Je l’imagine donc ce fameux endroit au tout début, lors de sa création. Je ressens violemment l’excitation de ce premier post, celui dont vont dépendre tous les autres. Je serai donc cette première aventurière d’un nouveau-né, d’un rêve de bébé. Ma mère, mon père, dans le grand déroulement du temps, qui s’en souvient du sexe de mon auteur ? C’était une autre période, celle où il n’était pas question de mettre un « E. » pour féminiser les professions ou les états de chacun.Donc, je suis l’essuyeuse de plâtre. Comme une pierre que l’on jette dans l’onde calme d’un lac, j’ai fait en retombant des milliers de ronds dans l’eau. Cercles concentriques s’étalant sur des milliers de pages blanches, écrites peut-être à la main, bien avant mon accouchement. Ces parents qui cherchaient un berceau pour y coucher leur progéniture avaient enfin un endroit pour déposer leur enfant. Pas très sage avouons-le, mais c’était voulu.Bien entendu dès mon dépôt sur le site, d’autres bras m’entourent et j’échappe alors à tout contrôle parental, mes propres géniteurs n’ayant plus vraiment de possibilités de rectifier mon portrait. Au fil des jours qui suivent, j’en vois des visages venir se pencher sur ma modeste couche. Des yeux pleins d’émotions, remplis d’attentes improbables. Certains me trouvent osée, d’autres trop mièvre, au moins je ne laisse personne totalement indifférent. De toute façon, ma conception n’est faite que pour et par le plaisir.Je n’ose vraiment pas imaginer combien de mains vont se porter sur des sexes tendus, combien non plus de spermes vont couler sur mes rondeurs irréelles et mes images si bien dépeintes. Des hommes et des femmes ont-ils fait, feront-ils l’amour sur mes pleins et mes déliés, avec une tendresse infinie ? Peut-être aussi avec une rudesse que je ne voudrais pas connaître. Là encore les regards d’un monde plutôt salace, aux confins de toutes les perversités ne se sont-ils pas embrasés sur mes descriptions trop chirurgicales d’actes imaginaires ?Alors les créateurs de cet univers si particulier voyant sans doute que de nombreux visiteurs inconnus traînent leurs ventres sur le mien pourtant si lisse, que des bouches n’aspirent qu’à me téter les seins, des pattes à me tripoter sans arrêt, ont l’idée de génie d’inventer une manière de me décrire. Des commentaires en renfort d’une note plus ou moins élevée en fonction du goût de ceux qui me frôlent. Éloges ou pamphlets, tout reste bon pour attirer le visiteur. Alors d’autres sont venus, ou vont venir me faire l’amour des yeux, m’aimer ou me haïr.La bataille des chiffres commence là , à l’aube d’une aventure mettant en scène un accoucheur de bits, un couffin Word et un bébé allongé à l’encre noire. Un trio qui finalement fera bien recette quelques années encore, pour peu qu’on en peaufine les contours. Et mes parents me direz-vous ? Ils ne sont guère plus qu’une femme, un homme, paumés avec des envies si normales. Là où ils se trouvent plutôt hors norme, c’est bien qu’en plus de la vivre cette vie de rêve, ils veulent aussi en faire profiter les autres.Quoi de mieux qu’un clavier, quelques touches et une imagination débordante ? Ces fameuses parties de cul, si modestes parfois, se transforment là sous des doigts agiles en des moments si sublimes. Les choses étriquées et tellement banales d’un coup deviennent des grivoiseries aguichantes et se répandent en une sorte de semence âcre coulant à flots. Les gogos aux attentes si étranges aussi viennent finalement se mêler à la fête. Le lieu des joutes se trouve d’un coup si tentant. La lice si belle attire de plus en plus, les fantasmeurs de tous poils.Puis d’autres rivaux surgissent de plumes acérées, de têtes dérangées parfois également. Quelques trolls viennent, d’autres viendront encore, perturber le jeu avec des pensées idiotes, se plaisant à démonter la beauté, à faire dégouliner un fiel épais sur des sentiments pourtant si bien rendus. Des parents, j’en ai des milliers depuis vingt ans. Pas tous bons en orthographe pas plus qu’en conjugaison, mais une équipe un jour a décidé de mettre fin à ces traits de langage qui défient les regards, hérissent trop souvent les poils. Une flopée de maîtres « Capello » qui rend enfin lisibles et digestes les bébés mal dégrossis de parents en mal de copie.Un équilibre s’impose donc entre des coups de reins toujours plus conséquents, des giclées de foutre remplissant des barriques entières que certains préfèreraient n’en doutons pas, pleines de Bourbon. D’autres sont venus, porter leurs sales pattes sur mes mille ventres, désireux de se marier à ces corps dont les pages suintent. Les soubresauts des femmes plus belles les unes que les autres, les meilleures amantes, les plus belles chattes du monde enorgueillissent le web de descriptions chirurgicales si bellement dépeintes. Et je vous conterai aussi de mes multiples pères, la longueur de membres impossibles à loger dans les pantalons de jean si étroits que marcher en deviendrait d’un compliqué.Quelques poétesses, habillant la plume de rimes riches ou pauvres, viennent grossir le nombre des prétendants absolument convaincus d’être les plus-que-parfaits, les chantres de ce genre si particulier qu’est l’érotisme. L’avènement du tout lisse aussi devrait grandement faciliter la déclinaison sordide de détails ignobles. Les amours d’antan se conjuguent trop fréquemment à coup de grosses queues et de chattes déplumées. Le sperme se vend aux litres sur les contes de ces scribouillards heureux d’avoir enfin un espace de liberté. C’est bien là qu’ils voudraient tous porter leurs fantasmes.Ces odieux parents qui n’hésitent pas à faire passer pour réelles ces sordides enfilades d’un soir, celles-là mêmes qui dans leur esprit mal foutu auraient duré des heures, oubliant sans doute que la moyenne d’un coït réussi ne doit guère dépasser les quelques minutes. Mais peu importe puisque vingt ans plus tard, ils continuent à nous inonder de leur cyprine et de leur foutre, lors de récits complets sans complexe. Sortent pourtant du lot quelques vrais auteurs, auteures (ne devrait-on pas lire ici autrices, selon la nouvelle orthographe permise ?). Oui ! De belles plumes, écrites pas fumées, se découvrent pour enthousiasmer des générations de gamins boutonneux ou de vieux pervers branleurs.Une petite équipe ensuite s’occupe de l’ordre vertueux des choses. Écrire oui, publier toujours d’accord, mais ne pas oublier la sacro-sainte morale. Pouvoir dire les pires saloperies pourvu qu’elles restent toutes dans le bon ton d’une ligne de conduite intransigeante. Mes parents peuvent tout faire, tout se permettre, mais il ne faut pas attirer d’ennui au concepteur du site. Quoi d’anormal dans cet état de fait ? Quelques voix s’insurgent bien de temps en temps, mais quoi de plus simple de calmer ses enfants turbulents et indisciplinés en les menaçant de les virer ? Le faire pour certains d’entre eux ne pourrait que renforcer l’exemple.Alors jeunes femmes, jeunes hommes, vous n’avez pas vingt ans et déjà vous voulez forniquer, ne serait-ce que sur le papier ? Que nenni, ma foi. Point de sexe pour vous, godelureaux dévoyés, attendez donc une majorité rapportée à dix-huit belles années de jeunesse. De quoi vous entraîner à blanc, avant de venir grossir les rangs de ces mêmes boutonneux ou gérontes pervers cités plus haut… Et vous, parents indignes que vous prend-il d’écrire de telles horreurs ? Comment pouvez-vous imaginer que baiser avant d’avoir la majorité peut être possible au vingtième siècle ? Votre tête ne doit pas fonctionner vraiment si bien que cela !Tout cela pour vous le dire, vous le répéter, j’ai eu mille mères, autant sinon plus de pères, parce que c’est aussi l’apanage des mâles que d’avoir plusieurs femelles. Alors qu’en adviendra-t-il de ces braves amoureux qui se couchent sur le papier avec volupté pour faire bander ou mouiller des tas de lectrices, lecteurs bienveillants ? Ceux-ci se souciant bien peu de la faisabilité des coucheries que ces histoires peuvent raconter. Nombre de positons acrobatiques sont irréalisables, ou alors uniquement par des corps sortis seulement d’un cirque, vu la manière d’en disposer de leurs auteurs, les petits bonshommes en mousse quoi !Papa, Maman, vous nous avez livré tous vos secrets, démontrés durant vingt ans que l’amour se décline dans toutes les postures, établis que le kamasoutra est régulièrement revisité, remis à jour. Mais la pornographie ne devrait jamais être confondue avec l’érotisme. Alors de ceux que j’ai toujours préféré être la fille, le fils, l’enfant, sont-ils toujours les plus tendres ? Et de la complicité décrite parfois dans des textes portés comme un drapeau, je suis, fier d’être celui, fière d’être celle dont vous enfantez. J’ai porté en moi durant toutes ces années les plus beaux sentiments comme les plus laids. Parfois l’horreur ne se situe-t-elle que sur quelques lignes, suffisantes pour en ternir l’ensemble ?Et vous êtes haïs ou aimés, peu importe puisque le bonheur réside dans votre existence toute simple. Bien sûr, le Français et la syntaxe, ainsi que la conjugaison adéquate savent faire la part belle à la lecture. Mais l’important, n’est-il pas que ce soit avec le cœur et les tripes que vous me pondiez ? Je crèverai encore longtemps les écrans de nuits d’hommes et de femmes sages ou pas. Certains pour y chasser l’ennui, d’autres pour retrouver des sensations perdues. Souvenirs lointains de scènes imaginées ou vécues… des bouts de vie que des doigts agiles ou maladroits viennent ou viendront encore taper sur un clavier innocent.Demain, tout comme hier, des yeux se porteront sur ces enfants dont je fais partie, gosses sortis du néant, sous des index hésitants, sous des doigts alertes aussi, mais toujours issus d’une caboche bien-pensante. Après, en fonction de mille et un facteurs, je serai chéri ou maudit, moi le récit de ces aventures que d’un œil bienveillant ou maléfique un lecteur, une lectrice posera sur mes rondeurs imagées. Et le rêve, vois-tu bébé, c’est bien ce qui permet de vivre, d’avancer. La foi en l’humanité reste là , ancrée à ces morceaux de vie pour peu que chacun y prenne plaisir.Vous à les écrire ! Vous à les lire ! Et moi… à en rire bien sûr !