Résumé de l’épisode 1 : J’ai rencontré deux extra-terrestres surprenants ! Ils sont composés de myriades de grains de lumière tourbillonnants et peuvent prendre n’importe quelle forme, humaine ou non. Ils sont venus sur Terre pour rencontrer un certain docteur Robert Shank. Mais voulant faire un peu mieux leur connaissance avant de les accompagner pour le retrouver, j’ai réussi à les convaincre de choisir chacun l’apparence d’une sublime bombe sexuelle et je leur ai fait découvrir les plaisirs de l’amour physique.Résumé de l’épisode 2 : Après avoir baptisé Juliette et Éloïse mes deux nouvelles amies, je les ai conduites au cabinet du psychiatre Robert Shank. Mais celui-ci est devenu fou en apprenant que je leur avais enseigné les joies du sexe ; il m’a expliqué que ces êtres jouaient un rôle fondamental dans l’équilibre de l’univers et que ma conduite aurait des conséquences catastrophiques ; et pour finir, il s’est mis en tête de me supprimer. Mais il a été lui-même éliminé par les deux extra-terrestres.Résumé de l’épisode 3 : Juliette et Éloïse, mes deux sublimes extra-terrestres, ne peuvent désormais plus se passer de sexe. Elles ont passé la nuit à explorer les ressources et les possibilités de leurs enveloppes humaines. Moi, je n’ai pas réussi à dormir, tracassé par les paroles puis le meurtre du toubib. Mais au matin, elles m’ont rassuré : je ne dois pas m’inquiéter quant au sort de l’univers.Résumé des épisodes 4 et 5 : Je leur ai proposé d’aller découvrir d’autres loisirs ; nous sommes allés nous promener en ville, marcher dans les rues du centre, faire un peu les boutiques, déjeuner au restaurant, puis assister à une séance de cinéma et même finalement visiter un sex-shop. Mais le résultat n’est pas à la hauteur de mes attentes ; je dois me faire une raison : mes deux amies sont insortables.Résumé de l’épisode 6 : En rentrant de cette journée farfelue, je n’aspirais qu’à passer une soirée cool avec les deux demoiselles. Mais presque impossible d’être tranquilles : sans cesse dérangés par les coups de téléphone. C’est curieux, ma mère d’abord, puis Raoul, un copain d’enfance, jurent leurs grands dieux m’avoir vu copuler en public avec Éloïse et Juliette, alors que c’est parfaitement impossible. N’y tenant plus, Raoul nous rejoint finalement à la maison et nous explique avoir vu des choses vraiment étranges, ce soir. Ce qu’il raconte me fait penser à ce que j’ai vécu le premier soir. Voulant en parler avec Juliette, nous laissons Éloïse avec Raoul, celui-ci ne sachant toujours pas qu’elle est une extra-terrestre.Je fermai derrière moi la porte de la cuisine, et, conscient que je n’avais pas longtemps, pressai Juliette des questions qui me venaient à l’esprit :— Tu as entendu ce qu’a dit Raoul ?— Oui.— Et ?— Et quoi ?— Et ça ne te fait penser à rien ?— Si, dit-elle tranquillement, il a certainement croisé quelques-uns de nos congénères.— Comment ça, quelques-uns de vos congénères ! Mais vous avez débarqué à combien, de là -haut ?— Nous n’étions que tous les deux, tels que vous nous avez trouvés. Mais…— Mais quoi ?— … il se peut que d’autres nous aient maintenant rejoints.— Putain, mais vous auriez pu me le dire, au moins !— Je ne le savais pas encore.Je soutins un moment fixement son regard neutre, tentant d’y déceler une éventuelle trace de mensonge. Mais d’autres questions me venaient :— Et pourquoi Raoul a-t-il cru me voir ?— L’un d’entre nous aura sans doute emprunté votre apparence.— Mais comment c’est possible, s’il m’a jamais vu ?Elle prit une profonde respiration et sembla un instant chercher ses mots, comme si elle voulait expliquer quelque chose d’un peu compliqué à un gamin qui n’aurait pas été en âge de comprendre.— Nous avons, en quelque sorte, ce que vous appelleriez une conscience collective. Les connaissances que nous avons acquises sont désormais communes à tous nos congénères. Vous comprenez ?Je réfléchis un court instant.— Mais ôte-moi d’un doute, qu’est-ce qu’ils sont venus foutre ici, tes potes ?— Je ne sais pas avec certitude, mais probablement expérimenter l’accouplement et partager des orgasmes.Elle avait dit ça d’un ton insouciant, presque guilleret. Je repensai instantanément aux paroles du défunt docteur Shank, qui m’avait reproché d’avoir agi à la légère. Cela paraissait maintenant le minimum qu’on pouvait dire…— Et avec cette conscience collective, tu devais bien savoir que tes potes étaient là , non ?— Non, c’est un peu plus compliqué que cela… Je vais essayer de vous expliquer cela le plus simplement possible…— Bah, laisse tomber ! l’interrompis-je.Elle me regarda sans trop comprendre.— J’ai d’autres soucis en tête, pour l’instant, ajoutai-je.Je commençais à baliser sérieusement. Qu’allait-il advenir si plusieurs de leurs ‘congénères’, comme elles disaient, se retrouvaient à s’accoupler copieusement dans tous les coins de la ville ? Et si en plus il y en avait qui prenaient mon apparence ?— Juliette ! Peux-tu dire à tes congénères de ne plus adopter mon apparence ?— Non.— Comment non ?— Non, cela m’est impossible. Et quand bien même cela serait possible, je ne le ferais pas ; cela me paraîtrait contraire à l’intérêt commun de notre espèce.Je la regardai, tout à la fois incrédule, rageur et excédé, quasiment hors de moi.— Mais vous avez pensé à mon intérêt commun à moi ?Elle ne répondit pas, se contentant de me regarder presque piteusement :— Vous paraissez inquiet…— Inquiet ? hurlai-je. J’ai l’air inquiet ? Tu m’étonnes ! J’ai jamais autant flippé !Elle hésita un court instant, avant de m’annoncer, sérieuse :— Si vous avez peur pour votre vie, sachez que nous vous protégerons.— Cool ! lâchai-je cyniquement.J’avais envie d’un remontant. Et puis d’une clope, tiens, aussi… Mais tout était resté dans la salle, où Raoul devait être en train de se taper Éloïse.— Suis-moi, dis-je à Juliette en retournant vers le salon. Tant pis pour Raoul !Celui-ci était toujours dans la même position, à moitié vautré en arrière sur le canapé, la tête penchée appuyée contre le haut du dossier, les yeux braqués vers le plafond. Il gémissait vaguement tandis qu’Éloïse, agenouillée à côté de lui, était penchée sur son entrejambe, les fesses en l’air, que Raoul lui caressait doucement.— Faites comme si on n’était pas là  ! dis-je sèchement.Mais c’est effectivement ce qu’ils faisaient. Ils n’avaient même pas l’air ne nous avoir remarqués. Je pris la bouteille de scotch et mon verre, puis allai me servir une cigarette dans le paquet que Raoul avait laissé sur la table. Pendant ce temps, Juliette était allée s’asseoir avec un grand sourire sur le fauteuil qui faisait face au canapé et observait attentivement Éloïse s’acharner sur le sexe tendu.Fumant, les yeux dans le vide, et ne prêtant plus la moindre attention aux gémissements croissants de Raoul, j’essayai de deviner la suite possible des événements et de déterminer la meilleure conduite à adopter. Une ou deux minutes durent passer, au bout desquelles la voix naïve de Juliette perça la douce torpeur ambiante :— Il semblerait que le sexe de Raoul soit plus petit que le vôtre, Gufti…Je levai vers elle des yeux égarés. Mais Raoul rétorqua avec un sourire :— Moins gros, vous voulez dire. Oui, très légèrement, peut-être…Mais Éloïse s’arrêta de le sucer, se redressa et considéra la queue tendue sur le ventre de son propriétaire :— Non, résolument moins gros, en fait, trancha-t-elle.Je me marrai tandis que Raoul se rembrunit.— Mais vous allez voir, mesdemoiselles ! fit-il ensuite. La taille ne fait rien à l’affaire ! Venez voir, Éloïse.Il la saisit par les hanches et celle-ci se laissa guider jusqu’au-dessus de ses cuisses, où elle s’assit dans un râle après qu’il eut redressé son sexe bien vertical. Et ils commencèrent à s’agiter tous les deux brutalement sous les soubresauts qu’imprimait Raoul sans retenue.Je me mordis la lèvre ; il n’allait pas tarder à tout découvrir, quand elle allait jouir et lui exploser entre les mains. Devais-je tout arrêter avant qu’il ne soit trop tard ? J’hésitai. Mais j’avais confiance en Raoul. Et d’un autre côté, ce ne serait pas mal de ne pas être tout seul dans cette galère. Autant tout lui faire savoir.— Attention ! dis-je à mon ami, avec un sourire. Tu risques d’avoir une surprise vers la fin.Mais Raoul était à fond. Il ne m’avait probablement pas entendu. Il limait Éloïse à toute berzingue, à une cadence hallucinante, tout en lui léchant et lui tétouillant avidement les seins. Et il grognait sourdement et longuement, tandis qu’elle couinait à chacun de ses va-et-vient. Juliette se leva soudain pour s’approcher de moi :— J’ai très envie de sexe, Gufti, me susurra-t-elle avec un sourire qui en disait long.— Euh… ben, moi pas trop, rétorquai-je bêtement.Une immense déception se peignit immédiatement sur son magnifique visage. Je repris, en désignant Raoul :— Tu n’as qu’à attendre qu’il ait fini Éloïse, et puis tu pourras essayer avec lui, si tu veux…— Ah, oui ? fit-elle, paraissant quelque peu rassurée.Elle se campa dès lors debout à côté du couple enlacé et les observa assidûment en commençant de se caresser le corps, des seins jusqu’aux cuisses, attendant visiblement son tour.Mais c’en fut infiniment trop pour le pauvre Raoul, qui se mit bientôt à hurler en se crispant et en fermant les yeux. Il asséna deux ou trois derniers coups de bassin et se décontracta finalement, se laissant aller à nouveau en arrière dans le canapé en lâchant :Éloïse, à qui l’expérience avait visiblement plu, mais qui n’avait pas joui (également visiblement pour moi), continuait de se déhancher quelque peu au-dessus de lui et tourna la tête vers moi :— Gufti, comment se fait-il que je n’aie pas eu d’orgasme ?J’explosai de rire, puis continuai de me marrer nerveusement en voyant la réaction de Raoul, qui me paraissait s’amenuiser et verdir. Mais voyant qu’Éloïse attendait visiblement une réponse, je lui conseillai :— Ben, demande à Raoul…Et elle reposa immédiatement sa question à l’intéressé, qui cette fois tournait au rouge :— Raoul, comment se fait-il que je n’aie pas eu d’orgasme ?— Euh… balbutia-t-il, en fait… euh… je pense que c’est… euh… enfin… peut-être parce qu’on se connaît pas encore bien assez… vous voyez ce que je veux dire…Il y eut un silence que je devinais embarrassant pour Raoul, mais Juliette y mit fin brillamment en s’adressant à moi :— Puis-je essayer Raoul, à présent ?Celui-ci se mit à souffler bruyamment en levant les sourcils, voulant sans doute signifier par là qu’il n’était pas encore prêt. Éloïse se releva, lâchant au passage quelques gouttes de sperme sur mon canapé, puis vint vers moi et me demanda d’un air suppliant :— Oh, Gufti, je t’en prie, fais-moi jouir !Mais Juliette, ne voulant pas être en reste, ajouta :— Oh oui, Gufti, moi aussi, je t’en supplie, fais-moi jouir !Raoul me regarda avec respect. Mais je n’avais aucune envie de sexe. J’avais probablement déjà eu ma dose pour la journée. Et j’avais besoin de réfléchir. Et puis de parler aussi, et à quelqu’un de sensé, pour changer. Raoul n’était sans doute pas la personne la plus sensée qui fût, mais ça irait très bien.— Écoutez les filles, je suis claqué et il faut que je discute avec Raoul, vous n’avez qu’à vous débrouiller entre vous, d’accord ?Elles acquiescèrent, avec toutefois une évidente pointe de regrets, et s’approchèrent l’une de l’autre ; Raoul hallucina une fois de plus.— Vous n’avez qu’à monter dans ma chambre, comme ça vous serez plus tranquilles, d’accord ? Et vous pourrez faire ce que vous voulez…Elles approuvèrent une fois de plus, mais Raoul s’interposa :— Euh, non, je veux bien voir ça, en fait…— Eh ben tu verras ça plus tard, lui répondis-je du tac au tac, en poussant déjà les deux paires de fesses sublimes en direction de l’escalier.— Quand vous aurez de nouveau la possibilité de vous accoupler, nous redescendrons, affirma Juliette.— Oui, c’est cela, concédai-je, dès que Raoul sera en meilleure forme, je vous le ferai savoir.Elles montèrent l’une après l’autre, et ni Raoul ni moi ne pûmes décoller les yeux de leurs culs parfaits. Quand elles disparurent, Raoul, tout en tentant de se rhabiller plus ou moins, tourna vers moi des yeux fascinés ; il semblait chercher ses mots. Croyant deviner ce qu’il voulait dire, je le devançai en acquiesçant de la tête.— Je te ressers un whisky ?— Oui, un énorme !Je le servis ; on percevait déjà les cris étouffés d’Éloïse et Juliette ; en faisant mine de ne rien entendre, je lui apportai son verre ; il le prit en me demandant, toujours effaré :— Ça existe, en vrai, des nanas comme ça ?— Euh… ben, justement… commençai-je, quand je fus interrompu par la sonnette.J’eus instantanément une crampe dans le ventre, m’imaginant que les emmerdes allaient commencer. Signifiant silencieusement à Raoul de ne pas se faire remarquer, j’allai jusqu’à la porte d’entrée et l’ouvris. C’était monsieur Mulet, mon voisin. De voir que ce n’était pas l’armée qui faisait le siège de ma maison me rassura quelque peu, mais devant son air contrit, je m’inquiétai de nouveau :— Bonsoir, monsieur Shank ; je suis désolé de vous déranger à cette heure tardive, mais…Il avait l’air passablement agité et sembla ensuite chercher ses mots ; j’attendis qu’il poursuive.— Écoutez, le mieux c’est que vous veniez voir par vous-même.Sans attendre ma réponse, il m’attrapa par le bras et me tira dans le jardin, puis s’arrêta soudain et tendit la main devant lui en criant :Je mis quelques secondes à m’adapter aux quelques pâles lumières de l’éclairage public qui perçaient l’obscurité de la nuit, mais déjà je m’imaginais le pire en entendant, à quelques décamètres, monter plusieurs longues plaintes et gémissements de plaisir. Je plissai les yeux et m’efforçai d’apercevoir ce que me désignait le père Mulet. Et j’eus un nouveau haut-le-cœur en découvrant non pas un couple allongé dans l’herbe à s’ébattre, mais un trio, composé apparemment d’Éloïse, de Juliette et de moi-même. Je lâchai malgré moi un cri de fureur et d’impuissance qui fit sursauter mon voisin.Je me retournai immédiatement pour regarder en direction de la fenêtre de ma chambre, tentant de vérifier si mon Éloïse et ma Juliette s’y trouvaient encore ou bien si elles avaient fugué pour aller retrouver un de leurs potes dehors. Mais monsieur Mulet me saisit de nouveau le bras et s’écria :— Et attendez ! Ce n’est pas tout !Je le dévisageai, tourmenté à l’avance par ce qu’il pourrait me montrer de plus. Il me tira cette fois-ci jusqu’à l’arrière du jardin, m’entraîna jusqu’à la haie qui le séparait du sien et me désigna le fond de son terrain en beuglant :Je m’approchai doucement jusqu’à pouvoir apercevoir entre les arbustes un nouveau trio s’ébattant à grands cris : deux exemplaires de moi-même défonçaient avec force l’arrière-train d’une autre Éloïse qui rugissait de bonheur.— Je ne sais pas ce que vous avez encore fabriqué, beugla Mulet, mais vous allez me faire disparaître tout ce bordel, sinon j’appelle les flics !Je le regardai longuement, probablement d’un air désarmé. Mais avant que je ne puisse répondre, plusieurs sirènes significatives retentirent dans la nuit, d’abord lointaines, mais qui s’intensifiaient rapidement jusqu’à couvrir les gémissements de tous les Gufti Shank du quartier.— Vous n’aurez même pas besoin de les appeler ! fis-je en me mettant à courir jusqu’à chez moi. Restez chez vous et ne tentez rien !Il me regarda d’un air perplexe rejoindre ma demeure. C’était évident que les flics venaient pour moi. Il fallait que je prévienne rapidement Raoul de ce qui se passait. À toute allure, j’entrai et fermai la porte derrière moi.— Raoul ! hurlai-je. Écoute-moi bien.— Qu’est-ce qu’il y a ? fit-il, sans doute inquiété par le ton de ma voix.— Écoute, Raoul : tu avais raison, il se passe bien des trucs bizarres, et je pense que j’en suis à l’origine.— Quoi ?— Y a les flics qui arrivent, ils vont probablement m’embarquer. Promets-moi de ne rien dire !Il cligna vaguement des yeux, comme pour s’engager tacitement.— Éloïse et Juliette sont des aliens qui ont simplement pris une apparence humaine.— Hein ??? rugit-il.— Je suis désolé, j’ai pas le temps de tout t’expliquer. Ils ont débarqué hier soir, et euh… comment dire… disons que je leur ai appris à baiser, en gros. Sauf que j’avais pas prévu que toute leur tribu rappliquerait ensuite et se mettrait à baiser partout chez nous.— Mais… commença-t-il.Il n’eut pas le temps d’achever ; les gyrophares des flics éclairaient la rue et on entendit une dizaine de violents coups de freins ou de dérapages, tandis que les sirènes émettaient une dernière série de hurlements. Raoul était dans le vague et répétait à voix basse, les yeux rivés sur le sol :— J’ai baisé avec une extra-terrestre… j’ai baisé avec une extra-terrestre…Je montai les marches quatre à quatre en lui criant :— Je te laisse t’occuper d’elles, Raoul ! Tu ne dis surtout pas qu’elles sont là .Il m’écoutait attentivement, mais demeurait confus.— Retiens les flics aussi longtemps que tu peux ! ajoutai-je. J’sais pas, dis-leur que je suis aux chiottes et que j’arrive.Je courus jusqu’à ma chambre et y entrai au moment où retentissaient les premiers coups sourds contre ma porte d’entrée. Raoul cria qu’il arrivait. Je me demandais comment les flics avaient réussi à me trouver si vite. En même temps, s’il y avait un exemplaire de moi-même à chaque coin de rue, ils avaient dû rapidement trouver un gus qui savait qui j’étais. Éloïse et Juliette étaient tranquillement allongées sur le lit, en soixante-neuf, occupées à se brouter la chatte.— Ah ! Gufti, vous venez enfin vous joindre…— Silence ! interrompis-je. Les flics sont là et vont probablement m’embarquer. Vous allez rester avec Raoul jusqu’à ce que je revienne, d’accord ? Il est sympa et s’occupera bien de vous, vous verrez.— Oui, mais il est moins performant que vous, parvint à dire Éloïse, toujours dépitée.Ignorant sa remarque, je poursuivis :— Les policiers vont sans doute fouiller toute la maison, il ne faut pas qu’ils vous trouvent, vous m’entendez ?Voyant qu’elles ne comprenaient pas tout à fait ce que j’attendais d’elles, je parcourus rapidement la pièce du regard, cherchant une cachette. Et j’eus une idée saugrenue, mais qui fonctionnerait sans doute :— Vous n’avez qu’à vous changer en ours en peluche !— En quoi ?— Laissez-moi vous syntoniser encore une fois, vite !— Allez-y.Je me mis à repenser aussi précisément que possible à un gros nounours que j’avais étant petit. Et ça marcha, une fois de plus ; j’eus bientôt devant les yeux deux peluches géantes debout sur leurs pattes de derrière et qui me regardaient de leur air con.— Asseyez-vous là , contre le mur, et ne bougez plus jusqu’à ce que les flics soient partis ? Ensuite, vous restez avec Raoul !L’un des ours en peluche tenta avec difficulté de regarder entre ses jambes, puis d’y passer un de ses bras trop courts et me dit finalement, d’une voix offusquée :— Mais nous n’avons plus de sexe !Je fixai l’ours un court instant avec hostilité. Mais la voix de Raoul me parvint d’en bas :— Gufti ! criait-il. Il faut que tu descendes, il y a la police !— J’arrive ! hurlai-je en retour.Puis à voix basse :— Asseyez-vous et ne bougez plus, s’il vous plaît !Elles s’exécutèrent. Je les abandonnai et marchai silencieusement jusqu’aux toilettes où je tirai la chasse et claquai ensuite la porte avec fracas, puis redescendis d’un pas apparemment serein jusqu’au salon. Feignant la surprise et l’incompréhension complètes, je m’avançai jusqu’aux trois gars en uniformes qui m’attendaient en disant :— Bonsoir, que se passe-t-il, il y a un problème ?— Bonsoir, me fit l’un d’eux en retour tout en me tendant une carte. Je suis l’officier Petitbœuf. Vous êtes bien Gufti Shank ?— Lui-même, assurai-je. Que puis-je pour vous ?— Oui, ça colle, fit un autre en passant en revue une série de photos.— Monsieur Shank, nous avons quelques questions à vous poser. Nous allons vous conduire au commissariat. Et nous allons perquisitionner votre domicile.— Hein ? fis-je, faussement surpris. Mais qu’y a-t-il ? De quoi s’agit-il ?Ils parurent hésiter, mais le troisième gus prit la parole à son tour, m’apostrophant :— Vous n’êtes pas sorti, ce soir ?— Euh… non.— Et vous n’avez pas regardé les infos ?Quand Raoul était arrivé, troublé, deux heures auparavant, il nous avait quasiment forcés à les regarder, s’attendant à y trouver quelque chose. Mais on n’y avait désespérément rien vu d’anormal.— Si, répondis-je en regardant une pendule, vers neuf heures et demie, peut-être.Le flic regarda à son tour la même pendule et dit, comme pour lui-même :— Non, ça fait à peine une heure qu’on en parle…— Mais enfin, qu’on parle de quoi ? fit Raoul, théâtreux.Les trois policiers gardèrent le silence et regardèrent par terre, attendant sans doute chacun qu’un autre veuille bien répondre. Puis l’officier Petitbœuf releva les yeux vers moi et me dit simplement :— Nous vous expliquerons tout au commissariat. Êtes-vous prêt ?— Est-ce que je dois prendre des affaires ?Ils se regardèrent de nouveau, hésitants, et un autre me répondit enfin :— Prenez vos papiers. Ça suffira pour l’instant. Si vous avez besoin d’autre chose, Monsieur pourra sans doute vous l’apporter…Il avait désigné Raoul d’un vague geste. Je tournai vers ce dernier des yeux anxieux :— Bon, je te laisse la maison.— Vous permettez qu’on perquisitionne ? en profita l’un des flics en nous regardant tour à tour.— Ben, je suppose que j’ai guère le choix, répliquai-je.Il me le confirma d’un signe de tête. Cinq nouveaux gardiens entrèrent et commencèrent à s’éparpiller dans ma maison. Mon interlocuteur sortit une paire de menottes et s’avança pour me les passer. Mais l’officier Petitbœuf l’arrêta d’un geste en disant :— Je ne pense pas que monsieur Shank ait l’intention d’opposer la moindre résistance, n’est-ce pas, monsieur Shank ?Je répondis par un sourire désabusé et emboîtai leur pas tandis qu’il me guidait par l’épaule. Nous sortîmes. Il y avait au moins une dizaine d’autres flics dehors, entourant la maison. Ils devaient avoir eu peur que je ne les accueille à grands coups de fusil à pompe. Je me laissai diriger vers l’une des voitures. À l’autre bout du jardin, trois policiers tentaient apparemment de raisonner une Éloïse, une Juliette et un Gufti. Je les regardai, en feignant la surprise complète. L’officier Petitbœuf me dit :— Vous avez vu ça ? Il y en a des centaines comme ça dans toute la ville. Ils baisent à tous les coins de rue sans se soucier de ce qui se passe autour d’eux. Et tous les hommes vous ressemblent étrangement, vous ne trouvez pas ?— Euh… vous croyez ? Et qu’est-ce que c’est ? Des robots ?— Hmmm… Allez, montez.Il me fit m’installer à l’arrière d’une des voitures de police et s’assit à côté de moi. Les deux autres qui m’escortaient montèrent à l’avant du véhicule, qui démarra bientôt et se dirigea à toute allure, prenant la direction du centre-ville.Je regardais par la fenêtre, c’était hallucinant : en à peine un kilomètre, nous avions vu au moins vingt-cinq couples ou trios occupés à baiser tranquillement au bord de la route. Et chaque homme avait mon visage, tandis que les filles étaient soit Éloïse soit Juliette. À chaque fois ou presque, il y avait un attroupement d’habitants qui les entouraient, béats. Et de temps en temps, un des corps explosait littéralement en une multitude de particules tourbillonnantes traversées d’éclairs bleutés.— C’est rigolo ! fis-je à mon voisin pour détendre l’atmosphère.Mais lui ne paraissait pas vouloir rire :— Non, monsieur Shank ! C’est tout sauf rigolo ! Impossible de faire quoi que ce soit d’eux ! Impossible de les raisonner ! Impossible de les forcer à bouger ! Et dès qu’ils ont fini de baiser, ce qui semble se traduire par ce genre de petites explosions, eh bien, ils recommencent !Nous arrivâmes à un grand rond-point, mais fûmes obligés de nous arrêter, car la chaussée était encombrée par deux autres véhicules de police immobilisés. Sur le terre-plein central, c’était cette fois-ci au moins six ou sept personnes qui partouzaient de toutes leurs forces, entourés de plusieurs policiers qui essayaient visiblement de les en empêcher. J’observai un instant attentivement tout ce troupeau, puis m’adressai à l’officier Petitbœuf :— Ah, cette fois, on ne peut pas dire, y en a au moins trois qui n’ont pas mon visage…Il me jeta un regard noir, puis fit :— Lenœud ! Allez voir ce qui se passe !— J’y vais, chef.Le passager avant sortit du véhicule et courut rejoindre ses collègues sur le rond-point. En à peine une minute, trois des policiers revenaient vers leurs voitures en tenant fermement chacun un des gugusses qui partouzaient l’instant d’avant. Aucun n’avait mes traits. Je souris doucement en constatant que les deux mecs qui restaient à baiser (et que d’autres flics s’efforçaient de saisir) étaient mes clones. Mais l’agent Lenœud revint s’asseoir à l’avant et fit fièrement à l’officier Petitbœuf :— Cette fois-ci, on en tient trois, chef !— Oui, mais c’est pas les bons, mon pauvre Lenœud ! Vous voyez bien que ces trois crétins sont juste des pauvres types qu’avaient envie de baiser au passage !— Ça fait rien ! On les emmène quand même !— Bravo ! ne pus-je m’empêcher de dire.— Oh, vous, Shank, vous la fermez ! me fit sèchement Petitbœuf.La voiture redémarra bientôt à toute allure et reprit la route du centre-ville. N’eût été ma captivité, j’aurais ri à gorge déployée. Mais là , j’étais pas vraiment fier. Parce que, si tout cela était évidemment ridicule, on se retrouvait quand même avec une armée de clones occupés à baiser partout sans interruption (là , ça allait, c’était la nuit, mais demain matin ?), sans apparemment la moindre façon de les raisonner ou de les attraper, et tout cela était de ma faute…