Au début de l’année 2020, le confinement allait nous être annoncé. Je dois avouer ne pas être contre, étant une mère célibataire, ayant deux enfants (Pierre, vingt ans, et Léa, dix-huit ans) et voyant la situation se dégrader jour par jour, je ne pus que l’encourager et le suivre pour des raisons de sécurité. J’ai quarante-deux ans, je suis Lally, divorcée depuis huit ans et célibataire ne profitant que trop peu des opportunités que la vie m’offre. Je suis pourtant assez jolie. De taille moyenne, fine, brune de cheveux mi-longs ondulés, des yeux bleus. Je n’ai plus beaucoup de contact avec mon ex-mari, celui-ci préférant sa vie de saltimbanque (sans vouloir offenser une personne qui pourrait me lire, étant des métiers du spectacle). Mon fils, brun, cheveux courts, 1,80 m, dessiné, les yeux marrons de son père, étudie l’architecture. Léa a mes cheveux et mes yeux et je pense qu’elle est aussi en train d’hériter de ma poitrine. Elle a le même caractère que son père : indépendante et aventurière. Elle commence à peine ses études en arts du spectacle.Tous deux ont un appartement respectivement dans la ville de leurs études et sont rentrés ce week-end-là, à l’approche de l’annonce du confinement. N’étant pas dans les mêmes villes, il est difficile de se réunir tous les trois et je dois dire que j’étais assez contente et rassurée de les avoir à la maison.Nous sommes le vendredi soir, devant la télé en train de… « tchiler » – je crois que c’est comme ça qu’on dit – devant la télé tous les trois sur le canapé, moi au milieu. Je suis en pull, jupe et collant noir un peu épais. Léa en débardeur, legging noir et chaussettes un peu hautes. Pierre en maillot de corps blanc et en jogging large et confortable. Les nouvelles, comme sur beaucoup de chaînes se répètent et, même si notre cerveau déborde d’informations, nous retenons l’essentiel : Universités fermées, aucun déplacement, à part sur auto-certification, les transports en commun ne fonctionnent plus, bref, nous allons être coincés pour un bon bout de temps.— Ça va être le bordel partout, dis-je, un peu inquiète. Il est vrai que cette atmosphère, alimentée par les journaux télévisés, devenait anxiogène.— Pfffff tu m’étonnes…. Enfin, heureusement que je suis rentré ! Coincé dans mon studio sans pouvoir sortir, boire des verres, j’aurais pété un plomb !— Oui, et je suis plus rassurée en vous voyant ici, à la maison.Pierre, me faisant une bise sur la joue : — Comme ça, on pourra t’aider maman. Pour entretenir la maison.En effet, nous possédons une grande maison isolée sur deux étages avec un jardin peu entretenu. Ce qui est une chance, mais il y avait un certain bazar à ranger entre cave et grenier et le jardin à entretenir donc je ne disais pas non à un petit coup de main si ça me permettait de m’occuper un peu de moi. Je travaille dans un lycée en tant que professeur de physique-chimie, j’aime sortir et me cultiver. En revanche, en ce qui concerne le rangement et l’ordre, je le fais uniquement par devoir. Je suis une piètre bricoleuse et n’ai pas beaucoup la main verte.Léa dans son coin est taciturne, ce qui n’est pas dans son habitude. Je la remarque un peu pâle, les yeux rivés sur l’écran et l’air pensif. Je peux comprendre, les actualités ne sont pas réjouissantes et puis nous ne savions pas où tout ceci allait nous amener. Je décide de jouer mon rôle de mère rassurante.— Bon, allez, c’est pas grand-chose, on s’en sortira, ça passera vite, dis-je tentant de la rassurer, tentant de dédramatiser un peu.— Mais oui, les journaux exagèrent toujours ! Et puis c’est cool de pouvoir passer du temps ensemble ! dit Pierre en donnant une petite tape amicale sur la cuisse de Léa.Elle finit par esquisser un sourire.— Bien sûr, il faut juste trouver de quoi s’occuper, rétorqué-je.— Maman, tu as gardé la malle de costumes quand Papa est parti ? demande Pierre.— Euhm, oui, oui, elle doit toujours être au grenier. Pourquoi, tu veux les trier ?Je ris. Mon ex-mari étant metteur en scène, il stockait un tas de bordel (il faut le dire) dans notre grenier, dont cette énorme malle contenant toutes sortes de costumes et accessoires de théâtre. Elle semble d’ailleurs sans fond !— Non, non, ahaha… Mais… Je me dis qu’on pourrait faire l’utiliser pour occuper le temps. Faire une sorte de jeu, se déguiser ou faire une pièce ?Mes enfants ont toujours su être créatifs et l’idée plaît à Léa qui reprend un peu de ses couleurs.— Mais c’est une très très bonne idée ça ! Mais une pièce ? Il faudrait l’écrire, pensez à une intrigue, aux personnages, etc. C’est un travail de longue haleine, demandez à votre père, il n’était pas souvent disponible (Et toc !).— En fait, on pourrait convenir de porter un costume différent chaque jour mais avec l’obligation toute la journée d’agir selon notre costume ! Du coup, se créer un personnage tous les jours différents, le temps que durera le confinement.Au fur et à mesure que l’idée se dévoile, le visage de Léa s’illumine.— Ahaha, mais oui, tu es doué toi… Moi, en tout cas, ça me tente énormément et puis ça peut être drôle ! dis-je, emballée.Léa, finalement, sort de son silence et frappe la main de son frère.— Je suis d’accord, ça peut être une bonne idée, bien joué !— OK, alors demain matin, chacun sait ce qu’il a à faire et on se retrouve en bas dans la cuisine pour se les montrer. Le jeu commencera lorsque nous serons tous les trois réunis au petit déjeuner.— Parfait, en attendant, mes petits Molière, je vais me coucher, moi. Je suis un peu lessivée de cette logorrhée informative. Ne veillez pas trop tard et à demain… enfin, si c’est bien moi que vous verrez…Je finis par aller me coucher, étant vraiment fière des valeurs et de l’inventivité que nous avions pu leur transmettre leur père et moiLe lendemain, après avoir bien dormi, je me lève non sans mal. Un bruit cependant me fait sursauter. En sortant de ma chambre, j’aperçois la porte du grenier entre-ouverte. Pierre visiblement est déjà en bas (sa chambre est vide). Mais… Léa ? Dans le grenier ? Je monte à pas de velours le petit escalier en bois puis pousse la porte bruyante qui grince. Léa me regarde de ses yeux bleus, enfilant un costume.— Le défiii, quelle tête en l’air !Je me claque le front, j’avais oublié.— Tu perds la tête, toi, hein, dit-elle en me faisant un bisou sur la joue. Moi j’ai choisi celui-ci, ne regarde pas !Elle le met derrière son dos et descend les escaliers.Je fouille à mon tour et trouve une belle tenue de danseuse de saloon. Je descends l’enfiler dans ma chambre. Il s’agit d’une belle robe rose et noir brillant, jupe fendue à l’avant, que j’agrémente d’une coiffure en chignon, de gants noirs en satin, un collant noir fin et des bottines.Me voilà prête et je descends dans la cuisine, feignant un air de musique de french cancan et lançant mes jambes en avant l’une après l’autre. Je découvre alors un anachronisme hors pair. Pierre, vêtu d’un costume de mousquetaire, son épée au fourreau, son téléphone à la main et une tasse de café dans l’autre. Il lève enfin la tête à mon approche, moi, continuant de chanter et danser.— Wooaw ! Milady, vous êtes superbe ! dit-il, hypnotisé par le mouvement de mes jambes.— Ahaha, vous n’êtes pas mal non plus, mon mignon.Prise au jeu et tendant ma main pour qu’il la baise. Au moment où il s’exécute, je feins un ricanement et sens une présence derrière moi.— Ah ! Un pirate ! Le roi me payerait très cher pour te mettre aux fers ! s’exclame Pierre.Léa, comme vous l’aurez compris, est un pirate. Elle porte une jupe longue et ample, un corset en cuir, un bandeau, une épée et des bottes noires.— Pff, essaye toujours, maudit mousquetaire ! provoque Léa.Il dégaine sa fausse épée et provoque le combat tendant une main vers moi comme pour me tenir à distance. Léa recule et se défend avec son sabre, ce qui les pousse au salon.— Reculez, mademoiselle, ce pirate pourrait vous blesser… ou pire encoreLe combat prend fin au moment où Pierre se laisse tomber. Je mime l’étonnement.— Argh ! Elle m’a eu ! Je suis à sa merci…— On devrait le pendre, non ? Juste pour l’exemple, dit Léa presque sérieuse, d’un air quasi sadiqueÀ ce moment, j’avoue être un peu dépassée, car leurs rôles leur collent à la peau. Leurs voix, leurs corps, leurs déplacements, tout y est ! Je suis une piètre actrice à côté…— Argh non… Épargnez-moi et je me battrai à vos côtés. Mais ne touchez pas à cette demoiselle perdue !Léa s’approche de moi, me pointant son sabre sous la gorge.— Qu’es-tu prêt à faire pour elle ?— Demande ce que tu veux, mais épargne-la, avant d’ajouter en riant : je sais que vous autres, pirates, ne ménagez pas les femmes que vous capturez !— Ah, non. Et surtout pas celle-ci ! mettant une tape sur ma fesse droite avec sa main.Je ne peux m’empêcher un cri de surprise, me mettant les mains au visage. Pierre voit que sa sœur joue le jeu à fond.— Mon Dieu, mais arrêtez-la ! dis-je, sortant un peu du personnage.— Ne la touchez pas, malotrue ! C’est une femme respectable, pas une de vos traînées de bas étage !— Oh, elle deviendra tout le contraire, hein, ma belle ? taquine Léa.J’essaye de me concentrer pour jouer le plus justement possible.— Oh, euhm… non, pitié, pas ça !Pierre, toujours allongé, se met alors la tête entre les coudes et nous observe jouer.— Vous n’oserez pas ! Je suis sûr qu’il y a un cœur dans votre jolie poitrine !— Pfff… dans la sienne en tout cas il y a une jolie paire de seins non ?Elle pointe le sabre sur ma poitrine, regardant son frère complice. Je finis par intervenir.— Olala, mais défends-moi, toi, au lieu de regarder !Essayant tant bien que mal à mettre fin à cette scène.Le sabre de Léa me frôle quelquefois le téton gauche.Pierre, se levant, l’épée à la main pointée cette fois sur mon autre sein.— Elle m’a vaincu… je dois être de son côté maintenant.Je me sens piégée et n’ai pas l’improvisation nécessaire pour m’en sortir, et mes tétons frétillent sous les frôlements des pointes des sabres.— Ah ben merci, le héros, j’hésiterai pas à vous faire une très mauvaise publicité…À ce moment, Pierre lâche son épée au sol et se jette sur sa sœur déconcentrée. S’en suit une lutte fraternelle plutôt jouette à base de chatouilles, pincements.J’ai trouvé mon échappatoire et y participe de loin. Les deux rient aux éclats.Eux deux se posent dans le canapé après une cruelle bataille.— Alors, tu es moins stressée, frangine ?— Je ne l’étais pas… C’est juste que je m’ennuyais un peu de rester enfermée le temps que ça dure avec ma mère et mon frère alors que mon indépendance commence à peine. Enfin, on a trouvé de quoi s’occuper et puis, ça ne durera pas si longtemps que ça.— Oui, je comprends aussi, c’est difficile de revenir aux sources. Mais comme tu l’as dit, ça ne durera pas. En revanche, profitons des moments passés ensemble.Je les ai laissé discuter pour vaquer à mes occupations et prépare le repas. C’est assez difficile dans cette tenue mais c’est le jeu. Je peux les entendre jouer à coup de « Au nom du Roi ! » « Parbleu » « Mort aux vaches », etc. puis ils finissent par se calmer. Je les perds de vue lorsque je finis de remplir le lave-vaisselle et entends les pas qui montent à l’étage.De leur côté, ils ont fini par redevenir normaux et se sont posés dans la chambre de Léa :— Ahah, arrête, j’aurais pu lui découper le corset tellement j’étais dans mon rôle. Bon, même si mon sabre ne coupe pas en réalité, se vante Léa.— Ça aurait été gênant, quoi… Vu la paire qu’elle a, maman.Il lorgne un peu sur celle de sa sœur.— Oui, c’est sûr ! Remarque, j’en suis pas loin… hééé ! dans les yeux !Elle surprend le regard de Pierre et lui pince un peu la cuisse. Il rit et se reprend.— En tous cas, on va bien s’amuser avec tous ces déguisements.— Oh que oui ! rétorque Léa, amusée.L’après-midi fut plus calme. J’étais un peu plus prise par mes occupations, l’excitation du jeu est un peu retombée de leur côté et nous avons quelque peu perdu nos personnages. En revanche, nous étions tous les trois convaincus et bien décidés à continuer le lendemain…