Résumé de l’épisode précédent : Poussée par la curiosité, j’ai voulu identifier la rédactrice d’un journal intime, oublié dans une vieille commode, dont j’avais tiré un récit un peu romancé.Avec beaucoup de patience, j’ai pu retrouver cette dame d’un certain âge qui vit retirée dans l’arrière-pays provençal et qui a accepté de me recevoir. Elle fut émue de revoir ses notes et amusée de la transcription que j’en avais faite. Malgré les inventions dont je m’étais rendue coupable, le sens général lui a semblé proche de la réalité. Assez fidèle en tous cas pour qu’elle consente à me raconter quelques-unes des péripéties qui avaient suivi sa rencontre avec la fameuse notaire, Me Ève L*.Venue pour quelques heures, j’ai très vite été conquise par les qualités humaines de mon hôtesse et accepté de passer chez elle un séjour qui méritait en lui-même d’être relaté.(Quant à Me L*, à part certains échos la mentionnant dans les rubriques « mondanités » ou « festivités », je n’ai rien appris des archives de la presse locale sur sa vie privée, sinon son ascendance familiale fortunée et son mariage précoce avec le vieux tabellion qui lui avait transmis son office. Dans la bonne bourgeoisie provinciale, la discrétion est de mise.)J’ai dormi comme un loir – comme sa femelle, en tout cas –, le délice d’un édredon de plumes est incomparable. Malgré l’immensité de cette « chambre d’amies » (!) et ma nudité nocturne, j’ai eu chaud au point de me réveiller moite. Enfin, plutôt d’être réveillée.À huit heures pile, Colette a pénétré dans la pièce, harnachée d’un bustier balconnet de cuir noir chaîné d’acier, dans la meilleure tradition des dominas. Rien d’autre sur elle, à part une paire de pendentifs qui virevoltent devant mes yeux ensommeillés lorsqu’elle me secoue sans trop de ménagement après avoir fait voler la couette.— Allons, Chantal, réveillez-vous. C’est l’heure de vos obligations matinales.Il me faut un certain temps pour rassembler mes esprits, me rappeler où je suis, et réaliser ce dont elle parle. Quand je lui ai dit que je ferai mienne sa maxime « orgasme au réveil garde libido en éveil », je ne pensais pas devoir la mettre si tôt en application. Même si je me souviens de sa promesse de venir vérifier, je n’envisageais pas une branlette au saut du lit.— Quoi… Que… Quand… Maintenant ?!Son rire cristallin résonne franchement et achève de me détromper.— Mais oui, ma chère Chantal ! Dès le réveil, vous ai-je dit. Et tant mieux si vous avez la vessie pleine, vous ressentirez plus fort votre jouissance… Allez-y, je vous regarde, ajoute-t-elle en croisant les bras. Par contre, ne m’inondez pas le lit !Ben voyons ! Elle est plantée là, bien à son aise, la poitrine rehaussée par sa posture (c’est quoi, ces machins qui pendouillent ?). Elle me regarde, en effet, avec aux lèvres un petit sourire à la fois engageant et ironique. Et moi, les cuisses bêtement serrées, presque tentée de me couvrir les seins du bras, je me découvre une envie aiguë de pisser, inattendue et pourtant logique, dont je me demande si j’arriverais à la contrôler dans un éventuel orgasme.Je dois avoir l’air passablement bête. Assez pitoyable, au moins, pour qu’elle s’en amuse et se pose sur le bord du lit en me prenant la main.— Pauvre petite Chantal qui veut tout savoir de la vie d’une parfaite soumise et n’ose pas se branler devant une vieille dame !Une situation que j’avais imaginée hier, justement… C’est vrai, je suis stupide. Je pourrais en pleurer, mais sa sortie me paraît si cocasse que j’éclate de rire à mon tour. La conscience prégnante d’un besoin pressant disparaît comme par enchantement. Allez savoir pourquoi ?— Pardonnez-moi, Colette. Ma réaction est par trop idiote !Détendue, j’écarte les jambes sans y penser. Elle lâche ma main.— Vous avez peut-être besoin des deux ? À moins que vous n’ayez commencé, constate-t-elle en lorgnant sur ma chatte.— Heu… Non, simplement la moiteur de la nuit…— Bon ! Ça veut dire que vous êtes chaude !Ben, oui, je le suis ! La faute à qui, à son avis ? Je le lui demande à mi-voix.— Si c’est à cause de moi, j’en suis ravie, feint-elle de minauder. Mais ne me faites plus languir !OK, je me lance. Ma méthode habituelle. Je lèche mes doigts. Deux qui enserrent le capuchon et la main qui frotte, mollement au début, pour défroisser les lèvres, puis en accélération de plus en plus rapide. J’aime bien : ça étire la peau tendre et ça coince le bouton pour l’exciter. L’autre main – j’ai besoin des deux, en effet – tourmente un téton. J’aime bien ça, aussi : je le pince, je l’étire, ça me donne de petites douleurs agréables, genre petites décharges électriques, qui me gonflent le sein et qui se communiquent au bas-ventre.La mouille vient. Je change de téton, tripote celui-là un peu plus durement. Mon sexe est plus chaud, plus sensible. Le clitoris a durci, je le presse par saccades entre pouce et index. Mes petites lèvres s’étalent sous mes caresses. Ma fente s’ouvre. Lubrification naturelle, le majeur s’y glisse et vient titiller la muqueuse offerte. C’est fou le nombre de points sensibles qui se cachent là ! Je n’ai plus honte du tout. Avais-je honte, d’ailleurs ? Je fixe Colette qui observe les progrès de ma masturbation.Elle se penche, intéressée. Mes gestes se font plus rapides, plus brutaux. Je me dis que je m’exhibe, et comme hier cette pensée augmente mon excitation. J’ai brusquement envie qu’elle me voie mieux. Je soulève mon bassin. Tant pis pour les tétons, je mets les deux mains sur ma chatte. Je m’écarquille de l’une, je me branle de l’autre. Je frotte tout, le clito, l’entaille, les nymphes, le con, tout ! Entre, dedans, dessus, je me branle follement. Qu’elle me détaille bien, surtout !J’ai des frissons, des spasmes, des contractions. La tête qui dodeline, la poitrine qui halète, la gorge qui geint, le ventre qui hoquette. Les bruits mouillés s’intensifient, les vagues s’enflent, les ondes qui traversent mon corps se précipitent, quelque chose se noue au creux de mon vagin, je vais partir. Juste la pensée dans un éclair que d’aussi près elle doit me sentir, et l’orgasme explose. Je crie, je jouis, longuement, pleinement. Encore une fois, et je retombe. Wouahou !— Bravo, apprécie Colette. C’était un bel orgasme. Ou vous êtes douée, ou vous n’aviez pas joui depuis longtemps. Cela dit, si vous ajoutiez un peu de technique à vos dons innés, vous en tireriez un plaisir accru. Je peux vous entraîner, si vous le souhaitez.Je n’ai pas le temps de m’interroger ni de lui répondre. Ma vessie gonflée se rappelle à moi. Une main cramponnée à ma chatte, je bondis du lit aussi vite que mes muscles las me le permettent.— Excusez-moi, il faut que j’aille faire pipi. Vite ! J’ai peur de ne pas arriver en bas.— Ne vous donnez pas cette peine, il y a ce qu’il faut ici, me calme-t-elle en désignant un rideau qui forme une sorte d’isoloir dans un coin de la salle.Ah, ben, tiens, je n’avais pas remarqué ce truc hier soir. Un pot de chambre dissimulé ? De toute façon, je dois évacuer d’urgence mon trop-plein. J’y cours, je tire le rideau. C’est un w.c. à la turque. Mais l’évacuation est anormalement étendue en ovale et les repose-pieds, à mi-longueur de cette curiosité, sont anormalement hauts. Qu’importe ! La nature commande et Colette m’a déjà vue pisser. Je grimpe à la hâte, m’accroupis en équilibre, et me vide à gros bouillons. Dieu que c’est bon ! Mais Dieu que cet équipement est bizarre…— Alors, ça va mieux ?— Ouf ! Oui, merci. Mais il n’y a rien…— Pour s’essuyer ? Prenez la petite éponge.Bon, je ne vais pas me questionner à chaque chose qui m’étonne ! Va pour l’éponge, et va pour ce jet à usage de chasse d’eau… Colette me donnera sans doute une explication à un moment ou un autre.— On descend déjeuner ? Tout est prêt, propose-t-elle toute guillerette.— Avec plaisir, souris-je en récupérant la cape en cachemire censée servir de robe d’intérieur.— Vous voulez vous couvrir ? Je ferai de même, si vous préférez.— Oh, ne vous mettez pas en peine, Colette. Ça ne me gêne pas.— Vous êtes adorable, Chantal ! Ce mélange de pudeur et d’indécence est très plaisant. Mais avec votre permission, je vais quand même changer de tenue. Venez.Elle se défait de son bustier tandis que nous descendons l’escalier et je découvre la chaînette que ses lèvres opulentes m’avaient cachée. Elle rit de bon cœur de ma surprise redoublée par le tressautement des lourds pendentifs qui tirent ses seins vers le bas.— Des pinces à seins, croit-elle devoir m’expliquer. Plombées et décorées, mais ce ne sont pas les plus grosses de ma collection. Vous devriez les essayer, j’ai remarqué que vous torturiez vos tétons en vous masturbant.— Oui… bon… peut-être… on verra… Mais pourquoi une chaîne au milieu de votre chatte ?— Ah, ça ? Ma foi, c’est comme les pinces : je ne peux pas m’empêcher d’ajouter un brin de soumission à mes apparaux de Maîtresse… Je me demandais aussi si vous seriez déstabilisée en me voyant ainsi parée, s’amuse-t-elle en conclusion.— C’était presque réussi ! J’étais un peu désemparée en ouvrant les yeux. Vous êtes toujours aussi imprévisible ?— J’essaie ! Surtout quand j’héberge une nouvelle amie, un peu naïve, mais charmante.— Merci. Pour les qualificatifs d’amie et de charmante, en tout cas… Ça mérite une bise !Une impulsion soudaine m’a poussée à l’embrasser, l’euphorie qui suit l’orgasme peut-être. Elle est pourtant complètement nue. J’en suis toute ahurie.Elle ne se démonte pas pour si peu. Elle me rend ma bise, sur la joue, gentiment, ses lèvres au coin des miennes cependant. Je sens contre mes reins la chaîne et les pinces qui ballottent dans sa main et les crochets du bustier sur mon dos lorsqu’elle m’enlace pour me réconforter.— Quelle affection ! Moi aussi, je vous aime bien, ma petite Chantal. Vous êtes touchante en plus d’être charmante et adorable. Mais ne nous perdons pas en effusions, le petit-déjeuner nous attend.La table qu’elle a préparée est appétissante. Je lui en fais compliment, ce qu’elle écarte d’un revers de main et d’un sourire en m’invitant à prendre place. Une fois elle-même installée, elle m’adresse un clin d’œil en se drapant dans sa cape.— Je suppose que vous êtes toujours impatiente de connaître la suite de mon histoire ? Je vais commencer à satisfaire votre curiosité, pendant… disons, une heure. Ça vous va ? Je vous autorise à prendre des notes, et ensuite à prendre votre douche.__________________________[Avertissement :J’ai recueilli les souvenirs de Colette au gré de nos échanges durant mon séjour. Ses confidences suivaient certes en général la chronologie des faits, mais, entrecoupées par nos relations personnelles du moment, elles revenaient parfois sur des épisodes antérieurs, ou en anticipaient d’autres. Lors de la mise en forme des récits, nous avons revu ensemble le déroulement de son histoire pour la présenter en bon ordre. Sans éluder, bien sûr, l’évolution de nos propres rapports.]__________________________Premier récit de Colette : L’arrivée au DomaineMe. Ève L* avait dû être pilote de rallye dans une vie antérieure. Colette n’en menait pas large dans la voiture de sport où elle avait été embarquée en sortant de la boutique. Attifée de sa robe neuve, mais seins et chatte à l’air, elle se cramponnait à son siège en voyant les petites routes tortueuses de l’arrière-pays défiler à toute vitesse. La belle notaire ne disait mot, concentrée sur sa conduite et attentive à la circulation, anticipant les obstacles, évitant les imprévus et doublant les autres dans un hurlement de moteur. Colette se taisait aussi, trop inquiète de risquer de la distraire.Clouée à son dossier à chaque accélération, il lui semblait pourtant qu’elles suivaient un itinéraire détourné. Elles étaient remontées vers l’intérieur après être parties en direction de la côte. Elles avaient traversé des villages qui les ralentissaient à peine et redescendaient à présent plein Sud.Le tout n’avait pas duré bien longtemps lorsque l’arrivée se présenta sous la forme d’un discret portail automatique sobrement siglé Domaine Diotime.— L’entrée des dépendances, précisa Me. L* en déclenchant l’ouverture. Soyez aimable de remettre de l’ordre dans votre tenue, Colette. Vous êtes indécente, ajouta-t-elle en arrêtant le véhicule au pied de la bastide.Les humiliations continuaient, mais n’était-ce pas cela qui l’avait subjuguée ? Elle se rajusta docilement et trottina sur ses escarpins jusqu’au bureau où la conduisit sa maîtresse. Celle-ci tira aussitôt une chemise cartonnée d’un tiroir avant de s’installer dans son fauteuil, la laissant plantée debout devant la table.— Voici votre contrat, Colette. Vous devez le signer avant de postuler à votre admission ici. Je vous laisserai le lire auparavant, mais sachez déjà quels en sont les points cardinaux.Primo, vous reconnaissez présenter volontairement votre demande.Secundo, vous êtes soumise à une absolue obligation de réserve.Tertio, vous vous engagez fermement et définitivement jusqu’à l’évaluation finale de votre période de formation.Quarto, vous devrez respecter la confidentialité de tout ce que vous aurez vu ou subi, même si vous étiez exclue pour faute grave avant la fin de cette formation.Chaque manquement aux règles établies et signées est assorti d’une pénalité financière importante que vous acceptez par avance d’acquitter.Me. L* sortit une petite rame de feuillets de la chemise et la sépara en trois liasses pour en tendre une à Colette.— Il y a trois exemplaires originaux et uniques. Celui-ci est pour vous, l’autre pour moi. Le troisième sera déposé chez un huissier de justice. Lisez, et si vous êtes certaine de votre désir, signez.Les lignes dansaient devant les yeux de Colette. Le contrat comportait de nombreuses pages. Dès l’en-tête, phrases contournées et vocabulaire compliqué s’enchaînaient. Elle reconnaissait certaines formules, sous seing privé, entre les soussignées, ci-après dénommée l’impétrante ou la formatrice, mais d’autres lui restaient absconses.Une longue suite d’articles suivaient les quatre premiers évoqués et se détaillaient en paragraphes, sous paragraphes, alinéas et sous alinéas, dans lesquels elle identifiait des mots compréhensibles comme niveaux, Noviciat, objectifs ou moyens ou outils pédagogiques, durée, débouchés, et certains tels que Converse ou Sorèle qui la laissaient dans l’expectative. Les pénalités signalées par Me. L* étaient regroupées en fin de liste sous l’intitulé Conditions réglementaires et reconnaissance de dette, et occupaient une bonne page.Colette s’appliqua d’abord à étudier chaque clause, puis se contenta de parcourir en travers les différentes subdivisions, puis enfin elle s’en désintéressa. Il y avait trop à lire, trop de choses à considérer et à intégrer, trop de questions à se poser. De toute façon, elle voulait fuir sa vie, se donner, s’abandonner physiquement et moralement à la volonté d’une autre. Celle qu’elle avait choisi de suivre.Elle alla directement à la dernière ligne : L’impétrante, certificat médical à l’appui, déclare être en pleine possession de ses moyens intellectuels, saine de corps et d’esprit. En foi de quoi, elle admet et reconnaît par avance toute remarque, punition ou obligation émanant de la Formatrice et s’en remet absolument à cette dernière pour toute décision qui lui sera appliquée durant la période de formation.Cela aussi, Colette l’acceptait. Elle reposa le contrat sur le bureau.— Je veux bien signer, Madame, mais je n’ai pas le certificat médical qui est demandé.— Ne vous inquiétez pas pour cela. Vous l’aurez demain et le contrat n’entrera en vigueur que si vous êtes déclarée apte.— Bien, Madame. Je vous fais confiance.— Je suis heureuse de votre décision, Colette. Je crois voir en vous de grandes disponibilités et j’espère vivement ne pas me tromper.— Merci, Madame.— Nous allons signer chacune ces trois originaux et vous parapherez chaque page avec vos initiales. Je ferai de même, mais auparavant vous me rédigerez de votre propre écriture une lettre personnelle.— Que dois-je écrire, Madame ?— Que vous êtes exhibitionniste et que vous me demandez de pouvoir vous exhiber et vous masturber devant mes amies, les vendeuses et les clientes du magasin de lingerie ***. Vous indiquerez que vous souhaitez renouveler ces exhibitions chez moi les deux jours suivants. Vous daterez d’aujourd’hui à l’heure de notre rencontre. C’est d’accord ?— Bien sûr, Madame.— Parfait, Colette. Asseyez-vous et écrivez, conclut Me. L* en lui cédant son fauteuil devant une feuille blanche.Ces formalités réglées, Ève L* réclama la robe et les escarpins qu’elle rangea dans un meuble fermé à clef avec les papiers personnels de Colette et ses affaires déjà emballées dans la boutique. Celle qui venait de se constituer son obligée la suivit ensuite à travers les couloirs, nue et consciente de la soumission dans laquelle elle recherchait un veule confort.Cette turpitude, Colette l’assumait. Sa vie de femme indépendante ne lui avait apporté en définitive, lui semblait-il, que déceptions, échecs et mépris. Y revenir, s’y cramponner, ne lui paraissait plus utile. Oublier le passé, nier le futur, voilà ce qu’elle voulait. Seul le présent comptait. Et le présent la promenait dans une demeure curieusement silencieuse, s’attendant à chaque pas à croiser quelqu’un, homme ou femme, qui pourrait constater sa déchéance.Elles ne croisèrent personne. Madame Ève s’arrêta soudain, écarta un rideau et s’effaça.La pièce était nue et fraîche, violemment éclairée par des spots aux quatre coins. Au milieu se dressait une estrade, haute et carrée, dont le bois luisait d’une patine sombre. Madame Ève désigna ce podium du doigt.Un sourire passa fugitivement sur son visage en voyant Colette prendre instinctivement sur son perchoir la pose qu’elle lui avait imposée dans le salon d’essayage. Elle appuya sur un bouton près du chambranle sans porte. Un trille strident résonna dans la maison.Peu après entrait une jeune femme d’une vingtaine d’années, entièrement nue, elle aussi, dont la démarche paraissait singulière. Elle s’inclina devant Madame Ève et se retira contre le mur, mains dans le dos et tête modestement baissée, sans être autrement surprise de sa convocation. Colette remarqua alors un objet de couleur bronze barrant l’entrejambes.Deux soubrettes suivirent, précédant de peu une femme d’allure élégante en veste de tailleur et pantalon assorti qui glissa quelques mots à l’oreille de Madame Ève puis se tint en retrait à côté d’elle. Les soubrettes lui avaient laissé la priorité avant de respecter le même rituel que la première arrivée. Leurs fesses nues surprirent moins Colette que la chaîne séparant profondément celles de l’une des filles.Deux autres personnes rejoignirent quelques instants plus tard ce petit groupe. L’une, plus ou moins du même âge qu’Ève, portait avec morgue une longue robe de soie très ajustée qui constituait manifestement son seul vêtement. L’étrange était que, du manche de son fouet, elle poussait l’autre dont nul voile ne dissimulait la maturité avancée.Colette se sentait aussi insignifiante que si elle n’eût pas été là. Malgré les spots braqués sur elle, la fraîcheur de la pièce commençait à la gagner. L’immobilité à laquelle elle s’astreignait et l’inconfort de sa position, mains sur la nuque, dos droit et chevilles écartées, suscitaient de sournoises crampes qui l’endolorissaient. Délibérément ignorée en dépit de la bonne volonté qui l’animait, la peur que ses jambes fléchissent l’envahissait. Lorsque Madame Ève reprit la parole, ce fut un soulagement.— Mesdames, je vous remercie de votre présence. Permettez-moi de vous présenter Colette qui désire séjourner parmi nous. Nous saurons d’ici un jour ou deux si son espoir se réalisera.L’assistance porta enfin attention à la nouvelle venue qui tentait de mémoriser la fonction ou le prénom et de comprendre le statut de chacune qu’on lui présentait maintenant.La silhouette altière en tailleur de marque lui fut désignée comme « ma collaboratrice », sans plus, et celle en robe de soie simplement nommée « ma gouvernante ». La brune typée à la peau mate, en courte tunique noire et petit tablier blanc, s’appelait Issa. L’autre soubrette, Jenny, avait les cheveux peroxydés et sa tenue, retroussée sur la taille, mettait en évidence la chaîne qui s’incrustait entre ses cuisses. Les deux furent qualifiées de « Converses ». Quant aux nudités, Aloïse, la plus jeune, frêle blondinette à la figure douce, était « Novice », et la plus âgée, Clémence, visage placide sous ses boucles argentées, était cuisinière de son état.— Clémence purge une petite punition qui la prive de sa blouse, plaisanta la maîtresse de cérémonie pour conclure. Voilà, Colette, vous connaissez à présent toutes les résidentes permanentes de la maisonnée. Vous conviendrez qu’elles aient le droit de vous connaître à leur tour.Prise au dépourvu, Colette s’efforça d’oublier l’ironie d’un protocole qui accentuait le ridicule de sa pose afin de répondre honnêtement sans trop se livrer, mais ce choix difficile lui fut épargné.— Votre état civil et votre passé n’intéressent personne. Ces dames veulent uniquement se faire une idée précise de vos formes et de vos capacités physiques. Cela devrait satisfaire vos penchants, n’est-ce pas ?— Oui, Madame. Je comprends.Que comprenait-elle, sinon qu’elle désirait le lâche réconfort d’une servitude volontaire ?Un manège silencieux commença. Colette avait la désagréable impression d’être une statue autour de laquelle tournait un public mutique de visiteuses dévorées de curiosité. Aucune ne la touchait, mais certaines s’approchaient pour la sentir au point de frôler sa peau de leur nez.Dans ces cas-là, le regard impassible qui la fixait suffisait pour lui interdire le moindre frisson.La ronde s’interrompit d’un coup, sans qu’elle eût remarqué un quelconque geste qui commandât cet arrêt. Dans le même instant, elle reçut l’ordre de s’agenouiller. Ce qu’elle fit, maladroitement, en s’aidant des bras pour retrouver sa stabilité.— Gardez les mains sur la nuque, lui rappela méchamment Ève, et les coudes en arrière, je vous prie ! Ces dames doivent apprécier le maintien de votre poitrine.Le manège reprit, toujours en silence, mais avec manipulations cette fois. Chacune examinait tour à tour les seins, les soupesait, les relevait, les laissait retomber… assortissant ses gestes de murmures à l’oreille de sa voisine. Les doigts éprouvaient les tétons, les pinçaient, étirant l’un, tordant l’autre, ou mesurant et comparant leur élasticité. Leur durcissement inévitable amena d’autres messes basses. Les sourires narquois qui en résultaient mirent le rouge aux joues de Colette.Lorsque toutes « ces dames » eurent achevé leur étude – oui, toutes, même la Novice et la cuisinière punie –, Colette s’attendit, résignée, à une inspection identique de ses fesses, voire de son sexe. Ce n’était pas prévu pour la suite immédiate de la séance.— À présent, voyons si notre invitée peut exécuter quelques mouvements en conservant un semblant d’équilibre, feignit de s’interroger l’ordonnatrice. Mettez-vous debout, Colette, les bras le long du corps. Croyez-vous pouvoir sauter sur place plusieurs fois sans tomber de votre piédestal ?— Je… je vais essayer, Madame.— Hé bien, allez ! Et tâchez de réussir, je vous dirai quand arrêter.Colette rassembla son courage et sauta. Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois… Ce n’était jamais assez vite, jamais assez haut. Il fallait recommencer, sans fin, c’était grotesque. Elle était grotesque, elle se savait grotesque. Sa poitrine ballottait en tous sens, les seins lui faisaient mal, les muscles des cuisses aussi. Ses genoux se fatiguaient, mais au moins avait-elle pu resserrer les jambes. N’empêche, les efforts qu’elle déployait, la peur aussi de rater le socle en retombant, la couvraient de sueur.— Merci. Ça suffira ! Qu’en dites-vous, Mesdames ? Ce n’est pas très reluisant, n’est-ce pas ? C’est pourtant simple comme exercice… Mais qui vous a permis de vous relâcher, Colette ? Reprenez une position correcte, s’il vous plaît !Il y eut un nouveau conciliabule, ponctué de hochements de tête. La Gouvernante semblait avoir le plus de remarques à émettre.— Je suis d’accord avec vous, trancha Ève. Il y a beaucoup de travail en perspective ! Bon, Colette, voulez-vous nous montrer vos talents avec quelque chose de plus facile ?— Oui, Madame.— Bien. Posez vos pieds au ras des bords de l’estrade et tendez les bras devant vous. Vous allez vous baisser le plus que vous pouvez – l’idéal est que vos fesses touchent le bois – et vous relever. Sans bouger les bras, c’est compris ? Commencez !La succession des mouvements ne dépassa pas la quinzaine. Au dixième enchaînement, les rires avaient commencé à fuser. Les fesses n’avaient jamais touché le bois, bien sûr, et les bras avaient battu l’air lamentablement. Par contre, la transpiration avait largement empiré. Des rigoles coulaient entre les seins et sur les reins. De grosses gouttes s’échappaient des aisselles et s’écrasaient sur le socle. Pire, la pensée de la chatte complaisamment exposée avait insidieusement ajouté une humidité intérieure qui menaçait de se révéler.— Ça ira comme ça, avait soupiré madame Ève en signifiant la fin du supplice. Vous n’avez manifestement ni tonicité ni endurance. Connaissez-vous, par hasard, cette figure classique où la danseuse tient une jambe dressée à la verticale ?— Ou… oui, Madame, bredouilla Colette en comprenant la malice de la question.— Parfait. Montrez-la-nous, je vous prie. Rassurez-vous, je ne vous demande pas de vous mettre sur pointes ! Vous pouvez vous aider en tenant la cheville avec une main.Colette s’exécuta. Tenta de le faire, en tout cas. Ce fut la jambe d’appui qui se déroba. Elle se remit lourdement sur ses pieds.— Pas le moindre équilibre, se dépita Ève. Allez l’assister, Aloïse.La Novice opina avec empressement. En la regardant s’approcher, Colette découvrit que l’objet qui avait attiré son attention était un cadenas qui fermait les lèvres de sa chatte.Malgré l’apparente fragilité de sa constitution, Aloïse développait une force surprenante. La fermeté avec laquelle elle empoigna le haut des hanches pourtant larges de l’hypothétique danseuse promettait un maintien sans faille. Assurée de ne pas chuter, Colette leva la jambe du côté opposé à son soutien. Après quelques échecs, elle réussit à la garder presque à la verticale, en serrant toutefois désespérément la cheville et en essayant de maîtriser son essoufflement autant que son immobilité. À la vérité, le spectacle tenait plus du comique que de l’Opéra.— Inutile de lui demander de pivoter, ricana la maîtresse du ballet à l’adresse des spectatrices. C’est donc à vous de tourner autour, si vous le souhaitez.Elles le souhaitaient, évidemment ! Il leur fallait bien, pour s’assurer des efforts du sujet, en toucher du doigt sa plastique… ce tremblement des tendons qui saillaient à l’aine, par exemple, ou la contraction du muscle antérieur de la cuisse comme l’extension du postérieur, ou encore la médiocre dureté du fessier comparée à la tétanisation inopportune du mollet, sans parler de la cellulite superflue ni du manque de souplesse des articulations.Aucune n’hésitait à conforter ses conclusions en renouvelant ses attouchements. À chacun, Colette se raidissait pour s’empêcher de tressaillir. Elle s’efforçait en vain d’oublier la totale exposition à laquelle la pose condamnait sa chatte. L’image qu’elle en concevait s’imposait à son esprit et cette humiliation obscène l’excitait en dépit de sa volonté. Elle en ressentait les effets, elle savait ne pouvoir les dissimuler à celles qui la tripotaient. Elle en mouillait de plus belle et personne ne semblait s’en apercevoir. Réconfortant et déprimant !— Pourriez-vous faire de même avec l’autre jambe, Colette ? Merci.L’interpellation la surprit dans ses pensées confuses. Elle y obéit avec hâte, au mépris de la fatigue qui la faisait vaciller, heureuse de pouvoir compter sur l’assistance d’Aloïse. Celle-ci maintint sa prise sans changer de place, se reculant à peine pour permettre le mouvement et revenant aussitôt au plus près pour garantir la continuité du soutien.Grâce à Aloïse, Colette réussit à inverser sa pose mieux qu’elle ne l’eût cru. Elle voulut l’en remercier d’un sourire, mais la Novice gardait la tête à hauteur de son pubis, le regard posé sur le centre du grand écart facial qu’elle lui offrait, indifférente aux effluves et débordements qui en émanaient. Elle en produisit d’autant plus, toute honte bue.Hélas, la jambe gauche s’élevait encore moins haut que la droite. Madame Ève dut dépêcher une aide supplémentaire. Elle choisit la cuisinière, peut-être pour réunir sur le podium, par dérision, trois générations de nudités comparées. Clémence se hissa derrière Colette et, vu l’espace restreint, se colla à ses fesses en la prenant par la taille. Aloïse put ainsi, une main sur la cuisse de la jambe d’appui, une main sur le mollet de l’autre, forcer la récalcitrante quasiment à la verticale au grand dam des jointures.La conséquence directe était que, la bouche de l’assistante à portée de la vulve de l’assistée, la première aurait facilement baisé la seconde. Si Colette s’égarait au point de l’espérer, il n’en fut rien. Mais la simple supposition du geste avait déclenché une série de spasmes internes dont la manifestation externe s’écoulait en gouttes nacrées. Elle n’en avait plus cure, le stade le plus bas de sa dignité était depuis longtemps dépassé.— Je constate que vous êtes de moins en moins économe de vos fluides sexuels, se moqua ouvertement sa tourmenteuse. Quant à la danse, nous ne devons guère espérer mieux, je le crains ! Hé bien, reposez-vous, Clémence et Aloïse vont vous laisser retrouver vos forces.Restée seule, Colette reprit d’elle-même l’attitude de soumission qui convenait à sa situation. Le cœur lui battait, le souffle lui manquait, les seins lui pesaient, le ventre lui brûlait, la tête lui tournait. Elle observait vaguement, comme dans un rêve, les mimiques que s’adressaient ses examinatrices. Elle ne cherchait pas à en deviner le sens, elle le connaissait. Elle méritait ces railleries muettes, son corps lui répugnait.On lui expliqua qu’il restait encore une petite chose à voir. Elle ne demanda même pas quoi. On lui demanda si elle voulait bien s’y prêter. Elle acquiesça servilement. À quoi bon refuser ?On lui indiqua de se tourner et de se pencher en avant. Elle se dit : nous y voilà ! Je le savais.On la pria d’ouvrir ses fesses. Elle le fit, des deux mains, de bon gré. Si on voulait voir son trou du cul et sa chagasse, qu’on les regarde ! Qu’on les détaille de près ? Elle s’en fichait ! De toute façon, elle vacillait, elle allait tomber, se ridiculiser définitivement.Aloïse fut à nouveau expédiée en urgence pour la retenir. Elle s’en remit à nouveau à cette gamine, dont les mains étaient douces et fermes, qui sentait bon, qui respirait la fraîcheur de la jeunesse, qui était sans doute la servante du groupe, et dont se dégageait pourtant une assurance tranquille qui la rassurait. Elle eut un pauvre sourire de remerciement, tira plus fort sur ses fesses et ferma les yeux.— Merci, Colette. C’était parfait, se fendit madame Ève d’une voix suave. Maintenant, me feriez-vous le plaisir d’écarter plus largement vos pieds et de mettre les mains sur vos chevilles ? N’ayez crainte, Aloïse vous retiendra, s’il le faut.— Comme cela, Madame ?— Oui, très bien… Dites-moi, Colette, ces dames seraient heureuses de savoir si cette mouille dont vous êtes prodigue joint la qualité à la quantité. Vous n’y verriez pas d’inconvénient ?— Non, bien sûr, Madame.— C’est gentil à vous.On allait la fouiller, c’était merveilleux et dramatique ! L’envie, non, le besoin de jouir la tenaillait. Des doigts dans son con, elle n’espérait que ça. Mais, jouir là, comme une salope, devant toute la maisonnée de Ève L*, ne serait-ce pas commettre l’erreur irréparable, s’enferrer dans un piège qui la ferait rejeter ? Pourrait-elle se retenir pour l’éviter, alors que sa chair et ses sens désiraient par-dessus tout y succomber ? Se raidir ne servirait à rien. Il fallait trouver un dérivatif, détourner son esprit des pénétrations qu’accueillerait son sexe. Elle choisit de se concentrer sur ce qu’elle voyait du jeune corps qui se tenait devant elle.Aloïse avait la taille bien faite. Les hanches s’y raccordaient… (On écarte mes lèvres…)Les hanches se raccordaient harmonieusement à la taille… (Un doigt s’agite dans ma chatte…)Les cuisses d’Aloïse étaient joliment fuselées… (Un autre doigt, peut-être deux…)Oui, fuselées, mais musclées, semblait-il. Elle aurait aimé les toucher… (Encore deux doigts, plus fins ceux-là…)Elle aurait aimé caresser les cuisses d’Aloïse, pour se rendre compte… (Oh non ! Pas là…)La peau devait être douce, soyeuse… (Mon Dieu, je vais partir !)Elle n’avait pas de cellulite, elle ! (Il n’y a plus de doigt… je vais y arriver…)Mais pourquoi ce cadenas ? Il avait l’air lourd… (À nouveau un doigt, non, deux…)Était-ce une punition ? (Trois ! Ils me griffent… J’ai mal…)Ses genoux étaient mignons, ses mollets aussi… (Ça s’est arrêté, la douleur s’en va…)Elle devait avoir une petite chatte : même avec ce poids, les lèvres dépassaient peu… (Encore deux doigts ! Combien de pénétrations ça fait ? J’ai perdu le compte…)Mais ce cadenas… Il traversait les lèvres. Elle avait dû souffrir terriblement quand on le lui avait posé… (Ces doigts sont plus gros, je crois, et plus rugueux…)Est-ce que Aloïse souffrait toujours ? Est-ce qu’elle pourrait le lui demander ? (Les doigts se retirent. Ils avaient été plus délicats, ceux-là, presque tendres…)Elle ressentit un vide. Le désir de jouir était toujours là, mais moins taraudant. Colette se dit qu’elle retrouvait un début de maîtrise de soi, qu’elle recevrait tout de suite l’autorisation de se redresser. La fatigue se faisait de plus en plus présente. Malgré ses efforts, elle appuyait lourdement ses épaules dans les mains d’Aloïse. Cependant, elle avait réussi à se contenir, elle en était fière. Et ce serait bientôt fini, elle en était sûre. D’ailleurs, elle entendait la voix de madame Ève.— Ah, Colette… Vous êtes étonnante ! Vous avez abondamment dispensé votre mouille à ces dames et votre production vaginale est toujours aussi profuse… Dommage que votre manque de tonus ait privé Aloïse d’y goûter. Permettez-moi de remédier à cette lacune.Les doigts d »Ève, quatre peut-être, s’enfoncèrent brutalement loin dans la chatte de Colette, ravivant d’un seul coup l’excitation. Ils se ployèrent, se déployèrent, tournoyèrent, fouillèrent sur un rythme fou. Colette se mordit les lèvres. C’était trop, leur gigue endiablée portait la stimulation au-delà du supportable. L’orgasme devenait incoercible. Elle capitula.Ses jambes tremblaient, son ventre se nouait et dénouait, sa peau frissonnait, son regard se troublait, Colette pleurait. Elle s’affaissa comme une loque. À travers ses larmes, elle devinait la main distinguée qui donnait une becquée gluante à Aloïse, la bouche gracile qui suçait docilement chaque doigt, et qui revenait sur chacun pour ne rien négliger. Un dernier frémissement la parcourut. Elle se lova en chien de fusil sur le bois dur, et oublia tout.Elle ne s’aperçut pas qu’on l’avait aidée à se relever. Elle était debout, titubante, soutenue par Clémence et Aloïse, gentiment par l’une, impassiblement par l’autre. Le reste des femmes avait disparu, sauf madame Ève qui la regardait. Et ses yeux n’étaient pas durs, ils étaient attentionnés. Son sourire n’était pas moqueur, il était amical.— Mais vous nous avez presque fait peur, Colette ! Si c’est votre façon habituelle de jouir, il faudra apprendre à discipliner vos orgasmes. Non, ne répondez pas, vous êtes encore dans les limbes… (rire) Aloïse va vous conduire à la salle de bain. Vous prendrez une douche et elle vous apportera de quoi vous vêtir pour le dîner.Elle se retourna à demi avant de sortir.— Clémence, sois gentille, nettoie le podium. Notre invitée l’a inondé.__________________________Colette s’est levée en terminant ce premier rappel de ses souvenirs. Elle m’adresse un clin d’œil (ce doit être un tic) et s’étire, la cape rejetée en arrière. J’ai tout loisir de contempler sa nudité de face. Une touffe d’argent bien entretenue décore son sexe dont les particularités ne m’étonnent plus. J’admire encore une fois la fermeté de sa poitrine et la sveltesse de formes qu’elle a conservées, tandis qu’elle revient aux préoccupations du présent.— Vous voyez que vous ne vous étiez pas trompée de beaucoup sur mon état psychologique de l’époque. C’est pour ça que vous étiez si attentive ?— Surtout pour ne rien perdre de ce que vous disiez et le noter fidèlement.— Bien aimable à vous… Peut-être aussi pour retenir tous les détails coquins, non ? Vous vous touchiez allègrement quand je vous racontais mes déboires.— Je n’étais pas la seule, je crois, ris-je.— Bah ! L’habitude… Et puis, vous m’entraîniez avec votre regard passionné. La mémoire des faits me revenait au fur et à mesure. Je ne pensais pas en dire si long et je n’ai pas vu passer l’heure.— Je ne m’en plains pas ! Vous avez attisé ma curiosité. J’aimerais bien en savoir plus sur ce fameux contrat, par exemple.— Oui, je m’en serais douté, mais pas maintenant. Vous avez juste le temps de prendre une douche avant que nous partions.— Vous ne la prenez pas avec moi ? (Pourquoi ai-je ajouté « avec moi » ?)— J’ai profité de le faire quand vous vous êtes éclipsée aux toilettes tout à l’heure. Allez vite. Pendant ce temps, je vais téléphoner pour qu’on nous garde une table même si nous arrivons en retard. Je vous trouverai aussi quelque chose à vous mettre.Le programme est fixé, je n’ai qu’à le suivre ! Je lui rends ma cape sans rien ajouter. Il fait chaud chez elle et c’est bien agréable d’être à poil. D’ailleurs, c’est du temps gagné pour un tas de choses…Quand je reviens, encore humide (d’eau, n’allez pas croire !), Colette a passé un pull vert anglais et une jupe écossaise, de solides souliers (gallois ?) aux pieds. Elle me désigne la tenue qu’elle m’a choisie : une courte tunique grège de laine fine et une longue robe étroite en tricot. Des chaussures identiques aux siennes m’attendent près d’une chaise. Pas de sous-vêtements, ainsi qu’elle m’en avait avertie hier, seulement une paire de bons protège-bas pour le confort des orteils. J’ai compris, je les enfile en premier avec les brodequins.— La laine, c’est la seule matière qui vaille en hiver. Pour l’été, lin et coton, rien d’autre. Par tout temps, la soie et… le cuir, affirme-t-elle en décrochant deux blousons. Prenez celui-ci, vous en aurez besoin. Ça coupe le vent et ça évite de se prendre dans les branches.J’en déduis que nous allons traverser la forêt et nous voilà en route. Elle ne juge pas utile de fermer la porte à clef.— Quand on n’est plus là, il n’y a pas de voleur ! C’est ce que m’a dit un vieux paysan lorsque je me suis installée ici, sourit-elle en me tendant un bâton de marche. Nous en avons pour une demi-heure à trois quarts d’heure de sentiers. Nous mangerons de meilleur appétit, si l’on en croit le proverbe latin.Elle est d’une bonne humeur communicative. Bras dessus, bras dessous, deux gamines s’en vont gaiement, la plus vieille volubile, la plus jeune tout ouïe.— Je vous parlerai de ce contrat en chemin. Vous le lirez à votre aise ce soir. Oui, oui, je l’ai gardé, bien sûr. Mais ce soleil, ce petit vent… Ah ! ! Sentez comme la nature est belle !À suivre