— Regarde ! Regarde là-bas ! Je te dis qu’il y a quelqu’un !Ce qu’il y a de bien dans la cuillère, c’est que tout comme la levrette ou le mariage − quoique, sur ce dernier point, il y a sujet à discussion − cela permet de regarder dans la même direction… Et là, j’ai beau chercher et chercher encore, je ne vois rien.— T’es sûre ? Où ça ?— Mais là-bas, à la cabane ! Il y a un volet d’ouvert !Bigre, elle a décidément une bonne vue, Virginie… La cahute en question, il y a belle lurette que je n’y fais plus attention ! Elle appartient à un petit groupe d’ornithologues amateurs qui s’en servent essentiellement la nuit pour observer les rapaces et autres bestioles du voisinage. Seulement, elle est assurément à deux-cents mètres, alors, qu’est-ce que cela peut bien nous foutre ?— T’imagines, s’il a des jumelles, il pourrait nous voir ! Non, faut qu’on arrête et qu’on s’en aille !Virginie dans toute sa splendeur… Parce que le vrai gag, c’est qu’en même temps qu’elle parle de partir de peur d’être vue, elle vient de se cambrer encore un peu plus pour me permettre de m’enfoncer en elle encore un peu plus loin. Et comme elle vient d’écarter ses compas autant qu’elle le peut pour sans doute me faciliter la tâche, elle vient également d’offrir une vue imprenable sur mon dard qui coulisse tout au fond de sa si jolie petite chatte à l’éventuel observateur qui serait bien planqué là-bas, dans son observatoire de fortune…Résultat, gugusse à jumelles ou pas, je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin ! J’ai commencé tranquille, les mains en haut du guidon, mais quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à placer mon attaque, histoire d’être bien sûr que ma jolie brune ne se retrouve pas seule au bord de la route. J’augmente alors doucement la cadence, Virginie, comme à son habitude, réagit au quart de tour, mais cela ne l’empêche pas de me baratiner sur cet éventuel voyeur.— Non, je te dis qu’il faut qu’on s’en aille, c’est pas bien ! Arrête, s’il te plaît !Tu parles ! Si elle voulait véritablement que tout s’arrête, il lui suffirait qu’un coup de reins pour se désemboîter de moi… Alors que c’est tout le contraire qui se passe : elle vient de se coller encore un peu plus à moi, histoire sans doute de gagner quelques précieux millimètres tout au fond de sa boite à ouvrages avec, en corollaire, une fusée qui ne doit plus être très loin du décollage. Pas manqué, une dernière accélération de ma part et vlan, la voilà partie dans la stratosphère… Et moi, sans doute par solidarité, je l’accompagne en déversant ce qui me semble des hectolitres de foutre tout au fond de son ventre.Retour sur terre. Sans un mot, elle pique quelques mouchoirs en papier dans son sac, se relève et, toujours nue au beau milieu de ce champ de blé, la voilà qui fait quelques pas pour s’éloigner de moi. Je souris : à en juger par cette nuée de sauterelles qui s’envole au-devant d’elle, elle est en train de nous gratifier de l’un de ces petits pipis debout dont elle a le secret, et elle s’amuse à arroser toute la biodiversité qui se trouve à ses pieds. Là encore, s’il y a là-bas un type bien planqué derrière ses jumelles, il ne doit pas en perdre une miette.Sans prendre en compte que j’ai ré-enfilé mon froc et ma chemisette, elle m’attrape par la main et m’entraîne à deux pas de là, à l’ombre d’un grand chêne. Je m’étonne.— Tu ne te rhabilles pas ? Tu n’as plus peur de notre éventuel observateur ?— Bah… En fait, on s’en fout un peu, non ?Encore une fois, Virginie dans toute sa splendeur. Il y a deux minutes, elle était en train de m’en faire des caisses parce que nous pourrions être observés et maintenant, elle n’assure qu’elle n’en a plus rien à carrer. Paraît que cela s’appelle la logique féminine… Pour plus de sûreté, je ne relève pas.— Si tu le dis…— Et puis, on a largement assez de temps pour remettre le couvert, non ?Ça, par contre, on peut compter sur elle pour ne jamais perdre le nord.— Sans doute, mais là, tu vois… Ce n’est pas pour tout de suite.Que voulez-vous, même lorsque l’on est relativement jeune et que l’on a affaire à une aussi jolie nénette que Virginie, le matériel a quand même une fâcheuse manie de ne pas toujours répondre au doigt et à l’œil. N’empêche, ma cocotte, tu ne perds rien pour attendre, je te le garantis ! Mais pour le moment, je m’adosse au tronc et elle vient se blottir, toujours nue, entre mes jambes. Là, le regard perdu dans le vague, une main posée sur son sein et l’autre sur son adorable petit bedon − en attendant mieux − nous devisons.— La dernière fois que je l’ai vu, il m’a semblé que ce cher Tronchopadock avait du mal à marcher ?Pour ceux qui auraient la chance de ne pas le connaître, Tronchopadock − également surnommé Baisaupieu ou Nique Au Lit − est le concierge de Virginie et nous avons eu déjà eu l’occasion de le croiser dans d’autres aventures. Petit, maigre, le crâne dégarni, le teint cireux, l’œil éternellement éteint, il fait partie de ceux qui, même sans rien dire, font fuir les enfants… Si c’était de véritables monstres qui sonnaient à votre porte le soir d’Halloween, ils oublieraient son adresse, sans doute de peur de tomber sur plus horrible, plus bête et surtout plus méchant qu’eux. Ajoutons à cela son éternel marcel plutôt cradingue, son froc trop large, délavé et surtout passablement trop court, ses chaussettes aussi trouées que dépareillées portées sur des nu-pieds dignes d’une caricature de touriste allemand, autant dire que l’on a pas tout à fait affaire à une gravure de mode. Virginie pouffe.— En effet… Figure-toi qu’il s’est mis en tête de se mettre à la chasse.— Ah bon ? Le coup des chiens de l’autre jour ne lui pas suffit ?C’est de notoriété publique, Tronchopadock hait tout le monde sans exception et en veut à la planète entière, animaux compris… Il y a par exemple belle lurette que les enfants du voisinage ont compris qu’il était dangereux de l’approcher à moins de quinze pas, se contentant de lui lancer quelques pierres de temps à autre. Mais pour bien qu’il croise un chien errant − de préférence petit, vieux ou malade − et que celui-ci ait le malheur de l’approcher, il peut être certain qu’il n’échappera pas à un coup de savate de derrière les fagots… Manque de chance, la dernière fois qu’il a shooté un innocent petit caniche, le proprio du clébard en a profité pour lâcher ses deux autres chiens, à savoir un énorme doberman et un pit-bull, qui se sont fait un devoir d’aller protéger leur copain. Bref, je vous laisse imaginer ce qui s’est passé ensuite ! Mais revenons à nos moutons… Je poursuis.— En plus, il ne verrait pas la différence entre un sanglier et une perdrix !— Tout juste… Toujours est-il que même s’il a déjà foiré trois ou quatre fois son examen de chasse, il s’est trouvé un type pour lui vendre un calibre 12.— Et alors ?— Eh bien, je te la fais courte : déjà, il a emprunté la voiture sans permis de la Mère Andretti…— Elle a été assez naïve pour lui filer les clés ?— Disons plutôt qu’il a profité d’un instant d’inattention pour les lui piquer ! Toujours est-il qu’une fois sur place, le vendeur a eu l’idée saugrenue de vouloir lui faire essayer sa pétoire dans son champ.— Ça a dû être épique !— Plus que tu ne crois ! Le premier coup est parti juste entre les pieds du gars, c’est d’ailleurs miraculeux qu’il n’ait pas été blessé ! Alors, il a bien entendu voulu reprendre l’arme, mais l’autre gourde ne l’a pas lâchée et le second coup est parti dans la fenêtre du salon… Et le contenu de la troisième et dernière cartouche a fini dans le plafond dudit salon qui avait été entièrement refait la semaine précédente.— Vache ! Ça a dû ronfler !— Carrément ! Mais c’est pas tout… Notre blaireau national a alors voulu se barrer dans l’urgence mais comme il n’est toujours pas foutu de savoir dans quel sens tourner le volant pour aller à droite ou à gauche, il a également emplafonné la voiture de notre malheureux vendeur… Qui a repris son flingue, l’a chargé de chevrotines avec la ferme intention de transformer l’autre andouille en passoire ! Bon, par bonheur, il s’est repris et a mis des cartouches au sel à la place, c’est pour cela que Tronchopadock a les jambes Louis XV et qu’il ne peut plus s’asseoir !Une chose est certaine : si, à ce moment-là, il avait couru aussi vite que le monde entier l’emmerde, le mur du son n’aurait pas été loin.— Voyons le bon côté des choses, il ne doit plus pouvoir se servir de son ordinateur !Ça, ça restera sans doute toujours l’une des grandes énigmes de l’univers : ce couillon sait à peine lire, il suffit de suivre les commentaires qu’il laisse partout où il passe pour remarquer qu’il ne comprend jamais rien à rien mais que sa volonté de nuire est sans limite, c’est pourquoi il navigue sur la toile depuis des années… Avec une belle constance, il dépose des avis forcément toujours négatifs sur tout ce qui se présente, du resto pas encore ouvert où la bouffe serait dégueulasse ou à l’hôtel où il aurait couché la semaine dernière alors que ce dernier est fermé pour cause de travaux depuis un an.Mais sa cible principale semble être un certain site d’histoires érotiques où il descend systématiquement toujours les mêmes auteurs alors que, puisqu’il sait que ce qu’il va lire ne lui plaira pas, il lui suffirait de passer à autre chose… Voir, par exemple, écrire et peut-être enfin comprendre à quel point la critique est facile et que l’art est difficile. Mais pour cela, il faut un cerveau et des couilles, deux choses qui lui manquent manifestement.— Raté ! Même debout, il continue de sévir ! Par contre, je peux te dire que pour notre fameux vendeur et la mère Andretti, c’est bien la première et dernière fois qu’ils lui font confiance !On dit souvent que l’homme est incapable de faire deux choses en même temps… Ce n’est pas tout à fait vrai puisque, manifestement, écouter Virginie me marrer des mésaventures de l’autre couillon n’ont pas empêché l’habituel locataire de mon pantalon de reprendre des couleurs, pour le plus grand bonheur de la miss qui s’empresse d’emboucher l’engin. Et tout y passe : massage des roubignoles, léchage en règle de tout l’attirail en insistant longuement sur le frein et autres parties sensibles, j’en suis à la décoller précipitamment de moi sous peine de décoller moi-même et de la laisser en rade.Elle sourit, ne me laisse pas le temps d’en placer une et la voilà à califourchon sur moi, l’engin bien au chaud au fond de sa grotte intime. Petite cavalcade éminemment sympathique, je parviens même à reprendre mes esprits et à calmer le jeu… Virginie s’en amuse et, sans doute pour en remettre une louche, ne se désemboîte de moi que pour mieux se retourner, les jambes largement écartées, avant de remettre la belette dans le terrier… Cette fois, j’ai droit à une chevauchée héroïque où, pour faire bonne mesure, elle se trifouille le bouton comme si sa vie en dépendait ! Là, pour le coup, je ne vois rien du tout mais le loustic qui serait toujours à son poste d’observation s’en prendrait définitivement plein les mirettes ! Y pense-t-elle, là, en ce moment ? Je n’en sais rien mais, par contre, est-ce la position ou je ne sais quoi mais, en deux temps trois mouvements, la voilà partie direction la stratosphère… Et, comme bien souvent, elle parvient à contracter les muscles de son ventre avec une telle force que je n’ai d’autre choix que de l’accompagner dans son extase.— Pendant que j’y pense, ce serait bien que, demain en tout début d’après-midi, tu ailles voir Lætitia, la voisine du cinquième… Elle avait une fuite à son évier, elle a appelé Tronchopadock et, comment dire… En voilà encore une qui lui a fait confiance, mais quelque chose me dit que ce sera la première et dernière fois.—ooo0ooo—Le lendemain, la caisse à outils à la main, me voilà à pied d’œuvre et, devinez qui je croise dans le couloir ? Bravo, vous auriez dû être dans la police, vous savez ! La dernière en date de notre ahuri de service, c’est de nettoyer la cabine de l’ascenseur… Mais à sa façon, c’est-à-dire qu’il la nettoie au rez-de-chaussée avant de la faire monter au premier, rejoindre ladite cabine par l’escalier et la nettoyer de nouveau au niveau supérieur, et ainsi de suite ! Et comme les différents propriétaires ou locataires sont des taquins, ils passent leur temps à appeler ledit ascenseur toutes cinq minutes, ce qui fait que notre gaillard ne sait jamais s’il a correctement nettoyé tous les étages… Résultat, quand il faudrait dix minutes à une personne normalement constituée pour obtenir un résultat nickel, il y passe une bonne partie de la matinée pour qu’au final la propreté de l’endroit n’ait rien de transcendant.Lætitia m’ouvre, bon sang, qu’est-ce qu’elle est jolie ! Aussi blonde que Virginie est brune, les yeux aussi clairs que ceux de mon amie sont noirs, elle porte pour l’occasion un tailleur bleu marine sur une jupe et assez courte, et l’ensemble lui va à ravir. Je la complimente.— Je vous remercie… Venez, la cuisine est par là.J’ouvre le robinet et là, je n’en crois pas mes yeux… Ou plutôt mon nez ! Tandis que l’eau coule, une forte odeur de gaz vient d’envahir la pièce ! Je jette un œil sous l’évier et je n’en crois pas mes yeux. Bon sang, parait qu’Einstein aurait dit que seuls la connerie et l’univers n’avaient pas de limites − quoiqu’il manquât de certitudes sur ce dernier point − mais là, j’en ai une parfaite illustration !C’est bien connu et comme César, Charlemagne, Napoléon ou Lao Tseu l’ont déclaré en leur temps, tout ce qui se dit sur Internet dit est forcément vrai… Et sur la toile, il y a une vieille histoire − attention, point Godwin en approche − qui traîne où il serait question d’un plombier américain mais d’origine allemande qui se serait trompé en raccordant les tuyaux de la douche et que c’était en fait du gaz qui sortait du pommeau… Et évidement, quand ton client est juif, cela fait doublement désordre ! Enfin, si tout cela n’est pas tout simplement un fake.En attendant, moi, je prends Lætitia à témoin.— Regardez, là… Ça c’est l’eau froide, ça c’est l’eau chaude, et ça, c’est la conduite de gaz qui va normalement à vos plaques de cuisson…— Attendez, ne me dites pas que…Tandis qu’elle se penche, j’ai accessoirement droit à une vue imprenable sur le sillon de ses seins : pas de soucis, le soutif et Lætitia, ce n’est clairement pas pour aujourd’hui. Et comme, tout à l’heure, j’ai eu l’occasion d’apercevoir la lisière d’une paire de bas noirs et peut-être même l’attache d’une jarretelle, autant dire que cela commence à me bouillir sérieusement dans la théière… Mais pour le moment, l’urgence est ailleurs, puisque crétinus simplex a tout simplement, comme dans l’histoire, inversé l’arrivée d’eau avec celle de gaz.— Vous avez de la chance, cela aurait pu très mal finir…— Je me doute…Une demi-heure plus tard, la réparation est faite, et je me demande encore comment Tronchopadock a bien pu s’y prendre pour en arriver là, tellement il a dû rivaliser d’ingéniosité dans sa connerie pour parvenir à un tel résultat.— Vous voulez ré-ouvrir les compteurs, s’il vous plaît ? Et si vous pouviez faire couler de l’eau et allumer un brûleur ou deux pendant que je reste là-dessous pour vérifier qu’il n’y a pas de fuites, cela m’arrangerait…Naturellement, pour accéder aux robinets, elle m’enjambe… Oh mais que voilà une jolie petite touffe blonde qui se promène en plein vent ! Ça en plus tout le reste, j’aime mieux vous dire que cela a sur moi un effet bœuf.— J’ai oublié de vous dire, ma carte est restée bloquée au distributeur… Je n’ai pas d’argent pour vous payer.Ben voyons ! Cependant, je fais mine de ne pas m’en inquiéter et plus encore de ne pas comprendre où elle veut en venir.— Ce n’est pas grave, ce n’est pas comme si je ne savais pas où vous habitez… Vous me paierez plus tard.— Oui, mais je me disais que vous accepteriez bien un petit acompte…Là-dessus et pour faire bonne mesure, elle se retrousse encore un peu pour que je profite encore un peu mieux du panorama. Message reçu fort et clair, comme on disait à époque ! Alors, je me redresse tandis que, sans se départir de ce petit sourire, Lætitia va d’elle-même s’appuyer sur la table de cuisine, remontant cette fois sa jupe pour me permettre d’accéder à son tabernacle. Dès lors, que faire ? Sortir mon mandrin et, illico presto, tenter de lui réaléser l’antre du dragon ? Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais j’ai quand même quelques principes !Profitant de ma position, je m’agenouille devant la demoiselle, et me voilà parti dans un petit cunni bien sympathique ! Je découvre avec délice un abricot trempé dans lequel je plonge ma langue avec gourmandise… Le résultat ne se fait pas attendre, elle m’attrape la tête entre ses mains et, à partir de cet instant, ne voila-t-il pas que j’ai sacrément du mal à respirer ! Qu’importe, cela me rappelle mes cours d’apnée à la piscine, sa jouissance est proche… Jusqu’à ce qu’elle se ravise brusquement.— Mes parents ! Ils vont arriver !Houla ! Si je n’en ai quasiment rien à battre d’un potentiel ornithologue au fond d’une vague cahute en planches, je n’ai aucune envie de mettre la demoiselle dans la mouise. Là encore, c’est d’abord une question de principes.— Je vous en prie, finissez-moi… Fourrez-moi votre queue et qu’on en finisse, je n’en peux plus… Mais faites vite, je vous en supplie…Dans ce genre de cas, vous savez ce qu’on dit ? Ce que femme veut… Alors, puisque c’est demandé si gentiment, je sors le lion de sa cage où il commençait à se sentir quelque peu à l’étroit et crac, j’embroche Lætitia qui accueille mon entrée en matière avec un formidable soupir de soulagement. Là, plus la peine de tergir ni de verser, opération bourrinage dans toute sa splendeur et en trois minutes top chrono, la messe est dite, elle se mord pour ne pas crier son plaisir tandis que je me déverse en elle.— Dépêchez-vous, partez ! Je les connais, ils vont me poser une tonne de questions !Elle n’a que le temps de redescendre sa jupe que, déjà, je suis à la porte.— Par contre, le jour où Virginie n’est pas là, passez me voir… Il me tarde de savoir comment cela se passe quand vous prenez le temps…Tiens, voilà le genre de truc dont je tâcherai de m’en souvenir à l’occasion… Par contre, je jurerais qu’en bas de l’escalier, l’heure est à une engueulade et il me semble bien reconnaître la voix de l’un des trois protagonistes. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre ce dont il est question : notre inévitable ami Tronchopadock prétend interdire l’accès aux étages à un couple sous prétexte qu’ils ne se sont pas présentés à sa loge !Il s’est trompé d’époque, l’autre cloche ? Sans compter qu’à partir du moment où la dame est le parfait copié-collé de Lætitia avec tout juste une vingtaine d’années de plus au compteur, il n’y a pas trop de doutes à y avoir ! Mais pour le moment, les esprits s’échauffent… D’ailleurs, j’ai le sentiment que si notre charlot continue, il va y avoir de la mandale dans l’air… Mais comme l’autre buse est quand même plutôt du genre à aboyer de loin, il préfère baisser pavillon et filer la queue entre les jambes.Peut-on dire que là aussi, ce sera la première et la dernière fois qu’il viendra polluer l’espace vital des parents de Lætitia ? Rien n’est moins sûr, Tronchopadock est du genre à comprendre vite pourvu qu’on lui explique longtemps… Pendant ce temps, j’en profite pour me faufiler par l’autre porte pour ne pas être vu, exactement comme leur fille me l’a demandé.—ooo0ooo—Le lendemain en tout début d’après-midi, je m’apprête à passer au magasin lorsque le téléphone sonne. C’est madame Dugenou, l’une des voisines de Lætitia et cette dernière lui a parlé de mes talents de bricoleur alors qu’elle ne parvient pas à faire fonctionner correctement son téléviseur. Comme rien ne presse à la boutique et que de toute façon l’immeuble est sur ma route, je lui donne rendez-vous un quart d’heure plus tard.En fait de panne, il s’agit simplement d’une recherche de chaînes… Mais madame Dugenou a une excuse pour ne pas être à la page : elle a soixante-quinze ans, ce qui me permet d’affirmer accessoirement et sans trop de risque que je n’aurai pas droit à une gratification du même style que celle de Lætitia − et cela m’arrange bien, je ne vous le cache pas − ce qui ne lui empêche pas de m’offrir un thé.Je souris : par sa grande baie vitrée, l’on a une vue panoramique sur un appartement passablement délabré où l’on peut apercevoir, via les fenêtres aux rideaux déchirés d’un logement cradingue, notre cher concierge devant son écran tandis qu’il ne cesse de danser d’une fesse sur l’autre. D’une certaine manière, il a de la chance, le gaillard ! À la place du sel dont la brûlure s’estompe au fil du temps, il aurait tout aussi bien pu se prendre du blé qui a la particularité de refaire son apparition des semaines plus tard lorsque, chaleur et humidité aidantes, il lui prend l’idée saugrenue de germer… dans la plaie, évidemment !Tiens, le lascar est précisément sur un site que je connais bien… Et là, j’assiste à un joli numéro de trapéziste : il ouvre la page où se trouve le texte et, deux minutes à peine plus tard, le voilà qui pond l’un de ces commentaires à la noix dont il a le secret. Personnellement, je me flatte de lire vite, mais certainement pas à cette allure ! Soudainement, je comprends pourquoi il ne capte jamais rien aux histoires qu’il commente et auxquelles il colle généralement un dix, ce qui était sans doute la note maximale que les enseignants lui donnaient lorsque qu’il était enfant, et encore, plus par pitié qu’autre chose… Mais il est vrai qu’à l’époque, tout comme aujourd’hui d’ailleurs, il n’a jamais été capable de rédiger ne serait-ce qu’une liste de courses. Madame Dugenou s’amuse de me voir l’observer de la sorte.— Sacré spécimen, n’est-il pas ?— En effet, et vous le connaissez mieux que moi…Elle me raconte alors qu’elle aussi l’observe depuis des années, qu’il tombe une fois ou deux par an sur un récit qui, par miracle, parvient à le faire bander mais, même dans ces cas-là, sa volonté d’emmerder le monde l’emporte sur tout le reste… Et si d’aventure il met plus de dix, c’est en fait sans corrélation avec la qualité du texte et surtout toujours dans le même but.— Et encore, je peux vous dire que, même lorsqu’il était beaucoup plus jeune, il ne bandait pas souvent ! En même temps, avec une aussi petite bite, c’est difficile de savoir dans quel état il est… Et pourtant, croyez-moi, j’ai encore une excellente vue.Décidément, elle m’amuse, cette vieille dame. Elle poursuit.— Vous savez, à une époque, je me disais que les gens bêtes et méchants sont surtout des gens malheureux et mal dans leur peau. J’ai donc essayé de l’aider…— Ah bon ? Et qu’est-ce que vous avez fait ?— Oh, j’ai joué les entremetteuses… Il y avait une vieille fille un peu plus bas dans la rue qui avait paradoxalement la réputation d’avoir le feu au cul, et parvenir à l’éteindre n’était pas une mince affaire pour elle tant elle était moche, surtout à son âge avancé. Oui, je sais, ce n’est pas très charitable de dire cela, mais franchement, j’aurais eu peur de la croiser au coin d’une rue par une nuit sans lune.— À ce point ?— Oh, je vous assure que je n’exagère pas… Mais vu la réputation que notre concierge se trimbalait déjà à l’époque et que personne ne voulait ne serait-ce que lui adresser la parole, j’ai essayé de les faire se rencontrer… On ne sait jamais, il aurait pu être enfin touché par la grâce.— Bigre ! Si elle est aussi moche que vous me le dites, pensez à ne pas m’en garder un dans la portée lorsqu’ils feront des jeunes !Elle sourit.— Oh cela ne risque pas… Bien qu’elle soit à moitié aveugle, le tableau que représente Tronchopadock l’a faite fuir, et pourtant je vous promets qu’elle n’est pourtant pas difficile, tous les clodos du coin peuvent en témoigner ! Mais elle m’a quand même fait un véritable scandale en me disant, entre autres, qu’elle n’en était pas à faire les poubelles et qu’elle préférerait la compagnie d’un bouc ! Quant à lui, je ne suis même pas certaine qu’il sache ce qu’elle était venue chercher… Par contre, ça a été la première fois que j’ai essayé de l’aider, mais je vous garantis qu’il n’y en aura pas d’autres !—ooo0ooo—Le soir même, je suis de retour chez Virginie qui m’a invité à dîner. Son grand truc, c’est que je me colle derrière elle tandis que je lui visite la salle des fêtes, le tout en étant penchée à sa fenêtre du second étage comme si elle arrosait ses fleurs. Et comme son plaisir à elle est souvent expansif, son challenge est de pas se faire repérer en adoptant des mimiques qui trahiraient ce qui est en train de se passer et, plus encore, de se retenir de s’égosiller lorsque le moment propice et tant recherché se produira.Bref, elle est en pleine ascension de son petit Everest personnel lorsque notre attention est attirée par des cris provenant de la rue. Qui est-ce, à votre avis ? Encore gagné. Notre zouave, les larmes aux yeux mais visiblement très en colère, vient de shooter dans une malheureuse poubelle qui, sans doute dans un geste désespéré d’auto-défense, n’a pas bougé d’un millimètre. Et donc, le voilà assis par terre et se tenant le pied, sa godasse totalement explosée, en train d’insulter cet innocent conteneur à déchets en plus du monde entier. Je m’interroge.— Qu’est-ce qu’il lui prend ? Il a encore un pet qui ne passe pas ?— Va savoir ! Non, en fait, j’ai cru le voir sortir du grec du coin et, forcément…— Forcément quoi ?— Eh bien, le problème, c’est qu’il n’aime pas le kebab… Les goûts et les couleurs, cela ne se discute pas. Mais malgré cela, il ne peut s’empêcher d’aller y manger au moins une fois par semaine et comme il n’y a jamais de miracle, cela donne toujours plus ou moins ce résultat.Soudainement, je comprends mieux pourquoi notre blaireau passe son temps à lire et relire – et à démolir, forcément – sans cesse des auteurs de ce fameux site alors qu’il sait pertinemment que leurs récits ne lui conviendront pas… À titre personnel, de la même façon que je n’apprécie pas les plats asiatiques, je sais que la lecture certains auteurs va me procurer le même plaisir que celui que l’on ressent lors d’une extraction dentaire.Alors, vous savez quoi ? De même que je ne mets jamais les pieds dans un resto chinois, japonais ou thaïlandais, ces textes-là, je ne les lis pas, je ne les note pas, et j’en profite pour foutre la paix à ceux qui se sont risqués à les écrire puisqu’il est naturel qu’il y en ait pour tous les goûts !Comment ça, vous faites de même ? Bienvenue au royaume des gens normaux ! Mais il faut croire que Tronchopadok n’appartient pas au même monde que nous…Bref, quoi qu’il arrive, il a réussi à nous distraire de l’objectif commun que nous avions, Virginie et moi… Mais je ne m’inquiète pas, je sais que la prochaine tentative sera la bonne et qu’elle sera très probablement encore plus volcanique que lors de ce premier essai avorté.—ooo0ooo—Une semaine plus tard, je suis de nouveau de retour dans l’immeuble : cette fois, c’est la dame du cinquième qui me demande de passer pour que je lui installe des tringles à rideaux… Mais comme cette dernière n’est pas là, c’est sa fille, une jolie rouquine d’une vingtaine d’années, qui m’ouvre la porte. Elle me tend la main.— Je suis Anastasia, et ma mère m’a demandé de vous montrer où elle veut ses rideaux… Oui, c’est à peu près là… C’est possible, vous croyez ?Bien sûr que c’est possible, d’autant que j’ai emporté le matériel avec moi.— Je vous laisse, j’étais en visio avec une copine, essayez de ne pas faire trop de bruit… merci.Quelques trous et autant de vis plus tard, mon attention est bien vite attirée par une flopée de gémissements fort peu équivoques qui parviennent de la chambre à côté. Bingo ! En dehors de sa chemise à carreaux ouverte sur sa petite poitrine, la belle Anastasia est nue et, les jambes largement écartées, elle se trifouille l’entrejambe avec une belle ardeur tout en fixant un écran placé devant elle. Je reste comme ça à l’observer quelques instants pour profiter un peu honteusement du spectacle mais, malgré mes précautions, je me fais griller.— Hé, vous, là ! Entrez donc, plutôt que de rester à la porte à me mater ! Vous tombez bien, j’ai besoin de vous !Il y a des moments comme ça où l’on aimerait pouvoir creuser un trou au milieu du plancher et ne ressortir qu’en Patagonie ou en Nouvelle-Guinée… Mais ce n’est pas possible.— Figurez-vous que cette bécasse d’Océane prétend que je suis pucelle ! Vous le croyez, ça, vous ?Apparemment, Océane est la demoiselle avec laquelle Anastasia était en grande conversation quelques instants plus tôt et, comment dire… Les deux filles sont aussi ravissantes l’une que l’autre et partagent apparemment la même passion pour la branlette par écran interposé. La preuve en est que ma présence n’a pas l’air de déranger la belle Océane qui continue de s’enfiler un énorme gode d’un bleu quasiment fluorescent dans sa salle des fêtes… Assez logiquement, l’inévitable se produit bientôt, un terrible orgasme l’expédie direction septième ciel. Quelques instants plus tard, elle a repris ses esprits et Anastasia enchaîne.— Ça va mieux ? T’es revenue parmi nous ? Eh bien, regarde !Et là, sans la moindre hésitation et surtout sans me laisser le temps de me demander si c’est du lard ou du cochon, elle m’attrape le paquet-cadeau au travers de mon pantalon et me projette sur le lit. Là, les bras en croix, je me retrouve bien vite à moitié à poil tandis que la rouquine vient de s’empaler sur ma queue… L’autre nana, celle sur l’écran, n’en croit pas ses yeux !Et moi ? Eh bien, c’est assez simple, je suis en train de réaliser un véritable tour de force : parvenir à être simultanément allongé sur un lit et totalement à la rue ! D’ailleurs, il ne faut que quelques minutes pour que l’affaire soit réglée, d’autant que la miss trifouille dans son buisson ardent avec une ardeur assez phénoménale et, comme cela semble être devenu relativement habituel, c’est sa jouissance à elle qui déclenche la mienne. Tandis que je m’efforce de réunir mes vêtements disséminés aux quatre coins de la pièce, Anastasia ajoute :— Pendant que j’y pense, ne cherchez pas Tronchopadock en repartant, il est chez les flics…— Chez les flics ? Qu’est-ce qu’il a encore fait, ce cher concierge ?— Oh, presque rien ! Adrien, le gars du premier, vient d’avoir un petit garçon, et il était en train d’en discuter avec sa voisine d’en face… C’est là que notre ami s’est ramené et prétendant que le fils d’Adrien était un sale gamin impoli qui dégueulassait les parties communes sur son petit vélo !Là encore, c’est l’une des grandes spécificités de Tronchopadock : se pointer au beau milieu d’une conversation à laquelle il n’a rien compris – pourtant, comme il ne pige jamais rien, l’on ne devrait pas s’en étonner – et ramener sa fraise en étant, cela va de soi, simultanément blessant et complètement à côté de la plaque. Il procède de la même façon sur le site en question : sans avoir lu le premier épisode, il massacre le second texte d’une série sous prétexte qu’il n’y a rien bité. Or, déjà, s’il avait lu le précédent…— Ah bon ? Mais tu ne viens pas de me dire que le gamin vient de naître ?— Tout juste ! Il n’est pas encore sorti de la maternité !— Et alors ?— Eh bien, il a dû oublier qu’il y a une différence entre faire le con à distance et le faire en face des gens… Bref, après s’être pris une patate bien méritée, Tronchopadock a emprunté le scooter d’Ismaël, le gars du second, qui avait eu le malheur de laisser ses clés sur le contact… Et comme il n’en finissait pas de zigzaguer, les condés l’ont arrêté pour le faire souffler dans le ballon.— Ah ? Pourtant, à ce que je sache, il ne picole pas…— Non, mais il ferait bien, ça le rendrait peut-être plus supportable !— Du coup, les flics l’ont arrêté ?— Perdu ! Ils étaient sur le point de le laisser repartir quand ce blaireau a trouvé le moyen de rouler sur les pieds du capitaine de gendarmerie ! Du coup, ils l’ont gardé pour la nuit !Finalement, il n’y a peut-être pas de quoi s’en amuser : quand il va revenir, il va être d’une humeur encore un peu plus massacrante qu’à l’habitude et il faudra encore se le farcir.—ooo0ooo—Et encore une petite semaine qui s’écoule… Cette fois, manque de chance, ni Virginie ni Lætitia ne sont chez elles : je voulais leur faire la surprise en passant à l’improviste, j’en suis à me la mettre sur l’oreille. Est-ce bien grave ? Non, demain sera un autre jour… Cependant, alors que je suis sur le point de reprendre l’ascenseur, une dame fort avenante d’une quarantaine d’années et que je n’ai jamais vu m’interpelle.— Vous pourriez venir ? J’aurais un service à vous demander…Depuis le temps que je répare les robinets ou les volets roulants à mes moments perdus, je me suis fait une petite clientèle, notamment dans cet immeuble. Il faut dire que s’ils disposaient d’un concierge normalement constitué, c’est à lui que les locataires s’adresseraient pour ces menus travaux ! Mais y’en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.L’appartement est propre, bien rangé, seuls les vêtements de cuir ou de latex noir accrochés dans l’entrée laissent supposer que ce qui s’y passe n’est pas toujours aussi calme que l’on pourrait le croire.— Asseyez-vous, je vais vous faire un café. Mathilde va arriver… C’est elle qui a demandé à vous voir.Alors là, les bras m’en tombent… La dénommée Mathilde est une jeune femme d’environ vingt-cinq ans et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a rien à jeter ! Pourquoi est-ce que je le sais ? Parce qu’en dehors de ses bracelets de cuir qu’elle porte aux poignets – ainsi qu’aux chevilles – et de l’inévitable collier également de cuir noir sur lequel pendouille la non moins inévitable laisse à chien, elle est nue ! Du coup, je ne rate rien de sa petite poitrine, de ses longues jambes ou de son abricot lisse comme un matin d’été où, comme chacun sait, y’a pas un poil de vent.Malgré sa tenue pour le moins inhabituelle, elle s’assied auprès de moi sans la moindre gêne, comme si tout cela était parfaitement naturel.— Faisons simple : je suis la soumise de madame Monica, c’est d’ailleurs elle qui m’a demandé de vous accueillir dans cette tenue.— Elle vous va à ravir… Et vous-même, vous êtes ravissante.— Je vous remercie… Maintenant, si vous connaissez le principe de ce jeu, vous savez que je me dois d’obéir à ses ordres, quels qu’ils soient : si elle me demandait d’aller m’exhiber nue au beau milieu de la cour et de m’offrir à tous ceux qui le désirent, je l’accepterais sans rechigner… Et pourtant, je crois bien que cela ne me plairait pas.« L’âme humaine est un gouffre sans fond » parait-il… En voilà encore une magnifique illustration.— Si vous le dites… Mais en quoi puis-je vous rendre un service ?— Oh, c’est simple : être soumise et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne veut pas dire accepter tout et n’importe quoi.— Je m’en doute, mais je ne vois toujours pas ce que je peux faire pour vous.— Eh bien voila : que je sois habillée classiquement ou non, le concierge n’arrête pas de me tourner autour et ça, voyez-vous, ça m’est totalement insupportable.Elle est bien bonne, celle-là ! Le lascar s’est fait rembarrer par un laideron qui baise habituellement avec n’importe qui, y compris avec des clodos, mais il tourne autour d’une poupée de ce calibre… Il ne doute décidément de rien, le gaillard !— Et vous ne l’avez pas envoyé bouler, tout simplement ?— Oh que si ! Et de toutes les manières, de la plus polie à la plus vulgaire, de la plus soft à la plus fracassante ! Mais il revient toujours…Ça, c’est également bien un trait de caractère de Tronchopadock : on a beau lui demander d’aller jouer plus loin, il revient toujours poser ses bouses… Il est plus facile de se débarrasser d’un morpion que de lui.— C’est assez conforme à son QI digne d’une huître enrhumée…— Mais vous, vous pourriez peut-être lui casser la gueule ?— Vous rigolez ? Pour qu’il s’expose en victime ?— En attendant, j’aimerais simplement qu’il cesse de m’emmerder.— Oh, vous n’êtes pas la seule, vous savez, et depuis fort longtemps !— Dans ce cas, j’ai peut-être une idée…La grande salle est blindée. Combien de personnes ont-elles été conviées au spectacle ? À vue de nez, il y a là une bonne cinquantaine de couples de tous âges. Mathilde, qui ne porte pour l’occasion que le même harnachement de cuir que celui de l’autre jour, vient de monter sur l’estrade, bien évidement tenue en laisse par Monica. Petit baratin de présentation, la soumise se retrouve solidement attachée sur une croix de St-André et là, surprise dans l’assistance, on appelle quelqu’un… Et ce quelqu’un, c’est ma pomme. J’ai beau savoir très exactement ce que j’ai à faire, je ne suis pas à l’aise pour autant.Là, sous le regard sévère de Monica, me voilà en train d’entreprendre sa soumise. Oh, je la joue soft, je n’aurais de toute façon pas accepté qu’il en soit autrement. Donc, récapitulons : petit trifouillage des nibards, agacement des pointes que je pince juste assez pour faire grimacer ma victime, deux doigts de cour au fond de sa grotte infernale jusqu’à ce que son plaisir commence à monter, je m’efforce naturellement de la faire languir pour le plus grand plaisir du public avant de lui administrer une bonne séance de vibro sur le bouton magique, et en trois minutes top chrono, Mathilde nous gratifie d’un magnifique orgasme… Dès qu’elle a repris son souffle et que sa maîtresse l’a détachée, c’est à elle de prendre le micro.— Mesdames et messieurs, je voudrais vous informer de la présence de quelqu’un qui n’a pourtant pas été invité… Je vais d’ailleurs demander au service d’ordre de bien vouloir nous l’amener ici, sur scène…Encore une fois, quel talent ! Vous l’aviez deviné, l’invité surprise, c’est Tronchopadock… Qu’est-ce qu’il fout là ? En vérité, c’est très simple : il a suffi de laisser traîner quelques flyers qui ne lui étaient à priori pas destinés et où il était question de la participation de Mathilde à cette soirée… Il n’a pas résisté à l’envie de s’incruster, ne se rendant sans doute même pas compte que l’unique raison pour laquelle on l’a laissé entrer dans cette soirée privée où les hommes seuls sont interdits, c’est parce que des consignes avaient été données en ce sens !Et en deux temps trois mouvements, le voilà à poil sur cette fameuse croix… Il ne proteste pas, sans doute parce qu’il pense avoir droit au même traitement que Mathilde. Or, la dernière fois qu’une femme l’a branlé, c’était… C’était jamais, en fait !Par contre, dans l’assistance, c’est l’hilarité générale ! Il faut dire que le tableau est du genre croquignolet : d’abord, il est taillé dans la masse d’un rayon de vélo avec des jambes épaisses comme des poteaux de cage à serin. Ensuite, sur son torse, il y a ces trois poils aussi grisâtres qu’hirsutes qui se battent en duel. Mais le meilleur, bien entendu, c’est cette minuscule bite perdue au lieu de cette invraisemblable broussaille poivre et sel…L’on appelle alors une certaine Chloé, un beau brin de fille tout juste vêtue d’une paire de bas noirs et d’un serre-taille assorti. Que vous dire d’autre à son sujet ? Que je l’ai déjà vue à l’œuvre et que je n’ai aucun mal à croire tout ce que l’on m’a déjà raconté à son sujet ? En attendant, il me tarde de voir comment elle va se débrouiller avec un lascar pareil !Comme elle a les yeux bandés, on l’approche du visage de Tronchopadock… Va-t-elle lui rouler une pelle, comme elle en a très probablement l’intention ? Nous ne le saurons jamais, notre concierge pue tellement de la gueule qu’elle se ravise bien vite, au prix de quelques hauts-le-cœur.Qu’importe, ce n’est pas cela qui va l’arrêter en si bon chemin… Même pas la difficulté qu’elle a à trouver cette nanobite un peu perdue au milieu d’une toison dont la douceur rappelle simultanément le lave-pont et le tapis-brosse. Après une quête digne d’Indiana Jones, elle finit par trouver l’objet et elle se lance avec d’infinies précautions dans ce qui ressemble à une tentative de branlette, même si la taille minuscule de l’engin l’oblige à n’utiliser que l’extrême bout de ses doigts.Las, le microscopique mandrin reste désespérément flasque mais, encore une fois, elle ne lâche pas l’affaire puisqu’elle vient de s’agenouiller devant lui dans l’intention évidente de tenter de réanimer le microbe à coups de langue… Mais cette fois, c’est une invraisemblable odeur de poisson pourri qui lui vrille les narines ! Comment est-ce possible qu’un tel vermicelle puisse schlinguer autant ? Là, c’en est trop, elle arrache son masque dans un mouvement de colère avant de blêmir en apercevant l’espèce de machin hideux attaché face à elle.Désormais folle de rage, la voilà qui descend l’escalier comme une furieuse et se dirige vers celui qui est censé être son maître et à qui elle décoche pourtant une patate capable d’assommer un bœuf… L’homme s’en retrouve allongé les bras en croix, à moitié KO.— Putain, je te faisais confiance, connard ! T’étais prévenu ! T’as plus qu’à te trouver une autre fille, maintenant, sombre abruti !Chloé est décidément conforme à l’image qui circule autour d’elle : le genre de soumise avec laquelle il convient d’être toujours à la hauteur et qui ne vous pardonne rien. A ma grande surprise, elle se tourne vers moi.— Je peux vous parler en privé un moment ? J’ai besoin d’un nouveau partenaire, désormais…Là, tout autour de moi, je sais qu’il y en a quinze qui auraient quasiment vendu leur âme au diable pour être à ma place… Le souci, c’est que je suis déjà venu ici même, en tant que spectateur et en compagnie d’une charmante jeune femme qui, je le savais dès le début, ne rêvait que de m’attacher là-haut et d’être ma tourmenteuse de charme.Malheureusement pour elle, j’ai très vite compris que je n’étais qu’une petite nature… Non, je n’aime pas que l’on me trifouille le trou de balle, non je ne supporte pas qu’on me tripatouille les tétons avec des pinces à linge et vouloir me faire porter une cage à l’oiseau a été la goutte d’eau qui a mis le feu aux poudres : au bout de trois jours, j’étais en train de devenir complètement dingue ! Bref, je me suis armé d’une pince coupante et d’une scie à métaux, je me suis libéré de tout cet attirail avant de virer la demoiselle avec pertes et fracas, au grand désespoir de cette dernière.Or, Chloé, c’est tout le contraire : elle peut s’enfiler cinquante coups de fouet ou de badine sur le cul sans émettre le moindre gémissement, passer une heure avec les jambes à l’équerre, la tête en bas et un type qui lui fait couler des hectolitres de cire brûlante sur la chatte pendant que des poids pendouillent au bout de ses seins, pour se prendre un premier orgasme quand on lui colle, malgré la cire, un vibrateur sur le bouton magique, un second quand, après avoir viré cette foutue cire à coups de cravache, on l’enfile classiquement avec un énorme gode en caoutchouc hérisse de piquants, et un troisième quand le même engin lui ramone l’entrée des artistes !Par contre et l’on vient d’en avoir une parfaite démonstration, gare à celui qui aurait le malheur de trahir sa confiance ou de lui dire que c’est une salope sur un ton qui laisserait penser qu’il ne s’agit pas d’un compliment… Depuis toute petite, elle pratique les arts martiaux et n’a pas son pareil pour coller une tête au carré à celui qui lui manquerait de respect ou qui, simplement, ne serait pas à la hauteur de ses attentes. Elle reprend.— Je vous ai vu tout à l’œuvre faire des étincelles avec cette fille avec trois fois rien, et j’ai donc terriblement envie de vous tester, quitte à vous apprendre tout ce que vous ne savez pas.— Heu… Vous croyez vraiment que je pourrais être à la hauteur ?— Nous verrons cela, et je vous rappelle que je suis la soumise… Je ne vous cache pas que partir avec moi, c’est comme se lancer dans la rédaction d’un texte : beaucoup de travail pour un résultat qui n’est jamais garanti. Mais quand ça marche, c’est aussi très gratifiant.— Je n’ai aucun mal à vous croire.— Oui, pour autant que personne ne vienne tout saloper en vous déposant un étron sans aucune véritable raison…— Tout ce que vous me dites est rigoureusement exact, mais je ne vois plus le rapport avec vous.— Parce que partir avec moi ou écrire une histoire, c’est pareil : en plus de quelques idées, il faut des tripes… Et certains n’en auront jamais, préférant être des larves qui jalousent ceux qui ont le courage de se mesurer au public, que ce soit sur un site ou là-haut, sur l’estrade.— Et vous pensez que j’en ai, des tripes ?— Vous l’avez déjà prouvé, vous savez… Vous n’êtes sûrement pas et ne serez sans doute jamais le meilleur maître ni le meilleur auteur du monde, d’autres que vous vous dépasseront toujours de la tête et des épaules, mais je sais que vous avez déjà osé et que vous oserez encore. Êtes-vous prêt à relever le défi ?Je n’ai pas le temps de répondre, elle m’a attrapé le bras pour me tirer en dehors de la foule. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve mais c’est bien la première fois que Tronchopadock m’apporte quelque chose de positif. Est-ce que ce sera la dernière ? Ce ne le sera que s’il consent enfin à aller voir ailleurs si j’y suis…