Nous nous sommes retrouvés par hasard un soir de juin. Je ne l’avais pas revue depuis 10 ans, mais elle fait partie de ces rares amis qu’on peut perdre de vue des années et reprendre la discussion de la veille. Sauf que non, elle a changé. Elle reste cette panthère élancée, sûre de son charme et toujours prête à soumettre le mâle dominant, mais elle a gagné en profondeur. Moins égocentrée, elle écoute et se surveille. Son ton est différent, plus posé, le débit plus lent, contrôlé. On sent le travail de fond qu’elle a effectué sur elle-même.Moi aussi j’ai changé. Je ne suis plus ce gamin impressionné par sa classe et bavant devant ses formes. Avouons-le, à cette époque je n’y croyais guère non plus. Trop belle pour moi. Alors, pour donner le change, je jouais la carte de la provocation. Je la draguais pour m’amuser, exagérant les postures afin de me permettre plus que je n’osais, gardant le refuge de l’humour pour justifier mes dérapages. J’ai été jusqu’à passer un repas à disputer ses faveurs avec une amie préférant outrancièrement les filles. Elle jubilait devant tant d’attention. Nous sommes tous trois rentrés ivres et bredouilles mais aujourd’hui encore je me demande qui, ce soir-là , a marqué le plus de points.Ce temps-là est révolu. Mes expériences, mes épreuves, ma carrière m’ont affirmé. Je ne me contente plus de marivauder, je peux lutter à armes égales : je sais que je peux plaire. Toujours loin d’être un tombeur, j’ai connu suffisamment de femmes pour un peu moins mal les comprendre.Ce premier soir, nous sommes restés sur un terrain strictement amical. Échanges de compliments sur nos parcours respectifs. Quelques allusions à nos joutes passées, mais cela reste anodin et le repas terminé nous rentrons dans nos hôtels respectifs. Le lendemain, un premier message :— Bien dormi ?— Oui, j’ai rêvé de toi.— J’espère bien !D’accord, on recommence.Fin d’une journée de réunions, je rentre me reposer. Sur mon lit trop vide je tergiverse entre plusieurs options pour la soirée, cherchant en vain des amis à rejoindre dans cette ville grise et faussement festive. Un nouveau message de sa part :— Tu fais quoi ce soir ?— Rien, je ne sais pas encore.— Je suis invitée à un cocktail organisé par un de mes clients, tu m’accompagnes ?Je finis par accepter, me promettant d’écourter si cela s’avère aussi pénible que je le crains.Un chauffeur nous entraîne aux portes d’un manoir à l’écart de la ville. Le chapiteau dans le jardin, le buffet garni, les serveurs en blanc… je ne connais personne et je n’aime pas ce genre d’ambiance. Néanmoins j’en profite pour pavaner, ma compagne à mon bras, devant l’assemblée majoritairement masculine.L’heure tourne et je me demande toujours ce que nous faisons là . Nous profitons du buffet mais elle n’a pas l’air d’avoir plus envie que moi de se mêler aux convives. Sa conversation agréable ne parvient pas à dissiper mon malaise grandissant. Notre hôte nous rejoint, une espèce de vieux beau, trop vieux, plus assez beau. Il me salue vaguement et s’accote à mon amie. La main sur ses reins, la bouche à son oreille. La musique et le bruit, je n’entends rien, je n’existe plus. Alors je le regarde, lui :— Il a un regard inquiétant, ton ami.Le message est passé, il décroche. Pour autant la soirée ne s’améliore pas. Je propose à ma cavalière de rejoindre des amis en ville, elle s’empresse d’accepter.Dans le calme de la voiture qui nous ramène sous la pluie, elle dérive tranquillement la discussion vers ses fantasmes. Son goût pour la littérature érotique et les jeux de soumission, son admiration des pin-ups des années 50, son plaisir à porter un corset… C’est la première fois qu’elle aborde directement ce thème et même pour un incrédule de mon calibre, le message est clair. Notre chauffeur semble particulièrement attentif mais à son grand désespoir nous restons chastes.De retour en ville, je profite de son parapluie pour me rapprocher et la prendre par la taille. Elle connaît mal la ville mais se rend compte assez vite que je ne la guide pas vers le centre.— Tu m’emmènes où ?Elle n’obtient pas de réponse, n’insiste pas. Elle retire ma main de sa taille, me fait tenir son parapluie et pose la sienne sur mon bras. Elle n’est plus captive, elle est soumise.Le hall de l’hôtel, les deux étages, la moquette du couloir, le numéro de la porte… je me raccroche à ces détails pour essayer de rendre la situation moins irréelle. Je fouille dans ma poche à quelques pas de la porte de ma chambre pour en sortir la carte d’entrée et ne pas marquer de pause de peur de rompre le charme. Le seuil franchi, j’ôte mon manteau, lui retire le sien. Puisque nous sommes là pour jouer, je la regarde et lui demande :— Quelles sont tes règles ?— Ce soir, on ne va pas jusqu’au bout.Debout dans l’étroit couloir de cette chambre anonyme, je m’approche, l’enlace. Elle recule dos au mur, répond à mes caresses et ses doigts fuselés chatouillent ma nuque. Mes lèvres effleurent son cou et enfin, doucement, je l’embrasse. Elle répond à mon baiser, me serre dans ses bras. Mes mains courent le long de ses flancs, glissent sous son chemisier dans le creux de ses reins. Sa peau est de la douceur satinée dont je rêvais. Ses baisers délicats deviennent voraces, sa bouche pulpeuse se fait goulue. Je pense au moment où elle se refermera sur mon gland et commence à bander ferme. Je n’ose faire le geste trivial de recentrer ma bite partie sur le côté et la laisse douloureuse, pressée entre nos deux cuisses.Une de mes mains quitte ses reins pour effleurer ses fesses sous son jeans, l’autre part sous sa veste empaumer son sein au travers de son chemisier. Je remonte une de mes cuisses pour l’appuyer contre sa chatte ce qui lui arrache un hoquet. Sa respiration s’accélère, elle ondule sur ma cuisse, ses baisers s’accompagnent de gémissements… et elle me dit « stop ».Je la regarde, m’écarte, lève les mains et l’évalue du regard. Elle est libre. Je respecterai les règles du jeu.— Je suis impressionnée. J’ai toujours admiré les hommes qui savent s’arrêter.M’arrêter, oui, mais je ne vais pas capituler pour autant. Bien décidé à la faire craquer, je la reprends doucement dans mes bras, et recommence à l’embrasser. Elle se laisse trop faire, je la sens qui faiblit, elle en a autant envie que moi. Je lui ôte sa veste, caresse ses seins, joue un peu avec les boutons de son chemisier… Je la veux ! Je l’entraîne toujours habillée vers mon lit non défait. Elle se coule sur moi, me domine. J’ai moins de liberté et il y a encore trop de tissus entre nous. Alors que je m’apprête à la faire basculer sur le côté elle se redresse et me dit :— On couchera ensemble dans un an.Je la laisse se relever, je ferme les yeux, calme ma respiration et m’assois au bord du lit. Je lui tends son manteau et remets le mien. Nous quittons ma chambre, sortons de l’hôtel. Je remarque :— Le portier va vraiment croire que je suis un précoce…Elle rit, me tend son parapluie et reprend mon bras. Alors que nous traversons la ville, j’arrête enfin de me demander si j’ai gagné ou si j’ai perdu pour réaliser qu’entre nous cela ne sera jamais aussi simple.Le lendemain je reçois un seul message :Le jeu ne fait que commencer.