En cette matinée du 28 janvier 1475, alors que les préparatifs du tournoi battaient leur plein, sur la place Santa Croce voisine, maître Guido Longhini, de Florence, écoutait les clameurs, qui filtraient à travers les volets fermés de sa maison.Le vieil homme était un alchimiste, et il jubilait, car il venait, après des années de recherche, de mettre au point un élixir de jouvence ! Pour cela, il lui manquait un élément : les liqueurs mêlées d’un couple en âge de procréer !… Il sortit de son antre, et marcha d’un pas alerte vers le lieu où la foule s’était rassemblée, pour admirer l’affrontement des jeunes nobles, en l’honneur de la belle Simonetta Vespucci. On donnait le jeune Julien de Médicis, le frère du Magnifique, vainqueur, car il portait la bannière de la belle, peinte par Botticelli lui-même, à la devise, écrite en français, de la « Sans Pareille ». Cependant, le clan rival des Pozzi espérait bien que son champion l’emporterait !Le vieux Guido caressa sa barbe grise, et jeta un œil autour de lui parmi la foule, délaissant le spectacle des cavaliers, qui se lançaient les uns contre les autres, revêtus de leurs armures à l’antique, flamboyant au soleil hivernal. Un groupe de jeunes gens hurlait en direction des combattants. L’alchimiste isola dans son esprit un beau mâle au teint hâlé, les yeux bleus, et la chevelure noire aux belles boucles, qui lui descendait jusqu’en bas de la nuque. Il pensa que cet étalon ferait amplement son affaire ! Un peu plus loin, il reconnut Laura Baldini, une ravissante courtisane, qui se tenait, un peu à l’écart dans une tenue provocante, au milieu de ses semblables. Il s’agissait d’une très belle jeune femme, dont la flamboyante chevelure rappelait celle de la reine du tournoi, et dont les yeux noisette charmeurs auguraient d’un caractère des plus fougueux !Guido se dirigea droit vers elle, et lui proposa son marché : il était vieux et ne pouvait plus prendre part aux jeux de Vénus depuis longtemps. Cependant, il désirait une dernière fois revivre en souvenir les bonheurs de sa jeunesse, en observant un jeune couple faire l’amour en sa présence… La belle Laura rit aux éclats, mais en cette période de la Renaissance, elle avait connu des demandes plus saugrenues, et accepta le marché, pourvu que le client paye bien !Le vieux lui demanda ce qu’il pensait de ce jeune homme, lequel lançait à présent des cris d’encouragement au Médicis. Laura trouva le bel Adonis fort à son goût, mais jugea préférable de prendre elle-même l’affaire en main… Elle délaça un peu plus son corsage, et s’approcha résolument du jeune homme, lui offrant un délicieux spectacle sur deux seins bien blancs, laissant même entrevoir les mamelons roses. L’alchimiste observait de loin cette fille au corps souple, la bouche collée à l’oreille de sa proie. Elle revint bientôt, entraînant derrière elle le jeune coq. Celui-ci semblait enthousiaste, à l’idée de s’offrir, à moindre frais, l’une des hétaïres les plus demandées de cette nouvelle Athènes ! Le marché fut bientôt conclu, et le vieux Guido entraîna ses cobayes à l’intérieur de son officine. Le jeune Tazzo Morosini pénétra à la suite de l’alchimiste en sa sombre demeure, tenant par la main la jolie rousse.L’aspect de la demeure était plutôt austère, avec un mur recouvert de crépi sombre, dont les fissures étaient pauvrement dissimulées par une tapisserie mitée, laquelle, en des temps plus augustes aurait offert une scène de vendange à l’œil du spectateur !…Une grande table en chêne trônait au milieu de la pièce, devant une immense cheminée, dans laquelle un tronc entier achevait de se consumer. Guido pria ses hôtes de s’asseoir autour de la table. Il se dirigea vers un buffet, dont il sortit une carafe de chianti, et trois gobelets. Il versa discrètement dans le vin une poudre de son invention, destinée à endormir le couple après le coït… Sur lui, évidemment, elle ne produirait aucun effet !Il régala ses invités de ce nectar. Les jeunes gens exigèrent de voir l’argent, et il leur offrit à chacun une bourse pleine de bons ducats. Laura pria le vieux de lui délacer sa robe, et il ne se fit guère prier… Mais il ressentit un certain dépit quand le jeune Tazzo entreprit de faire glisser le vêtement. Ce dernier fit asseoir à côté de lui la jeune fille, et révéla un sein à travers la chemise. Il se mit à le malaxer et à le sucer. La courtisane, la tête rejetée en arrière, lançait des cris impudiques. De la main, elle caressait la culotte du jeune homme, et saisissait à travers l’étoffe le membre viril, qui durcissait déjà.Elle se pencha, révélant au grand jour l’intégralité de sa splendide poitrine, et se mit en tête de délacer la braguette de Tazzo. Le jeune homme lui caressait les cheveux. En arrière, le vieux Guido observait la scène, en avalant son vin à petites gorgées. Il vit la belle extirper la verge triomphante de Tazzo, laquelle pointait fièrement, depuis une toison sombre et bouclée ! Elle la fit coulisser entre ses lèvres, arrachant un petit cri de satisfaction à l’éphèbe. Puis, elle cessa son petit jeu, et embrassa son amant à pleine bouche. Ensuite, elle le dénuda totalement, révélant un corps digne des plus belles statues antiques du Palazzo Vecchio !La lueur des flammes donnait l’aspect du bronze à la peau olivâtre. Il fit glisser sa chemise, et elle se retrouva nue à son tour, révélant son sexe glabre, lisse comme un coquillage. Il la porta sur la table. Le vieil alchimiste admirait le contraste de ce corps d’albâtre, sur celui de l’Adonis. Ce dernier plaça sa tête entre les cuisses de la courtisane, jouant avec sa langue contre son clitoris, et avalant la liqueur intime qui coulait de sa grotte. Elle jouissait sans retenue. Il se releva enfin, et approcha son pieu de l’ouverture béante, dans laquelle il s’engouffra sans pitié. Là il la besogna pendant un temps qui parut fort long à l’alchimiste. Le vieux Guido guettait la conclusion, de ce qui, pour lui, n’était qu’une simple expérience scientifique. Enfin, ils s’effondrèrent tous deux, enlacés comme s’ils ne formaient plus qu’un seul être !Le vieil homme alla chercher un clysopompe dans un coffre, et repoussa délicatement l’éphèbe sur le côté, prenant garde à ne pas sortir trop brusquement l’épée de son fourreau ! Il approcha l’instrument des parties intimes de la jeune fille, et introduisit sa pointe dans le vagin. Précautionneusement, il aspira les humeurs mâle et femelle, mêlées l’une à l’autre dans la matrice. Il observa le jeune couple, allongé l’un à côté de l’autre, endormi dans un profond sommeil. Il tâta leurs pouls, et s’aperçut, à sa grande frayeur, qu’ils étaient très faibles ! Il courut de ce pas chercher un élixir, à base de mandragore, et en déposa quelques gouttes sur la langue de chacun des jeunes gens.Ils respiraient. Leurs cœurs juvéniles, battaient faiblement, mais ils battaient ! Toutefois, ils ne se réveilleraient pas avant un moment ! Il se résolut à porter les deux corps vers son lit, dans la pièce d’à côté. Il eut un peu de mal pour Laura, et bien plus pour Tazzo ! Toutefois, il y parvint… Alors, il entama la phase proprement dite de l’opération.L’alchimiste transféra le contenu du clysopompe dans une cornue, et descendit à la cave, à travers le passage secret de la bibliothèque, afin de le mélanger aux autres éléments, minéraux et végétaux, qu’il avait déjà préparés. Enfin, il put passer à la phase de distillation. Il observait avec une excitation grandissante la sublimation des éléments : il allait réussir à réaliser son rêve, et le secret de l’éternelle jeunesse était enfin à sa portée ! L’élixir était prêt.Le vieux Guido saisit la cornue avec précaution, et en fit refroidir son précieux contenu. Puis, il le transféra dans une fiole. Il tremblait d’émotion, posa le breuvage sur sa table encombrée de notes, de livres antiques, sur lesquels trônait un crâne humain, et prit un temps de réflexion. Il observait son image sur le miroir vénitien, qui trônait dans un coin du laboratoire. Son visage parcheminé lui renvoyait l’image d’un homme usé, loin du bel Apollon qu’il avait été autrefois, quand, délaissant le métier de banquier, il avait préféré utiliser la fortune que lui avait léguée son père pour courir les routes d’Europe et d’Orient, à la recherche des secrets les mieux gardés du monde ! Il avait maintes fois risqué sa vie, mais il s’en était toujours tiré. À présent, son chef-d’œuvre était à sa portée !Il attisa le feu du fourneau : il avait froid… La pièce se réchauffa enfin, et il entreprit d’ôter tous ses vêtements. Comme son visage, son corps n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait été autrefois ! Tous ses muscles avaient fondu, et sans le pénis recroquevillé entre ses deux jambes, il aurait presque pu croire qu’il lui avait poussé des mamelles ! La main tremblante, il saisit la fiole, et versa quelques gouttes de son contenu dans un verre de vin blanc qu’il avait préparé. Résolument, il porta la coupe à ses lèvres. Il avala le breuvage d’un trait, et sombra dans l’inconscience.* * *Quand il se réveilla, il sentit une nouvelle vigueur dans son corps : il avait réussi ! Il ne distinguait pas encore grand-chose. Il leva timidement sa main droite, et fut surpris de la voir si fine et si blanche. Reprenant ses sens, il n’était guère à l’aise. Quelque chose avait changé en lui, mais il ne savait définir quoi. Inquiet, il porta la main à son cœur, pour vérifier s’il battait convenablement, mais rencontra un obstacle de chair totalement inédit…« Ça alors ! » pensa-t-il.Il descendit sa main entre ses cuisses, et chercha vainement un quelconque attribut mâle. Fouillant à travers l’épaisse toison qui lui couvrait le bas-ventre, il aventura ses doigts à l’intérieur d’un orifice qui n’existait pas auparavant ! Cette opération produisit chez lui une sensation tout à fait nouvelle. Il remonta plus haut, et explora le centre du plaisir qui existe chez les femmes. Il en évalua la forme, et le sentit prendre un peu de volume sous ses palpations. Il ressentit un immense bien-être, à caresser ainsi les nouvelles parties de son anatomie, mais cessa son exploration. Il se releva et put s’admirer dans le miroir. Il avait devant lui, la plus jolie jeune fille blonde qu’il puisse imaginer, tout le portrait de la Vierge de Lippi !Les proportions parfaites de son visage angélique n’avaient d’égales que la splendeur des formes de son corps, dignes de Vénus elle-même : des seins bien dessinés, ni trop petits, ni trop lourds, fermes au toucher, et dont les mamelons pointaient fièrement, des fesses bien rondes, qui leur servaient de contrepartie, en bas d’un ventre accueillant, paré du plus beau des nombrils. Une toison dorée, contrastant à peine avec la pâleur d’ivoire de la peau, masquait au regard le temple qu’il venait d’explorer. Ses longues jambes fines s’achevaient en de délicats petits pieds. Ses deux bras, faits pour l’amour portaient les plus jolies mains que l’on eût pu rêver, fines et délicates, faites pour prier autant que pour prodiguer des caresses.L’alchimiste n’en revenait pas. Il n’avait pas prévu cela !… Il prit en vitesse un drap dans une armoire, et s’en revêtit. Puis il gravit une à une les marches de la cave, jusqu’au passage secret qui débouchait dans sa bibliothèque. Il colla son oreille à la porte de sa chambre, et frémit en entendant des rires. Malheureusement, il renversa par mégarde un chandelier, qui s’effondra bruyamment. Il paniqua. Il entendit des pas, et tenta de revenir en hâte vers le passage secret, mais une main ferme agrippa son bras blanc.— Ça alors, rugit une voix d’homme, le vieux fou nous a caché qu’il avait à son service une aussi jolie servante !Apeuré, Guido, prisonnier de son corps de pucelle, regardait Tazzo, toujours aussi nu qu’au jour de la Création, qui était à l’instant précédent sa victime, et qui maintenant l’avait à sa merci. Il s’en voulait de ne pas l’avoir laissé mourir en compagnie de cette catin ! Toutefois, il ressentit un trouble nouveau, en admirant ce corps digne d’Apollon.— Qui es-tu ? lança le jeune homme.— Pitié, messer, ne me fais pas de mal : je ne suis qu’une pauvre servante, que le vieux Guido séquestre en son logis depuis des jours ! Il m’oblige à faire devant lui toutes sortes de choses immorales, pour exciter son tempérament, mais sans grand résultat en fait. Il a jeté tous mes vêtements pour m’empêcher de m’enfuir…— La plaisante affaire. Ce vieux fou était encore plus vicieux que je ne l’imaginais. Où est-il, à présent ?— Je croyais qu’il était ici, dans sa chambre, puisque du bruit s’en échappait !— Eh bien non, il n’y a que moi, ainsi qu’une belle dame qui me sert de compagnie. Le vieux grigou voulait nous voir nous amuser aux jeux de l’amour. Il en a eu pour ses frais !Guido, sous ses oripeaux féminins, aperçut la belle Laura allongée nonchalamment sur son lit. Elle était sur le ventre, et cela mettait admirablement en valeur la courbure de ses reins, ainsi que la splendeur de sa chevelure. Elle l’observait d’un œil rieur, et semblait l’attirer de sa bouche gourmande. L’âme de Guido la désirait, mais il n’avait pas de quoi la satisfaire entre ses cuisses. Il en ressentit une profonde frustration. C’était bien pire que quand, vieil homme, il avait vu Tazzo la dénuder en sa présence… Tazzo demanda à la nouvelle venue où avait bien pu passer son maître. Cette dernière inventa un voyage, que l’alchimiste avait dû projeter depuis longtemps, et qu’il avait dû entreprendre.— Donc, dit le jeune homme, il t’a abandonné à ton sort ? Mais toutefois, il t’a laissé les clés de cette maison ? C’est étrange, mais le vieux ne devait plus avoir tout son esprit ! Dis-moi, ma jolie, quel est ton nom ?L’alchimiste bredouilla le premier nom de femme qui lui vint à l’esprit, celui d’une jolie jeune fille qu’il avait aimée il y a longtemps, et qui était morte très jeune :— Giulia, je m’appelle Giulia, Giulia Benedetti…— Approche-toi, Giulia ! lança Laura.Giulia s’exécuta, et s’assit sur le lit à côté de la courtisane. Celle-ci poursuivit :— Tu es très jolie, tu sais, on ne te l’a jamais dit ?— Non, belle dame !— Appelle-moi Laura, veux-tu ! Je ne suis pas une dame. Autrefois, j’étais une jeune fille innocente comme toi, mais on me trouvait ravissante. J’ai appris à en tirer partie pour me faire une place que beaucoup m’envient aujourd’hui dans cette ville. Le drap dont tu te couvres masque à peine tes jolies formes. Laisse-moi te l’ôter ! Tu seras plus à ton aise… D’ailleurs nous sommes tous les deux nus, il n’est pas juste que tu continues à te cacher, alors que nos corps n’ont plus aucun secret pour toi !Giulia rougit, mais laissa la jolie rousse écarter les pans de sa toge improvisée. Celle-ci admira le galbe de sa poitrine juvénile, puis elle arracha définitivement le voile, et s’attarda sur la courbure des épaules. La jeune fille restait recroquevillée sur elle-même, refermant ses cuisses sur l’accès à son paradis !— Dis-moi, ma jolie, demanda Laura avec espièglerie, veux-tu nous montrer ce que te faisait faire le vieux fou ?Giulia dodelina de la tête en signe de refus, et baissa les yeux en rougissant. Laura lui saisit le menton, et l’obligea à la regarder dans les yeux :— Allons, ne sois pas timide ! Tu n’aimais pas ce qu’il te faisait faire ? Bien, je vais t’aider… Allonge-toi à côté de moi !La jeune pucelle ne savait trop que faire, mais elle était hypnotisée par la voix envoûtante de Laura, de plus, elle ressentait entre ses cuisses des moiteurs jusque-là ignorées. Elle se laissa faire, quand la courtisane l’obligea à s’allonger et à écarter les cuisses. Celle-ci commença à lui caresser les seins, s’aperçut que la blondinette réagissait favorablement, et descendit tout doucement sa main. Elle explora son intimité, s’apercevant qu’elle était toujours vierge ! Ainsi, elle lui fit pousser de petits cris, qu’elle étouffa en l’embrassant à pleine bouche. D’abord un peu surprise, Giulia, dont l’âme était restée masculine, lui rendit son baiser avec passion. Elle se laissa faire quand la rousse descendit ses lèvres sur ses seins, les tétant avec avidité, ce qui lui arracha un spasme, puis quand elle poursuivit son exploration et se plaça au-dessus d’elle, tout en lui servant un autre baiser passionné sur ces lèvres qu’elle ne possédait pas il y a quelques heures !…Giulia voyait au-dessus de sa tête le joli coquillage, à la peau lisse. Timidement d’abord, mais ensuite d’une manière un peu plus résolue, elle saisit les globes fessiers de ses mains fines, et attira Laura contre elle. La rousse ne se fit pas prier et lui plaqua son sexe humide contre la bouche. La langue de la jeune fille commença à son tour à s’activer, avec plus d’ardeur qu’autrefois, quand elle était le jeune Guido, car elle connaissait à présent le secret de féminine nature !L’orgasme qui l’atteint fut violent, et elle s’arrêta de lécher Laura pour crier. Elle s’effondra, tandis que la rousse, insatisfaite, attirait Tazzo, qui s’était branlé dans son coin, en observant les jeunes filles. Elle l’allongea aux côtés de Giulia, et s’empala sans autre forme de procès sur son sexe ! En quelques mouvements, elle parvint à la jouissance, et se retira épuisée, laissant le jeune homme à son tour sur sa faim. Il dirigea son braquemart vers le con de la blondinette, mais Laura l’en empêcha, et referma sa main sur le membre pour le finir.Giulia s’était relevée, et regardait l’affaire d’un œil amusé. Laura utilisa sa main libre pour lui saisir la sienne, et la referma sur le sexe du garçon, encore tout gluant de la liqueur intime de la courtisane. Elle se laissa faire, et le plaisir de Tazzo, branlé par ces deux jolies filles, n’en fut que décuplé ! Il jouit abondamment, et aspergea de sa liqueur les seins des deux jeunes filles. Laura étala le liquide sur sa poitrine, puis répéta l’opération sur Giulia. Ensuite, elle la nettoya de sa langue. L’opération plut beaucoup à la jeune fille, et elle entreprit de rendre la pareille à sa compagne.Ensuite, Tazzo dit aux jeunes filles qu’il devait rentrer chez lui à présent, et alla chercher ses vêtements, qui étaient restés dans la grande salle. Il s’habilla en hâte, et sortit de la maison. Giulia entendit la porte claquer. Elle était toujours allongée aux côtés de Laura.— Moi aussi, il faut que je rentre chez moi, car j’ai rendez-vous avec un client. Ferme la porte à clé derrière toi, et n’ouvre à personne. Je viendrai demain t’apporter des vêtements, et si tu veux nous nous promènerons en ville… À moins que tu n’aies peur de t’afficher aux côtés d’une courtisane.Giulia l’embrassa en guise de remerciements. Laura lui avoua que ses caresses allaient lui manquer ce soir. Les jeunes filles sortirent de la chambre. Giulia aida Laura à ramasser ses vêtements et à s’habiller. Quand elle eut fini de lacer le corsage, elle la retourna et l’embrassa tendrement une dernière fois. Laura lui claqua les fesses, et lui dit de trouver quelque chose pour se couvrir sinon, elle allait prendre froid. Elle sortit à son tour, et Giulia ferma à clé derrière elle.À nouveau seul, l’alchimiste, prisonnier du corps de Giulia, se demanda de quelle manière il allait se sortir de cette situation. Se retrouver dans un corps de femme n’était point désagréable, cependant, c’en était parfois frustrant ! Il réfléchit et soudain, eut une illumination :« Par Hermès », se dit-il, « mais comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? »Il descendit en courant, sur ses jambes de jouvencelle, vers son laboratoire, et remplit cette fois-ci le gobelet avec du vin rouge ! Il y adjoint de nouveau quelques gouttes de son élixir et, après un temps d’hésitation, l’avala d’un trait. À nouveau, il sombra dans une torpeur, puis se réveilla, comme la première fois, allongé sur le sol… Il reprit ses esprits, et sans perdre de temps, porta sa main à son entrecuisse. Il fut soulagé quand il tâta des bourses et un membre ! Il se releva et fut stupéfait, dans le miroir, de redécouvrir le beau jeune homme viril qu’il était autrefois, avec ses yeux noisette presque dorés, comme ceux de Laura, et ses boucles brunes, son corps musclé, et sa peau claire qu’il tenait d’ancêtres nordiques…Il monta dans sa chambre et revêtit le costume qu’il avait acheté en prévision de cette expérience. Pour tout le monde, à présent, il était Guido le jeune, le neveu du premier, qui revenait d’Allemagne, après que son oncle lui eut cédé ses affaires, pour retrouver la Suisse, où il avait encore de nombreux amis, et qu’il désirait revoir avant de mourir…* * *Des siècles plus tard, Laura Baldini, qui avait finalement hérité du secret de l’alchimiste, à la suite d’une longue histoire qui sera peut-être contée, observait d’un œil amusé le jeune étranger, en admiration devant le Printemps, l’un des chefs d’œuvre de Botticelli qui font l’ornement du musée des Offices. Elle avait traversé les siècles tant bien que mal, avait échappé aux guerres, aux épidémies et aux révolutions, avait beaucoup voyagé et, beaucoup aimé aussi… Mais elle n’avait jamais trouvé le compagnon ou la compagne, digne de partager le redoutable secret. Alors, elle les avait tous quittés les uns après les autres, sans aucun regret !Le jeune homme semblait incapable de s’arracher à sa contemplation. Il s’attardait sur le portrait de Flore. Laura s’approcha, détailla sans vergogne le jeune étranger, vêtu d’une veste de tweed beige, d’une chemise blanche et d’un jean. Derrière ses lunettes, il avait des airs à la Johnny Depp, en moins fragile, sans doute à cause de la pilosité anarchique, sur son menton et sa lippe supérieure : l’intellectuel dans toute sa splendeur, complètement absorbé par la vénération de cette Vénus mystique, patronne des arts !Laura, ressentit un trouble familier en elle, et se décida à tirer le jeune homme de sa rêverie. Nous étions au mois de mai, et elle ne portait qu’une robe légère très courte, imprimée de motifs colorés sur des escarpins roses vernis. Son décolleté laissait facilement entrevoir ses sous-vêtements « La Perla », noirs, pour peu qu’elle se penchât, ce qu’elle fit négligemment, juste sous l’œil du jeune homme. Elle faisait mine d’admirer un détail de la prairie, constellée de fleurs printanières.Comme sa victime ne réagissait pas, elle fit tomber son sac à main, en cuir rose, tout comme ses chaussures, avec un bruit sourd. Le choc rompit avec le silence monacal, qui régnait dans la pièce ! Le jeune homme sortit de sa contemplation, s’aperçut de la présence de la jolie rousse à ses côtés, et fut stupéfait, parce qu’elle lui semblait sortir du tableau. Il se baissa pour ramasser le sac à main, mais Laura l’avait précédé, et lui offrait à présent une vue imprenable sur son décolleté. Le jeune homme rougit de confusion, et lui tendit le sac qu’il venait de saisir.— Grazie mille ! lança Laura.Le jeune homme revint alors vers sa contemplation, quasiment imperturbable… Laura, déçue, s’éloigna, et se retourna une dernière fois vers sa proie. Il s’était décidé à s’arracher à l’œuvre qui monopolisait son attention. La jeune femme lui fit un petit sourire, et même un signe de la main. Puis elle sortit de la salle. Elle marchait lentement dans la galerie, quand elle sentit une main ferme agripper son bras nu. Elle jubila intérieurement et sentit déjà ses sens s’enflammer. Elle se retourna, et rit en découvrant la mine confuse de l’étranger, qui était en train de se demander pourquoi il agissait ainsi…— Pardonnez-moi, bredouilla-t-il, mais votre ressemblance est telle avec le modèle, signorina que j’ai un instant perdu la tête !Il la lâcha, s’excusa tacitement en agitant les mains, et lui tourna le dos. Laura se cambra sur ses talons aiguilles, et plaça ses mains sur les hanches en guise de défi.— Attendez ! lui lança-t-elle. Vous m’amusez, signor. À votre accent, vous êtes étranger. Français non ?Il s’approcha et attrapa timidement la main qu’elle lui tendait.— Mon nom est Ludovic Morin, dit-il. Je suis étudiant en histoire de l’art, pensionnaire à la villa Médicis, et en visite à Florence pour quelques jours…— Enchantée, signor Morini ! Je me présente : Laura Baldini.— Et vous vous intéressez à Botticelli ?— Beaucoup ! Mais allons discuter de cela à la cafétéria, si vous le voulez bien ?Ils se retirèrent dans le petit restaurant du musée, sentant bon le café chaud. Ils commandèrent chacun un espresso. Laura croisait et décroisait ses jambes volontairement, exhibant leur galbe parfait. Ludovic observait son manège, qui n’avait rien d’innocent, et sentait que son sexe commençait à se retrouver un peu à l’étroit dans son caleçon. Il détourna un temps les yeux pour tenter de retrouver son calme, mais Laura l’en empêcha :— Vous trouvez que je ressemble à l’une des figures de la Vénus des humanistes, Ludovico ?— Vous êtes, je dois l’avouer, son portrait craché.— C’est normal, puisqu’en réalité c’est moi !L’étudiant faillit s’étrangler en avalant son café. Il évita de justesse d’en renverser. Il reposa sa tasse sur la coupelle, et la regarda droit dans les yeux…— Mais enfin, Laura, vous n’y pensez pas : ce tableau a été peint…— En 1482, très exactement, pour le mariage d’un cousin du Médicis, tout comme la Naissance de Vénus d’ailleurs, pour laquelle j’ai également servi de modèle.— Je ne vous suis pas Laura. Je passe sur l’impossibilité pour vous de vous être retrouvée au XVe siècle, à poser pour Botticelli, mais vous êtes mal renseignée : tous les savants s’accordent à voir en la Vénus du second tableau que vous venez d’évoquer, un portrait de Simonetta Vespucci, l’ancienne maîtresse de Julien de Médicis !— Je lui ressemble beaucoup, effectivement, on me l’a toujours dit ! Cependant, Simonetta était morte depuis six ans, quand les tableaux ont été peints. Je vous assure que le peintre m’a demandé de la remplacer, pour effectuer ses derniers croquis. Dois-je me déshabiller pour vous prouver que je ne diffère en rien du modèle ?L’étudiant, encore une fois, devint écarlate… Il reprit ses esprits :— L’explication communément admise est que Botticelli a utilisé tous les croquis qu’il avait pu réaliser de Simonetta, pour peindre de mémoire ses tableaux. Elle l’obsédait littéralement.— Je vous crois : lors d’une séance de pose, j’ai réussi à l’attirer en moi, et il a pleuré comme un bébé, après avoir joui dans mon ventre ! J’espère que je ne vous choque pas…— Non, mais vous avez décidément beaucoup d’imagination !— Parlons du Printemps plutôt ! D’ailleurs cela sera sans doute plus instructif, car celui à qui je dois de vous parler maintenant figure sur le tableau.— Comment cela ? Le jeune homme ? N’est-ce pas plutôt le marié et commanditaire : Laurent di Pierfrancesco de Médicis, tandis que la Vénus, au centre, est sa femme Sémiramide ?— Je ne parle pas de lui, mais de la jeune femme blonde, représentant la troisième des Grâces…— Je vous prie de me pardonner, lui dit Ludovic, qui venait de comprendre qu’elle était sans doute un peu dérangée, mais vous m’aviez parlé d’un homme, si ma connaissance de la langue italienne est bonne.— Votre maîtrise de notre langue est parfaite, Ludovico, par contre, même si vous êtes sans doute très savant en tant qu’étudiant, vous avez encore beaucoup de choses à apprendre sur ces tableaux !— Pardonnez-moi, mais avec tout le respect que je vous dois, j’admets que vous puissiez vivre dans vos rêves, mais je n’ai guère envie de les partager avec vous. Croyez bien que je le regrette.Il régla l’addition, se leva et s’agrippa à sa chaise en s’inclinant :— Laura, ce fut un plaisir de vous rencontrer, mais je pense que nous devrions nous séparer, à présent. Je ne crois pas que nous pourrions nous entendre.Il s’éloigna tristement, encore envoûté par le parfum de la jeune femme.« Pour une fois que j’en rencontre une qui me plaisait réellement, il faut qu’elle n’ait pas toute sa tête… Je dois réellement avoir un mauvais karma au niveau sexuel… » se dit-il.Restée seule, Laura se traita de cruche, et se demanda pourquoi elle lui avait lancé ainsi à la figure une vérité aussi difficile à admettre, surtout en cette triste fin du XXe siècle ! Elle se leva, et décida de tenter le tout pour le tout. Elle se mit à marcher le plus vite possible, avec ses talons. Elle demanda à un gardien s’il n’avait pas vu le jeune homme. Il lui apprit qu’il s’était dirigé vers la sortie. Elle ressortit à son tour du musée, et l’aperçut, qui s’éloignait en direction de l’Arno. Elle le rattrapa :— Attendez, lui cria-t-elle, et si je vous donne une preuve de ce que j’avance, me croirez-vous ?— Une preuve de toutes vos chimères ? Je vois mal comment vous pourriez me la donner, mais…Laura prit l’air le plus charmeur et pitoyable dont elle était capable, et réussit à vaincre la raison de Ludovico, qui en cette occasion n’écoutait plus que ses sens et son envie colossale de faire l’amour avec cette étrange fille ! Elle l’avait, en effet, littéralement envoûté !