Le piège de dentelleComme je le fais de temps à autre je m’aventure dans les magasins au rayon lingerie. La plupart des femmes adorent ça, je veux dire à la fois les magasins et ce rayon en particulier. Lieu de toutes les audaces où notre féminité cherche un écrin pour séduire davantage nos chers époux ou amis, ou simplement pour se sentir bien nous-mêmes.Je déambule entre des mannequins aux formes parfaites et à l’air bête. Des présentoirs, où tout ce qui existe pour nos fesses et seins, dégouline de choix. Du très sage au plus sophistiqué, au plus sexy. Un bonheur ! Un univers suggérant l’érotisme, voire le provoquant, de manière à suggérer le jeu, renouveler les émois, entretenir le désir. Adepte du genre, je recherche toujours le « petit plus » qui fera la différence, créera la surprise. À mon âge, plus près des 40 que des 30, ceci devrait compenser cela… Bien que je pense être encore tout à fait « convenable ». Mais une belle lingerie ne gâte jamais rien, au contraire, même pour les plus jeunes. Une belle petite de 18 ans avec une grande culotte en coton, elle ressemble à quoi ?En outre, mariée, je vis une union disons un peu libre, loin des convenus. Mon mari, souvent absent et parfois pour de longues durées, a certainement des aventures. De réunions en congrès à travers le monde, les occasions ne doivent pas manquer, ce qu’il ne dément pas à défaut de l’avouer. Mais il revient toujours, semble toujours amoureux, alors ? De mon côté, sans chercher nécessairement l’aventure, je ne dédaigne pas les aventures. Celles d’un soir, d’une rencontre fortuite et sans conséquence ni lendemain. De préférence parmi les hommes mariés, ceux-là sont discrets et ne s’attachent pas… Accidentellement les femmes ne me rebutent pas, je veux dire si une fille de Lesbos vient à m’entreprendre je ne dis pas forcément non, question de feeling et de goûter à d’autres saveurs. Bref, je butine, si parfois la fleur est belle, avenante et accessible, une manière d’être « carpe diem ». Aussi, pour rendre les choses plus agréables suis-je attentive à être belle et désirable à tout moment, dessous y compris…o-oAujourd’hui, précisément, je suis dans un magasin. Il est près de 19 heures, peu avant la fermeture. Je suis seule depuis plus de deux semaines et j’erre donc, avant de rentrer chez moi, histoire de passer le temps, nez au vent, cherchant au hasard le flash dans mon rayon favori, de ce qui me ferait craquer. Je parle de lingerie, bien sûr, pas de quelqu’un qui en cherche. C’est pourtant ce qui va arriver…o-oÀ l’angle d’une gondole, je bute soudain sur un homme, visiblement perdu.— Ah, excusez-moi, heu… vous êtes une vendeuse ? me demande-t-il, un peu essoufflé.— Non, non ! Par là, un peu plus loin, j’en ai vu tout à l’heure… lui réponds-je, amusée.— Bien, merci ! Suis complètement paumé dans ce bazar ! grommelle-t-il en s’éloignant.Juste le temps de remarquer qu’il était pas mal, le bougre, brun, grand, d’allure très mâle, à peine la trentaine sans doute, plus jeune que moi, en tout cas. Un homme seul dans cet univers féminin de dentelles et de petites culottes est plutôt inattendu, voire suspect. Ainsi mes « ex » et maintenant mon mari se sont-ils toujours montrés revêches à m’offrir quelque chose à leur goût, arguant la difficulté de l’entreprise.Mon beau brun, je l’avais presque oublié, lorsqu’après quelques minutes, à nouveau, je me retrouve face à face avec lui.— Ah, décidément ! rit-il. Désolé, mais pas de vendeuse !— Mais si, cherchez bien, y en a sûrement une ! insisté-je.— Pas le temps ! Bah, tant pis, je reviendrai… c’est déjà pas facile ! laisse-t-il tomber, découragé et dépité.Finalement il est bien, même très bien, cet homme. Paumé, comme il dit, dans ce fouillis. Et il a une voix… de ces voix graves et suaves qui « énervent » les femmes. Il va pour s’éloigner, je m’entends lui dire :— Si je peux vous aider…Qu’est-ce qui me prend ? Ça m’est sorti spontanément, par réflexe, sans réfléchir. Il reste interloqué, me regarde, interrogateur, puis se détend avec un large sourire.— M’aider ? Ah oui ! Volontiers, vous êtes gentille… s’exclame-t-il soudain enjoué.— Vous cherchez quoi ? Pour votre femme ? demandé-je, finalement ravie de m’en occuper… et surprise de ma réaction.— Pas exactement. Pour ma fiancée. Je voudrais lui faire une surprise et…Il marque une pause, cherchant ses mots. C’est moi qui reprends :— Comme c’est gentil ! Donc un petit ensemble… mignon, sexy ? C’est ça ? dis-je, amusée et, autant l’avouer, un peu excitée de son embarras sur un tel sujet.— Sexy ? Oui… un peu, c’est-à-dire… bafouille-t-il, les joues rosies.— Mais oui, sexy ! Féminin, quoi ! Y a pas à hésiter. Vous savez, c’est autant pour elle que pour vous ! précisé-je l’œil taquin.Il hoche la tête et, gêné, évite de me regarder. Curieusement, cet homme m’attire. Et, joueuse, je prends du plaisir à le voir se débattre avec ce problème. Moi aussi j’aime la belle lingerie et en use comme objet de séduction pour les moments intimes… Je décide donc, un peu coquine, de m’amuser. Il est jeune, je ne risque en principe pas grand-chose, et se dit fiancé, donc pris.— Bien, poursuis-je, vous pensez à quelque chose en particulier ? Slip, soutien-gorge, peut-être un porte-jarretelles, des bas, ou encore une guêpière ? Y a du choix. Dans les slips, par exemple, il y a au moins la petite culotte classique, le tanga, le string, le boxer, le brésilien… et pour chacun plus ou moins transparent, avec dentelle ou pas, sans parler des couleurs !Il est décomposé. Ainsi débitée, la liste des possibilités le déstabilise complètement.— Euh, oui, un string. Je pense qu’elle aimera ! murmure-t-il .— Le tanga, c’est pas mal aussi… Vous connaissez ? précisé-je en lui montrant des modèles sur des mannequins alentour.— Oui… mais non, ce sera un string ! décide-t-il, agacé et visiblement pressé.— Bon choix. Ça plaît toujours ! commenté-je. On va voir dans le détail. Et, à propos, vous connaissez les tailles de la demoiselle ?— Les tailles ? répète-t-il abasourdi.— Mais oui. Du slip, et du soutien-gorge, et avec quels bonnets ? précisé-je hilare.— Ah ça ! Non, j’en sais rien… admet-il, décontenancé.Malgré moi, j’éclate de rire. Il est vraiment perdu et ne s’attendait pas à de telles complications… J’ai envie de le laisser. C’est mission impossible ! Il s’est égaré et se noie dans cet univers intimiste fleurant bon l’érotisme. J’hésite, mais culpabilise de l’abandonner. C’est attendrissant de le voir aussi gauche, mais animé de bonnes intentions ! Il doit percevoir mon découragement. Tout à coup il pose sa main sur mon épaule et lâche :— Écoutez, voilà, faites comme pour vous !D’abord sa main. Je sens sa chaleur, sa vibration, et puis le « faites comme pour vous » me vont droit au cœur. Nous sommes des inconnus l’un pour l’autre et voilà que nous devenons complices. Je le regarde, étonnée, et j’hésite. Mais décidément qu’il est beau ! Je me pique au jeu, après tout pourquoi pas ?— C’est une idée… une bonne idée ! Votre fiancée, elle est comme moi alors ? murmuré-je enfin, sentant un trouble me gagner.— Oui, à peu près, élude-t-il, décidé à en finir— Bon, d’accord, articulé-je, mais pour la poitrine… y a les bonnets ! Enfin, c’est important les bonnets !— Les… les bonnets ? balbutie-t-il— Mais oui ! Comment dire, la profondeur, heu… vous voyez ? Elle a des petits seins ? Des plus gros ? Ils sont comment ? m’empêtré-je dans mes explications.Il reste sans réponse, les bras ballants, désespéré. Intérieurement je souris. Un seul moyen de le savoir… ce serait qu’il me palpe la poitrine ! Cette idée me fait frémir. Ben voyons ! Mais dans l’absolu, pourquoi pas ? Mais du jamais vu, impensable ! Le film de l’opération se déroule dans ma tête : sa main se glisse sous mon chemisier, plaque puis m’enserre un sein, le téton se dresse et repousse la dentelle, cherche la caresse… Pour qu’enfin mon beau brun juge par comparaison : plus petit, plus gros le nichon… J’éclate de rire en secouant mes cheveux, et mes yeux s’arrêtent et plongent dans les siens. Une seconde où je suis SA fiancée… Eh ! Cette pensée m’émoustille, ah ! je ne dirais pas non !— Qu’est-ce qui est si drôle ? s’inquiète-t-il— Ben, on va pas en sortir, cher monsieur ! Je veux bien choisir quelque chose, mais pour le soutien-gorge… pour le plus courant, c’est du A, B, C ou D, vous comprenez ?À ce moment, la vendeuse fantôme fait irruption, sortant je ne sais d’où et, ayant entendu ma remarque, intervient d’un ton professionnel par un « Il n’y a qu’à essayer, Madame ! »— Essayer… balbutié-je, décontenancée— Mais oui, elle a raison ! surenchérit mon bel inconnu, essayez !— Vous avez choisi un modèle ? Apparemment vous faites du 90 B, ou C peut-être, insiste la vendeuse qui ne connaît pas la situation et me prend pour la femme ou l’amie.Eh ! Ça changera quoi ? À défaut de me laisser palper, il faudra que je lui montre à ce monsieur ! Me voilà bien ! C’est trop fort et je décide de tout plaquer là, m’enfuir de ce piège. Ça m’apprendra à rendre service ! Essayer ! Et quoi encore ? Mais la vendeuse m’entreprend, me proposant en un tour de main divers modèles, sous les commentaires de mon inconnu : « Oui, celui-là, joli… pas mal aussi celui-ci ! », alors que j’essaie poliment et maladroitement de m’en aller. Finalement, le coup de grâce, quand la vendeuse me tend le soutien-gorge élu par mon supposé compagnon.— Voilà, un 90 C, balconnet, très mignon, de chez A… , une excellente marque. Vous avez une cabine, là. Essayez ! me dit-elle d’un ton énergique.— Oui, il me paraît très bien ! déclare tout naturellement le monsieur .C’est trop fort ! Hallucinant ! Quatre yeux qui me scrutent… Moi, debout, interloquée, avec ce soutif à la main ! Je regarde le beau brun. Il fait comme si j’étais sa copine ! Le salaud ! Pas mal quand même, le salaud… Et sa fiancée qui est carrossée comme moi… Je me fous de cette fille et soudain j’éprouverais presque de la jalousie ! Et je ne sais pourquoi, décidément, sans réfléchir, je rentre dans la cabine. Une fois changée – c’est la bonne taille – je me regarde dans la glace, me prenant la poitrine à pleines mains pour m’ajuster.« Quand même, je suis bien foutue », pensé-je en me caressant et en admirant mes seins demi découverts, pleins, ronds, tentateurs. « Avec ça, la fiancée va le faire bander », me dis-je en riant .Et moi alors ? Baisable aussi, non ?La vendeuse s’impatiente.— Alors, c’est comment ? demande-t-elle.— Bien, bien, super ! réponds-je.— On peut voir ? s’inquiète l’inconnu.— Mais oui Monsieur, allez voir, n’est-ce pas Madame ! décide la vendeuse en tirant légèrement le rideau.Non mais ! Piégée, je dois être rouge jusqu’aux oreilles et fais mine de me couvrir d’un bras. Le beau brun me détaille et d’un hochement de tête approuve. Il manquerait plus que ça ! Mais son regard m’a troublée, ses yeux inquisiteurs me couvrant comme des caresses. J’y lis comme le désir… et bêtement je suis flattée. Un petit pincement dans mon bas-ventre, une humidité. Eh là ! Que m’arrive-t-il ? Cet essayage impromptu prend un goût de fruit défendu. Je suis là, m’exhibant devant un inconnu et j’y prends du plaisir !— Magnifique ! juge-t-il enfin. C’est exactement ça ! Peut-être dans une autre couleur ? Et puis il y a le reste à choisir ! On va voir, ajoute-t-il en s’adressant à la vendeuse.— Bon, je vous laisse, je ne suis pas loin ! conclut celle-ci, entremetteuse malgré elle.À nouveau changée, ne réalisant pas bien ce qui arrive, je le retrouve, l’oeil brillant. Il s’en est mis plein les yeux le cochon ! Je ne suis pas sûre qu’il pense encore à sa fiancée que, curieusement, je perçois à l’instant comme une rivale ! Et une idée folle me vient : m’offrir ce mec, lui laisser un souvenir quand, à son tour, sa nana mettra les dessous que l’on est en train de choisir ! Pourquoi pas ? J’imagine la scène, cette pimbêche – sûr, c’en est une – jouant de ses charmes soulignés par une lingerie choisie par une autre, une autre qui aura fait une gâterie à son homme ! Du vice, ça ! Mais après tout « il » n’avait qu’à savoir ce qu’il voulait ! Et il est trop beau ! À ne pas laisser traîner… Aussi c’est en minaudant, les sens en éveil, que je choisis le string, avec effleurements de ses mains en lui faisant apprécier le toucher du tissu. J’ajoute, un peu allumeuse, des commentaires sournois.— Important le string, souvent on le garde… susurré-je, comme si de rien n’était.— Ah bon ! fait-il, jouant l’étonné.— Mais oui… Maintenant les bas. Vous aimez les bas ?— Euh… c’est-à-dire… bafouille-t-il.— Alors, avec ou sans porte-jarretelles ? le provoqué-je. Moi c’est sans. Des bas jarretière, autofixants. D’ailleurs je ne porte que ça. Mais sympa aussi le porte-jarretelles, pour les grands soirs, avec chandelles et champagne !.Il est mal à l’aise, me regarde curieusement, mais je sens que je l’ai accroché. Comme nous nous penchons sur un présentoir il se colle un peu, approche plus que nécessaire sa tête de la mienne. Je l’ai chauffé un peu, il y a de l’espoir !— Bon, reprend-il en riant, dites-moi, quand même, vous me faites choisir des trucs un peu olé olé, non ?— Ben oui… on avait dit « sexy », non ? Et c’est du sexy de bon goût… Possible à mettre tous les jours, pas forcément qu’au lit ! répliqué-je en souriant. Bien que ça aide ! précisé-je.— Vous alors ! s’exclame-t-il, les yeux ronds.— Ah ! Vous m’avez dit de faire comme pour moi, non ? m’exclamé-je, rieuse.— Oui, mais… commence-t-il à objecter.— Oh ! Pardon. J’exagère peut-être. Ça vous gêne ? Excusez-moi si…— Non, non, c’est très bien ! me coupe-t-il. Mais tout ça, vos explications, comment dire, intéressantes et… très excitantes ! Mais je vous prends du temps… il se fait tard.— Pas de souci. Tout le plaisir est pour moi ! répliqué-je. Mais quand je pense que j’ai dû me montrer en soutien-gorge ! Quelle soirée !— Désolé et merci. Mais, euh ! vous êtes très belle, vraiment.Un ange passe. Je le sens hésiter à me faire un brin de cour. Il doit flairer «le bon coup », unique, en passant, mais culpabilise… S’il connaissait mes idées, et moi sans culpabilité, ou si peu !— On finit vos achats ? proposé-je enfin.— Oui, oui ! répond-il semblant sortir d’un rêve.— Je fais toujours comme pour moi, alors ? String, bas autofixants. Des blancs pour… enfin vous comprenez, c’est mieux ! À garder aussi !— Encore ! s’amuse-t-il, en me posant à nouveau une main fraternelle sur l’épaule.— Mais oui ! m’exclamé-je enjouée. Entre nous, c’est important, non ? Et la vie est courte ! Allez, elle sera belle votre amie… et vous penserez à moi !Son regard change, bascule. Et enfin, il ose ce que j’attends.— Oui, je penserai à vous… presque à regret ! murmure-t-il.— C’est gentil… et réciproque ! réponds-je dans un souffle, ravie.Tout est dit, je pense. Mais comment poursuivre, concrétiser ? Et même, est-ce que je le souhaite ? J’ai gagné à mon jeu de séduction, et c’est déjà bien, je suis rassurée, les femmes en ont besoin. Sans échanger d’autres mots, nous concluons ses emplettes, paquet-cadeau compris. Vient le moment de nous quitter. Il est un peu blême, passe d’un pied sur l’autre. Moi je ne sais que faire : il va partir, adieu le beau brun ! J’enrage. Fini le jeu ?— Vous allez de quel côté ? me demande-t-il l’air contrarié.— Oh, en sortant du parking, vers X… et après le petit bois je tourne à droite vers Y… récité-je déçue.— Ah ! oui. Moi c’est l’opposé… Bon, et bien au revoir… au fait, vous vous appelez comment ? Je ne sais même pas !— Clara. Et vous ? dis-je la voix brisée.Il me tend la main, je la lui donne, puis il la garde, serrée, un peu trop longtemps, me faisant à la seconde monter la tension.— Stéphane. Bien, au revoir Clara, et encore merci… merci pour tout !Il s’éloigne et je pars de mon côté, broyant du noir. Raté ! Bah, tant pis, mais quand même… Soudain j’entends un « Clara ! » qui me stoppe net. Je me retourne. Il est revenu sur ses pas et se trouve à moins d’un mètre, arborant un sourire triste. Ma tête explose, j’ai des paillettes dans les yeux : il est là, superbe !— Ça vous dit, un verre ? dit-il doucement.— Euh… volontiers, pourquoi pas ? balbutié-je, surprise et assommée debout.— Pas loin il y a l’hôtel M…, ils ont un bar sympa, je vous emmène ? Une voiture suffira, je vous redéposerai. Ok ?Sur un nuage, je suis sur un nuage. Il est revenu. Et puis ces mots, « un verre », « un bar », « l’hôtel », « je vous emmène » chantent dans ma tête comme autant de notes de musique formant une symphonie, un hymne à l’amour. L’hôtel ! Nous allons à l’hôtel… Des images se forment : la clé d’une chambre qu’il prend, l’ascenseur, un couloir moquetté avec cette odeur fade de tous les hôtels, une porte qui s’ouvre sur un lit, il rentre, je le suis le cœur battant, les mains moites, puis la porte qui se referme et…— Clara ?— Euh ! Oui ? bredouillé-je, descendant du nuage.— On y va, toujours d’accord ?Pour toute réponse je hoche la tête et l’accompagne sans mot dire jusqu’à sa voiture. Cette fois les dés sont jetés !o-oAu bar nous sommes installés dans un coin retiré, discret. Ambiance tamisée, colorée, propice aux confidences, aux approches. Face à face, je peux à mon aise déguster mon beau brun. Beaux yeux, sombres, son teint mat renforcé par le peu de lumière, une barbe naissante lui mangeant les joues. Très mâle, proche du latino. Et sa voix ! Sa voix que j’avais déjà remarquée. Grave, un peu traînante, suave sur les finales de phrases. Ah ! Frisson garanti ! On nous sert un simple soda et, le cœur dans la gorge, j’attends qu’il entame la conversation. Je me demande, un peu anxieuse, « comment » nous pourrons aller de ce bar au lit… Et vais-je craquer ? Sérieusement, je vais coucher avec ce type ?— Je voulais vous remercier. Vraiment, j’étais embêté tout à l’heure ! commence-t-il sur un ton banal.— Ce n’est rien. Et puis les hommes avec la lingerie…— Oui. Pas notre fort. C’est délicat à acheter finalement.— Surtout quand on ne connaît pas les tailles !— En effet ! J’ai abusé ! Heureusement que… que vous m’avez aidé !— Oui ! Presque malgré moi ! Ça surprend de devoir se dévoiler devant un inconnu ! Mais bon, sur la plage… c’est bien pareil !Il hésite, prend une grande respiration, puis soupire. La nécessité pour lui de se montrer plus entreprenant. Je m’amuse de le voir empêtré, c’en est même excitant.— Pareil que sur une plage ? reprend-il. Non, pas vraiment. Quelque chose de plus intime ! Qui appelle… ah ! vous comprenez !— En effet ! Vous voyez, quand je vous disais, le côté sexy, tentateur… souligné-je.— Oh oui ! Vous êtes très belle Clara. J’avoue, j’ai aimé… lâche-t-il dans un souffle, risquant ainsi de faire un pas de plus.— Eh, vous êtes fiancé ! Mais merci, je suis touchée ! susurré-je.— Ah ! Je ne suis qu’un homme… voilà ! s’excuse-t-il rapidement.— Et un bel homme. Je suis presque jalouse ! minaudé-je.— Quoi ? De ma fiancée ? s’étonne-t-il les yeux ronds.— Oui, façon de parler… Elle a de la chance, et ne devrait pas vous laisser seul ! Y a des femmes qui ne demanderaient qu’à vous attraper dans leurs filets ! Et peut-être que j’en suis ! réponds-je en riant.Plantée la banderille ! On n’est pas plus clair dans l’encouragement, dans la nuance. Il marque le coup, m’observant, songeur. À quoi pense-t-il ? Je soutiens son regard sans provocation, attentive à rester naturelle. Surtout ne pas lui faire croire que, soudain, je ne serais qu’une femme « facile » ou pire qu’une allumeuse. L’allumeuse, la pire crainte d’un homme en campagne de chasse…— Ah oui ? relève-t-il enfin, puis en souriant : dans vos filets… ce serait avec plaisir, après ce que vous m’avez dit tout à l’heure ! La lingerie, les jeux… vous aimez beaucoup, on dirait !— C’est génial ! Féminin ! Moi j’adore. Pas vous ? Je veux dire, les jeux…— Si, si… mais ma fiancée… ah ! c’est trop personnel. Non, rien.— Un peu coincée ? Elle aime pas ? N’est-ce pas ? distillé-je tendrement comme pour l’entraîner aux confidences.— Oui, coincée. Ça passera. Mais je vous ennuie avec ça, je…— C’est pas son truc, faire l’amour ? insisté-je en le coupant à nouveau, sentant qu’il est mûr pour aller plus loin— Clara… bredouille-t-il. Euh si, enfin, oui… mais, comment vous dire…— Je vois. Classique. Elle est très classique. C’est ça ? dis-je en adoptant un ton doucereux de type confessionnal.Il se rend compte qu’il se livre sur des points intimes, marque un silence, mais sous mon regard encourageant, il poursuit en soupirant.— Très classique, oui… reprend-il, et c’est pas souvent que… Ah, peut être qu’avec le temps, et elle est encore jeune… Enfin, y a mieux, quoi !Son regard se fait vague, j’en déduis des regrets, une tristesse. Je le laisse un peu récupérer et évite de lui demander, dans ces conditions, s’il aime vraiment sa fiancée et pourquoi. Pas mon problème, et c’est pas le moment ! Il s’ébroue sur sa chaise comme chassant quelque pensée négative, et me sourit gentiment. Je le retrouve. Ouf ! Et soudain, un peu tremblant il me prend la main, se penche vers moi. Mon cœur s’arrête. Je sursaute, mais je ne la retire pas.— Stéphane ? Stéphane ? murmuré-je l’air doucement interrogateur.— Vous me plaisez, voilà… articule-t-il timidement, la bouche sèche, s’attendant sûrement à être repoussé.Je fonds. Il a osé ! Et je suis attendrie ! Ce beau brun, très mâle et si fragile finalement, là, à ma merci ! Doucement, je mets mon autre main sur la sienne. Il me regarde avec des yeux de cocker. Ah les hommes dans ces moments-là, des petits garçons… À moi de jouer. Il a avancé un pion, courageux, et j’ai fait mieux que laisser faire. Un homme qui vous dit ça, c’est à traduire par « J’ai envie de toi » ou pire. Je pense à une réponse qui veut dire « oui », sans le dire, tout en allant plus loin ; nous ne sommes plus des gamins.— On ne va pas rester là. Qu’en pensez-vous ? dis-je à voix très basse en le fixant dans les yeux, tout en serrant ma main.Une seconde où je lis une panique dans son regard. Vite, tout a été très vite, il ne s’y attendait pas. Il se redresse, alerté, heureux et sûrement soulagé par ma réaction.— Hein ? Maintenant ? s’étrangle-t-il.— Mais oui. Vous avez une idée ? Ici ? dis-je doucement. Pourquoi pas ?— Heu… balbutie-t-il, mis au pied du mur.— Mais oui… répété-je dans un murmure d’une voix très douce.Et dans ma tête le film de tout à l’heure qui se déroule vraiment… Je le vois se lever, disparaître vers la réception. J’ai peur. Prise à mon propre piège. Je l’ai voulu, par jeu, aussi par fantasme, et voilà que ça va se réaliser. Je suis folle ! Je le connais à peine ! Et si je partais ? Mon cœur bat la chamade. Mais également un désir fou de faire quelque chose d’insensé… de me donner à ce type, de le prendre aussi. L’occasion qui fait la larronne. Des copines l’ont fait, de ces coïts furtifs qui vont droit dans le jardin des souvenirs cachés. Moi jamais. Pas aussi vite. Quand je leur raconterai ! Il me faut d’ordinaire, quand ça se présente, toute une soirée, un après-midi, deux jours, qu’on me fasse la cour, patiemment, qu’on y mette les formes, et c’est sûrement le plus délicieux, se sentir désirée, convoitée, jouer l’indifférence sans refuser, tout en encourageant ! Laisser monter le désir, le canaliser, le réprimer pour ensuite mieux le relâcher et, pour finir, le rendre insupportable, pour enfin le libérer en se donnant, royale, au prétendant ! Feu d’artifice garanti !Il revient, les joues rouges, un peu fébrile.— J’ai la clé… marmonne-t-il.La clé ! Mot magique ici, qui ouvre des perspectives chaudes et immédiates, l’aventure. Je remarque qu’il est allé chercher le sac du magasin contenant le cadeau de la fiancée. Hein ? Pourquoi faire ? Des yeux je l’interroge. Il se contente de sourire en mettant un doigt sur sa bouche comme un « chut ! » Comme dans mon film, l’ascenseur, le couloir, la porte de la chambre. « 317 ». Je mémorise et tente d’y trouver un symbole, un message, puis se produit « un blanc » dans mes souvenirs. Je n’ai vu ni la porte s’ouvrir, ni se refermer, ne me souviens pas être entrée… Mais je suis debout à l’intérieur, dans la pénombre, dos plaqué à cette porte, avec un homme qui me domine d’une tête, collé à moi, haletant et cherchant mes lèvres, qui me pelote les seins, qui me fouille sous ma robe retroussée. Une seconde où je résiste, surprise par cette ardeur brutale. Mais, comme si j’étais une autre, je réponds à son assaut en l’attirant par la tête, par les fesses, en échangeant un baiser brûlant. Ventre contre ventre, alors qu’il bande comme un âne, nous mimons un accouplement sauvage de forêt vierge. Sa main cherche ma chatte, écarte mon string. Je dégouline, le haut des cuisses trempé. Un doigt puis deux doigts me vrillent, pendant que j’ouvre fébrilement sa braguette, puis y plonge la main, l’empoignant, cherchant à en extraire son orgueilleux engin. Essoufflé, il se recule un peu, me tenant plaquée par les épaules.— Attends ! murmure-t-il, je voudrais… ah, tu vas comprendre !— Mais quoi ? bredouillé-je, stoppée dans mon élan.— La lingerie, celle que j’ai achetée, tu la mets, tu veux bien ?— Hein ? Mais…— S’il te plaît, Clara ! murmure-t-il.Il va allumer une lampe de chevet et me tend le fameux paquet enrubanné. Chiffonnée, un peu dégrisée, mais le désir encore présent, les cuisses engluées, je reste immobile, étonnée.— C’est pour… enfin c’est pas pour moi ! balbutié-je.— Cadeau ! reprend-il. Pour toi, tu l’as bien mérité, mais j’aimerais… te voir avec. Tu dois être super excitante ! Avec tout ce que tu m’as dit, cochonne…Cochonne ! Vous en êtes un autre, mon beau brun ! Il veut me baiser avec la lingerie prévue pour sa copine ! Mais ce « compliment », cette perspective… hum ! réveillent quelque chose. Un défi, me montrer « mieux » que sa fiancée stupide ! Lui laisser un souvenir torride. Ah ! Il va voir ! Je ris, et avec un hochement de tête je me dirige vers la salle de bains.— Ok, attends-moi là, si tu veux le grand jeu… murmuré-je.— Pas question, je vais t’aider ! Reste ! me lance-t-il.Et là, un moment délicieux. Autant il s’est montré pressé tel un hussard tout à l’heure, autant il est maintenant d’une douceur infinie, délicat. Lentement, en silence, il me déshabille, alors que je lui ôte la chemise découvrant un beau torse musclé couvert de fourrure, fait glisser son pantalon. Lui en slip, moi en string et soutien-gorge avec mes bas, enfin nous nous regardons.— Enlève, enlève-le… souffle-t-il en tirant sur la bretelle de mon soutif.En souriant je le dégrafe, et mes seins lourds se libèrent, bouts dressés. Mon beau brun se penche, les prend dans les mains, et vient les téter d’une langue agile et baveuse. Je me cambre de plaisir et lui maintiens la tête, les doigts dans ses cheveux. Je sens qu’il fait glisser mon string que j’enjambe, donnant ainsi de l’air à mon minou rasé, puis mes bas que j’expédie d’un coup de pied. Il ne me pas lâché les seins, me procurant des ondes de plaisir. D’une main, je tire sur son slip et libère sa virilité dressée, un peu poisseuse au bout. Le contact me survolte, je gémis et tombe à genoux pour l’engloutir. Il sursaute, me tient la tête, et goulûment, énergiquement, je savoure son pieu, le barbouillant de salive, d’une main le pressant, le branlant, de l’autre malaxant ses boules durcies. Un délice, j’adore, comme l’envie qu’il m’inonde la bouche…— Clara, attends… la lingerie ! souffle-t-il.— Mmmm ! Oui, oui… conviens-je, en l’abandonnant à regret.Il m’aide à me relever, me serre contre lui, tandis que d’une main je m’assure qu’il est toujours en forme. Il l’est !Nous sommes désormais nus comme des vers. Me tenant la main il me fait tourner pour me détailler, remarque ma chatte rasée, flatte mes fesses rebondies, ma poitrine les bouts dressés qu’il frôle de ses doigts.— Pas de doute, t’es bien fichue ! commente-t-il.— Je ne suis plus tout à fait une jeune fille… gloussé-je. Tu devrais dire « encore » bien fichue ! Et consommable ?— Y a pas photo ! reprend-il en me mangeant des yeux.C’est rassurant quand même, de la part d’un homme plus jeune !Lui est vraiment bien, grand, athlétique, sa poitrine velue lui donnant une allure de fauve racé et, bien sûr, son membre est assorti… Celui-ci, droit à l’instant, regardant le plafond – ou me fixant telle une proie – me semble « respectable », un appel à l’amour ! Mes yeux doivent être à son goût trop insistants, car il émet un « Eh ! ça va ! » et se le cache d’une main. Pudique va ! J’en ris en essayant de le voir encore, mais il me repousse, jouant à la vierge effarouchée.Et comme des gosses, nous défaisons le paquet-cadeau en riant. Le soutif est vite mis en place, non sans qu’il me caresse, me flattant les seins :— Ah ! T’es superbe, comme tu es belle… commente-t-il.Puis le string, que d’abord j’enjambe, lui à genoux, me le glissant jusqu’en haut de mes cuisses mouillées, pendant qu’avec délice j’y étale mon jus. Là, sa bouche m’investit, se plaque à ma chatte, sa langue s’aventurant dans mes replis humides. Ah ! Je me cambre et geins sous la caresse. Je n’en peux plus de tous ces préliminaires, mon ventre appelle à être comblé, une conclusion ! Pour finir, il me lâche et délicatement ajuste minutieusement le string. Ah ! le coquin. Il fait durer…Puis les bas. Un premier que, debout j’enfile, sous son regard attentif. Il se délecte du spectacle, devant m’accroupir, fesses en l’air, son sexe battant sur son ventre.— L’autre bas ! souffle-t-il, impatient.Pour le deuxième je le place jusqu’au mollet, puis je me relève et m’appuyant d’un pied sur le bord du lit, lentement, très lentement le fait glisser jusque sur ma cuisse. Ainsi, je suis penchée en avant, cul offert. D’une main caressante, je continue jusqu’à mes fesses, les écartant, retournant la tête pour le regarder. Je dois présenter un tableau hyper provoquant ! Il est cramoisi… et moi tremblante, folle de désir. Ah, que n’ai-je insisté tout à l’heure avec ces jeux de lingerie ! Prise à mon piège… Et quand je pense que j’ai volé la place d’une autre !— Viens ! gémis-je en écartant le string, prends-moi !En une seconde il est courbé sur moi, essoufflé. D’un doigt, je le guide, puis je m’appuie des deux bras sur le lit. Oh ! Il me pénètre d’un coup, à fond. Je crois décoller sous l’assaut. Que c’est bon, le sentir en moi, gros, profond, palpitant ! Il s’agrippe à mes seins me les malaxant à travers le soutien-gorge, pendant qu’il s’agite doucement.— Plus fort ! éructé-je, plus fort !Je suis en sueur, la foufoune en fête, les muscles des cuisses et des bras tendus à rompre. Il halète, et le bruit de son ventre venant claquer sur mes fesses m’électrise. Soudain, en plus du plaisir d’être labourée, une petite vague naît quelque part dans mes entrailles, s’évanouit, reviens plus présente, repart à nouveau, réapparaît plus forte, se maintient, augmente, augmente…— Je vais jouir ! soufflé-je, oui, oui !Et c’est le feu d’artifice, l’explosion, je crie, m’écroulant la tête sur le lit, yeux fermés, les lèvres baveuses, une, puis plusieurs décharges de plaisir me submergeant.Quelques secondes de répit où je mords les couvertures, m’y essuie la bouche, puis je me dégage pour m’asseoir face à lui au bord du lit. À quelques centimètres de ma tête son sexe luisant s’agite comme un cobra prêt à mordre. À deux mains, je l’empoigne, l’embouche, le branle, le reprends en bouche. Un « Clara, ah Clara ! » me prévient qu’il va se libérer. Je le prends sur ma poitrine, malaxant en vrac membre et boules, le frottant sur mon soutien-gorge, entre mes seins, jusqu’à une première crispation. J’amplifie ma caresse, l’encourageant de la voix :— Allez, allez, vide-toi, viens, viens !Enfin il se cambre, me tenant par la tête, pousse un cri rauque de bête, et se libère en plusieurs jets sur mes mains, ma poitrine, mon cou. Il souffle, tremble, et j’attends, ses derniers soubresauts pour finalement le lâcher.Il s’est assis sur la moquette, à mes pieds, épuisé, et me caresse les genoux.— Ah, toi ! articule-t-il en reprenant son souffle.— Ça t’apprendra à vouloir acheter de la lingerie sans savoir ! dis-je en riant. Et tu as vu ce que tu m’as mis ! lui dis-je en présentant ma poitrine barbouillée.De fait j’en ai partout. Ça coule dans mon cou, roule entre mes seins, le soutif maculé. J’aime plus cette pratique pour le plaisir que ça donne à mon partenaire. Les hommes adorent alors pourquoi les en priver !— Allez, allez viens étaler, viens essuyer ! lui lancé-je en l’attirant à côté de moi.— Incroyable… jamais fait ! note-t-il en riant— Super bandant, non ? dis-je en m’allongeant sur le dos, pendant que ses mains me massent avec sa semence, malaxent mes seins.— T’es une grosse cochonne ! ronronne-t-il, mais j’aime ça !— Oui. C’était le service après-vente du rayon lingerie ! ris-je. T’as aimé ?— Tu parles ! J’en redemande ! s’exclame-t-il.Je l’attire sur moi, le prend par le cou. Il m’écrase de son poids, mais j’aime ainsi être dominée, sentir le contact de la peau nue, bras et jambes emmêlés.— Tu en redemandes… dis-je doucement. Mais, mon ami, ce sera avec la fiancée maintenant. En tout cas, tu pourras lui apprendre ! persiflé-je.— Ah, la fiancée… murmure-t-il. Oui, lui apprendre…— Eh ! Tu l’aimes quand même ? Non ? Même si ce soir… enfin t’es un beau salaud ! Tu l’as trompée ! Et bien, encore ! Note que je ne m’en plains pas.— Tu m’as allumé, non ? proteste-t-il. Mais je ne regrette rien. Après tout, je ne suis pas encore marié ! Tu vois, je crois que je ne t’oublierai jamais ! ajoute-t-il en me caressant le visage, en jouant d’un doigt avec mes lèvres.— Ben voyons ! Moi idem. Tu sais, c’est la première fois que… que je couche aussi vite avec un monsieur !Il soupire, se laisse aller la tête dans mon cou. Tendresse. Je souris en pensant qu’il se déculpabilise en précisant qu’il n’est pas « encore » marié ! Tu parles ! Ah les hommes ! Finalement un bon moment et maintenant cette douce récupération, les corps qui s’apaisent. Je ne pensais pas qu’un « coït furtif » comme disent mes copines, puisse également être tendre. Enfin tendre « après ». Je me suis attachée à ce type. Sûrement la sensibilité des femmes, leur sentimentalité. Et peut-être la relative différence d’âge : la vigueur, la spontanéité, la naïveté d’un homme plus jeune… Ça ne va pas être facile de l’oublier, de ne pas le revoir. Comme s’il avait deviné mes pensées, il reprend :— Et on ne se reverra pas, alors ?— Quoi ? sursauté-je. T’es gonflé !— Je veux dire, toi et moi, rien qu’une fois… insiste-t-il, quelque peu rapide.— Tu voudrais ? Encore ? Mais Stéphane… murmuré-je.Voilà que l’appelle par son prénom. Eh ! Clara ! Tu vas où comme ça ? Il va se marier, et carrément il me propose presque une liaison, même courte, mais quand même !— Ah ! je ne sais plus ! Je voudrais, oui, mais… s’énerve-t-il.— Tu sais que moi, je suis mariée ! dis-je doucement.— Hein ? Mais tu ne portes pas d’alliance ! s’étonne-t-il.— Non. Mon mari non plus. Nous sommes, comment dire, un couple libre. Il a ses aventures, moi les miennes, on en parle pas. Et c’est bien ainsi.— Ah bon ! Ok, ça ne me regarde pas, mais tu vois donc, que ce serait possible…— Écoute. J’ai parlé d’aventures, pas d’une liaison ! précisé-je en riant. Mais pour ton cas, c’est fort tout de même !Il reste silencieux. Certainement, qu’au lit, il a eu le grand frisson avec moi. Découvert, avec une femme plus mûre, plus expérimentée et coquine, des émotions inconnues. Et réalise qu’avec sa mijaurée – oh, j’exagère, sans doute – il en sera très loin. Qu’y puis-je ? Reste que ça m’a bien plu, un homme plus jeune, et un bel homme que celui-là ! Une idée me vient, juste pour rire, histoire de briser le silence et la gêne qui se sont installés.— Et à trois ? Ce serait bien à trois ! Je joue au prof, je te la forme ta copine ! dis-je secouée par un fou rire.— Qu’est-ce que… qu’est-ce que tu dis ? s’esclaffe-t-il. À trois ?— Et puis, une occasion de me faire une fille ! Je l’ai fait, y a longtemps, je ne me souviens plus… ajouté-je, toujours en riant et ravie de le provoquer.Du coup il se redresse, et se tient assis sur mes cuisses.— Tu plaisantes ! Mais jamais elle voudra ! Tu te rends pas compte !— Ah ! Jamais « elle » voudra ! Mais dis donc, toi, tu ne dirais pas non, hein ?— Je rêve, je rêve… murmure-t-il, abasourdi.— C’est simple. Dans ces cas-là, le classique « je la prépare, tu la finis ». Tu vois le programme ? ajouté-je hilare.— Non, mais c’est pas vrai ! Tu charries ! s’offusque-t-il.— Si tu veux me revoir… aller, avoue ! Avoue que ça te plairait !Je ris franchement de mon envolée. Il se sent piégé. Je l’ai eu ! Ah les hommes ! Le fantasme d’une partie à trois… Il rit, et sa position lui permet de me caresser le ventre, de me prendre les seins à pleines mains. Me redressant un peu je dégrafe mon soutif pour libérer mes pommes d’amour. J’en suis fière de mes appâts. Ronds, « encore » fermes, dotés de petits mamelons qui se hérissent à la bonne taille, celle juste complice des lèvres et d’un bout de langue. Il siffle doucement d’admiration et doucement, un sein dans chaque main, il me malaxe, entraînant et roulant les tétons entre ses doigts. Je ronronne. C’est divin. Je l’admire avec ses épaules musclées qui me dominent, son ventre plat animé par des abdominaux tout juste marqués. « Un étalon ! » pensé-je émue. « Un étalon qui m’a fait l’amour comme un dieu, et que j’ai su surprendre par des pratiques érotiques » me dis-je fière et comblée.Je ferme les yeux. Je suis bien, me laissant aller sous ses caresses. Imperceptiblement, ma main descend vers mes cuisses, je les écarte, un doigt cherchant mon clito, l’entrée de ma grotte secrète. Je mouille, beaucoup, et un deuxième doigt rejoint le premier. Je frémis. Loin, très loin, j’entends un « Clara ! Eh ! », et une voix, la mienne, balbutier : « Continue, continue, laisse-moi faire ». Soudain je crie, crispe mes cuisses, les ouvrant davantage. Stéphane poursuit son massage et je me concentre sur le plaisir provenant de mes seins, de celui de mes doigts. Seule une femme est capable de se donner un plaisir maximum ; question de rythme, d’intensité, de savoir alterner les pressions sur le bouton à la pénétration d’un doigt, puis de deux ou de trois. À nouveau je gémis, je sens ma jouissance venir, puissante, de mon plus profond. Je me mords les lèvres, me fouillant à présent des deux mains, et cambrée, fesses levées, je vais comme chercher très haut ma délivrance, cette explosion violente où j’expulse dans un feulement de gorge et en plusieurs spasmes toute la tension accumulée.Le silence, juste ma respiration. Tout mon corps meurtri, les muscles relâchés. Toujours les yeux clos, peu à peu je redécouvre le réel : les bruits lointains de l’hôtel, les mains à présent immobiles de Stéphane sur mes seins avec leur bout sensible et dressé, les miennes engluées entre mes cuisses et le string, l’odeur du mâle, son souffle. Ah ! oui, « il » est là… assis sur mes cuisses. Je m’étire, ouvre les yeux. En gros plan, tout près, la tête de mon beau brun qui me scrute, un peu inquiet.— Et bien, impressionnant ! lâche-t-il. Jamais vu ! Ça va ?— Oui… murmuré-je. De ta faute. J’ai pris un pied ! Tu t’es rincé l’œil, hein ?— Euh, oui ! Magnifique. Pour un peu je…— Ça t’a fait bander ? le coupé-je dans un souffle, épuisée.— C’est que… presque, mais… s’excuse-t-il.— Normal. Les femmes ont cette chance… tant mieux et tant pis pour toi !— J’adore ! s’exclame-t-il. T’es une sacrée cochonne, décidément.— Une salope, tu veux dire, non ? le provoqué-je en m’étirant à nouveau.— Non, non ! Une belle salope, dans le meilleur des sens !— Bah ! Je m’en fous. J’assume. Et ça te plaît. Ça plaît toujours. Alors…Je me redresse et le bascule sur le dos, me couchant sur lui, l’écrasant de ma poitrine, me frottant sur son torse velu. Un dernier câlin, le temps des adieux est venu. Il me regarde, inquiet, il a compris.— Tu veux t’en aller… souffle-t-il.— Il faut bien ! murmuré-je. N’oublie pas, tu me raccompagnes !— Clara. Je voulais te dire… commence-t-il.— Chut ! Tu vas dire une bêtise, le coupé-je, sentant qu’il va tomber dans le lyrisme classique du « après l’amour l’animal est triste ».— Non. Je crois, sérieusement, que…— Que tu es amoureux, n’est-ce pas ? minaudé-je en lui caressant les lèvres.— Un peu, oui, merde ! Qu’est-ce que tu crois ?— Mais non, mais non… dis-je doucement. Écoute, on a fait l’amour, bien même, c’est pour ça. Dis que tu as envie de moi, de me baiser, je ne serai pas choquée. Mais je t’en prie…— T’es incroyable ! s’insurge-t-il en essayant de se dégager, mais je le maintiens fermement. Au début, oui, c’était pour moi une occasion. Et puis maintenant… Ah zut, tu comprends ?Pour des relations occasionnelles, par expérience, je sais que souvent les hommes, après l’amour, ont des sentiments. Pas les brutes, les handicapés des neurones, mais ceux, sensibles, qui s’attachent à leur conquête en espérant d’autres étreintes, renouveler leurs émois. Idem pour les femmes, sinon en plus, souvent, des sentiments formés au préalable. C’est réel, mais passager. Douloureux d’en prendre son parti. Si je m’écoutais, bien sûr, demain, après-demain, avec lui je recommencerais !— D’accord ! reprends-je. Je comprends. Et qu’est-ce qu’on fait ? Tu veux larguer ta copine ? Je dois avoir dix ans de plus que toi, et je ne suis pas libre. Alors ?— Tu as raison, bien sûr. Mais bon, j’ai mal. J’aurai du mal à t’oublier.— Tu es gentil. Moi aussi, ne t’inquiète pas. Bon, écoute, je te propose quelque chose. Tu me donnes ton numéro de téléphone, je t’appelle, bientôt, et on en reparle. Ok ?— Ok, mais je suis sûr, tu ne m’appelleras pas !— Laissons-nous du temps. Mais, promis, je te fais signe.C’est dur. J’ai eu quelques aventures extra-conjugales, mais cette fois les adieux sont difficiles. Nous nous levons et nous préparons à partir, dans un silence gênant. Ce silence précédant les adieux, lourd, imprégné de regrets, déjà fait de souvenirs, avec la boule à l’estomac, la bouche sèche. En me changeant, je repense à cette fichue lingerie. Dans un état ! Le string est un chiffon innommable, mais bon, il a fait la guerre ! Je range le tout et devrai discrètement faire une petite lessive. Quand je porterai à nouveau ces accessoires du plaisir, j’aurai une pensée pour Stéphane, ou alors je les jetterai si c’est trop fort.— Au fait, Stéphane, merci pour la lingerie ! dis-je enfin.— Pas de quoi. Vraiment c’est de bon cœur, tu sais ! marmonne-t-il— Et pour… enfin tu vois, qu’est-ce que tu vas faire ? m’inquiété-je en pensant à ma « rivale »— Oh ! Demain je retourne au magasin, et je prends la même chose ! Je t’ai dit, comme ça tu seras inoubliable ! rit-il.— Demain ? À quelle heure ? dis-je en lui faisant un sourire entendu— Hein ? Vers 18 heures. Qu’est-ce que tu mijotes ? Tu m’as pourtant dit…— Hé, hé ! Qui sait ? S’il n’y avait pas de vendeuse !— Chiche ! s’exclame-t-il, soudain plein d’espoir.— Je verrai. Je ne te promets rien.— Salope ! me lance-t-il en riant.— Soudard ! répliqué-je.Et nous éclatons de rire en nous serrant très fort avant de repasser la porte du « 317 », numéro que je ne suis pas près d’oublier…L’ambiance pour le retour rapide est légère. Lui est gonflé de joie et de chaudes perspectives. Moi, rassasiée, mes pulsions assouvies, apaisée… avec quand même un coup de cœur. Un dernier baiser furtif sur le parking et nous nous quittons, non sans échanger quelques mots.— À demain, Clara ? espère-t-il en jouant de sa voix grave.— Peut-être ! Tu sais, avec les femmes… murmuré-je en lui plaquant doucement mes doigts sur ses lèvres.o-oBien sûr je ne suis pas retournée au magasin le lendemain. Il a dû être déçu. Mais y a-t-il cru vraiment ? Plus tard je ne lui ai pas téléphoné non plus. Il y a des eaux endormies dans nos jardins secrets qu’il ne faut pas réveiller. Reste un souvenir exquis que je ravive parfois en portant cette lingerie, et je sens alors comme ses mains sur moi, ses doigts en moi. Le plus amusant, dirait-on le plus canaille, c’est quand elle participe à des jeux coquins avec mon mari ! Ces fois-là, l’impression de faire l’amour avec deux hommes, l’un au lit, l’autre dans la tête ! Un must ! Clara, tu es incorrigible.o-oEt puis un jour, quelques mois après, je le revois dans le même magasin, tout près du fameux rayon où nous nous sommes rencontrés. Il est accompagné d’une fausse blonde – décidément je suis mauvaise – sans doute sa femme. Pas vilaine, mais bon… une dinde, et je m’arrange pour rôder non loin, surtout pour la voir, elle ! Elle qui me l’a pris. J’espère au moins qu’il la baise bien…qu’elle participe, qu’elle a fait des progrès, ce dont je doute. Ah, qu’est-ce que je dis ? Jalouse et possessive que je suis ! Il me voit enfin et encaisse le coup, sourit légèrement, cligne des yeux comme un salut, et d’un signe de tête me désigne le rayon lingerie. J’acquiesce de même. C’est ainsi que nous nous sommes payé un culot monstre, un ravissement pour les sens. Je le retrouve avec sa femme à choisir des sous-vêtements. M’approchant au plus près, à les toucher, j’en fais de même. Il lui suggère des trucs sympa, sexy, et elle décline ses aspirations par des minauderies du genre : « C’est trop… pas assez… tu sais bien, je suis classique ! ». Il me regarde discrètement en levant les yeux au ciel, désespéré et agacé. Le pauvre ! Il ne doit pas rigoler tous les jours avec cette affaire-là ! Je lui souris, et lui adresse un baiser imperceptible du bout des lèvres, puis après un petit signe de la main je m’éloigne, la rage au cœur.Je ne supporte pas le gâchis. Aussi, le lendemain, je lui téléphone. La suite, vous la devinez ; justice a été rendue, je ne pouvais pas décemment le laisser dans cet état, n’est-ce pas ? Ce fut un grand moment, intense et torride. Imaginez, il avait tellement de choses à rattraper ! Il faut parfois cultiver et arroser les fleurs de son jardin secret.o-oEn guise de dédicace (*)À toi Clara.Pardonne-moi si à partir de tes confidences j’ai écrit cette histoire, qui, si elle n’est pas complètement vraie, l’est beaucoup quand même…J’ai pris ta place pour la raconter dans un personnage qui te ressemble, au moins pour ce que je connais de ta manière d’être depuis tant d’années : une femme libre et amoureuse, sans tabou, mais sensible et sentimentale sous des airs d’amazone irréductible. Peut-être ai-je forcé certaines scènes, ou plus sûrement ai-je été en dessous de la réalité. En tout cas, c’est bien volontiers que j’aurais été cette Clara-là… Ceci dit confidence pour confidence, veinarde ! Tu me diras, et la prochaine fois je t’accompagne dans les magasins !Avec tout mon amour.Laure (et JP), juin 2007(*) : Pour nos lecteurs, Clara de la série « Le triangle de Laure » sur RVB. Ce récit comme un clin d’œil à une amie de toujours que nous avons mis en scène dans cette série, exploitant quelque peu son tempérament de feu…