La suite du petit pot de miel…Inutile de vous dire que Max n’a pas apprĂ©ciĂ© que je lui explique que sa corne de brume, il pouvait se la carrer oĂą je pense et que faire le chauffeur de taxi avait ses limites. Du coup, il ne me parle plus, ce qui ne change pas grand-chose tant il Ă©tait peu bavard, mais surtout, il s’est trouvĂ© un autre chauffeur. Ça durera ce que ça durera, mais au moins, je ne l’ai plus sur le dos.Quant Ă FrĂ©dĂ©rique, je ne sais plus sur quel pied danser. Un coup, j’ai l’impression qu’elle me fait du rentre-dedans. Un coup, c’est tout juste si je ne suis pas transparent comme une porte vitrĂ©e, sauf qu’elle ne vient pas vers moi pour vĂ©rifier que le système d’ouverture automatique fonctionne correctement !Je suis perdu dans mes pensĂ©es quand elle dĂ©boule dans la salle du petit-dĂ©jeuner. Ă€ voir sa mine enjouĂ©e et son sourire conquĂ©rant, elle est visiblement en pleine forme… Elle passe devant le buffet, attrape quelque chose et se dirige vers moi.— Tiens, Claude, pour le retour, on ne sait jamais, sur un malentendu… Dommage, on ne rentre pas ensemble ce soir !Elle pose un petit pot de miel devant moi et va s’installer Ă une autre table un peu plus loin, comme si de rien n’était. J’en reste comme deux ronds de flan alors que toute la bande Ă©clate de rire !— Eh ben, Claude, t’as pĂ©cho ?— Ça fait combien de temps que ça t’est pas arrivé ?— C’est dommage de rentrer tout seul avec son petit pot de miel… Pour une fois que tu as une ouverture…— Putain le vent qu’elle t’a mis, t’aurais portĂ© des cornes, tu t’envolais avec !— Au cas oĂą, il paraĂ®t que Max cherche un chauffeur…— Vas-y Ă fond, oublie que t’as aucune chance, sur un malentendu, ça peut marcher !— Mais qu’est-ce que vous pouvez ĂŞtre cons, c’est pas du tout ce que vous croyez !— Nous, on croit rien, on constate juste qu’elle a tout entendu l’autre jour…— Ouaip, t’aurais pu ĂŞtre plus discret…— C’est vous qui n’avez pas Ă©tĂ©, discrets ! Vous gueuliez tellement comme des putois, qu’à Marseille on vous entendait siffler dans la garrigue, rĂ©sultat, depuis, elle me calcule plus, merci les gars, avec des potes comme vous, j’ai pas besoin d’ennemis…— Parce que tu crois que t’avais une chance avec FrĂ©dĂ©rique ? C’est beau de rĂŞver, mais lĂ , c’est plus du rĂŞve, tu planes dĂ©jĂ sur Mars, mon pote !— N’empĂŞche que si jamais t’y arrives, faudra que tu nous racontes ce que ça a de si spĂ©cial, la pipe au miel…— Bah, tout dĂ©pend si elle avale ou si elle avale pas…— T’as raison, Ă ton avis, FrĂ©dĂ©rique, elle avale, ou elle avale pas ?LĂ , ils dĂ©passent les bornes, c’est plus fort que moi, ça sort d’un coup :— Et toi, quand tu suces, t’avales ou t’avales pas ?— Ben, c’est pas la question…— Si, c’est la question, t’avales ou t’avales pas ?— Ben Claude, j’suis un mec !— Et alors, ça change quoi ? Ça n’existe pas des mecs qui sucent des bites ?— Si, mais c’est pas de moi qu’on parle…— Non, et c’est ça le pire ! Parce que c’est une gonzesse, tu te crois permis de lui manquer de respect ? Ça te choque que je te demande si tu avales, mais ça te choque pas de poser la question Ă voix haute devant tout le monde quand il s’agit d’une fille ? Tu me dĂ©goĂ»tes, je me casse !***Comment il les a mouchĂ©s, le Claude… Il y en a plus un qui moufte !Ils ont tous le nez dans leur assiette comme si le ciel leur Ă©tait tombĂ© sur la tĂŞte. Ça leur fait du bien de se faire remettre Ă leur place, parce que les blagues potaches, j’ai rien contre, mais le manque de respect, ça passe pas ! Sur ce coup-lĂ , il a marquĂ© des points, le Claude. Je voulais le chauffer, mais lĂ , c’est moi qui suis toute chose !Faut que je le rattrape, tant pis pour les tartines grillĂ©es au beurre salĂ© et au miel…Au moment oĂą je passe Ă cĂ´tĂ© de leur table, je regarde l’autre imbĂ©cile bien droit dans les yeux et je lance assez fort pour que toute la salle entende : « Que t’avales ou que t’avales pas, le mieux pour faire passer le goĂ»t, c’est un whisky cul sec ! »Tandis que je sors, on entendrait une mouche se poser sur un pot de miel…***— Claude ?— Oui ?— Tu as une place dans ta voiture ?— Je croyais que tu rentrais en train…— Je parle pas de ce soir, je parle de maintenant, tout de suite !— Tu sais, je ne sais pas si c’est une bonne idĂ©e…— À cause des autres imbĂ©ciles ? T’inquiète, celui qui se demandait si j’avale, il en a ravalĂ© son slip et il n’est pas près de la ramener.— Je suis dĂ©solé…— Tu n’as pas Ă l’être, tu n’y es pour rien, au contraire, j’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© ta rĂ©action. Finalement, malgrĂ© les apparences, t’es un vrai gentleman.— Quoi, malgrĂ© les apparences ?— Ben oui, quand on te voit, on t’imagine pas en chapeau Ă plumes et avec un jabot en dentelle !— Te fous pas de moi, avec toi, on ne sait jamais si c’est du lard ou du cochon…— Tu veux dire si c’est de l’art ou si c’est cochon ?— Mais t’arrĂŞtes jamais, toi ?— Nan ! Surtout quand j’ai du rĂ©pondant en face de moi…— Tu trouves que j’ai du rĂ©pondant ?— Ouaip, et pas que dans la tĂŞte…— Pas que dans… ? Mais qu’est-ce que tu… ? Ă€ quoi tu penses ?— Tu sais que tu es attendrissant quand tu bafouilles ? Je pense Ă notre dernier voyage…— Quand les autres ont parlĂ© de… ?— Oui ! J’ai tout entendu, t’étais trop mignon Ă te tortiller dans ton siège…— Bah, j’voulais pas que tu entendes leurs conneries, c’était limite, non ?— Je parlais pas de ça, je parlais d’après, je sais pas Ă quoi tu pensais, mais ça avait l’air de te faire de l’effet…— Ah, euh, ben, mais…— T’as dormi sur la bĂ©quille ?— Hein ?— Fais pas l’innocent, t’avais mĂŞme plus besoin de tes mains pour conduire tellement la bosse que t’avais dans le pantalon appuyait contre le bas du volant !— Ah, euh, ben, hum…— Tu te rĂ©pètes… Finalement, t’es comme les autres, t’assumes pas…— Non, c’est pas ça, je voudrais pas que tu crois que…— Que t’as envie de coucher avec moi ? Ça fait longtemps que je m’en suis aperçu, gros nigaud ! Mais coucher avec les mecs, ça m’intĂ©resse pas !— Ah bon, t’es… ?— Mais qu’il est con ! C’est pas parce que ça m’intĂ©resse pas de coucher que les mecs m’intĂ©ressent pas. C’est juste que les coups d’un soir, c’est pas mon truc, et que l’humour, c’est un bon moyen de garder les gros lourdauds Ă distance…— OK, j’ai compris, au moins, c’est clair.— Mais non, gros bĂŞta, toi, c’est diffĂ©rent, j’adore te taquiner, t’es tellement attendrissant quand tu perds tes moyens et que tu te mets Ă bafouiller… Tiens, ça me donne envie de t’embrasser !Et lĂ , elle me roule une galoche de compĂ©tition comme j’en ai jamais connue, pourtant, j’en ai embrassĂ© des filles, et mĂŞme des garçons, mais ça, j’y avais jamais eu droit !— DĂ©solĂ©, j’en avais trop envie !— La prochaine fois, prĂ©viens avant que je prenne ma respiration, je pratique pas la plongĂ©e en apnĂ©e, moi !— T’inquiète, ça s’apprend vite… Mais pas un mot aux autres, ça reste entre nous !— Ah bon ! T’es du genre Ă prĂ©senter les plats et Ă emmener les assiettes avant qu’on ait eu le temps de goĂ»ter ?— Mais non, j’ai juste pas envie qu’ils gâchent tout, et de toute façon, on a du boulot cet après-midi. On aura tout notre temps ce soir…— Tu rentres pas en train ?— Je vais annuler mon billet, je crois qu’on a plein de choses Ă partager… Tu me rĂ©cupères Ă la gare avant de partir et j’espère que t’as pas oubliĂ© ton petit pot de miel sur la table !