A l’époque, j’étais étudiant et je faisais une multitude de petits boulots pour survivre. En particulier, tous les ans, j’avais pris l’habitude d’aller faire les vendanges. Comme je n’étais pas motorisé, je partais au moins pour une semaine et je dormais, là bas, à la ferme, avec les autres saisonniers. Une semaine qui était pour moi, en général, vraiment éreintante : je revenais courbaturé, presque anéanti, mais avec quelques subsides en poche.Cette année là n’avait pas échappé à la règle, fin septembre, je m’offris quelques jours de crapahutage dans les vignes…J’étais revenu très tard ce soir-là , j’étais exténué et fourbu. Durant cette longue semaine, j’avais très peu dormi et pas mal picolé : une bonne rasade de vinasse acide à la fin de chaque rangée, forcément, ça esquinte !A l’époque j’habitais dans un meublé merdique pour étudiants fauchés. Nous étions six ou sept étudiant(e)s dans la cage d’escalier, sans compter la logeuse, son beau-frère et sa belle-sœur. Tous les trois étaient d’origine espagnole, tous les trois avaient la cinquantaine bien tassée, les deux sœurs, de fausses jumelles, étaient probablement d’ailleurs un peu plus vieilles, ma logeuse devait avoisiner les 60 ans.Toujours est-il que, lorsque j’ai ouvert ma porte cette nuit-là , j’ai tout de suite compris que quelque chose s’était passé en mon absence : ça sentait une drôle d’odeur, une odeur de moisi. J’ai allumé la lumière. Il y avait eu une sale inondation à l’étage. L’eau avait raviné le long des murs et avait aspergé la penderie en plastique. La tapisserie était imbibée, la moquette était spongieuse, l’atmosphère était putride. J’ai fait le tour de la pièce pour faire l’inventaire de mes maigres biens. Par chance, quelqu’un était rentré dans ma chambre en mon absence, probablement mes proprios, mes habits avaient été sortis de la penderie et soigneusement entassés sur les étagères, avec mes livres de cours qui avaient, eux aussi, presque tous échappé au désastre.Dans l’ensemble il n’y avait pas trop de dégâts, sauf peut-être la minichaîne qui était, elle aussi, imbibée.Fourbu comme je l’étais, je me suis couché, presque rassuré, sans trop me poser de questions, et, malgré la forte odeur de moisi, je me suis endormi sans trop de peine.Pourtant, au cœur de la nuit, je me suis réveillé en sursaut, je venais de repenser à un truc, un simple petit détail : mon cahier journal, celui que je cachais d’ordinaire dans la pile de linge !C’est comme si un ressort m’avait éjecté du lit, je me suis levé d’un bond et me suis mis à fouiller comme un fou dans la pile de vêtements… pour rapidement trouver le gros cahier où j’avais consigné d’inavouables secrets : impeccable, il l’était, immaculé, il n’avait pas morflé. Il était toujours là et personne n’y avait touché. Je me suis recouché, complètement rassuré, après cette belle frayeur.Il faut dire que ce cahier journal était loin d’être clean et qu’il était surtout « à ne pas mettre entre toutes les mains ». Ce n’était pas de la grande littérature, plutôt quelques idées jetées ça et là , un concentré de mes fantasmes les plus fous : 100% sexe, voilà ce que c’était. Je le tenais à jour depuis le lycée, j’y parlais de toutes les copines que je fréquentais, de toutes les filles de mon entourage ou de ces quasi inconnues que je croisais parfois dans les lieux publics. Dans mon imaginaire, c’était toutes, très souvent, des salopes avides de sexe, avec leurs airs de ne pas y toucher.Des femmes, des filles et parfois aussi quelques mecs car, dans mes fantasmes, je baisais avec tout ce qui bouge, mais dans mes fantasmes uniquement car, dans la réalité, j’étais très, très réservé. Plus que ça d’ailleurs, j’étais encore puceau !Le lendemain matin, j’ai rencontré le beau-frère de la logeuse, un dénommé Luis, qui s’affairait dans la cage d’escalier. Nous avons parlé de cette inondation. Ils avaient été, selon lui, sur le point d’appeler les pompiers. D’ailleurs, chez eux, dans leurs appartements, les dégâts étaient encore bien pires que dans ma piaule.Ah oui, très important, me dit-il, il fallait que je fasse l’inventaire des problèmes rencontrés, pour les soumettre à l’assurance :— Inès s’est occupée de vos affaires, elle les a mises à l’abri.— C’est vraiment très gentil de sa part.— C’est la moindre des choses.Inès c’était ma logeuse.En partant à la fac, une drôle d’idée me vint en tête…Et si, et si, et si… et si Inès était tombée par hasard, sur mon cahier. Elle était forcément tombée dessus en prenant la pile de vêtements. Mais… si la curiosité l’avait poussée à y regarder de plus près. Et si elle était tombée sur ces passages où je parlais d’elle, de sa sœur, que je voyais comme deux vieilles salopes complètement insatiables qui, sous leurs airs de mamies coincées, ne pensaient qu’au sexe de leurs locataires.L’idée m’a suivie toute la matinée : Quelle honte pour moi en imaginant qu’elle avait peut-être découvert le pot aux roses !J’étais assis dans l’amphi à côté d’une copine de fac très timide que j’avais surnommé « la boutonneuse » parce que son visage était passablement ravagé par les pustules. Particulièrement studieuse, cette fille là ne pensait qu’à ses chères études et elle passait tout son temps à bûcher comme une folle à la bibliothèque.Foutaises, ce côté studieux ! Car, dans mes mémoires de jeune satyre, dans cet univers parallèle où tout était possible, c’était, en fait, la pire des obsédées. Elle ne rêvait que de se faire baiser et enculer par le premier venu. À chaque fois qu’elle rencontrait un mec, son premier réflexe était de penser à sa queue. Tenez, d’ailleurs, à cet instant précis, et sans en avoir l’air, elle devait être en train de penser à la mienne, et tout cela sans laisser rien paraître… C’est du moins ce que j’imaginais et c’est aussi ce que je consignerais le soir même dans mon savoureux cahier, en me masturbant en abondance.Je me suis mis à bander doucement en observant le visage grêlé de ma voisine. Malgré ses boutons peu ragoûtants, ou peut-être à cause d’eux, j’avais très envie de l’emmancher, de l’asperger, de l’enculer, de la souiller, de… je ne sais pas moi, je n’avais encore jamais rien fait.Non, j’avais surtout envie de la prendre gentiment dans mes bras pour lui communiquer beaucoup d’amour. Je me sentais tellement seul !Dans mon for intérieur, j’espérais aussi secrètement que ces disgracieuses pustules la protégeaient quelque peu notre « union », en l’éloignant malgré elle des sombres chasseurs de femelles, en général plutôt amateurs de plastiques idéales.J’aurais aimé qu’elle soit à moi, rien qu’à moi, toute à moi. J’aurais aimé qu’elle soir, tout comme moi, aussi vierge que moi, et que nous découvrions un jour l’amour ensemble, avec tendresse, avec passion puis, finalement, avec une grande perversité, commune, partagée et sans limite. Elle devait vraisemblablement, elle aussi, avoir son cahier journal : un recueil d’écrits bien gratinés et incroyablement vicieux.Quelques jours plus tard, j’ai rencontré Inès et Térésa dans la cage d’escalier. Elles m’ont reparlé de l’inondation et aussi de l’assurance.Non, je n’avais encore, jusque là , rien fait, mais j’ai promis de m’en occuper au plus vite, en tout cas avant la fin de la semaine.J’ai essayé de dévisager Inès, de percer sa conscience pour deviner ce qu’elle savait ou ce qu’elle ne savait pas… il m’a même semblé déceler un petit rictus ironique au coin de son visage.Cette brune grisonnante avec ses lunettes à grosses montures, cette mamie dont l’accoutrement faisait plutôt penser à une grenouille de bénitier (d’ailleurs tous les dimanches ils allaient sagement tous les trois à la messe). Et bien, cette femme très mure, je l’avais imaginée en parfaite vicieuse. Elle se tapait tous les petits étudiants : par-devant, par derrière, dans le con, dans le cul, elle broutait aussi les étudiantes, tout ceci en encaissant ses maigres loyers ! Sans compter qu’elle s’offrait à l’occasion aussi à son beau-frère et qu’elle se gouinait même avec sa sœur…J’étais d’ailleurs malheureusement, pour l’instant, le seul de l’immeuble à avoir échappé à son appétit féroce !Mon dieu ! S’il lui était arrivé de lire toute ma prose, je n’osais l’imaginer. Et ce passage particulièrement scabreux où elle s’était envoyée les deux gars des PTT, ceux qui étaient venus distribuer les calendriers ! Elle les avait même payés pour qu’ils restent plus longtemps avec elle, pour qu’ils continuent à la baiser, parce qu’elle avait littéralement le feu aux fesses. Dans mon esprit troublé, les femmes les plus respectables étaient toujours aussi les femmes les plus lubriques.J’ai baissé les yeux en rougissant, j’avais envie de m’en aller mais les deux vieilles commères continuaient à bavasser. J’imaginais leurs gros culs mollassons et sans petite culotte. Sous leurs robes insipides, elles s’habillaient probablement comme des putes : porte-jarretelles, bas résilles, soutien-gorges à balconnets… le parfait attirail de la joyeuse salope. Deux vraies vicieuses, c’est du moins ce que j’avais écrit dans mon précieux journal, et ce qu’elles avaient peut-être lu !Rentré dans ma piaule, je me suis branlé comme un malade en repensant à ces deux vieilles cochonnes. J’aurais voulu qu’on fasse ça tous les trois, j’aurais voulu voir les deux sœurs se brouter.Objectivement, je ne sais pas quel petit détail me le confirmait, mais j’étais certain qu’elles avaient au moins feuilleté le cahier. Lu, je ne sais pas, mais feuilleté certainement, j’en avais acquis la quasi-certitude.J’ai mal dormi cette nuit-là , j’ai relu certains passages les concernant, elle et Térésa. Elles étaient présentées, dans cet ouvrage, comme deux vieilles folasses qui ne pensaient qu’au sexe, deux vraies collectionneuses de bites. Pour attirer les mecs, elles n’hésitaient pas à leur proposer les trucs les plus vicieux, des séances d’enculage, des douches de sperme, des gangs bangs de folie, elles n’avaient aucune limite et aucun tabou.D’un autre côté, même si Inès avait peut-être lu ma prose, la probabilité qu’elle tombe sur un passage la concernant restait malgré tout faible car, dans le cahier, il y avait aussi toute une pléthore de donzelles, toutes plus cochonnes les unes que les autres. Des dizaines et des dizaines de filles, toutes celles que je connaissais, que je côtoyais, que je fréquentais, et puis, aussi, quelques mecs que je suçais, qui m’enculaient, et d’autres qui avaient des petits culs bien ronds et accueillants.Pas étonnant qu’après avoir lu tout ça, elle me regarde de façon ironique ! En avait-elle parlé à sa sœur ? A son beau-frère ? Et elle, Inès, que pensait-elle de tous ces délires ? Elle devait me prendre réellement pour un malade.Le samedi suivant, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé frapper à sa porte.Je ne sais trop pourquoi, mais je fantasmais à mort sur Inès, encore plus depuis que j’imaginais qu’elle avait peut-être découvert tous mes petits secrets.Inès, beaucoup plus que sa frangine, était au cœur de mes fantasmes. Je la trouvais un plus réservée et un plus timide que sa sœur, un peu plus esseulée également, elle devait forcément avoir, quelque part, tout plein d’idées salaces qui devaient la titiller :— Bonjour je viens pour l’assurance— Oui rentrezElle était encore en robe de chambre, il faut dire qu’il était à peine 9h. Elle m’invita à prendre un café.— Alors jeune homme, si nous parlions de ces dégâts.— C’est surtout ma chaîne qui a pris l’eau. Pour le reste je vous remercie d’avoir pris soin de mes affaires.— C’est bien normal, jeune hommeIl y avait aussi une paire de pompes qui avaient moisi et un dictionnaire qui était inutilisable, nous avons consigné tout ça pour l’assurance.Je me sentais conaud, penaud, j’aurais bien aimé lui sauter dessus, comme dans mes rêves les plus fous, mais… ce n’était là que les rêves d’un jeune cinglé. Face à la réalité, je n’étais plus qu’une loque. Et puis, je si je lui avais fait des propositions, elle m’aurait probablement ri au nez, ou alors elle m’aurait viré à grands coups de pompes aux fesses, à moins qu’elle n’appelle tout simplement la police.J’ai bu mon café, puis je me suis levé pour m’en aller. Je n’avais plus rien à faire ici. J’allais prendre congé, déçu et dépité.— Et si nous parlions un peu de ce cahier !Je me suis senti vaciller, le rouge m’est monté à la tête. Et, l’instant d’après, j’étais pétrifié.— Asseyez-vous donc cinq minutes, je ne vais pas vous manger. Je suis peut-être une « vicieuse », une « perverse », une « cochonne », comme vous dites, mais je n’ai encore mangé personne.— … (sans voix)— Vous savez, jeune homme, j’ai un vilain défaut : je suis très curieuse. Je suis vraiment désolée et je vous demande d’ailleurs de m’en excuser, mais c’est comme ça, maintenant le mal est fait. Quand j’ai trouvé votre journal, caché au milieu de votre linge, j’ai ouvert une page au hasard. Et le peu que j’ai lu a excité ma curiosité. C’est ainsi, qu’après avoir tout rangé, je n’ai pas pu m’empêcher de m’asseoir sur votre lit pour lire le reste. On peut dire que vous avez une imagination débordante et qu’avec vous les femmes sont à la fête… quoique vous avez parfois une bien curieuse conception de la féminité…Je m’étais écroulé sur ma chaise, je regardais fixement une miette de pain perdue sur la table, en essayant de ne rien penser. Toute mon attention concentrée sur cette miette de pain, pour ne pas exploser de honte.— Je crois que je ne suis pas, pour ma part, tout à fait comme vous pensez, jeune homme. À défaut d’être une vieille cochonne comme vous l’imaginez, je suis simplement une vieille curieuse. Mais je dois dire que vos écrits m’ont vraiment amusée. Croyez-moi, vous n’avez pas à avoir honte de tout ça, chacun a ses désirs cachées. Et je ne dirai rien à personne, je garderai tout cela pour moi. D’ailleurs, même pour les propos me concernant directement, je ne vous en veux absolument pas. Je pense avoir les idées plutôt larges et je trouve tout cela finalement très sympathique, même si je dois reconnaître que vous n’y allez parfois pas de main morte.Je ne trouvais rien à répondre, estomaqué par tant de lucidité et tant de franchise. Je n’osais toujours pas la dévisager, j’étais toujours sur le grill. La réalité, ma réalité de petit fantasmeur merdique, était vraiment très difficile à ingérer.— Mais, ce que je veux vous dire, c’est que, parmi toutes ces jeunes filles, il y en a forcément une qui pourra exhausser vos vœux, tout du moins en partie. Vous savez, nous les femmes, nous ne sommes jamais non plus totalement blanches comme neige, nous ne sommes pas des midinettes immaculées centrées sur l’amour pur ! Mais nous ne sommes pas non plus de parfaites catins, complètement débridées et obsédées par le sexe. La réalité est beaucoup plus nuancée… Je crois que ce qu’il faut surtout à votre bonheur, c’est trouver une gentille fille qui saura combler votre solitude. Pour le reste, nous n’en reparlerons plus. Si vous le voulez bien, ce sera notre petit secret à tous les deux. J’espère en tout cas que vous ne m’en voudrez pas pour ma curiosité mal placée !— Y-a pas d’mal, ai-je réussi à murmurer, sans conviction.J’ai réussi péniblement à me relever, mais mes jambes avaient du mal à me porter. Je suis sorti comme un zombie en esquissant un sourire forcé. Ça m’a tellement rendu malade que je me suis mis dès le lendemain à la recherche d’une autre piaule.Deux mois plus tard, quelques jours seulement avant mes 21 ans, j’étais déniaisé par Magali, Magali la boutonneuse. Je venais tout juste de changer de piaule et je pendais la crémaillère avec ma seule amie, Magali… Nous n’étions que tous les deux, les autres ayant décliné l’invitation.Ca s’est passé finalement très simplement, elle a insisté pour dormir dans ma piaule et comme il n’y avait qu’un lit, il nous a fallu le partager !Elle avait déjà de l’expérience, beaucoup d’expérience. Moi qui l’avais toujours supposée complètement axée sur ses études, je m’étais foutu le doigt dans l’œil. Le fait est qu’elle cachait bien son jeu, au lit c’était une sacrée affaire et une sacrée bonne initiatrice.Pendant les quinze premiers de jours de notre union, nous avons fait l’amour plusieurs fois par jour, parfois matin, midi et soir. Par la suite, nos rapports se sont espacés.C’est ainsi que j’ai commencé à avoir une autre idée des femmes et que j’ai commencé à me consacrer beaucoup plus à elles, abandonnant du coup mon cahier-journal à son triste sort.