La recette est rare et bien gardée… Vade-mecum de la consommation d’un breuvage spécial, spécifique et spécifié… Les bonnes choses se dégustent, il faut être gourmet avant d’être gourmand et probablement elles sont universelles. Une bière. C’est d’elle que l’idée m’est venue. Elle était là, fraîche, sur la table et je ne sais pas pourquoi mais je me disais – comprend-on comment ça vient à l’esprit ces choses-là ? – que les grands textes peuvent naître de petits moments anodins, on les expérimente tous, ce ne sont pas des moments rares, je me disais voilà, je conçois comment ils lui sautent au corps, ses textes, à Philippe Delerm…Alors ce qu’il faut c’est…Avaler.Le houblon goûteux, assez frais. Sentir l’amertume de cette première fois, la sensation particulière. Éviter la tiédeur qui sied mal à cette boisson populaire. Ce n’est pas identique à la madeleine de Proust. Ça n’a rien à voir avec l’enfance, le souvenir enfoui qui revient, caresse ; une morsure dans un biscuit. C’est un truc d’adulte.Je suis sûre que c’est en sirotant sa chope mais pas en la sifflant que Philippe Delerm a écrit ce texte, court, incisif, précis, savoureux et il s’est offert la notoriété.Ça s’appelle La première gorgée de bière.Il raconte quand ça passe dans la gorge, âpre, pétillant aussi, pas raffiné – c’est pas du champagne – quand ça flirte avec le palais, que ça suce la langue. Enfin, il ne le dit pas tout à fait de cette façon. Ça doit être un peu comme la première bouffée d’une pipe mais je n’en sais rien, je ne fume pas.En revanche, je suce.Une pipe. Y a manière et manière. La pipe ne s’expédie pas, elle n’est pas seulement prémices. Une bonne pipe, c’est tout un art.D’abord aspirer. Pomper la hampe encore endormie, moelleuse et boudinée, lui présenter le profond de la gorge, la stimuler – des lampées énergiques et généreuses, une minette qui nettoie son rejeton – sentir qu’elle se fait trique dans une bouche qu’on redoute étriquée pour cette bête fière. Remarquer les bourses tendues, riches, pleines, les peser – ne pas emballer même si c’est pesé – c’est le moment où j’ai le cœur qui bat dans les tempes. C’est le moment où tout s’affole, le pouls, le rythme de la succion et la salive afflue, les tétons sont érigés.Sous l’étoffe petite, encore cachée, ma chatte libère son jus de fruit, du sucre, du miel mille fleurs, si tu as glissé un doigt dans mon con frénétique, si tu as capturé la liqueur, un zeste de barbe-à-papa sur un bâton, si tu l’as porté à tes lèvres, amuse-gueule et mise en bouche, tu sais que ça ressemble au nectar qui suinte de la pomme-au-four encore chaude.Y a-t-il meilleur dessert ?À l’évidence oui.Maîtriser ta bite amarrée aux parois de mes joues, la rendre dingue, apprécier sa dureté, reconnaître sa joie. Qu’elle n’explose pas. Pas tout de suite. Que sa joie demeure. Autant que possible. Aspirer. Les testicules bien ronds, des abricots de saison, pas des primeurs, ils n’ont pas de goût, ne pas perdre de vue la veine qui saille et court le long du sexe, le tien est conséquent mais je me fiche, là, qu’il soit grand ou petit, large ou affiné, je m’en fiche je le souhaite à point, un fromage qui va libérer le caillé de son lait. S’occuper des fruits, les avaler, les cracher, les avaler, les cracher. Au cirque, ils font ça avec les balles de ping-pong et les bulles de savon. Moi je le fais avec une bite, en l’occurrence la tienne, là, sinon une autre. On ne saurait se priver de ce genre de plaisir.Jongler, puisqu’on en parle, c’est bien plus drôle avec tes couilles, je trouve, bien plus enivrant, ça donne envie de me faire empaler sans plus de façon.Ne pas s’endormir sur cette quille aux abois, guetter le moment où je vais goûter enfin à la première… gorgée de sperme. Dilater la bouche tout en espérant la mansuétude de ton doigt qui viendrait fouiller sous la dentelle, fouiner dans mon vagin épuisé de désir. Préparer la déglutition qui accompagne la giclée. Mais attention, ce n’est pas de la bière, ce n’est pas frais, c’est sans bulle. C’est une semence détournée. C’est plus amer que le houblon, le suc rance d’une pêche trop longtemps laissée sur l’arbre et à peine cueillie. C’est accrocheur, la texture peut être un peu épaisse, ça dépend. Il pourrait arriver à ma bouche de ne pas supporter et de n’espérer rien d’autre qu’un crachat rapide et salvateur. D’autres tenteraient le bain de bouche tant qu’à jeter. Qui sait si ça blanchit les dents, nourrit la gencive et renforce l’émail. Mais ce serait dommage, moi je ne le fais pas, surtout que la première giclée est souvent la dernière, c’est légion avec le nec plus ultra : y a pas profusion, ça coule pas à flot, ce n’est pas d’un fût qu’il s’agit. Le sperme est un breuvage discret, plutôt confidentiel. Tu constateras ensuite que le récipient retombe ou s’endort. C’est le moment de la bouffée : de tabac, d’air frais, de chocolat… de clitoris puisque tu es un homme inventif et reconnaissant, ça aurait pu être de bite mais tu n’es pas homo ou bisexuel et tu es avec moi. Pour ma part maintenant, tout de suite, je laperais bien la mouillure d’une congénère. J’irais rogner un con, le mastiquer en douceur et obtenir de la douce qui détient ce trésor le plus tendre des orgasmes et le plus fulgurant… Revenons à notre homme. Force est de constater que je suis de bonne humeur, ce qui tend à prouver que ce sirop est multivitaminé et comble les carences.Le moment est venu de roucouler avec patience : en m’y prenant bien on renouvelle l’expérience dans un quart d’heure. Sur-doser n’étant pas prohibé, s’en priver reviendrait à commettre une erreur.Tu sifflotes ? Ne nie pas, j’entends. La preuve en est que l’amour libère les bonnes énergies et fait dire ou écrire des bêtises. Un coup de barre, deux coups de barres, autant que tu le peux et ça repart.Moi, après ces réjouissances, je vais vouloir une douche, du café, du chocolat pas noir, avec des noisettes entières, un truc de gourmande, on ne se refait pas, mais ne l’ai-je pas mérité, du soleil dans mes cheveux caressés par ta main.Et toi ? Peut-être dormir un peu, récupérer, rêver ou t’absenter dans un sommeil si lourd que personne ne pourra t’en extirper, lire un roman de fantasy et partir dans les étoiles en guerrier de l’imaginaire, ou boire, boire une bière.Mais pendant tout ce temps et quelle que soit l’étape, n’oublie pas que je t’aime ou que je te respecte et que tu m’aimes ou que tu me respectes et que se toucher dans la chair aussi et surtout, ça fait battre le cœur.