Avant toute chose, je rappelle que mes Ă©crits sont de pures inventions ; le prĂ©sent rĂ©cit n’échappe pas Ă cette règle. Les Ă©ventuelles similitudes et ressemblances en ce qui concerne les situations ou personnages sont naturellement fortuites. Il est cependant difficile d’échapper Ă ce que l’on est, et paradoxalement, j’ai constatĂ© maintes fois que je m’exprime avec plus de sincĂ©ritĂ©, lorsque je suis libĂ©rĂ©e des contingences de la rĂ©alitĂ©. ______________________– 1 –Tant qu’à inventer, je peux aussi bien choisir un prĂ©nom moins ringard que celui dont ma mère m’a affublĂ©e ; on va dire que je m’appelle Caro, j’adore ce prĂ©nom. Je cours vers mes trente-trois printemps, ce sera acquis Ă la fin de la saison ; trente-trois printemps, ne font pas nĂ©cessairement trente-trois ans, pour clore la trente-troisième annĂ©e il faut encore attendre un peu. Je suis nĂ©e un 23 octobre, Ă la charnière entre balance et scorpion. Un jour ambigu, Ă propos duquel les astrologues ne sont pas d’accord, selon les uns le 23 octobre est balance troisième dĂ©can, pour les autres ce mĂŞme jour est scorpion premier dĂ©can, d’autres encore ne tranchent pas et chevauchent si bien que je suis Ă la fois balance et scorpion. Mon cas n’est pas simple, j’ai le sentiment d’avoir un pied dans un signe et un pied dans l’autre, Ă l’instar d’un frontalier Ă cheval sur une frontière.En gĂ©nĂ©ral, quand j’explique, personne ne comprend, mais c’est pourtant un fait. Avec le temps, je me suis faite Ă cette ambivalence, elle me permet de manger aux deux râteliers, le champ des possibles est ainsi deux fois plus large ; si l’horoscope des balances m’attriste, je me console avec celui des scorpions, ou inversement. C’est bien rare qu’il n’y en ait pas un qui ne soit pas Ă mon goĂ»t. Si les deux sont nazes, alors je suis mal. On sait tous que la divination n’est pas une science exacte, certains mauvais esprits prĂ©tendent mĂŞme que ce n’est pas une science, mais du charlatanisme. Laissons les dire ! Les erreurs existent malgrĂ© tout, comment le nier ? J’ai moi-mĂŞme constatĂ© que deux sources diffĂ©rentes pouvaient fournir deux prĂ©dictions diffĂ©rentes, des diffĂ©rences allant parfois jusqu’au grand Ă©cart.J’ai un exemple très personnel : il y a deux ans, les astrologues de www.astrocenter, m’ont prĂ©dit que je me marierais Ă bref dĂ©lai ; ils ont tapĂ© en plein dans le mille, je me mariais avec Marco dans la foulĂ©e. Le mĂŞme jour, je consultais www.signe-zodiaque, ces derniers ne me disaient rien de tout cela, comme si ce n’était pas important que je me marrie. J’étais furax, je les ai jetĂ©s, je veux dire que je les ai enlevĂ©s de mes favoris. Du coup je me connecte moins souvent sur ce site, mais j’y vais encore, on sait jamais…Mon signe chez www.signe-zodiaque est ambivalent, je suis balance et scorpion Ă la fois. Quand je raconte l’anomalie, les collègues se marrent, certaines font des jeux de mots : je suis une bâtarde balance mâtinĂ©e de scorpion, ou bien un scorpion bâtard parfumĂ© balance. Des deux formules, je prĂ©fère celle au fĂ©minin, mais c’est Ă©gal, l’une et l’autre reflètent une rĂ©alitĂ© incontestable, je suis effectivement une bâtarde, et pas seulement du point de vue astrologique.Je ne connais pas mon père, ma mère Ă©tait très jeune, elle s’est faite baiser, dans tous les sens du terme. SpontanĂ©ment j’ai Ă©crit « faite baiser », mais ce fichu correcteur orthographique conteste ma conjugaison au fĂ©minin, m’a fallu rĂ©flĂ©chir. J’ai fait chauffer les neurones ; putain de correcteur, il se plante (je parle du logiciel, pas des aimables correcteurs). Je ne peux m’empĂŞcher d’y voir un effet pervers de la prĂ©dominance du masculin (c’est automatique, en première option), en lien avec l’asservissement dont nous sommes victimes (ça aussi c’est automatique). Si vous ne voyez pas ce que je veux dire, c’est que vous ĂŞtes aveugle, ou que vous ne voulez pas voir.[Le correcteur humain et mâle a hĂ©sitĂ© longtemps avant de conserver cette incorrection, et toutes celles qui vont suivre… (NDC)]Quoi qu’il en soit, ma mère fit face, elle Ă©tait bien obligĂ©e, qu’elle m’a dit, parce qu’il Ă©tait trop tard pour avorter. J’en ai dĂ©duit que j’étais une enfant non dĂ©sirĂ©e, ce qui explique peut-ĂŞtre une partie de mes vices, j’en ai pas mal. MalgrĂ© les ratĂ©s du dĂ©part, l’amour ne m’a pas manquĂ©, c’est grâce Ă ma mère, et pas Ă un autre (noter le masculin singulier), si je suis lĂ en train de dĂ©goiser mes conneries, que je rĂ©dige sur un ordi dernier cri, le cul (petit et mignon) solidement calĂ© dans un fauteuil quelque part en Auvergne. Je suis nĂ©e au pays de VercingĂ©torix, ma mère en est issue, ses parents aussi. Le droit du sol fait de moi une Auvergnate, mais selon ma lignĂ©e ce n’est qu’à moitiĂ© vrai, l’autre moitiĂ© prend racine du cĂ´tĂ© des Balkans.— Il est nĂ© dans un village pas loin de Belgrade, c’est tout ce que je sais, prĂ©tend ma mère chaque fois que je lui en demande plus au sujet de mon gĂ©niteur.______________________– 2 –Pour en revenir aux sites et publications qui connaissent si bien notre avenir, je pense que c’est comme partout, il y a les sĂ©rieux et les pas sĂ©rieux, mais je ne sais pas faire la diffĂ©rence. Je lis tout, et consulte tout, dans les moindres dĂ©tails, pour les balances aussi bien que pour les scorpions, et les sagittaires aussi (Marco, mon chĂ©ri, est nĂ© dĂ©but dĂ©cembre). Les autres signes, je les survole, histoire de comparer ; des fois il y a de quoi ĂŞtre jalouse. J’attache beaucoup d’importance aux prĂ©dictions, si elles sont bonnes, mon cĹ“ur palpite, si elles sont mauvaises, je dĂ©prime. Comme tout le monde, je me fais aussi avoir : l’an passĂ©, une tireuse de tarots m’avait annoncĂ© un bĂ©bĂ© dans l’annĂ©e, j’étais heureuse ; manque de bol, elle s’est plantĂ©e ; ça m’a quand mĂŞme coĂ»tĂ© cinquante euros.— Tu es trop crĂ©dule, me dit Marco.Cette histoire de bĂ©bĂ©, le dĂ©sir d’en avoir un, est surtout le fait de mon homme. C’est lui qui est le plus demandeur, plus que moi. Faut dire que les beaux-parents poussent Ă la roue, un garçon de prĂ©fĂ©rence, le beau-père a la hantise que son nom se perde. C’est Ă©trange les diffĂ©rences d’une famille l’autre ; ma mère Ă moi, elle s’en fiche. Moi aussi Ă vrai dire, un garçon ou une fille, c’est Ă©gal. En fait, je prĂ©fĂ©rerais une fille, mais je me garde de le dire, pour ne pas dĂ©plaire Ă Marco et Ă beau-papa. On a convenu d’attendre la fin de l’annĂ©e, et s’il n’y a rien d’ici lĂ , on consultera les spĂ©cialistes.Que ne ferait-on pas pour l’avoir ce bĂ©bĂ©Â ? On fait crac-crac, aussi souvent que possible, plusieurs fois par jour quand la pĂ©riode est propice. Pas de quoi grimper aux rideaux ! Pourtant j’aime l’amour, mais je l’aime exubĂ©rant, spontanĂ©, coquin, tout le contraire du forcing auquel on s’astreint. Les frĂ©quentes absences de Marco sont une contrainte de plus, la principale en fait. On jongle avec le calendrier ; c’est comme rĂ©soudre une Ă©quation Ă deux inconnues : les pĂ©riodes d’ovulation, et la disponibilitĂ© de mon chĂ©ri.Marco travaille dans une boĂ®te d’import-export, je le crois en Colombie-Britannique, il est en Chine ; j’exagère bien sĂ»r, mais c’est un peu ça. Il y a des mois oĂą je ne le vois qu’entre deux portes, c’est vraiment trop peu. D’autres mois je l’ai quinze jours durant dans les pattes, c’est beaucoup ; notre appart est petit, trop petit. On a gardĂ© celui que j’avais avant qu’on se marie. J’y ai mes habitudes, je me suis forcĂ©e pour faire place Ă mon homme, ce n’est pas toujours facile, il prend beaucoup d’espace.Marco adore son boulot, et il gagne très bien sa vie, infiniment plus que je ne gagnerai jamais. Nous avons des projets, on a dĂ©jĂ achetĂ© un terrain en proche banlieue. On va construire, c’est acquis, les plans sont tirĂ©s, ce n’est plus qu’une histoire de mois, un an tout au plus, avant qu’on ne dĂ©mĂ©nage et quitte notre HLM. En attendant, on s’en satisfait. J’ai aussi gardĂ© mon taf, il ne rapporte pas grand-chose, mais c’est toujours ça, et de cette façon je garde mes droits, je prendrai un congĂ© parental le moment venu. Marco pense dĂ©jĂ Ă l’après, il verrait bien que je cherche un autre emploi, plus valorisant en termes de paye, et d’image. Je le laisse dire, mais j’aime ce que je fais ; j’aide les gens, surtout des personnes âgĂ©es, je suis auxiliaire de vie dans une association.Avant de connaĂ®tre Marco, je papillonnais beaucoup. Autant appeler un chat, un chat : j’étais facile et sans tabou. Du reste c’est moi qui l’ai draguĂ©, et mis dans mon lit ; si je n’avais comptĂ© que sur lui, on en serait encore Ă se faire les yeux doux. Après avoir prononcĂ© mes vĹ“ux devant le maire et le curĂ©, j’ai dĂ©cidĂ© d’arrĂŞter de divaguer, et de rester dans le droit chemin, si tant est qu’il y ait des chemins droits et d’autres tordus. J’ai priĂ© le Très-Haut, celui qui voit tout, et qui sait tout, qu’il m’en donne la force. M’a-t-il entendue ? Mystère et boule de gomme, Ă moins qu’il n’ait un autre dessein, toujours est-il que mon droit chemin est tordu…J’ai lu quelque part que les voies du Seigneur sont impĂ©nĂ©trables. On m’a expliquĂ© que ça veut dire qu’on ne le voit pas venir avec ses gros sabots. Moi, il n’y a pas de risques, je suis trop nulle, je ne vois rien, je ne sais mĂŞme pas oĂą je vais. J’ai parfois l’impression que le Seigneur m’a oubliĂ©e, ou bien qu’il chie dans la colle (pardon Seigneur, je suis une incorrigible pĂ©cheresse). En tous les cas, ma rĂ©solution prend la couleur de l’ennui. De fait, les soirĂ©es sont longues quand mon homme est en dĂ©placement Ă l’autre bout de la terre. Au dĂ©but, je passe du temps Ă Ă©tudier la mappemonde, Ă apprendre la gĂ©ographie ; je suis devenue imbattable sur les capitales, mais la terre c’est quand mĂŞme tout petit, on a vite fait le tour du globe, et un jour que je le fais tourner, promenant mon doigt sur la carte du Kirghizistan, sans trouver un putain de bled au nom imprononçable, je suis interrompue par la sonnerie de mon smartphone.Je ne rĂ©siste pas Ă l’appel des amies. Des cĂ©libataires, qui font la noce quand ça leur chante et autant que ça leur chante ; de quoi me donner le bourdon. Je les suis, on boit, on danse, on drague. Un peu avant, j’ai lu dans mon horoscope, celui publiĂ© dans l’hebdomadaire « Elle », qu’il me faut faire attention, que la pĂ©riode ne m’est pas propice, je n’ai pas voulu comprendre, je me crois très maline. Le dĂ©mon l’a Ă©tĂ© plus que moi, je chute… Pas la première fois, mais les suivantes, une fois, deux fois, trois fois… Des accrocs au contrat, non prĂ©mĂ©ditĂ©s, je m’empresse de le dire, mais indĂ©niables, tĂ©moins Ă charge Ă l’appui. S’il n’y avait qu’une fois, je pourrais encore m’en tirer, mais avec les rĂ©cidives, mon cas est indĂ©fendable.C’était Ă©crit, les augures l’avaient prĂ©dit, me dis-je, en me remĂ©morant la mise en garde. Mes fautes en sont-elles moins grandes ? J’ai des circonstances attĂ©nuantes puisque c’était fatal, mais d’un autre cĂ´tĂ© j’aurais pu inflĂ©chir la fatalitĂ© puisque j’étais prĂ©venue ; ce n’est pas la faute des augures si je suis idiote et ne sais pas lire. J’ai beau chercher midi Ă quatorze heures, je ne parviens pas Ă m’innocenter, je suis coupable, et je me sens coupable.Certes, je suis rodĂ©e, je ne me bile pas pour quelques accrocs, mais je sens bien que si je ne fais rien, la liste va s’allonger. J’aime Marco, et me veux… pardon, me voulais fidèle ; le passĂ© est de rigueur bien sĂ»r, le prĂ©sent n’est plus de mise. Je sollicite l’avis d’une amie expĂ©rimentĂ©e, vaguement pute sur les bords et voyante Ă ses heures.— Je vais te parler en amie, qu’elle attaque, il te faut prendre le taureau par les cornes.Ça vient vraiment du cĹ“ur, elle n’a pas mĂŞme regardĂ© sa boule de cristal. Je lui rĂ©ponds que je ne suis pas torera, la corrida très peu pour moi. Elle m’explique ; je comprends que je dois tirer un trait sur le passĂ©. Je dĂ©cide donc de tourner le dos aux tentations. Adieu monde de la nuit ! C’est très dur, sniff, sniff… J’adore danser, m’étourdir, faire la folle… « J’aime Marco plus que tout » que je me serine, comme d’autres s’injectent de l’EPO ou de la dope, pour tenir la longueur, moi c’est pour bien ancrer ma rĂ©solution dans ma caboche.______________________– 3 –Je m’en retourne rĂ©viser mes capitales. Évidemment c’est moins marrant, mais je n’y passe pas tout mon temps, j’aime trop voir des gens, des amis. Je sĂ©lectionne : toutes mes amies ne sont pas des lucioles Ă©cervelĂ©es, d’autres sont devenues de parfaites fĂ©es du logis. Je renoue avec les dernières, et aussi avec mon ancienne meilleure amie. Nous nous sommes pratiquement Ă©levĂ©es ensemble, depuis la maternelle… Elle s’est mariĂ©e, il y a cinq ans, on se voyait moins ensuite, c’est classique…Classique ? S’il n’y avait que ça ! Je me suis « jurĂ©e » d’être sincère. « JurĂ©e » ? Quelle conjugaison ? « é » ou « ée » ; putain de correcteur orthographique (pardon pour ma grossièretĂ©), m’en fiche, je garde « ée » et brandis l’étendard, y-en-a marre du despotisme masculin. En plus il a tout faux mon logiciel, vais en changer, et si ce n’est pas lui qui a tort, vais changer les règles de l’orthographe. Tant qu’à faire on pourrait revoir la morale aussi. Y-en-a marre (encore) des rĂ©fĂ©rences judĂ©o-chrĂ©tiennes, ça commence Ă faire ringard. Vrai aussi que ma morale Ă moi, c’est pas de la tarte, elle a pris de la dĂ©rive, faut dire que quinze ans Ă faire la teuf, ça marque ; voir ce que j’ai vu, savoir ce que j’ai fait… J’essaie d’oublier, de corriger le cap, mais des fois le diable est en moi ; c’est lui qui me fait trĂ©bucher, le curĂ© me l’a dit avant d’absoudre mes fautes. Un très vieux curĂ©, le curĂ© de la famille Ă Marco, je lui ai tout dĂ©ballĂ©, tous mes pĂ©chĂ©s sans rien oublier. Je suis sĂ»re qu’il n’a rien compris, il est sourd comme un pot. Quoi qu’il en soit, il m’a blanchi avant de me marier. Le jour de la cĂ©rĂ©monie, j’étais toute blanche, dedans et dehors… Ma mère en chialait, Roseline aussi…Du coup je ne sais plus oĂą j’en suis… En fait si je sais, mais ce n’est pas facile de faire des aveux, je croyais m’en tirer avec une formule magique : « classique », mais ma conscience ne se laisse pas corrompre. Ce que j’ai sur le cĹ“ur, nul n’avait Ă savoir, mĂŞme les augures ne l’avaient pas prĂ©vu. Aucun ne m’avait prĂ©dit la bourde que j’ai faite ; j’ai vĂ©rifiĂ© par après au cas oĂą j’aurais mal lu ou mal compris, comme je suis coutumière, mais que nenni. C’était pourtant une très grosse bourde, le mariage de mon amie Roseline venait Ă peine d’être cĂ©lĂ©brĂ©. Dieu m’est tĂ©moin, j’ai ensuite consultĂ© tous ceux Ă qui le Très-Haut souffle sa parole, d’une manière ou d’une autre, voyantes, mages, guĂ©risseurs, et aussi un prĂŞtre, auquel je me suis confessĂ©e. Il ne m’a pas excommuniĂ©e, il m’a seulement demandĂ© de rĂ©citer un « je vous salue Marie », et deux « pater », en vue d’obtenir mon pardon. J’ai pas osĂ© lui dire que je ne m’en souvenais plus, je me suis dĂ©brouillĂ©e comme j’ai pu… Cela m’a aidĂ©e, après avoir fait pĂ©nitence, je me sens un peu moins nulle vis-Ă -vis de Roseline…Elle ne l’a jamais su ; je me suis tapĂ© son père, une erreur que je ne me pardonne pas. Comme j’étais mal, j’ai consultĂ© une psy, elle m’a assurĂ© que je finirais par oublier. MalgrĂ© tout, il n’y avait pas moyen de faire comme si rien ne s’était passĂ©, et bien que mon amie ne soit pas en cause, j’ai pris de la distance. NĂ©anmoins nous sommes restĂ©es en rapport. C’est elle qui a d’ailleurs exigĂ© que je sois la marraine de sa fille. Ă€ l’occasion du baptĂŞme, j’ai fait la paix avec le grand-père, il demandait mon pardon, et n’en finissait plus avec ses excuses. Que devais-je rĂ©pondre ? Il n’était pas seul coupable ; je lui ai donnĂ© mon absolution. Du reste mon psychodrame prenait de la bouteille. La psy avait raison on finit par vivre avec.______________________– 4 –AmĂ©lie, ma filleule, est une adorable poupĂ©e, elle frĂ©quente la maternelle depuis un an, je vais parfois l’y chercher ou l’y emmener, c’est selon ; des moments magiques. J’apprends aussi Ă tricoter, coudre, faire la cuisine ou des gâteaux, tout ce qu’il me faudra savoir faire lorsque je serai moi-mĂŞme maman, mais j’avoue que je ne suis pas une Ă©lève assidue. J’ai plus de goĂ»t pour accompagner les enfants Ă la piscine, ou faire de l’équitation. J’ai mes entrĂ©es dans un centre Ă©questre, et mĂŞme une jument Ă moi, un cadeau que m’a fait le père de Roseline, officiellement pour marquer notre rĂ©conciliation. J’imagine qu’il rĂ©compensait mon silence ; peu importe, je m’en fiche, c’est de l’histoire ancienne. Ma jument est l’un des rares facteurs de stabilitĂ© de mon existence, elle me demande beaucoup de soins, de temps, et d’amour, mais me le rend au centuple.Du coup, mon emploi du temps est bien rempli, entre ma jument, le taf, ma meilleure amie, ma filleule, la piscine, les fĂ©es du logis, et tout ce que j’oublie… Pas nĂ©cessairement dans cet ordre, mais c’est Ă©gal, mes journĂ©es passent vite. Mes nuits sont moins trĂ©pidantes. Si je me couche trop tĂ´t, je me morfonds au fond de mon lit. Il arrive qu’en attendant le sommeil, je cède Ă mes dĂ©mons, je me donne du plaisir. Je l’appelle comme ça, mais ce n’en est pas vraiment, juste un pis-aller parce que les hormones me travaillent.Chaque soir, je me connecte Ă Internet, j’attends que Marco me contacte via Skype, et entre-temps je tiens mon courrier Ă jour, emails et autres. Mes conversations avec Marco durent rarement moins d’une heure, souvent beaucoup plus. Je minaude, et joue un peu, par webcam interposĂ©e, pas trop quand mĂŞme… Il est incroyablement prude pour un garçon, plus qu’aucun autre que j’ai connu avant lui, et Dieu sait si j’en ai connu. D’un cĂ´tĂ©, cela me rassure, j’ai le sentiment qu’il n’est pas du genre Ă aller butiner ailleurs, et d’un autre cĂ´tĂ© cela m’irrite, il est trop pudibond, mĂŞme avec moi, au point d’en ĂŞtre con, pour dire les choses telles qu’elles sont.MalgrĂ© tout, je sais qu’il aime quand je l’allume, j’imagine qu’il va ensuite se branler après qu’on soit dĂ©connectĂ©s, mais Ă vrai dire je n’en suis pas sĂ»re, c’est un sujet tabou dont il n’aime pas parler. Il est très complexĂ© avec les choses du sexe. Avant de nous marier, je le savais dĂ©jĂ Â ; une fois, je lui avais montrĂ© un godemichĂ© en imaginant l’exciter, le rĂ©sultat n’avait pas Ă©tĂ© celui escomptĂ©. Il m’avait regardĂ© d’un air horrifié… J’avais rangĂ© mon jouet, en me disant que j’avais bien fait de ne pas lui montrer les autres.Que Marco soit comme ça, autant effarouchĂ© m’a beaucoup tracassĂ©e, et j’ai bien sĂ»r cherchĂ© Ă Ă©valuer notre degrĂ© de compatibilitĂ©. J’ai questionnĂ© les astres, pas toute seule bien sĂ»r, je n’en suis pas capable. J’ai payĂ© un spĂ©cialiste, cent euros qu’il m’a coĂ»tĂ©s. On n’a pas trouvĂ© de contre-indication, rien que des trucs positifs. L’astrologue m’a mĂŞme prĂ©dit un prochain mariage princier. Je me souviens que sa prĂ©diction corroborait celle de www.astrocenter, ça m’avait frappĂ©e. Il avait mĂŞme ajoutĂ© deux ou trois dĂ©tails, comme le château, et la splendeur de la robe, qui se sont vĂ©rifiĂ©s après coup ; un as vraiment ! Dommage qu’il ait dĂ©mĂ©nagĂ©, sinon j’aurais pris un abonnement.Normalement la cĂ©rĂ©monie des Ă©pousailles intervient dans la commune de l’épousĂ©e ; exceptionnellement la noce eut lieu en Dordogne, dans le château des parents de Marco, j’étais Ă©blouissante dans une robe magnifique. Il y avait plus de deux cents personnes, essentiellement de la parentèle Ă Marco, parce que de mon cĂ´tĂ© je n’ai pas grand monde, Ă part ma mère et son copain du moment, plus quelques amis très proches dont Roseline et son mari Charly. AmĂ©lie Ă©tait encore trop petite Ă l’époque, elle Ă©tait restĂ©e chez son papy et sa mamy. ______________________– 5 –Lorsque Marco est en dĂ©placement, je ressors mes jouets. J’ai deux godes dont un vibrant, un Ĺ“uf tĂ©lĂ©commandĂ©, des boules de Geisha et deux ou trois rosebuds. Je ne sais plus au juste, je ne retrouve pas le troisième. Une panoplie que j’ai constituĂ©e au fil des ans, et que j’aurais aimĂ© confier Ă mon Ă©poux, comme les clefs du logis, un gage d’allĂ©geance autant que de complicitĂ©. Au lieu de cela, je la cache et en use en secret, pour grappiller un peu de plaisir coupable. Pas mĂŞme du plaisir du reste, juste de l’acharnement pour vĂ©rifier que je peux encore faire vibrer ce corps exigeant. En fin de compte mes masturbations sont tristes. Ce n’est pas sur elles que je peux compter pour vaincre mes insomnies, j’ai le choix entre prendre un somnifère, ou me prĂ©parer une tisane apaisante, Ă base d’escholtzia, ou d’aubĂ©pine, ou de passiflore, ou de valĂ©riane, c’est selon mon humeur du jour.Pendant qu’elle infuse, et le temps qu’elle agisse, je me connecte et navigue ici et lĂ sur Internet. Pourquoi ai-je atterri sur des sites libertins ? Je ne me souviens plus, par curiositĂ© je pense, j’ai tout de suite accrochĂ©. Tous ces hommes qui me poursuivent de leur assiduitĂ©, ça m’amuse. Le jeu est sans risque, et le choix infini, il arrive que je « diale » avec plusieurs inconnus Ă la fois. Les thèmes sont coquins, rien dont je puisse ĂŞtre fière, mais c’est excitant, j’en oublie l’heure.L’addiction s’est installĂ©e, sans que je me rende compte. Je me connecte quotidiennement, et si je refuse toujours les webcams, j’accepte de livrer des photos. Des photos que j’ai Ă©videmment neutralisĂ©es pour qu’on ne puisse pas m’identifier. Encore que certaines fois je me montre en clair. Les Ă©lus qui y ont droit, ne sont pas nombreux, deux ou trois, c’est selon les jours, toujours les mĂŞmes. Il y a un interlocuteur que j’apprĂ©cie plus que les autres, nous avons mĂŞme Ă©changĂ© nos mails. Mes sĂ©ances nocturnes me mettent dans des Ă©tats d’excitation extrĂŞme, c’est peu dire si j’écris que mes masturbations deviennent plus savoureuses, et plus furieuses aussi.Cela ne contribue Ă©videmment pas, Ă me rendre moins accro. Je me connecte tous les soirs, mĂŞme quand Marco est dans les parages. S’il le faut, je manigance et trouve une excuse, j’ai absolument besoin de snifer ma drogue. Snifer ma drogue ? L’image me semble autrement plus parlante que les mots : cyberdĂ©pendante, ou netaholique. Ce sont les termes utilisĂ©s par la psychologue lorsque je l’ai consultĂ©e. On m’avait recommandĂ© un homme, mais j’ai prĂ©fĂ©rĂ© aller voir une femme parce que ce que j’ai Ă dire est assez intime. Elle semble très au fait de son sujet. Elle ne modifie pas ses recommandations d’un iota quand je lui avoue que je suis quand mĂŞme super excitĂ©e, jusqu’à mouiller ma culotte. Selon elle, il n’y a pas de mal Ă se faire du bien. Je me suis laissĂ© dire qu’elle milite pour les Femen.Parmi ses recommandations, la psychologue m’a conseillĂ© d’arrĂŞter de me connecter pendant quelque temps, mais je n’en ai pas le courage, je remets Ă plus tard et poursuis mon jeu malsain. MĂŞme si la thĂ©rapeute ne m’a rien dit Ă ce sujet, j’ai conscience de mon inconduite vis-Ă -vis de Marco, j’essaie de compenser par plus d’amour.Lorsqu’il me rejoint au lit, j’éteins mon ordinateur portable, et n’ai de cesse de lui prouver mon amour. Mes batteries sont chargĂ©es Ă bloc, je ne suis que dĂ©sir, un dĂ©sir exacerbĂ©, Ă fleur de peau, nos Ă©bats retrouvent les ardeurs des premiers temps. Je ne suis pas sĂ»re d’être animĂ©e par une Ă©nergie honorable, mais c’est tellement bon, qu’il m’est difficile de faire la fine bouche, et mon chĂ©ri y trouve son compte. Il adore et n’a jamais tant joui, dans ma bouche et dans ma chatte. Pour le fion, il y va encore Ă reculons, des restes de pruderie subsistent, je m’emploie Ă les faire disparaĂ®tre. Encore faut-il qu’il soit raide ; la rĂ©sistance de Marco n’égale pas la mienne, il flanche bien avant moi, et gĂ®t Ă©puisĂ©, la nouille en berne, bras et jambes en croix en travers du lit.— J’en peux plus, tu m’as lessivĂ©, gĂ©mit-il en se glissant entre les draps sans mĂŞme prendre la peine d’aller faire un peu de toilette.Je le regarde, attendrie, amoureuse… Il ronfle dĂ©jĂ avant mĂŞme que j’aie fini de remonter drap et couverture pour le couvrir. Je l’envie, je n’ai pas la mĂŞme aptitude Ă m’endormir comme une masse. Je sais qu’il me faudra encore longtemps avant de trouver le sommeil. Le comble est que mon excitation n’est pas Ă©puisĂ©e, elle perdure, et tend Ă reprendre de la vigueur, tandis que je me remĂ©more celle que j’ai fait naĂ®tre chez Pierre, avant de rejoindre Marco.Pierre est mon correspondant virtuel attitrĂ©. Il est mariĂ© et papa, mais c’est Ă©gal, nous n’avons pas l’intention de tromper nos conjoints respectifs. Nous ne sommes cependant pas dupes. Tout virtuel qu’il soit, notre jeu n’est Ă©videmment pas innocent, et nous sommes conscients que notre fidĂ©litĂ©, maintes fois rĂ©affirmĂ©e, et jurĂ©e, n’est qu’un leurre pour allĂ©ger le poids de notre faute. Je devrais arrĂŞter, stopper lĂ , mais au lieu de cela je suis aspirĂ©e dans un tourbillon diabolique. Nous continuons Ă nous exciter mutuellement, j’ose des poses que je ne ferai pas en d’autres circonstances. J’aime imaginer qu’il bande pour moi, cette Ă©vocation suscite chez moi une effervescence dĂ©licieuse.Mes doigts hĂ©sitent, tripotent, mais je me refrène, je ne peux pas ĂŞtre autant ardente que je voudrais, par crainte que mon enthousiasme ne me dĂ©borde et rĂ©veille Marco. Je me glisse hors du lit… Le salon m’accueille. La chaleur dans mon ventre m’invite Ă me toucher, mais dans le mĂŞme temps l’envie de fumer se fait pressante, entre les deux mon cĹ“ur balance. J’allais Ă©crire que la cigarette l’emporte, mais ce n’est pas tout Ă fait vrai, certes j’ai dĂ©cidĂ© d’aller fumer, cela ne m’empĂŞche nullement de couver mon dĂ©sir au chaud dans mon ventre. Je jouis du report ; l’attente est dĂ©licieuse. Bien entendu, je fume Ă l’extĂ©rieur sur le balcon, une obligation quand on vit avec un non-fumeur, ce qui suppose quelque prĂ©alable, l’hiver est rude en Auvergne. D’ordinaire j’enfile une vieille doudoune de Marco que je garde Ă cet effet ; celle-ci me couvre au moins les fesses, tandis que la mienne est trop courte. Je file rĂ©cupĂ©rer le vĂŞtement sur la patère dans l’entrĂ©e…La suite ne sera pas celle que je projette. Le malin, ou bien le destin, je ne sais, je ne dĂ©mĂŞle jamais vraiment, toujours est-il que l’un ou l’autre place l’exemplaire de « Biba » dans mon champ de vision, je me rappelle y avoir lu mon horoscope de la semaine. Il y est prĂ©cisĂ© que je dois avoir de l’audace, et ceci aussi bien pour les balances que pour les scorpions, ce qui Ă©quivaut pour moi a une double prescription, ce qui la rend doublement impĂ©rative.Comment j’en viens Ă dĂ©cider d’aller nue sur le balcon ? La prescription bien sĂ»r, je fais dans la provoc, une bravade que je confonds avec la hardiesse. Avec le recul, j’y vois la patte du malin, car l’audace pour le cas m’expose Ă un bon rhume, et au risque d’être la risĂ©e du quartier si l’on apprend que je m’adonne au naturisme domestique sur mon balcon. Le danger n’est pas nul, l’appart est au premier, Ă l’aplomb de l’entrĂ©e principale, face au parking. Depuis mon balcon, je suis idĂ©alement placĂ©e pour surveiller les allĂ©es et venues, mais en retour mes chances d’être aperçue sont Ă peu près du mĂŞme ordre.Mon plaisir est Ă la mesure du danger, immense, intense, jouissif…. Dommage qu’il n’y ait pas un chat en vue. Il ne fait pas chaud, mais ça, je m’y fais Ă peu près. Le brasier qui brĂ»le en moi, me rend insensible. Je fume ma clope et me gargarise de mon audace, offrant sans vergogne mon corps aux morsures du froid hivernal.______________________– 6 –Il y aura d’autres sĂ©ances sur le balcon, j’aime offrir mon corps aux forces de la nuit. J’attends bien au-delĂ de minuit, lorsque Marco dort profondĂ©ment. L’immeuble dort aussi, mais s’il subsiste une fenĂŞtre, ou deux, encore Ă©clairĂ©es, cela ne m’effarouche pas. Les abords sont dĂ©serts, l’heure est sans danger.Une nuit cependant, il est plus tĂ´t que d’ordinaire. L’impatience m’a gagnĂ©e, je suis seule, Marco est parti en dĂ©placement le matin mĂŞme. Il n’est pas minuit quand je vais goĂ»ter l’air vivifiant qui souffle depuis la chaĂ®ne des volcans. Une voiture s’annonce et prend place dans le parking. L’animation bouleverse mon ordinaire, je suis dĂ©contenancĂ©e, dĂ©jĂ anxieuse… J’ai un instant la tentation de disparaĂ®tre dans l’ombre de mon salon, dont la baie est restĂ©e entrouverte. Je n’en fais rien, j’ai trop imaginĂ© l’épreuve pour ne pas avoir le dĂ©sir de l’affronter. J’écrase mon mĂ©got dans le cendrier que je garde Ă portĂ©e dans ce but, mes deux mains sont agrippĂ©es Ă la rambarde. J’y suis enchaĂ®nĂ©e, tellement je suis crispĂ©e ; la tension tĂ©tanise mes muscles, et l’apprĂ©hension accĂ©lère mon pouls. La lumière des lampadaires parvient Ă peine jusqu’à moi, diffuse et parcimonieuse, mais encore suffisante pour allumer une luminescence traĂ®tresse sur ma peau couleur du lait, couleur d’hiver…Ce n’est pas sans effroi que je constate combien je suis claire, luciole dans la nuit, un phare sur son promontoire, mais au-delĂ de la parano qui me porte Ă grossir le danger, il reste que l’homme peut m’apercevoir, pour peu qu’il lève les yeux. Mon pari est le plus idiot que j’ai osĂ© jusque-lĂ . Mon attente est fiĂ©vreuse, affreuse et enivrante Ă la fois. Je me rĂ©serve nĂ©anmoins une Ă©chappatoire, je peux bondir un pas en arrière… Piètre alternative, je m’y prĂ©pare nĂ©anmoins, priant mentalement pour que l’homme n’ait pas l’idĂ©e de lever le nez, et l’espĂ©rant vaguement malgrĂ© tout. Me voilĂ schizophrène, je veux tout et son contraire, la considĂ©ration et le frisson.La fièvre aiguise mes sens, je pressens le pĂ©ril imminent. Mon recul est prĂ©cipitĂ© et brouillon. Je rĂ©agis avec l’ébauche du mouvement qu’il fait pour lever la tĂŞte, je ne sais s’il m’a aperçue, mais il m’a Ă coup sĂ»r entendue avec le raffut que j’ai fait ; j’ai dĂ©sĂ©quilibrĂ© une pile de fauteuils d’extĂ©rieur, emboĂ®tĂ©s et stockĂ©s pendant l’hiver. Les fauteuils atterrissent sur le sol de bĂ©ton, et s’entrechoquent entre eux. Le boucan me semble infernal, je me ratatine dans l’angle le plus obscur, hors de vue du bonhomme. Je le devine perplexe, cherchant Ă localiser l’origine du tapage.De longues minutes plus tard, le froid et l’ankylose m’incitent Ă sortir de ma lĂ©thargie, je me dĂ©cide Ă affronter ma trouille, et ose un Ĺ“il. Il n’est plus lĂ . J’abandonne le chantier en l’état et cours droit dans mon lit ruminer mon infortune. Il me souvient qu’un horoscope paru dans « Maxi » me recommandait la prudence. Quelle idiote je suis ! J’étais pourtant prĂ©venue. ______________________– 7 –Plus tard, je prends la mesure de la situation, je pourrais en rire si l’homme ne m’était pas connu. Bernard, c’est lui, mon plus proche voisin, je le savais et j’ai malgrĂ© tout continuĂ©. Suis-je folle ? J’avais effectivement perdu la raison, la fièvre m’aveuglait, je ne pouvais plus m’arrĂŞter. C’était comme si je tirais sur une corde, que je savais prĂŞte Ă rompre, mais il me fallait nĂ©anmoins continuer Ă tirer parce que ma vie en dĂ©pendait. Ma vie ? Mon Ĺ“il ! J’ai le jeu dans la peau, et le feu au cul, cela me perdra. Les astres m’avaient pourtant recommandĂ© la prudence.Bernard est un grand gaillard jovial et sympathique Ă la stature de rugbyman, la cinquantaine pas trop bedonnante. Je l’aime bien. Il est mariĂ© Ă Muriel, une femme effacĂ©e, de dix ans sa cadette, et encore mignonne malgrĂ© qu’elle ait pondu quatre mouflettes, rien que des filles, pas un seul mâle au grand dĂ©sespoir du père. De temps en temps, nous allons chez eux, ils viennent aussi chez nous, Marco et Bernard partagent une mĂŞme passion pour la mĂ©canique et la moto.Une trouille rĂ©trospective percole son fiel, et nourrit mon inquiĂ©tude. DĂ©calez une pierre et tout l’édifice s’écroule… Au matin, j’ai Ă cĹ“ur d’évaluer l’étendue des dĂ©gâts. Je fais en sorte de croiser Bernard quand il part au boulot.— Bonjour, Bernard, comment vont Muriel et les filles ?— Elles vont bien ! Marco rentre bientĂ´t ? demande-t-il Ă son tour en me rendant ma bise.— Vendredi soir si son programme change pas d’ici là …Notre Ă©change est incolore et inodore. Je ne peux Ă©videmment pas lui poser la question tout de go : m’as-tu-vue Ă poil ? J’y vais au feeling, mais mon sonar reste plat, pas d’écho, rien, je le quitte guère plus avancĂ©e qu’avant.______________________– 8 –Je ne suis pas du genre Ă me biler plus qu’il ne faut, mais je prends quand mĂŞme la rĂ©solution de rester sage et discrète jusqu’à nouvel ordre. Ă€ la pause de midi, je suis chez mon amie Roseline, elle m’a invitĂ©e, elle sait que je suis seule.AmĂ©lie, Roseline, ma mère, Marco, Belle-de-Jour (ma jument), tout mon monde, rĂ©uni en une seule main. Un monde Ă©triquĂ©, diront certains, Ă mon image, je ne suis pas autre chose, moi qui ne peux vivre sans en rĂ©fĂ©rer aux esprits Ă tous propos. Je n’y manque pas lĂ non plus, et grappille quelques instants, en dĂ©pit que je n’en ai pas beaucoup, et me connecte sur mes sites de divination favoris. J’ai besoin des lumières de ceux qui dĂ©tiennent le savoir ; les augures m’apprennent que je dois avoir le courage d’affronter l’adversitĂ©.Que veulent donc dire les astres ? Je nage en pleine confusion. Plus tard, je questionne une collègue fĂ©rue d’astrologie. Elle n’a aucun doute, je dois foncer bille en tĂŞte en bousculant les obstacles. La traduction n’éclaire pas beaucoup plus les instructions divines. Je cogite, mes dĂ©boires de la nuit sont-ils en cause ? Le Très-Haut m’invite-t-il Ă foncer, quand bien mĂŞme mes visĂ©es seraient quelque peu lubriques. Pourquoi pas ? JĂ©sus n’avait-il pas de l’indulgence pour les putes ? Saint Nicolas n’est-il pas le patron des putains ? Pute, putain, salope, mĂŞme combat…La tempĂ©rature de mes cogitations est en phase avec l’humeur du moment : joyeuse, c’est le moins que je puisse dire ; AmĂ©lie et Roseline m’ont mis le cĹ“ur en fĂŞte. Les augures aussi, foin des soucis ! Le soir Ă l’heure convenue, ma tĂŞte est lĂ©gère et mon esprit coquin, lorsque je me connecte sur le site libertin pour y retrouver Pierre, mon interlocuteur prĂ©fĂ©rĂ©. Il m’attend, la queue dĂ©jĂ bandĂ©e en main, me dit-il. Je veux le croire, c’est comme cela que je l’aime. Je me donne du mal pour qu’il en soit ainsi. Dans l’après-midi je lui ai adressĂ© un mail oĂą je lui raconte mes pulsions et mes agissements. Je lui donne Ă connaĂ®tre mes dĂ©sirs et autres petites saloperies, je sais que ça l’excite. J’aime le mettre dans tous ses Ă©tats. J’en rajoute parfois un peu, et pour le cas, j’ai exagĂ©rĂ© cette envie qui me tient de prolonger mon aventure naturiste jusque sur le parking. L’idĂ©e m’a effleurĂ©e, fugace et volatile, mais dès lors que je la partage, elle prend de la consistance. Plus tard, je suis dans mon lit, j’ai eu Marco via Skype entre-temps, mais ce n’est pas vers lui que vont mes pensĂ©es. Je songe Ă Pierre, et me caresse en pensant Ă l’inconnu. C’est dĂ©gueulasse, mais je ne peux pas m’en empĂŞcher. J’entretiens ce faisant un Ă©tat de tension dĂ©licieux, que l’évocation de Marco ne saurait me procurer. Mes pensĂ©es batifolent sans que je les maĂ®trise, Pierre, et sa queue, raide, Ă©norme, comme il prĂ©tend. Il ne me coĂ»te rien de le croire, voire de la grossir, et c’est bien plus savoureux. Salope que je suis, je me vautre dans ma fange et j’aime ça. Et Bernard ? M’a-t-il vue nue ? La perspective n’est plus pour m’effrayer, au contraire, j’aime les mateurs, les voyeurs attisent ma fièvre… Que le spectacle commence !L’idĂ©e du challenge refait surface sur ce terreau. Une virĂ©e nue sur le parking, est-ce faisable ? Une folie, ma rĂ©ponse est nĂ©gative. Une heure du mat, je me suis un peu dissipĂ©e entre-temps, ma panoplie a servi, mais je reste sensĂ©e, la virĂ©e n’est pas raisonnable. Un orgasme plus tard il est près de deux heures du mat, ma raison vacille, mais ma position est toujours nĂ©gative, avec beaucoup de regrets toutefois. Je ne m’endors toujours pas, l’insomnie s’incruste, je convoque Pierre Ă nouveau, rameute la panoplie, et c’est reparti pour la cavalcade ; trois heures du mat, au diable les risques, j’aspire Ă du vrai frisson, celui qui me tord les tripes et me porte Ă mouiller grave… Je piaffe d’impatience, JĂ©sus, et Saint Nicolas sont avec moi, n’ont-ils pas dit que je devais foncer. De toute façon, c’est ça ou bien la camisole. La doudoune me couvre Ă peine les fesses, et la fermeture est cassĂ©e ; d’une main, je maintiens les pans rabattus. On ne voit rien, que mes gambettes nues… Je doute qu’on me crĂ©dite de toute ma raison si je croise quelqu’un. J’use de ruses pour parvenir saine et sauve jusqu’au parking, les Sioux ne m’ont pas repĂ©rĂ©e. Pour ĂŞtre juste, je n’ai pas aperçu un seul indien, pas mĂŞme un chat, je n’en espĂ©rais pas plus Ă trois heures du mat. Ă€ destination, je convoque le conseil des sages. Il y a moi, et moi, et moi… J’ai emmenĂ© tout le monde, la pute, la bigote et la sage. Seule la pute a voix au chapitre, j’ai muselĂ© les autres, la dĂ©cision qui ressort du dĂ©bat n’est pas sage ; je me dĂ©fais de mon seul vĂŞtement, et le suspends sur le rĂ©troviseur du vĂ©hicule le plus proche. Je suis nue, entièrement nue, si j’excepte mes sneakers.J’allume une cigarette sur laquelle je tire tout en dissimulant l’extrĂ©mitĂ© rougeoyante dans ma main creusĂ©e en conque. Fumer, nue, sur un lieu incongru, me donne un sentiment de libertĂ© incroyable, je le ressens dans tout mon corps. La fraĂ®cheur de la nuit exacerbe la sensation ; je ne lutte pas, je laisse le froid m’envahir, glisser entre mes cuisses, pĂ©nĂ©trer et rafraĂ®chir mon sexe bouillant, durcir mes tĂ©tons, et mes seins, que j’effleure et caresse de ma main libre. Lorsque ma cigarette est finie, je suis plus que jamais fĂ©brile, l’idĂ©e d’en rester lĂ , m’est intolĂ©rable ; je veux prolonger et corser le challenge, oser l’aventure avec option totalement vulnĂ©rable.Jouer sans filet, voilĂ mon souhait, c’est Ă ce prix que le jeu prend sa saveur. J’abandonne ma doudoune sur le rĂ©troviseur oĂą elle est suspendue et prends du champ. Je dĂ©passe une voiture, puis deux, puis trois… Ma fièvre grimpe un peu plus Ă chaque pas, encore une voiture, deux, trois… la vitesse, et l’ivresse me montent Ă la tĂŞte, je suis Ă l’autre extrĂ©mitĂ© du parking. La grosse envie coule de mon sexe, poisse mes cuisses, je cale mon cul contre une Peugeot. Le mĂ©tal glace mes fesses nues… Mes doigts s’empressent, impatients de dispenser le soulagement auquel j’aspire. Je procède… d’abord avec prĂ©cipitation, puis plus calmement. La quiĂ©tude de la nuit berce ma quĂŞte du graal, j’épie la montĂ©e du plaisir ; je ne suis plus de ce monde.Ma vigilance est totalement prise en dĂ©faut, je n’ai rien vu, rien entendu. Les phares balaient l’allĂ©e, la voiture dĂ©boule, et s’arrĂŞte pile, devant l’entrĂ©e de l’immeuble. Cinq personnes Ă l’intĂ©rieur, des jeunes, trois garçons, deux filles. Le premier Ă descendre est le fils d’un locataire du deuxième. Il est suivi de près par une gamine. Le couple s’enlace, se bĂ©cote… Les trois autres occupants sortent un peu après, deux mecs, une fille, pas sĂ»re qu’ils soient majeurs. Ils fument et rient pendant que le couple fait des mamours. Les rĂ©flexions fusent. J’entends, et devine Ă demi-mot ; la lenteur des adieux entre les deux amoureux agace les trois autres. Et moi aussi, je l’avoue. Je suis bloquĂ©e, accroupie, dans l’incapacitĂ© de rejoindre sans me montrer, l’endroit oĂą est suspendue ma doudoune. J’ai froid, je suis nue… Ceux qui rĂ©digent les horoscopes n’ont jamais Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă ce genre de situation, qu’il vienne donc affronter l’adversitĂ©Â ! Il est plus de 4 h du mat quand je peux enfin regagner mon appart. Je suis Ă©puisĂ©e, mais pas encore assez cependant, il me faut conclure comme il se doit, dans l’abri de mon lit. ______________________– 9 –Six heures trente, je sors des vapes. Je tâtonne pour bloquer la sonnerie du rĂ©veil dont la stridence m’explose la tĂŞte. J’ai dormi une grosse heure, pas plus. J’ai la tĂŞte dans le cul, c’est le cas de le dire. Des relents de luxure Ă©manent de mon corps nu, la fièvre licencieuse n’est pas tout Ă fait tombĂ©e. Mon sexe est sensible, je le caresse un instant, puis m’interromps avant que le dĂ©sir ne s’embrase Ă nouveau et ne me submerge, le sexe appelle le sexe ; j’ai dĂ©jĂ constatĂ© que plus je baise, plus j’ai envie. Pas la peine d’attiser, donc, j’ai d’autres prioritĂ©s, et le temps manque. Je file Ă la douche. J’ai fait un rapide dĂ©tour pour brancher le cafĂ©, et vĂ©rifier l’heure ; je suis dĂ©jĂ Ă la bourre. La veille, j’ai prĂ©parĂ© ma tenue du jour, un ensemble, jupe en jean, et veste de mĂŞme tissu sur un pull ras-du-cou. La jupe est fermĂ©e devant par quatre gros boutons fantaisies, identiques Ă ceux de la veste Je ne boutonne que les trois premiers, le dernier reste libre. Je fĂŞte le printemps. C’est la première fois de l’annĂ©e que je vais jambes nues. La veille encore j’avais un collant, bien trop Ă©pais du reste, la tempĂ©rature avoisinait les 24°C au plus fort de la journĂ©e. Selon toutes probabilitĂ©s, celle qui s’annonce promet d’être aussi chaude, sinon plus chaude. Le soleil brille dĂ©jĂ .— On va pas s’en plaindre, me rĂ©pond Bernard quand je lui en fais la remarque.Il n’est pas rare que je le retrouve. Nous partons au taf, Ă peu près Ă la mĂŞme heure. Nous nous faisons la bise et Ă©changeons des banalitĂ©s. Mon souci antĂ©rieur quant Ă savoir s’il m’a vue jouer les naturistes sur mon balcon, n’est plus d’actualitĂ©, de l’eau a coulĂ© sous les ponts, je suis Ă la bourre, il me faut faire fissa. Étrangement, lui n’est pas pressĂ©Â ; je me suis dĂ©jĂ glissĂ©e sous mon volant, et j’aurais dĂ©jĂ claquĂ© ma portière, mais il la retient… En cours de route je repense Ă l’attitude bizarre de Bernard. De fil en aiguille un soupçon naĂ®t, s’incruste, je vĂ©rifie : je n’ai pas de culotte. Comment ai-je pu oublier ? Pourquoi ne m’en suis-je pas rendu compte ? Ma meilleure amie me conterait pareille blague, je lui rirais au nez. Incroyable, impossible… Toujours est-il que je suis cul nu sous ma jupe, Bernard a dĂ» en prendre plein les mirettes.La goutte qui fait dĂ©border le vase, trop, c’est trop ! Je devrais ĂŞtre abattue, au lieu de cela je deviens folle et Ă©clate de rire, je m’esclaffe Ă m’en tenir le ventre. M’en fous de ma rĂ©putation, m’en fous de tous les coincĂ©s, m’en fous du beau-père et de la belle-mère, m’en fous de leur château en Dordogne. J’étais Ă deux doigts d’ajouter, m’en fous de Marco, mais ce n’est pas vrai, je l’aime… Il me dĂ©plairait que Bernard lui rapporte n’importe quoi, mais connaissant ce dernier je doute qu’il joue les mouchards. Sera-t-il aussi discret avec ses copains ? Et les autres ? J’avoue qu’avant Marco, je ne me serais pas posĂ© tant de questions, j’aurais goĂ»tĂ© le piment de la situation.Pour dire la vĂ©ritĂ©, mon ressenti n’est pas très diffĂ©rent par rapport Ă ce qu’il aurait Ă©tĂ© avant Marco, le fait que Bernard ait vu mon cul, ne me laisse pas insensible. Je goĂ»te après coup le sel de mon exhibition quand bien mĂŞme celle-ci aurait Ă©tĂ© inconsciente, autant qu’involontaire. Je reconstitue mentalement, imagine la convoitise de l’homme, ses yeux de merlans frits. Pourquoi donc ai-je Ă©tĂ© privĂ©e de ce plaisir ? Ă€ tant l’évoquer, je parviens Ă lui redonner vie et tout son chien, l’exercice n’est pas sans chaleur. J’en oublie la fatigue et le manque de sommeil.Des images salaces me traversent l’esprit. Je prends des poses devant le miroir des vestiaires. Ma jupe est courte, mais dĂ©cente, mĂŞme avec un bouton libre. Il n’en va plus de mĂŞme quand je libère un deuxième bouton. Dans ce cas, j’entrevois mon pubis glabre. Je m’épile en effet. Par bravade, je laisse en l’état, une audace toute relative : qui la verra sous ma blouse ? Personne, mais moi je la sais, et cela fait une grosse diffĂ©rence, l’idĂ©e de ma coquinerie m’accompagne, nul besoin d’EPO, me savoir vulnĂ©rable me donne une pĂŞche d’enfer.En dĂ©pit de mon exubĂ©rance coquine, il n’y a pas de risque que j’abuse sexuellement mes clients, je ne vois que des mĂ©mĂ©s et des pĂ©pĂ©s qui n’en peuvent plus. En cours de matinĂ©e cependant, il me vient l’envie d’asticoter Pierre, mon inconnu adorĂ©. Je me connecte, et lui concocte un mail, je raconte tout et mĂŞme un peu plus, photos Ă l’appui, prises sur le vif. Il m’a suffi d’ouvrir la blouse, et de libĂ©rer un bouton de plus sur le devant de ma jupe, clic, le selfie est dans le smartphone, un autre pour faire bon compte, puis je les mets en pièces jointes. S’il ne bande pas avec ça, je me fais nonne. Il vit l’aventure en live avec moi ; je mouille rien qu’à imaginer sa rĂ©action, un bon gros mandrin, qu’il va aller astiquer dans les toilettes les plus proches. Moi-mĂŞme, j’y suis, assise sur la cuvette, en bonne place pour sĂ©cher les excès d’humiditĂ© que me procure mon enthousiasme. Ceci fait, je profite de ma pause impromptue pour vĂ©rifier les oracles. Ils me promettent une excellente journĂ©e et une rencontre percutante avec un bĂ©lier. De retour au parking, au siège de l’association, je remarque immĂ©diatement la voiture d’un modèle inhabituel en ce lieu. Je ne suis pas familière des vĂ©hicules automobiles, ce n’est pas un sujet qui me passionne, je fais tout au plus la diffĂ©rence entre une Renault Twingo (c’est ma voiture), une Fiat Panda (c’est la voiture du service, que j’utilise pour le boulot) et un gros Touareg Volkswagen (c’est la voiture de Marco), en dehors de ces modèles, faut pas trop m’en demander. Pour le cas, le vĂ©hicule est de couleur sombre et ressemble assez Ă celui de Marco ; recoupements aidant, je finis par reconnaĂ®tre la voiture de Bernard. Certains vont dire que je fais du cinĂ©ma, que j’ai noirci beaucoup de lignes pour dire si peu ; la rĂ©alitĂ© est qu’il m’a fallu longtemps pour cataloguer la bagnole, et encore est-ce parce que le propriĂ©taire est Ă l’intĂ©rieur. Je le reconnais, j’ai instantanĂ©ment la conviction qu’il m’attend, et je devine pourquoi. Je me gare, et prĂ©pare mentalement ma plaidoirie.______________________– 10 –Bernard me rejoint alors que je suis en train de verrouiller la voiture du service. Je joue mon rĂ´le, surprise, amicale…— Hello, Bernard, qu’est-ce qui t’amène ?— Caro, je suis amoureux de toi…VoilĂ autre chose ! L’angle d’attaque me dĂ©sarçonne… Je n’avais pas prĂ©vu, on sort de mes modèles, faut que je me remette en selle ; j’improvise et m’emmĂŞle les pinceaux. J’abats mon jeu avant l’heure.— Tu dĂ©connes, t’es pas sĂ©rieux lĂ Â ? Tu dis ça parce que t’as vu mon cul.— C’est sĂ»r que ça me travaille, pas pu bosser ce matin, je pensais Ă toi… On est pareil, toi et moi.Plus de doutes, il confirme qu’il a matĂ©, il a vu mon cul, mais je n’aime pas trop sa façon de nous mettre tous les deux dans le mĂŞme sac, je dĂ©cide de tuer le fantasme dans l’œuf, pas la peine de laisser mousser.— Pas la peine de fantasmer, c’était un oubli, un oubli incroyable, mais un oubli quand mĂŞme, ce n’était pas prĂ©mĂ©dité…— Pas prĂ©mĂ©ditĂ©Â ? Mon Ĺ“il ! Et avant-hier Ă poil sur ton balcon, c’était pas prĂ©mĂ©ditĂ© peut-ĂŞtre ? Et cette nuit sur le parking, c’était pas prĂ©mĂ©ditĂ© non plus ? Je me suis astiquĂ© comme un dingue en te matant pendant que tu te masturbais appuyĂ©e sur la Peugeot de Jacquard, et après encore quand tu te terrais comme une petite souris apeurĂ©e en attendant que les gamins dĂ©campent.— Tu m’as vue ? annone-je bĂŞtement, assommĂ©e par ce que j’apprends.— Bien sĂ»r, je me branle des heures toutes les nuits sur mon balcon. Muriel ne baise plus qu’une fois tous les tournants de lune, c’est loin de me suffire. Je me branle en pensant Ă toi… Tu es tellement belle, et sexy… Tu es ma muse.— Ravie de l’apprendre, raillĂ©-je amère.Les rĂ©vĂ©lations de Bernard ne me rĂ©jouissent pas du tout. Je pense Ă Marco. Des Ă©chos sont-ils susceptibles de lui parvenir ? Est-il encore possible d’endiguer les fuites ?— Tu es comme moi, gourmande, salope, perverse… MĂŞme ton homme le dit, poursuit Bernard— Marco a dit ça ?— Pas comme ça, mais il dit qu’il faut pas t’en promettre…— Il a dit qu’il faut pas m’en promettre ?— … Euh… Pas vraiment comme ça, mais ça veut dire ça, quoi !— C’est pour me dire ça que tu viens me voir au boulot ?— Euh… On pourrait pas aller ailleurs.Le ballet des voitures, les allĂ©es et venues des collègues… C’est l’heure qui veut ça, l’animation est Ă son comble, nous suscitons la curiositĂ©, les copines m’interpellent. Il ne veut pas lâcher… Moi non plus, il m’en a trop dit, et pas assez…— OĂą tu veux aller ? je lui demande.— Je sais pas, dans un bistro…Un bistro ? Les bistros sont bondĂ©s Ă cette heure. De toute façon, très peu pour moi, je fais rĂ©gime, j’ai explosĂ© mon plafond calorique la veille chez Roseline, faut que je compense. Une Ă©trange association d’idĂ©es me conduit Ă proposer l’aire des Volcans comme destination alternative. Une destination passablement incongrue, j’en conviens, c’est loin, mais j’entrevois l’occasion de renouveler ma rĂ©serve de cigarettes. Contre toute attente, Bernard accepte.L’aire des Volcans est sur l’autoroute direction Paris, Ă une quinzaine de kilomètres. C’est entre autres une plaque tournante pour les routiers internationaux, et un repaire pour les trafics… Nulle part ailleurs, dans la rĂ©gion, on ne trouve des cartouches de cigarettes Ă un prix aussi avantageux.______________________– 11 –La voiture de Bernard est spacieuse, un modèle assez semblable au gros bahut de Marco. Ce n’est pas la première fois que j’y monte, mais ça fait drĂ´le quand mĂŞme. Je rĂ©alise que sous le coup de l’émotion, je n’ai pas mĂŞme pensĂ© Ă rĂ©cupĂ©rer ma veste au vestiaire. Je suis toujours en blouse. Encore heureux que j’ai mon sac Ă main ; celui-lĂ ne me quitte jamais, il y a dedans un fatras incroyable et tout mon nĂ©cessaire de survie. Je le place Ă mes pieds, et j’aurais sans doute fait de mĂŞme avec la peluche qui traĂ®ne sur le siège passager si son originalitĂ© ne m’avait intriguĂ©e.— C’est les filles qui ont fait ça ?Un carton, format carte de visite, est attachĂ© Ă la peluche, j’y lis : « Bon anniversaire papa », Ă©crit en caractères malhabiles.— Un porte-bonheur, cadeau des filles pour mon anniversaire, faut que je l’accroche au rĂ©tro.Une prĂ©monition flashe, branle-bas de combat, tout le monde sur le pont.— Pour ton anniversaire ?— Oui, c’était avant-hier.— Le 28 mars ?— C’est ça ? confirme-t-il intriguĂ© que je prĂŞte tant d’attention Ă sa date de naissance.— Tu es bĂ©lier, premier dĂ©can ?— Oui je suis bĂ©lier, et un sacrĂ© bĂ©lier tu peux me croire, confirme-t-il en appuyant ses dires d’un geste obscène, la main en coquille sur sa queue.Mes neurones turbinent Ă plein rĂ©gime : il est bĂ©lier ! Cela ne peut pas ĂŞtre une coĂŻncidence, il est le bĂ©lier que m’annonce mon horoscope. Quels sont les desseins des dieux ?La perm est finie… Je reprends du service et me poste au garde-Ă -vous quĂ©mandant les ordres du Haut-Commandement astral. Il m’arrive parfois d’oublier que nous sommes tous des marionnettes du Très-Haut, Bernard, moi, et tous les autres de la divine comĂ©die. Quelle scène allons-nous jouer ? Je repasse en revue les termes de dĂ©part : bĂ©lier, scorpion, rencontre, excellente journĂ©e, tout y est, mĂŞme le soleil. Quel est le scĂ©nario ? J’entrevois quelques hypothèses, mais on en revient toujours au nĹ“ud du problème. Je ne suis pas cruche au point de ne pas savoir ce qu’un astrologue veut dire quand il Ă©crit « rencontre ». Dois-je baiser avec Bernard ? Je ne suis pas emballĂ©e, je crois prudent d’attendre une ultime confirmation de la part du Très-Haut.______________________– 12 –La radio diffuse de la musique en sourdine, on entend Ă peine le ronronnement du moteur, Bernard est mutique, et moi je rumine mon dilemme : baiser ? Pas baiser ? Je tripote mon smartphone, et tente de me connecter sur un site susceptible de me donner une rĂ©ponse, pas moyen ; j’en essaie un autre, pareil… Je m’irrite… — Putain, je capte rien, il n’y a pas de rĂ©seau ici ?— C’est une zone d’ombre, tu ferais mieux de laisser ton smartphone tranquille, c’est limite agaçant Ă la fin.Il me semble entendre Marco, il rĂ©agit pareil. Je m’exĂ©cute Ă regret, non pas parce que j’obĂ©is, mais parce que je ne peux rien faire d’autre et mon impuissance m’énerve.— Tu veux pas enlever ta blouse ? reprend Bernard.Le ton est particulièrement aimable, obsĂ©quieux mĂŞme. Cela m’amuse, et me donne Ă penser qu’il veut faire oublier l’agacement qu’il n’a pas su dissimuler.— Tu ne la trouves pas sexy ?Je raille ! Mon uniforme de mĂ©nagère n’a pas de prĂ©tentions Ă ce titre, encore qu’il soit seyant, rose pâle et bien coupĂ©. J’ai Ă©crit mĂ©nagère sans malice, parce que l’image me parle, mes collègues m’en voudront si elles me lisent, mais je crois qu’il n’y a pas de risque. Sans doute voudraient-elles plus de galons qu’une mĂ©nagère… DĂ©bat rĂ©current et vain.Ce n’est qu’une blouse, laquelle pour mon cas, est cependant plus que ça, elle est le paravent de mon indĂ©cence. Le moment est crucial, ce que je vais faire va dĂ©terminer la suite, et selon ce que je vais faire, je serai sage, ou lubrique. S’il y avait du rĂ©seau j’aurais dĂ©jĂ trouvĂ© la rĂ©ponse Ă mon dilemme. Je suis seule, terriblement seule, mon Dieu conseille-moi. Il est assez rare que je m’adresse directement Ă Dieu, je prĂ©fère en rĂ©fĂ©rer au Très-Haut et Ă ses sbires. Je pense que Dieu m’a entendue, il me suggère de « tosser » (au sens anglophone du terme), il me fera part de sa dĂ©cision.L’idĂ©e de lancer une pièce dans l’habitacle, ne me semble pas particulièrement indiquĂ©e, mais rien ne m’interdit d’être originale, j’envisage de parier sur les numĂ©ros pairs ou impairs, en un sens c’est pareil que pile ou face, et les plaques d’immatriculation ne manquent pas. La prochaine voiture, c’est pour moi. Manque de bol, je perds, Bernard gagne. Qui a prĂ©sidĂ© Ă ce rĂ©sultat ? Sinon Dieu lui-mĂŞme, celui qui voit tout et qui sait tout. Tout compte fait, il ne me dĂ©plaĂ®t pas d’avoir perdu mon pari, j’aurais fait grise mine si je l’avais gagnĂ©, car entre-temps une force libidineuse s’est emparĂ©e de mon esprit. Je me laisse emporter sans remords sous l’égide des dieux. L’épreuve se pare d’une perspective jouissive. Je frissonne de plaisir Ă l’idĂ©e de ce que je vais montrer. L’exhibition est imparable, je le sais ; Ă la suite des photos, j’ai laissĂ© tous les boutons libres, sauf celui de la ceinture. J’ôte ma blouse rĂ©vĂ©lant mon impudeur. Pas folle la guĂŞpe ! J’entreprends aussitĂ´t de tirer le rideau sur ce que j’ai laissĂ© entrevoir un instant.— Ne boutonne pas ta jupe, je t’en prieSa main a atterri sur ma cuisse, m’empĂŞchant de procĂ©der. Le message est subliminal, mais explicite. Je n’envisage pas une minute de contrer Bernard, il me paraĂ®t vain de lutter pour dissimuler ce que je meurs d’envie de montrer. J’ai d’ailleurs dĂ©jĂ cĂ©dĂ© dans ma tĂŞte, une fĂ©brilitĂ© jouissive signe ma capitulation inconsciente. On ne lutte pas contre les forces souterraines. J’acquiesce formellement : « d’accord », il retire sa main. Je retire les miennes, ma jupe s’ouvre Ă nouveau, les pans baillent et encadrent le triangle lubrique, dans l’ombre duquel niche toute ma folie. Bernard mate, nĂ©gligeant la conduite…— Regarde la route, tu vas nous envoyer dans le dĂ©cor.La pudeur ne m’étouffe pas, disait ma mère autrefois. Elle ne m’étouffe toujours pas, je cultive au contraire un travers exhibitionniste, dont la rĂ©alitĂ© n’est plus Ă dĂ©montrer. Je le laisse mater, son plaisir amplifie le mien. Des comparaisons me viennent Ă l’esprit, la prĂ©sente exhibition Ă©gale-t-elle la prĂ©cĂ©dente Ă laquelle je me suis prĂŞtĂ©e un peu plus tĂ´t, au bĂ©nĂ©fice de Pierre, mon interlocuteur prĂ©fĂ©rĂ©, par photographie interposĂ©e. Qu’est-ce que je prĂ©fère ? Le direct, ou via Internet ? — Tu ne diras rien Ă Marco ?— Pour qui tu me prends ?De toute façon, ce n’est plus tellement mon affaire, mon destin est du ressort du Très-Haut dĂ©sormais. Je n’ai pas de craintes, mĂŞme lorsque Bernard ralentit. Il le fait alors que nous ne sommes plus très loin de l’entrĂ©e de l’autoroute ; il vire et s’engage sur un chemin de terre.— Qu’est-ce que tu fais ?— J’ai trop envie…Mon sort en est jetĂ©, je ne vois pas d’échappatoire. J’en veux malgrĂ© tout aux hautes instances en charge, j’aurais aimĂ© une notification plus personnelle. J’exprime ma dĂ©sapprobation.— Tu n’as quand mĂŞme pas l’intention de me violer ?— Non, non, ne crains rien, c’est pas mon genre. Je vais seulement me taper une queue, j’ai trop envie.Pour un peu, je serais presque déçue. Il roule encore une centaine de mètres et se gare dans une toute petite clairière nichĂ©e au milieu d’un taillis très dense. Il libère la ceinture de sĂ©curitĂ©, ouvre sa portière, mais ne descend pas ; en place il recule son siège Ă fond, puis dĂ©fait la ceinture de son pantalon, dĂ©braguette, et sort son sexe dĂ©jĂ bandĂ©, qu’il se met Ă branler.— Regarde-moi, s’il te plaĂ®t, ça m’aide de savoir que tu mates, quand je serai prĂŞt j’irai Ă©jaculer dehors, promis !Il dit ça comme si j’avais craint qu’il n’éjacule sur moi ou Ă l’intĂ©rieur. Je suis Ă cent lieues d’avoir une pensĂ©e aussi construite. Je l’observe abasourdie, son sexe est gros, bien plus que celui de Marco, bien plus que celui de la plupart de mes ex. Il me faut remonter loin pour me remĂ©morer un tel calibre. La situation est ubuesque. Mon propre dĂ©sir gronde dans mon ventre ; il prĂ©existait, et repart de plus belle en se nourrissant du sien. Mon corps, les astres, le bĂ©lier, le scorpion, et la balance fusionnent en une synthèse cosmique. Comment ? Je n’en sais rien, c’est au Très-Haut qu’il faut poser la question.AppâtĂ©e, la pute qui niche dans mon trĂ©fonds pointe le nez. Elle renifle la luxure ; c’est elle qui m’incite Ă rĂ©clamer ma part. VĂ©nale, je tends la main, et accompagne le mouvement de Bernard. Trop content, il me cède la place, et m’invite Ă poursuivre, le membre palpite dans ma paume, il est gros, dur, chaud, vivant…Avant longtemps, je prouve mon savoir-faire, et ainsi qu’il est souvent dans le monde du travail en pareil cas, j’entends briguer la validation de mon contrat. Nous n’avons pas encore nĂ©gociĂ© mon salaire, mais il va de soi que cela ne pourrait pas ĂŞtre moins que son silence. Ă€ la rĂ©flexion, j’ai moi-mĂŞme des arguments, mon propre silence vaut bien le sien, sinon gare Ă Muriel. Une sacrĂ©e cachottière celle-lĂ Â ! Elle ne m’avait pas dit que son mec Ă©tait si richement dotĂ©.J’imagine qu’il faut chercher dans ma nature bâtarde, vicieuse et perverse, les raisons qui font que des pensĂ©es aussi glauques, aussi prosaĂŻques, aussi mercantiles, polluent ma relation transcendantale sanctifiĂ©e par les astres et le Très-Haut. Une telle irrĂ©vĂ©rence mĂ©rite naturellement punition, le Très-Haut veille, Bernard en est le bourreau.— Enlève ta jupe ! ordonne-t-ilJe m’exĂ©cute, docile. Juste un bouton. J’ai le souci de la plier, avant de la ranger, bien calĂ©e derrière le volant. Ce faisant, je suis Ă deux doigts de recevoir la fessĂ©e, le bourreau est cependant indulgent, la tape est modeste. J’ai Ă peine repris ma place que l’ordre suivant fuse.J’obtempère Ă nouveau, totalement soumise, je reprends le membre en main, et approche mes lèvres du gland, et commence Ă le gober, j’en ai plein la bouche. Quoi qu’il en soit, je suis une artiste en la matière, ceux qui ont eu Ă connaĂ®tre ont tous chantĂ© mes louanges. Ils sont nombreux, un sacrĂ© cĹ“ur qu’ils feraient si je les rĂ©unissais. Pendant que j’œuvre, Bernard caresse mes fesses, et explore ma raie culière.— J’adore ton cul, tu n’imagines pas le nombre de fois que j’ai fantasmĂ© dessus.Il me revient le souvenir de soirĂ©es oĂą il m’avait invitĂ©e Ă danser. Je me remĂ©more les paluches s’égarant plus qu’il n’était sĂ©ant, je l’avais remis Ă sa place. Ă€ l’époque mes fesses Ă©taient habillĂ©es, pour le cas elles ont nues, et je n’interviens pas, il s’en donne Ă cĹ“ur joie autant que le lui permettent nos positions respectives. Il finit par entrer un doigt dans mon anus, son index ou le majeur, je prĂ©sume. C’est idiot, mais ce doigt qui explore mon fondement focalise mon attention, plus que la queue que je tète et manipule consciencieusement.— ArrĂŞte, ça suffit, je veux garder mes forces pour te prendre.L’injonction me surprend, alors que je sens le jus monter, et que je me demande si je vais le recevoir en bouche. Bernard baisse le dossier de nos sièges, le sien et le mien, puis il m’invite Ă prendre une position confortable. Il se dĂ©shabille, puis me rejoins. Il est Ă mon cĂ´tĂ©, je m’offre Ă ses caresses et lui donne mes lèvres. Notre baiser est passionnĂ©, sa langue est puissante, je cède le terrain et le laisse envahir mon palais. Je me venge sur sa queue que je tiens bien en main. Je n’ai pas d’impatience, mais je serais nĂ©anmoins frustrĂ©e si pour une raison ou pour une autre il advenait que ladite queue n’investisse pas mon ventre. Elle est Ă moi, elle m’est due, je la veux. Pendant que je rumine ma profession de foi, les mains viriles explorent mon corps, sans finesse, sans mĂ©nagement, mais cela ne me dĂ©plaĂ®t pas, tout y passe, mes fesses, mes cuisses, mon sexe, mon ventre, mes seins.— Pourquoi tu portes un soutien-gorge ?Je devine l’arrière-pensĂ©e, il s’étonne du contraste : pas de culotte, pourquoi un soutif ? Je suis bien d’accord, je me passe plus volontiers du soutif que de la culotte… J’évacue nĂ©anmoins d’un mouvement Ă©vasif de la tĂŞte, je n’ai pas envie d’expliquer l’inexplicable.Il ne me vient pas Ă l’idĂ©e de refuser. J’évacue le pull et dĂ©grafe le soutif. Je suis nue, seulement vĂŞtue de mes sneakers que je porte sans chaussettes. Bernard les a vues, il ne m’a pas demandĂ© de les enlever, elles sont assorties Ă la couleur du cuir de sa voiture. Marco n’aime pas quand je mets mes pieds partout dans son vĂ©hicule, ça laisse des traces, me dit-il ; Bernard ne dit rien. Il a Ă©cartĂ© mes cuisses et manĹ“uvrĂ© pour me prodiguer un cunnilingus. L’opĂ©ration s’apparente aux grandes manĹ“uvres militaires, mais j’apprĂ©cie au final de sentir la fraĂ®cheur de sa bouche sur mon sexe bouillant. Il ne s’attarde pas. FrustrĂ©e, je m’en plains.— Je reprends Ă deux heures, m’annonce-t-il en guise d’excuse.Je comprends qu’il s’agit du taf, le temps est comptĂ©, prĂ©cipitation de rigueur, il me couvre et me pĂ©nètre dans la foulĂ©e. J’en ai le souffle coupĂ©, ce n’est quand mĂŞme pas un petit modèle. Je reprends mes esprits.— Tu ne te protèges pas ?— Pour quoi faire ? Tu ne veux pas que je plante une petite graine ?Et sur ce, il replante son pieu et se lance dans un galop effrĂ©nĂ©. Les dĂ©bats au sĂ©nat sont reportĂ©s sine die… Place au jeu du cirque, la foule clame les ovations… Ou bien est-ce moi qui suis si braillante ? Bien entendu, je ne me laisse pas Ă©craser sans rien faire, et quoique le loustic pèse bon poids, je lance mes forces dans la bagarre, mon bassin part Ă l’assaut, et fait bonne figure quand bien mĂŞme il serait bigrement transpercĂ©. L’exercice est malgrĂ© tout gourmand en Ă©nergie, il vient un moment quand la pause s’impose, il faut recharger les batteries. Le plus costaud – comprenez le plus rĂ©sistant – n’est pas celui auquel on pense. Peut-ĂŞtre que l’âge entre aussi en ligne de compte, allez savoir ! Bernard crache ses poumons. Le gueux n’a plus de souffle et se permet encore de faire le fanfaron…— Ton jules, il sait pas te baiser, tu verras que moi je vais la planter la petite graine.Il croit Ă la lune… Je devrais moucher le mĂ©pris et contrer l’idĂ©e fixe, mais mon bon sens niche au bout de sa queue, encore fichĂ©e dans mon ventre. Je veux qu’il me baise. Le reste c’est du blablabla, ou l’affaire des dieux, mais de ce point de vue, m’est avis que les saints jouent au loto, ou au 421, et je ne sais pas qui lance les dĂ©s. L’horreur m’apparaĂ®t soudain, et si je tombais enceinte de Bernard. Un Ă©clair de luciditĂ© passager, avant que la gueuse – cet autre moi que je mĂ©prise – ne reprenne le dessus, plus inconsĂ©quente, plus cynique et plus garce que jamais.« Et alors, qui y verra ? On va quand mĂŞme pas faire un test ADN », ironise-t-elle. « Et cerise sur le gâteau ce pourrait bien ĂŞtre une fille, vu les talents du monsieur », s’esclaffe-t-elle encore.J’entends clairement ses ricanements dans ma tĂŞte. Quelle garce ! Le monsieur ne semble pas d’accord avec elle, Ă©trange rĂ©sonnance des pensĂ©es.— Et si je m’applique, cette fois ce pourrait bien ĂŞtre un garçon.J’imagine qu’en arrière-plan, il fait rĂ©fĂ©rence Ă ses filles, et Ă son incapacitĂ© prĂ©sumĂ©e Ă concevoir l’autre genre, mais je n’ai pas le temps de m’enquĂ©rir, le voilĂ reparti dans une sarabande endiablĂ©e. Un vrai bĂ©lier, les oracles disaient vrais : ça percute. La danse c’est tout Ă fait mon fort, j’adore, je me mets derechef dans le rythme. Je me demande si c’est ce qu’il appelle s’appliquer, dans ce cas appliquons-nous ! Au terme de ce tour, je sens les alertes, et noue mes jambes autour de son bassin, et serre ses hanches entre mes cuisses de telle sorte Ă le bloquer en moi au plus profond. Son gland percute le cul-de-sac vaginal et frotte cette partie situĂ©e près de l’entrĂ©e de l’utĂ©rus, richement innervĂ©e, très sensible, oĂą l’on soupçonne l’existence d’un deuxième point G. Je sais que de cette manière Bernard va m’aider Ă atteindre mon nirvana, je l’entrevois dĂ©jĂ (mon nirvana, bien sĂ»r), encore un effort et j’y suis.Ma dĂ©marche est Ă©goĂŻste, ma prise l’empĂŞche de mouvoir son bassin et poursuivre son propre plaisir, mais il n’est pas perdant malgrĂ© tout, j’ai mobilisĂ© mes muscles vaginaux et pĂ©rinĂ©aux pour lui prodiguer un massage dont je sais qu’il me dira grand bien. Le massage est effectivement efficace, la queue va cracher, elle crache… Les jets sont puissants, l’éjaculat est chaud, je le sens dans mon ventre, avant que je ne dĂ©colle moi-mĂŞme, en bramant ma victoire.En fait Bernard n’a pas parlĂ© de brames, mais de hennissements ; c’est lui qui rapporte, il prĂ©tend que je lui perçais les tympans. S’il dit vrai, je me demande si la tonalitĂ© de mes vocalises n’aurait pas Ă voir avec la solidaritĂ© et l’amour que j’éprouve envers Belle-de-Jour, ma jument. ______________________– 13 –Il est trop tard pour poursuivre jusqu’à l’aire des Volcans.— Je t’y conduirai une autre fois, propose aimablement Bernard.Ce n’est pas de refus, les interlocuteurs, trafiquants en tout genre, y sont tellement louches qu’il est prĂ©fĂ©rable d’être accompagnĂ©e. Une fois j’y suis allĂ©e seule, j’ai failli passer Ă la casserole, et je ne peux pas compter sur Marco, il est contre le tabac, et tous les trafics. Bernard s’impatiente pendant que je me refais une beautĂ©. Il ne dit rien, mais je le devine. Il est bientĂ´t 14 h, il veut ĂŞtre Ă l’heure pour la reprise, on le dit un employĂ© modèle ; je veux bien le croire. Pour ma part, j’ai tout mon temps, je ne reprends que beaucoup plus tard, vers 16 h. J’envisage d’ailleurs de repasser par mon appart pour faire un peu de toilette et changer de tenue. Il n’est pas douteux que ma jupe va ĂŞtre souillĂ©e, fatalement, mĂŞme si j’ai bourrĂ© quelques kleenex Ă l’instar d’un tampon pour parer aux pertes.Mon chevalier servant me dĂ©pose près de ma voiture. Nous nous sommes encore embrassĂ©s avant de nous sĂ©parer, un vrai baiser d’adolescents, passionnĂ© et baveux Ă souhait, pas les chastes bisous d’autrefois. J’ai remarquĂ© que les baisers Ă©taient toujours plus fougueux et goĂ»teux au dĂ©but d’une nouvelle liaison.— Ce soir, laisse ta porte ouverte, je te rejoindrai avant minuit, ordonne Bernard.Le MaĂ®tre a donnĂ© ses instructions, j’ignore si elles sont d’essence divine. Elles portent un parfum machiste dont je m’accommoderai si l’origine cĂ©leste est confirmĂ©e, mais il me faudra d’abord vĂ©rifier son thème astral et le mien. Certains hommes en viennent facilement Ă croire Ă la lune dès que le destin leur est favorable.Nous sommes jeudi, Marco a prĂ©vu de rentrer vendredi soir, et le samedi c’est poisson d’avril. Je me souviens avoir sacrĂ©ment fait la noce pour le 1er avril de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, avec mes amies, les lucioles de la nuit. Le lendemain je prenais la sage dĂ©cision de ne plus divaguer. Mon pacte de fidĂ©litĂ© aura tenu presque une annĂ©e entière, il ne manquait que quelques jours. Ai-je des remords ? MĂŞme pas ! Les dieux l’ont voulu, et s’ils le veulent je recommencerai ce soir. Pourquoi pas ? J’ai fort goĂ»tĂ© l’intermède, je ne suis pas rassasiĂ©e.______________________ÉpilogueConfession d’une salope ? Ou calembredaines ? M’est avis que c’est un peu la mĂŞme chose, mais faut vraiment ĂŞtre barge pour pondre ce genre de fariboles. Je crains de devoir bientĂ´t visiter Sainte-Anne (33 Rue Gabriel PĂ©ri, 63000 Clermont-Ferrand), si de telles fadaises continuent Ă me trotter dans la tĂŞte… Merci de m’avoir lue.FIN