RĂ©sumĂ© des Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents : Le narrateur, cet espion qui se travestit, a rĂ©ussi la mission dite « de l’Aristo » : dĂ©rober des documents affirmant que le Service Ă©tait infiltrĂ© par un gouvernement Ă©tranger.Pour mettre la main sur les complices de ce gouvernement Ă©tranger, il a concoctĂ© un piège avec Malika, son amour, qui s’est terminĂ© par la bataille des cinq espions.Par la suite, Charlène et RaĂŻssa ont proposĂ© Ă Milly, le MOI fĂ©minin du hĂ©ros, de dĂ©briefer ces complices, pour mettre la main sur la tĂŞte de ce « rĂ©seau parallèle ».Mais l’Aristo et ses sbires souhaitaient que personne ne s’en sorte vivant. Ils ont canardĂ© la planque. Tout s’est terminĂ©, Milly couverte de sang de ses adversaires, gagnante des duels. – 28 – Les procĂ©dĂ©s narratifs pour raconter une histoire et pour tenir les lecteurs en haleine ne sont pas si aisĂ©s Ă utiliser. Les auteurs jouent rĂ©gulièrement avec les temps de verbe pour faire voyager le lecteur. Je m’efforce de crĂ©er des diĂ©gèses, des flash-back, des digressions…Avec ma rĂ©flexion sur les « jalons », comme quoi il y a toujours des Ă©tapes marquantes dans une vie, des choix pris, des opportunitĂ©s saisies, des balises qui nous font Ă©voluer, qui peuvent nous faire basculer drastiquement sur un chemin inconnu, j’ai compris en Ă©crivant que je n’étais pas honnĂŞte avec moi-mĂŞme.Certes, en tant qu’officier de renseignement, expert ès infiltration et observation, maĂ®tre ès double jeu, je vivais des existences empruntĂ©es, en partie fausses, Ă©crites par un analyste crĂ©atif du Service. Je mentais Ă tous ceux qui m’entouraient ou que je rencontrais. Comme si j’existais Ă cĂ´tĂ© de moi-mĂŞme. Comme si ce MOI que je recherchais depuis un certain temps flottait Ă cĂ´tĂ© du personnage de l’espion infiltrĂ©.Milly m’avait aidĂ© Ă retrouver ce MOI. J’étais double, j’avais besoin de cette double, de cette triple existence constante : la rĂ©alitĂ© de l’espion intĂ©grĂ© dans le Service, le jeu de l’infiltrĂ© qu’il me fallait mener, la prĂ©sence de Milly dans ces deux vies diffĂ©rentes. Milly me donnait donc un point de raccordement. Et mes SupĂ©rieurs hiĂ©rarchiques ignoraient tout de cette petite femme sportive, aimant la musique et le vin blanc.La petite culotte de Marie, mon entrĂ©e dans le Service, ma rencontre avec RaĂŻssa et Charlène, mon travestisme dĂ©voilĂ©, mon acceptation d’aimer me faire enculer, ma rencontre avec Malika, tout ça m’avait amenĂ© Ă avouer. Ă€ m’avouer avoir menti. Avoir menti Ă mon amour, Malika, qui ne demandait qu’à me connaĂ®tre simplement comme j’étais. Mais c’était LA question Ă poser ! Qui Ă©tais-je rĂ©ellement ? Me mentais-je moi-mĂŞme ?C’était flou, comme Ă©tait dans le brouillard de ma mĂ©moire cette discussion avec Malika d’il y a un siècle :— T’as dĂ©jĂ fait l’amour avec un homme ?— Non. Et toi, avec une femme ?— Oui, ça m’est dĂ©jĂ arrivĂ©. Mais t’as dĂ©jĂ eu du dĂ©sir pour un homme ?— Non plus.— Pas mĂŞme sucer une queue ?— Oui, par contre. Mais je n’ai jamais dĂ©sirĂ© un homme.— Quand tu suces mon gode-ceinture, on dirait que tu as de l’expĂ©rience…Oui, j’avais de l’expĂ©rience, car Milly me cĂ´toyait dĂ©jĂ depuis un certain temps lorsque Malika et moi avons Ă©changĂ© ces phrases, mais : « T’as dĂ©jĂ fait l’amour avec un homme ? » j’ai rĂ©pondu non. « T’as dĂ©jĂ eu du dĂ©sir pour un homme ? » J’ai aussi rĂ©pondu non.J’ai menti. Et il y a cette dichotomie en moi qui tremble, une divergence « d’acceptation »… – 29 – C’était il y a longtemps. Avant mĂŞme que je ne rencontre Malika Ă la licorne tatouĂ©e sur le corps. Je venais tout juste de prendre possession du magasin de disque Ninnata musica. J’avais fait une bonne communication sur les rĂ©seaux sociaux, je m’étais fait interviewer par des mĂ©dias underground, la clientèle punk et/ou de gauche frĂ©quentait la boutique, achetait des disques, discutait musique et culture. C’est Ă ce moment que j’ai rencontrĂ© Max et StĂ©phane, nous sommes devenus amis. Parallèlement, j’identifiais les diffĂ©rents courants de pensĂ©e de la MĂ©tropole, et j’avais dans le collimateur certains leaders Ă©tudiants ou progressistes dont Clive, entre autres, travailleur au Refuge de SDF.Un jour de pluie, un homme dans la fin vingtaine est entrĂ©Â : brun, cheveux mi-longs, barbe de trois jours, habillĂ© en subversif avec des badges anarchistes. Après m’avoir saluĂ© automatiquement, il s’est mis Ă fureter dans les disques 45 tours. J’ai tentĂ© de l’ignorer, je l’avais reconnu. Il me connaissait sous une autre identitĂ©. Je ne savais comment esquiver sa rencontre, Ă©tant seul dans le magasin. Le Service m’avait affectĂ© Ă cette mission d’infiltration dans un quartier oĂą j’avais dĂ©jĂ mis mes pĂ©nates, sous l’identitĂ© d’un professeur de littĂ©rature en sabbatique, il y a cinq-six ans. Sept ? C’était Ă l’époque de « 1000fleurs ». Et cet homme, qui se retournait pour questionner le vendeur de disques – moi ! – s’appelait Éric, avait Ă©tĂ© le colocataire de RaĂŻssa lorsqu’elle Ă©tait Ă l’UniversitĂ©. Et cet homme qui me demandait :— Auriez-vous des disques de Muddy Water ?Je l’avais dĂ©jĂ recrutĂ©. Puis abandonnĂ©.— Oui, dans le bac Ă gauche, lĂ -bas… lui ai-je rĂ©pondu nonchalamment sans le regarder.Mais Éric s’est attardĂ©. Je me suis senti obligĂ© de me retourner et de soutenir son regard. Il n’en croyait pas ses yeux de me retrouver vĂŞtu en grunge, alors qu’il ne m’avait connu qu’en professeur/espion/analyste. J’ai souri. Il restait coi. C’était en partie grâce Ă lui que j’avais pu coincer la taupe.— Salut Éric.— Tu es bien celui Ă qui je pense ?— Oui.— Mais alors… ?— Comment vas-tu, depuis nos dernières rencontres ?Éric a souri aussi, visiblement soulagĂ©, et nous avons engagĂ© une discussion Ă©voquant certains souvenirs et rĂ©percussions de la mission d’infiltration « 1000fleurs ». Entre-temps, Éric s’était accoudĂ© au comptoir, me fixait dans les yeux, tentait de me questionner sur une certaine personne sans en avoir l’air. Il a regardĂ© autour de lui pour s’assurer de ne pas ĂŞtre Ă©coutĂ© pour me demander ensuite :— Mais qu’est-ce que tu fais ici ? tout en chuchotement.— Je tiens ce magasin de disque…— Mais tu travailles toujours pour… euh… ?— Oui, ça ne sert Ă rien de te le cacher. Tu l’as dĂ©jĂ su…Il a acquiescĂ©, me scrutant les yeux, tentant de deviner quelque chose. J’ai eu l’idĂ©e de le recruter de nouveau, peut-ĂŞtre m’apportera-t-il des infos sur ces courants de pensĂ©es gauche/droite sur lesquels ma mission d’infiltration portait.— Qu’en dis-tu si on va prendre un verre ? Je ferme la boutique.Nous nous sommes retrouvĂ©s dans l’alcĂ´ve d’un bar et avons bu des pintes de blonde. Ă€ grandes lignes, je lui ai expliquĂ© ma mission et je l’ai bien averti : actuellement, seul lui, Éric, connaissait le pourquoi de l’ouverture de ce magasin de disques, le Ninnata musica.— Je comprends bien, ne t’en fais pas pour ça. Je pourrai t’aider et mĂŞme te faire approcher certains leaders comme tu dis…Un moment de silence. Éric a enfin fait sortir de sa bouche la question qu’il retenait depuis notre rencontre :— Et t’as des nouvelles de… RaĂŻssa ?— Oui. Nous travaillons ensemble. Nous nous voyons Ă l’occasion.— Comment va-t-elle ? Depuis l’action Ă l’hĂ´tel, je ne l’ai plus jamais revue…— C’est normal. Elle voyage beaucoup. Et elle va bien.— A-t-elle changé ? je veux dire… elle est toujours la mĂŞme ?— Ne t’en fais… Tu la reverrais que tu l’aimerais encore…— Ce n’est pas ce que je voulais dire ! C’était une grande amie et… elle me manque.Nous avons recommandĂ© des bières et Éric m’a racontĂ© comment RaĂŻssa et lui s’étaient rencontrĂ©s lors de manifestations Ă©tudiantes, comment leurs affinitĂ©s s’étaient affinĂ©es, comment ils avaient montĂ© le projet de colocation. Les yeux bruns d’Éric restaient fixĂ©s sur les miens, au point de me mettre mal Ă l’aise Ă l’occasion. Je lui souriai, j’aimais me rappeler RaĂŻssa il y a des annĂ©es et ĂŞtre admiratif de son Ă©volution au sein du Service.— Nous nous respections : elle respectait qui j’étais et moi aussi, j’étais toujours Ă ses cĂ´tĂ©s. Elle m’a toujours acceptĂ© comme je suis…, a-t-il conclu, les yeux dans sa bière.ÉmĂ©chĂ©s, nous sommes sortis du bar pour dĂ©ambuler en ville, comme nous avions fait lors de notre première rencontre oĂą je l’avais recrutĂ© dans le rĂ©seau « 1000fleurs ». Il a glissĂ© un bras autour de mes Ă©paules et m’a serrĂ© Ă lui avec affection alors que nous titubions et rigolions. Sa joue contre la mienne, j’ai senti ses poils de barbe, sa virilitĂ©, sa force et son amour de la vie. Il avait l’âge de RaĂŻssa, une quinzaine d’annĂ©es moins que moi, j’aimais sa force et sa jeunesse. Je l’ai invitĂ© Ă terminer la soirĂ©e chez moi :— J’ai encore des bières si tu veux.Éric a acceptĂ© avec joie et nous en avons bu plus d’une tandis qu’il regardait tous les disques que j’avais en stock dans mon appartement payĂ© par le Service. Il a retrouvĂ© un album de Muddy Water et consciencieusement, il a fait tourner « Mannish boy » sous l’aiguille du tourne-disque et le blues a Ă©clatĂ© dans mon appartement. Je souriais de le voir jouer de la guitare invisible en chantant : « Everythin’, everythin’, everythin’s gonna be alright this mornin »/Now when I was a young boy, at the age of five / My mother said I was, gonna be the greatest man alive / But now I’m a man, way past twenty one / Want you to believe me baby, / I had lot’s of fun / I’m a man ».Éric hochait la tĂŞte sous le riff du blues. Je me suis levĂ© et nos corps se sont rapprochĂ©s, nos bassins suivant le phrasĂ© des guitares, nos cous se sont retrouvĂ© imbriquĂ©s, nos joues collĂ©es l’un Ă l’autre et alors que Muddy Water chantait : « Je suis un homme/J’ai complètement grandi/je suis un homme/Je suis nĂ© pour ĂŞtre amant » nos lèvres se sont soudĂ©es, sa langue est entrĂ©e dans ma bouche, mes mains ont touchĂ© ses fesses, les siennes aussi, nos bas-ventres se touchaient au rythme de la batterie. Je me suis aperçu que je bandais. Que j’embrassais un homme d’une quinzaine d’annĂ©es plus jeune que moi ! L’ex-colocataire de RaĂŻssa, mon agente. Qu’Éric Ă©tait devenu mon agent aussi ! Qu’il m’étendait sur le sofa ! Qu’il dĂ©boutonnait mon pantalon et sortait mon sexe ! Qu’il le masturbait doucement en revenant m’embrasser ! Qu’il me chuchotait :— Je t’ai toujours admiré… ton mĂ©tier, ta manière d’être, et puis lĂ , ta nouvelle mission…Sa bouche est descendue le long de mon corps, j’avais chaud, il m’a englobĂ© avec appĂ©tit, c’était bon. Sa barbe entre mes cuisses. Il a lĂ©chĂ© mes couilles, je lui ai demandĂ© de se dĂ©shabiller aussi, il l’a fait en une seconde et Éric et moi nous sommes retrouvĂ©s tĂŞte-bĂŞche, Ă nous dĂ©guster l’un l’autre.Cette soirĂ©e est un des jalons de ma vie que j’ai voulu cacher, je ne sais pourquoi. Car Éric et moi nous nous sommes revus. Nous nous la jouions « mannish » – masculine et viril – en public, mais nous nous retrouvions le soir, en catimini, Ă sourire de nos cachotteries et de nos cajoleries. Il Ă©tait le passif dans le couple homosexuel que nous formions la nuit, il ne m’a jamais pĂ©nĂ©trĂ©, c’était moi qui jouais avec ses fesses et qui m’y insĂ©rais.Et Ă la mĂŞme Ă©poque, une fois que nous avions joui l’un et l’autre, moi dans son cul et lui dans ma main, alors qu’il partait de mon appartement et que je me retrouvai seul, le soir, devant ma glace, je me transformais en Milly. Et je me faisais prendre dans les toilettes publiques du Saloon, ou bien chez Marco, le rouquin…Ma vie Ă©tait dĂ©pravĂ©e. Le chaos dans ma tĂŞte. Éric m’a demandĂ©, en fin de soirĂ©e, mon bras autour de lui, sa tĂŞte contre mon Ă©paule :— Il t’est possible de contacter RaĂŻssa ?— Oui…— Ça te dirait de la contacter ? J’aimerais la revoir.J’ai hĂ©sitĂ©. RaĂŻssa et moi avions prĂ©vu un système de boĂ®te aux lettres mortes, seulement pour nous, juste pour elle et moi, Ă n’utiliser qu’en cas d’urgence. Certes, que Éric revoit RaĂŻssa n’était pas une urgence en soi : mais j’avais aussi envie de lui reparler. Ă€ l’époque, cela faisait longtemps que nous ne nous Ă©tions pas vus…La mĂŞme nuit, Milly a glissĂ© une note mystĂ©rieuse sous un pot de fleurs d’un appartement au Mile-End. Et comme prĂ©vu, RaĂŻssa Ă©tait prĂ©sente au rendez-vous dans un parc, deux jours plus tard Ă l’heure dite, assise sur un banc. Je l’ai abordĂ© de front :— Salut RaĂŻssa.— Salut. Ça va ? Pourquoi voulais-tu qu’on se voie ?RaĂŻssa semblait inquiète. En effet, nous nous Ă©tions avertis l’un l’autre de n’utiliser cette boĂ®te aux lettres morte que pour des urgences. Puis elle a remarquĂ© mon nouveau look de proprio de magasin de disque, elle a chuchotĂ©Â :— Mais ? Comment es-tu habillé ? Tu es en mission ?— Je t’expliquerai. Oui, ça va. Je voulais te prĂ©senter quelqu’un…Et Éric est apparu, souriant, et RaĂŻssa s’est jetĂ©e dans ses bras, heureuse de le retrouver :— Ça fait tellement longtemps ! Comment vas-tu Éric ?Sans lui laisser le temps de rĂ©pondre, j’ai interrompu leurs retrouvailles :— Je propose qu’on aille Ă la maison. Faudrait pas qu’on ne nous voie tous ensemble…Un quelconque service de contre-espionnage Ă©tranger pouvait nous filer et, en prenant tous des chemins diffĂ©rents, nous avons retrouvĂ© les cartons de disques et les bouteilles de bières et de vin de mon appartement. J’ai rapidement expliquĂ© Ă RaĂŻssa le recrutement de son ami dans un nouveau rĂ©seau d’informateurs que j’étais en train de monter, sans en dĂ©voiler la teneur. Elle a hochĂ© la tĂŞte puis Éric et RaĂŻssa se sont racontĂ© leurs vies. Je guettais le moindre faux pas de mon agente, ne pas qu’elle en dĂ©voile trop sur ses opĂ©rations actuelles ou passĂ©es, moi-mĂŞme ne les connaissant pas toutes. Éric avait terminĂ© ses Ă©tudes et travaillait dans une station de radio indĂ©pendante en tant que journaliste. RaĂŻssa l’écoutait, intĂ©ressĂ©e et belle comme Ă son habitude, avec ses longs cheveux noirs ondulĂ©s, ses yeux noirs et brillants, habillĂ©e cette fois-ci en style hippie, des bracelets partout aux poignets et des foulards et des breloques autour de son cou. Je devinais ses formes sous son ample tunique, la douceur de sa peau, ses jambes, ses pieds nus, elle avait enlevĂ© ses sandales. Il Ă©tait tard et nous Ă©tions dans un Ă©tat passablement avancĂ© lorsqu’elle a demandĂ©Â :— Et Éric, as-tu enfin trouvĂ© l’amour ? Tu sais… ce n’était pas si facile pour toi, Ă l’époque… ?Sans se cacher ni se dĂ©monter, Éric a regardĂ© RaĂŻssa tout en s’asseyant Ă mes cĂ´tĂ©s, enroulant son bras par-dessus mes Ă©paules, souriant :RaĂŻssa a fait les yeux ronds, soudainement surprise par cette rĂ©vĂ©lation. Puis son sourire taquin a transformĂ© son visage. Je ne la connaissais que trop, RaĂŻssa. Je savais que cette dĂ©claration venait de lui donner des idĂ©es. Elle m’a regardĂ©, souriant d’un cĂ´tĂ© du visage, avant de murmurer, d’une voix sensuelle que j’adorais dans les lumières tamisĂ©es :— J’aimerais bien voir ça…Ma rĂ©ponse Ă©tait toute prĂŞte :— RaĂŻssa, mais non, mais non…Mais Éric en renchĂ©rit, enthousiasmĂ©Â :— C’est vrai que tu aimais ça m’espionner lorsque je ramenais des mecs Ă la maison.— J’ai toujours aimĂ© ça…— Moi ça me va, a affirmĂ© Éric, depuis que je l’ai rencontrĂ©, j’ai toujours envie de faire l’amour…— Éric, RaĂŻssa, allez…Le visage de mon amant s’est collĂ© au mien, ses lèvres aussi, il m’a chuchotĂ©Â : « Allez… montre-lui ce que tu sais faire… », nous nous sommes embrassĂ©s, j’étais embarrassĂ© de la prĂ©sence de RaĂŻssa qui regardait Éric tenter de se dĂ©barrasser de son futal et du mien.— Éric, non, merci, ça va…RaĂŻssa m’a regardĂ© de cĂ´tĂ©, curieuse, j’ai continuĂ©Â :— Pas devant RaĂŻssa, t’es fou ou quoi ?— Un peu, oui… a-t-il rĂ©pondu en s’écartant de moi, et en riant.RaĂŻssa a soupirĂ© puis a demandĂ©, toujours aussi curieuse, connaissant tout de ma relation ambiguĂ« avec Milly :— Et qui est l’actif, dans le couple… ?Éric s’est empressĂ© d’expliquer notre rencontre et comment toute notre relation a commencĂ©, du recrutement comme informateur aux moments passĂ©s au lit. Je l’ai laissĂ© dire. Je prĂ©fĂ©rais ça que son passage Ă l’acte : si je l’avais laissĂ© faire, Éric se serait empressĂ© sur mon sexe. Je lui aurais caressĂ© les cheveux tout en regardant RaĂŻssa, nymphomane refoulĂ©e, qui n’en ratait jamais une pour s’exciter. Elle m’aurait souri alors que j’aurais profitĂ© de la fellation d’Éric. Elle se serait touchĂ© les seins et je lui aurais peut-ĂŞtre demandĂ©, en pointant la bouche de mon amant sur mon gland :Silencieuse, elle aurait fait non de la tĂŞte, elle aurait souhaitĂ© seulement profiter du spectacle et Éric se serait installĂ© en levrette sur le bord du canapĂ©. Machinalement, je me serais redressĂ©, Éric et moi Ă©tions dĂ©jĂ des habituĂ©s, et je l’aurais pĂ©nĂ©trĂ© sous le regard perçant de RaĂŻssa qui m’aurait vu sous un nouvel angle. Enculer un homme est diffĂ©rent d’enculer une femme. Nos mains n’attrapent pas les mĂŞmes chairs. Les fesses de Éric Ă©taient musclĂ©es, je l’aurais donc pris par la taille alors que lorsque je sodomisais RaĂŻssa ou Charlène, j’aimais prendre leurs fesses Ă belles mains. Mais, quel que soit le partenaire, je m’y donnais Ă cĹ“ur joie.Éric aurait râlĂ©, j’aurais su que son orgasme montait, et RaĂŻssa nous aurait contemplĂ©s, perdue dans la scène, une main dans sa culotte. Éric aurait tachĂ© les coussins en Ă©jaculant sur le canapĂ©, lĂ oĂą Malika m’aurait demandĂ©, quelques semaines plus tard, ce que c’était. Je ne pourrais lui dire que c’est le sperme imaginaire de mon amant/agent. Je me serais laissĂ© aller en lui, m’effondrant sur son dos par la suite. RaĂŻssa nous aurait fĂ©licitĂ©s, sincère, envieuse : « C’est beau votre amour ! ». Tout ça n’est qu’une spĂ©culation de ce qui aurait pu arriver…Et tandis que Éric racontait certains dĂ©tails de notre vie sexuelle, RaĂŻssa me scrutait des yeux, souhaitait me sonder, me questionner. J’ai jouĂ© mon rĂ´le de gĂ©rant de magasin de disque bisexuel, ai avouĂ© en mentant : « Je n’ai jamais fait l’amour devant quelqu’un d’autre… » RaĂŻssa a ri de ma rĂ©partie : « J’aurais aimĂ© ça, vous voir… » Éric a par la suite demandĂ© Ă RaĂŻssa s’ils se reverraient, elle et lui, elle a rĂ©pondu : « Je dois voyager prochainement, dĂ©solĂ©, mais on se recontacte ? »Ils ont quittĂ© mon appartement pour faire un bout de chemin ensemble, Éric m’embrassant sur la bouche, RaĂŻssa s’attardant sur le pas de porte pour me chuchoter, Ă ce MOI qu’elle apprenait Ă connaĂ®tre encore et encore :— Mais qui es-tu ?— Ton meilleur ami, RaĂŻssa. Tu connais tout de moi…J’ai mis mon index devant mes lèvres en faisant un « Chut », elle a acquiescĂ©, m’a embrassĂ© Ă son tour sur la bouche, j’ai toujours aimĂ© ses lèvres, puis elle est partie. Nous nous sommes revus Ă New York, par la suite, dans d’autres circonstances par rapport Ă un Aristo, toujours dans une ambiance de stupre. Nous sommes rapidement revenus sur cette soirĂ©e, sans plus.De suite après leur dĂ©part, Milly est apparue devant le miroir, et j’ai Ă©tĂ© rejoindre Jojo et Marco.Je l’ai dĂ©jĂ dit : ma vie Ă©tait dĂ©pravĂ©e. Le chaos dans ma tĂŞte. Jusqu’à ce que je ne rencontre Malika. Ă€ qui je n’ai jamais avouĂ© avoir vĂ©cu une relation avec Éric, l’un de mes agents informateurs, ami et ancien colocataire de RaĂŻssa.Mais je viens de l’écrire. Peut-ĂŞtre lira-t-elle ces feuillets ? Et enfin, saisir tout le roman ? – 30 – La nuit est tombĂ©e. Nous sommes tous assis dans le salon du studio. Une lampe sur pied illumine le plafond et diffuse des ombres dans la piaule. Ă€ l’extĂ©rieur, le calme de la ville Ă pareille heure. Mais dans cette pièce, se sont rĂ©unis presque tous les espions du Service impliquĂ©s dans cette histoire. William et Nicolas, les deux toujours avec leurs habits noirs utilisĂ©s pour tenter de forcer l’appartement de Charlène. William tient ses deux mains entre ses jambes, comme un enfant puni. Nicolas semble ailleurs, les yeux dans le vide, rĂ©agissant peu. Juliette est prĂ©sente, avec ses longs cheveux blonds en natte le long de son Ă©paule, sa chemisette Ă©chancrĂ©e et sa jupe courte au-dessus des genoux. Elle n’est plus aussi stoĂŻque qu’elle voudrait en avoir l’air, ses grands yeux bleus voyagent entre toutes les personnes de la pièce. Car il y a Charlène, les jambes croisĂ©es au niveau des cuisses, dans un jeans serrĂ© comme elle a l’habitude, un petit crop top blanc laissant voir son nombril, la forme de ses seins de transgenre, ses longs cheveux noirs aux reflets rouges. Il y a RaĂŻssa, aussi, Ă la cascade de cheveux fous, vĂŞtue d’une robe noire Ă maille cĂ´telĂ©e, avec une suite de boutons partant de son dĂ©colletĂ© en V. La finition Ă volants de sa jupe semble vouloir chatouiller ses cuisses et rend Milly jalouse. La coupe est si ajustĂ©e pour son corps que le monde de la mode semble avoir Ă©tĂ© inventĂ© pour elle. RaĂŻssa est devant un autre espion, Richard, toujours aussi rond et dĂ©garni, le chef de ComitĂ© d’Action. Alain se tient non loin, guettant un geste quelconque qui pourrait s’avĂ©rer offensif. Il est aux ordres de Milly. Car je suis lĂ , aussi, sinon je ne raconterai pas la finale de cette Ă©popĂ©e de manipulateurs.De suite après notre fuite du lieu de la fusillade dans la planque et sur les toits, j’ai guidĂ© le chauffeur du fourgon durant une quinzaine de minutes : « À gauche. Continue. Ă€ droite Ă la prochaine. Ă€ gauche, dans le parking. Descends la rampe. Ici c’est bien. » Parking sous-terrain, lueur jaunâtre des ampoules, j’ai fait sortir tout le monde et les ai menĂ©s Ă un escalier de secours intĂ©rieur : « Montez ! Le chauffeur nous attendra ».Toujours une arme en main, j’ai dit Ă Alain : — Fais attention qu’aucun des trois ne s’enfuit ! Il a approuvĂ©, a surveillĂ© Juliette, Nicolas et William durant l’ascension vers un certain Ă©tage de la tour Elizabeth, puis lors de la marche dans le corridor. J’ai demandĂ© Ă tout le monde de s’arrĂŞter devant une porte que je connaissais trop bien. L’AirBnB que j’occupais il y a dĂ©jĂ des siècles. RaĂŻssa m’avait annoncĂ© qu’elle avait continuĂ© Ă le louer, sur ses propres fonds – ou sur l’argent tirĂ© des lingots d’or de MoonWar ? – et que personne du Service ne connaissait l’existence de cette planque. J’avais souri lorsqu’elle m’avait informĂ© cette base de repli. C’était parfait.— Alain, surveille-les ! Je rentre en premier, lui ai-je sommĂ©, le flingue en l’air, tournant tranquillement la poignĂ©e de porte.J’ai ouvert doucement puis me suis Ă©lancĂ© dans la pièce, arme au poing, pour dĂ©couvrir une RaĂŻssa et une Charlène souriantes toutes les deux, et un Richard menottĂ©. Richard menotté ? Il Ă©tait assis dans un fauteuil, toujours aussi bedonnant, avec une chemise serrĂ©e, et il grommelait en voyant la femme que j’étais surgir dans la pièce de la tour Elizabeth. Son bras droit rejoignait le radiateur, tout près de lui. Et une menotte l’immobilisait. RaĂŻssa, assise sur le canapĂ© un peu plus loin, Ă©tait radieuse comme toujours. La robe de RaĂŻssa avait des manches très courtes, laissant voir ses Ă©paules musclĂ©es et, au bout de son bras, comme moi, un pistolet avec un long canon silencieux :— Ah, c’est toi ! s’est-elle exclamĂ©e.Richard a levĂ© la tĂŞte pour braquer les yeux sur Milly. Celle-ci, depuis la fusillade, n’avait pu se laver le visage. Ainsi, des traces du sang du spadassin tuĂ© au couteau avaient giclĂ© sur son cou, sa joue, sa chemisette. Richard, toujours aussi petit, au tour de taille corpulent, avec sa large calvitie au-dessus de la tĂŞte, n’était plus du tout affable. Il semblait plus que contrariĂ©. Richard avait gravi les Ă©chelons dans le Service. Il avait Ă©tĂ© mon distinguo, mon analyste, puis nommĂ© chef du ComitĂ© d’Action. Ensemble, nous avions dĂ©jouĂ© des opĂ©rations. Ensemble, nous avions montĂ© des subterfuges pour mettre en lumière certaines activitĂ©s de groupes illicites et criminels, et mĂŞme arrĂŞtĂ©s des coupables. Indirectement, il avait Ĺ“uvrĂ© aussi pour ne pas brĂ»ler RaĂŻssa lors de ces « disparitions chroniques », en m’assignant un travail relax au magasin de disques qui me permettait d’enquĂŞter, de voyager, de refaire ma vie. Tout ce temps Ă me demander si j’avais Ă©tĂ© mis au placard, et le retrouver ici, dans le AirBnB, arrimer au radiateur, m’a rapidement interrogĂ©. Richard Ă©tait un homme qui ne trouvait pas d’âme sĹ“ur et qui pĂ©riclitait, un homme investi Ă son travail, sans aucun temps pour rencontrer quelqu’un qui puisse l’aimer. Un homme qui n’avait pas fait l’amour depuis longtemps. Un homme malheureux, quelque peu jaloux des femmes que je frĂ©quentais, des aventures que je vivais. Il avait d’ailleurs voulu garder tous les enregistrements – que nous avions pris dans ce mĂŞme studio ! – pour les rĂ©Ă©couter pour son plaisir. Richard, un homme Ă©trange qui, le croyais-je, restait fidèle Ă ses convictions au nom de la Raison d’État.Après la bataille des cinq espions, Malika avait soulevĂ© la question :— Tu m’avais parlĂ© hier d’un de tes camarades, en qui tu avais toute confiance… Richard ?— Tu lui en as parlé ? s’était exclamĂ©e RaĂŻssa.— Je lui ai tout racontĂ©, oui ! Ă destination de RaĂŻssa, puis je m’étais retournĂ© vers Malika en affirmant : tu as raison, c’est vrai ! Puis vers Charlène : qu’en penses-tu ?Et nous avions Ă©laborĂ© notre plan d’attaque. OĂą je prenais le rĂ´le de Milly pour dĂ©briefer les agents impliquĂ©s. OĂą Charlène, du Service des Affaires Internes, recrutait son Ă©quipe – Alain, Mikael maintenant dĂ©cĂ©dĂ© et les deux chauffeurs des fourgons – sans en informer aucune autre direction du Service. Et oĂą RaĂŻssa se mettait en rapport avec Richard pour le convaincre du plan que nous montions.Par la suite, RaĂŻssa Ă©tait venue me chercher alors que j’étais en plein dĂ©mĂ©nagement. En compagnie de Charlène, Richard avait donnĂ© son accord pour que je recrute Milly. Et le voilĂ , lĂ , menottĂ© au radiateur, car personne d’autre que nous ne connaissait l’emplacement de la planque oĂą a eu lieu la fusillade. OĂą tout le monde Ă©tait visĂ©, autant Juliette que William, Nicolas, Alain, Mikael et Milly… Un seul coupable, donc. Une seule personne connaissait oĂą Milly tiendrait les dĂ©briefings… nous l’avions pris en plein flag.Ses yeux braquĂ©s sur moi – il dĂ©taillait Milly, en fait – en disaient long sur le dĂ©sir qui le tenaillait, la folie qui l’avait consumĂ©Â :J’ai souri en femme confiante. Richard a voulu poser une question. Celle-ci n’a pu sortir de sa bouche, il contemplait mes cuisses fines et musclĂ©es, mes hanches, mon visage maculĂ© de sang. « Que, que s’e… ? »— Tout le monde est ici, je les fais entrer ? ai-je questionnĂ© mes deux acolytes.Elles ont simplement hochĂ© la tĂŞte. RaĂŻssa s’est levĂ©e, son arme toujours Ă la main. Dans le corridor, j’ai demandĂ© Ă mon nouveau complice d’entrer avec les prisonniers. En file, William, Nicolas, puis Juliette ont devancĂ© Alain les tenant toujours en joue. J’observais le visage de Richard qui se dĂ©composait au fil de leur arrivĂ©e dans le AirBnB.Puis le chef du ComitĂ© d’Action a penchĂ© la tĂŞte, dĂ©sespĂ©rĂ©, en murmurant « Comment en est-on arrivĂ© là … ? » alors que tout le monde s’asseyait sur les diffĂ©rents fauteuils et sofas.— C’est justement la question qui nous taraude l’esprit aussi, Richard ! a rĂ©pondu RaĂŻssa, sarcastique.Mais Richard n’allait pas rĂ©pondre. Pas Ă l’instant. Ça viendrait. J’avais des billes pour le faire plier. – 31 – Nouveau flash-back : un auteur peut s’amuser en littĂ©rature !Dans la rĂ©alitĂ© oĂą je n’étais qu’un propriĂ©taire de magasin de disque, je m’ennuyais quelque peu. Je ressassais ma mise au placard, je me questionnais sur mon parcours d’agent de renseignements, mon distinguo ne me donnait aucune nouvelle mission, je collectais des infos sur les groupes de gauche et/ou de droite. Puis j’ai rencontrĂ© Éric, nous la jouions manish de jour tout en Ă©tant sodomites la nuit. Éric rapportait des infos intĂ©ressantes. Travaillant dans une station de radio indĂ©pendante de quelques salariĂ©s, il avait demandĂ© Ă son Ă©quipe d’enquĂŞter au sujet de mes cibles : « Nous les inviterons en dĂ©bats publics, sur les ondes ! » disait-il Ă ses copains journalistes : « mais seulement lorsque nous aurons des dossiers bĂ©ton ! » Éric n’a jamais donnĂ© la parole aux fachos, mais son Ă©quipe de fouilleurs m’a rapportĂ© de nombreux Ă©lĂ©ments. Je les ai fournis au Service. Sans retour.Alors, la pensĂ©e m’a traversĂ© l’esprit, alors que je rangeais divers disques dans des cartons et Ă©crivais au feutre les prix de ces microsillons : « Et si je l’envoyais en honey trap, lui aussi… ? et si ça fonctionnait… ? » Dans ce mĂ©tier, on ne doit pas avoir d’état d’âme. Et je me rĂ©pète, je m’ennuyais, on m’avait mis sur la touche.Le soir mĂŞme, je lui en ai parlĂ©, à Éric. Il venait de crier Ă chacun de mes coups dans son cul, il jouissait en couinant sans se retenir et moi, je crispais ma mâchoire, mes mains sur ces hanches, rageur de l’enculer – mais que ça faisait du bien ! Avachis sur le sofa, lui dans les vapes, moi opĂ©rationnel, je lui ai demandĂ©Â :— Tu pourrais faire une nouvelle mission pour moi ?— Tout ce que tu veux, amour…— Il y a un homme que je surveille. J’aimerais que tu l’approches. Si c’est possible, que tu le charmes. Si c’est possible, que tu me rapportes ce qu’il te dira…Éric avait ouvert les yeux, soudainement en service :— Comme RaĂŻssa, Ă l’époque ?— Exactement.Plus tard, dans la semaine, je lui ai montrĂ© les photos d’identification de ma cible et lui ai indiquĂ© son lieu d’habitation, ses restaurants frĂ©quentĂ©s, ses trajets Ă pied ou en bus. Éric m’est revenu plus tard, moins de trois semaines après ma demande, tout souriant :— C’est fait.— Qu’est-ce qui est fait ?— Tu ne t’es pas questionnĂ© oĂą j’étais la dernière semaine ?Non, je ne m’étais pas questionnĂ©. Je venais de rencontrer Malika et nous avions vĂ©cu trois nuits de baises formidables avant de nous dire nos prĂ©noms. Elle venait de dormir Ă la maison. J’étais subjuguĂ© par son tatouage de licorne qui lui chevauchait le corps. J’avais presque oubliĂ© Éric…— En effet, nous ne nous sommes pas vus depuis cinq ou six jours : oĂą Ă©tais-tu ? J’étais inquiet ! ai-je feint, doublement coupable.Éric a souri, indulgent. Si nous n’avions pas Ă©tĂ© au Ninnata musica, avec mon collègue StĂ©phane non loin, Éric m’aurait pris dans ses bras, avec un besoin d’affection. Il a seulement chuchotĂ©, en bon agent « informel » qu’il Ă©tait :— J’ai pris contact avec ta cible.J’ai hochĂ© la tĂŞte, comprenant soudainement tout, et l’invitant Ă l’appartement le soir mĂŞme. Nous avons fait l’amour. Éric s’est dĂ©chaĂ®nĂ© sur ma queue, sa succion me faisait mal, mais semblait-il qu’il en avait besoin. Je lui ai tirĂ© les cheveux pour qu’il arrĂŞte, je l’ai rapidement retournĂ©, il se laissait faire en passif et je l’ai possĂ©dĂ© une dernière fois, sauvagement, comme il aimait se faire prendre, en chouinant longuement, en râlant profondĂ©ment.Sa tĂŞte au creux de mon Ă©paule, il m’a racontĂ©Â :En effet, la cible n’a pas Ă©tĂ© si difficile Ă atteindre. Je l’ai rencontrĂ© la première fois un matin, Ă une boulangerie, nous avons Ă©changĂ© des banalitĂ©s. Puis le lendemain, j’y Ă©tais, je l’ai invitĂ© Ă prendre un cafĂ© avec moi. Il a rechignĂ© un peu, mais s’est assis. Nous avons causĂ© de tout et de rien. Il zyeutait Ă gauche et Ă droite, bizarrement inquiet, je l’ai rassurĂ©Â : « Nous sommes en sĂ©curitĂ© ici. » Nous avons donc pris des cafĂ©s, chaque matin, durant une semaine. Il n’est pas très beau, il est un peu vieux, plutĂ´t gros, sans cheveux… Mais je me suis plu Ă le rencontrer les matins, des petits tĂŞte-Ă -tĂŞte de quinze minutes, pas plus. Ma prĂ©sence et ma discussion le rassĂ©rĂ©naient, il devenait de plus en plus prolixe : il me racontait les agissements de tel ou tel gouvernement Ă propos d’opĂ©ration secrète, de trafic d’armes, m’expliquait ce qu’il comprenait « toujours selon les mĂ©dias ! » soulignait-il, de ce qui se passait au Moyen-Orient, en ÉrythrĂ©e. Je me disais : « Eh ! il en connaĂ®t un tas ! » et j’ai compris pourquoi tu en avais fait ta cible : il en savait trop ! Il ne disait rien de concret, je ne crois pas qu’il ait vendu des secrets d’État, mais le commun des mortels n’analyse pas la gĂ©opolitique comme il le faisait ! Il disait souvent : « D’ici un mois, ça se terminera en ÉrythrĂ©e… »Une ou deux fois lors de cette semaine-lĂ , nous nous sommes touchĂ©s : la première fois, il m’a regardĂ© d’un air Ă©trange. La seconde fois, quand j’ai mis ma main sur la sienne en lui disant : « Il ne faut pas s’en faire, les terroristes se feront battre… » il m’a regardĂ© d’un Ĺ“il intĂ©ressĂ©. J’ai saisi ma chance le lendemain. J’avais dĂ©jĂ suggĂ©rĂ© aimer les garçons. Je lui avais dit ne pas ĂŞtre heureux en amour, qu’il Ă©tait difficile pour moi d’admettre mon… identitĂ©. Je n’avais pas Ă©tĂ© plus loin. J’ai saisi ma chance après un de ses longs monologues sur la Syrie, le Qatar ou le YĂ©men – je ne sais plus – et lui ai avouĂ©Â : « Je suis en admiration. Vous en connaissez tellement sur le monde ! » La cible a souri, sachant qu’il pouvait me manipuler. Et ça n’a pas manquĂ©. Il m’a invitĂ© le soir mĂŞme. Un appartement, tout simple, qui n’était pas son lieu de rĂ©sidence. Je me suis questionnĂ©, mais j’avais une mission Ă accomplir, pour toi. Nous avons bu un peu puis il m’a avouĂ© avoir des fantasmes. Il se tenait sur ses gardes, je voyais bien qu’il n’était pas Ă l’aise, pas habituĂ© Ă ces… rencontres. J’ai donc pris les devants. Je lui ai dit : « Ces fantasmes, vous voudriez les rĂ©aliser ? » Il a hochĂ© la tĂŞte, les yeux me fuyant : « Vous voulez enlever votre pantalon avant ou après moi ? – Après. » Je me suis exĂ©cutĂ©Â : « Vous voulez que j’enlève mon slip aussi ? » Il a de nouveau hochĂ© la tĂŞte. Je lui ai montrĂ© mon sexe. Tu m’excuses, mais je bandais ! Ça m’excitait. Bien qu’avec lui, j’aie laissĂ© croire ĂŞtre passif, j’ai pris la direction !Me racontant cette histoire, le sexe d’Éric s’était mis Ă gonfler. Le mien aussi. Nous nous sommes caressĂ©s et tout doucement masturbĂ©s pendant la suite.Lui, cette première nuit, ne voulait que sucer. Il ne s’est jamais dĂ©shabillĂ©. Il voulait mon sexe dans sa bouche. C’est un dĂ©butant, mais je crois l’avoir bien formĂ©. Puis ? Eh bien… j’ai continuĂ© Ă le frĂ©quenter. Les dernières nuits. J’ai dormi lĂ -bas. Au dĂ©but, il voulait seulement me sucer. Il ne voulait pas que je le touche. Mais je l’ai convaincu : tu m’as bien appris ! J’ai rĂ©ussi Ă voir son sexe, tout petit, mais intĂ©ressant. Mais il ne voulait pas que je joue avec son pĂ©nis, il avait de la difficultĂ© Ă avoir des Ă©rections… mais lorsque j’ai insĂ©rĂ© ma langue dans son anus… Ă cet instant, il s’est rĂ©vĂ©lé… et je me suis retrouvĂ© en tant que dominant dans un couple…Éric a Ă©jaculĂ© dans ma main. Je lui ai fait lĂ©cher. Éric s’est assoupi après avoir racontĂ© sa dernière semaine.— Mais il ne m’a rien rĂ©vĂ©lĂ©, si tu veux savoir…— Ça ne dĂ©range pas… ai-je rĂ©pondu, avec un sourire narquois qu’il ne pouvait pas voir.— Il avait seulement des Ă©tats d’âme : il me disait avoir Ă©tĂ© longtemps refoulĂ©, il me disait ĂŞtre content de m’avoir rencontrĂ©, qu’enfin il pouvait se confier… que ses collègues se moquaient de lui…J’ai tiquĂ©Â : « Ah bon ? » Éric s’est soudainement redressĂ© et m’a fixĂ© dans les yeux :— Richard ? Qui est-il pour toi, vraiment ?— Mon patron, lui ai-je avouĂ© en souriant.Éric a posĂ© sa tĂŞte contre mon torse et alors qu’il Ă©coutait ma respiration, je lui ai parlĂ© de ma rencontre avec Malika. Que ça s’était passĂ© rapidement, que je n’avais rien vu venir, que mon cĹ“ur avait flanchĂ©, qu’elle me faisait vivre ! Excuse-moi, Éric…Il a Ă©coutĂ© avec attention mon cĹ“ur, justement, lors de ce discours de rupture. Je jouais avec ses cheveux. Il s’est rĂ©ajustĂ© pour me regarder. M’a embrassĂ©. Ă€ clignĂ© des yeux. En larmes :— Je comprends. Je savais que ça ne tiendrait pas longtemps, entre nous… j’entends la certitude du choix que tu as fait, d’être intĂ©ressĂ© par… Malika.— Et tu devrais voir un jour son tatouage : il est magnifique, il contourne tout son corps, comme s’il dansait dessus !— Tu m’inviteras alors Ă partager votre couche ! s’est-il exclamĂ©, mon agent, mon amant d’alors.Nous nous sommes recueillis quelque temps puis il s’est levĂ©Â : « Faut que j’y aille ». Je lui ai demandĂ© s’il allait continuer de voir Richard malgrĂ© tout. Dos Ă moi, il a tournĂ© la tĂŞte, a hochĂ© d’un air grave : « Je serai toujours avec toi. Alors oui, je continuerai Ă le voir. Et s’il m’apporte des infos, je te les rapporterai. » Il avait de belles fesses, Éric ! Je l’ai remerciĂ©, et notre relation amoureuse s’est terminĂ©e ainsi.Je n’en ai toujours pas parlĂ© Ă Malika. Bon. Peut-ĂŞtre lira-t-elle ces feuillets et n’aurai-je pas Ă le faire ? – 32 – Tour Elizabeth. Studio planquĂ©. Une lampe projetant des ombres. Les rues calmes de la ville. RĂ©union d’espions. Explications. Richard menottĂ© au radiateur. RaĂŻssa et Charlène maĂ®tresses de la situation. Alain en appui. Juliette, William, Nicolas, honteux de s’être laissĂ©s prendre. Et Milly, moi, qui garde le silence. Nous attendons les rĂ©vĂ©lations de Richard. Elles ne sortent pas de sa bouche. Il est responsable de la situation.Charlène s’énerve soudainement, en se tournant vers moi, alors que RaĂŻssa sourit et fait balancer son arme au bout de sa main :— Notre plan a fonctionnĂ© Ă merveille, Milly ! RaĂŻssa a informĂ© Richard du dĂ©briefing que tu ferais avec ceux-lĂ (Charlène a dĂ©signĂ© les trois piteux espions) et on a eu le rĂ©sultat qu’on a eu !— Nous aurions pu tous y passer, a rĂ©pondu Milly, en se passant la main dans le cou et Ă©tendant du sang sur sa peau.— Oui, c’est vrai, mais nous connaissions tes capacitĂ©s, a-t-elle admis.Je souffle un rire fatiguĂ©. Richard redresse la tĂŞte et me fixe d’un Ĺ“il torve. Charlène continue :— RaĂŻssa et moi avons passĂ© la journĂ©e ici, Ă Ă©couter en « live » tes entretiens avec eux. Puis comme prĂ©vu, nous avons invitĂ© Richard ici, lorsque Juliette s’est mise Ă pleurer… avant la fusillade.Charlène regarde avec une forme de curiositĂ©, une Juliette au visage contractĂ©. RaĂŻssa reprend le fil de l’histoire en pointant Richard :— Dès qu’il est entrĂ©, il a fait le tour du studio en regardant partout et il s’est mis Ă se marrer : « Alors, c’est ici que toutes les deux vous vous ĂŞtes fait baiser par » (RaĂŻssa prononce mon identitĂ© masculine et continue Ă pointer Richard). Il Ă©tait fier comme un coq, il voulait nous humilier, il disait encore : « RĂ©soudre des opĂ©rations par le cul, faut vraiment ĂŞtre pervers et sans imagination ! » C’est moi qui ai tout pilotĂ©, depuis le dĂ©but !Richard porte un rictus de mĂ©pris sur ses lèvres, comme si RaĂŻssa et Charlène le dĂ©goĂ»taient. Cette dernière poursuit, pour moi :— Alors je lui ai rĂ©pondu : « C’est que tu aurais aimĂ© ĂŞtre Ă sa place ! C’est ça ton problème Richard ! »MenottĂ©, Richard grommelle et jappe soudainement :— C’est pas vrai !Mais oui, c’est vrai. Richard et sa vie sexuelle refoulĂ©e, tandis que moi, j’étais incapable de dire si je prĂ©fĂ©rais RaĂŻssa ou Charlène. Je les aimais toutes les deux et dans ce studio d’airBnB, nous avions dansĂ© comme aucun couple ne pouvait danser lors de la mission « 1000fleurs ». Des images qui reviennent en flash : couchĂ© sur le dos, RaĂŻssa me chevauchant, embrasse Charlène qui me sodomise. Ou bien, RaĂŻssa nous suçant en avalant nos deux queues en mĂŞme temps dans sa bouche. Ou bien, moi, enculant Charlène tandis qu’elle doigte RaĂŻssa, ou la lèche, ou la baise. L’amour oral, anal, vaginal, l’amour de trois ĂŞtres heureux de cette rĂ©union des corps et des esprits.Et Richard qui voulait s’immiscer entre nous, jaloux. RaĂŻssa conclut d’un coup sec :— Comme il nous insultait, Charlène et moi lui avons fait une clĂ© de bras, et l’avons immobilisĂ©.Richard alors rit d’un rire perfide, tout le monde le regarde de manière Ă©trange. Il avait fermĂ© les yeux, puis les ouvre en grand, en folie tout en arrĂŞtant de rire : les yeux pleins de fureur, il fixe Milly en hurlant :— C’est Ă cause de lui ! De lui !Il parle de moi. Moi qui ne suis pas lĂ . Mais j’ai peur qu’il m’ait reconnu depuis le dĂ©but sous mon travestissement. Mais non, il persiste Ă crier : « Tout ça Ă cause de lui ! Ă€ cause de lui ! », il tire sur la chaĂ®ne l’amarrant au radiateur, rien Ă faire, elle tient bon. J’interviens alors, voulant le calmer :— Eh oh, monsieur ! – Milly n’est pas supposĂ©e connaĂ®tre Richard, elle ne l’a vu qu’une fois, Ă la plage, dans ce pays latino de la mission « Curtis » – arrĂŞtez ! vous vous ferez mal !Mais Richard s’en fiche, il tire la menotte et crie :— Il est oĂą d’ailleurs ? Hein ? Il est où ? Il envoie sa pute au casse-pipe, et lui, il se cache ! Tout ça, c’est de sa faute !Naturellement, il visait Milly quand il a crachĂ© « sa pute ».— Vous ĂŞtes toutes des putes, toutes, sans exception : et vous pouvez rien me faire, rien ! J’ai des coups d’avance sur vous. Vous n’êtes que des bonnes Ă baiser, et encore !Sa rage le consume, il s’épuise, son menton se cale sur son torse, Richard est devenu fou… J’ai soif, j’ai besoin de verre, j’ai le corps tout Ă l’envers par la crise Ă©motionnelle et violente de Richard. Je me dirige vers le minibar, je suis soulagĂ©, il est rempli. Je sors des bières, regarde RaĂŻssa et Charlène qui refusent silencieusement, elles ont Ă©tĂ© aussi surprises que moi du courroux de Richard. Elles ne savent pas non plus comment rĂ©agir. Comment faire sortir les aveux du chef du ComitĂ© d’Action, qui semble avoir perdu la raison. Je montre une bière Ă Alain qui lui, accepte, soulagĂ© de passer Ă autre chose. Il vient de subir une fusillade, lui aussi !Oui, j’aurais dĂ» faire plus attention. Oui, j’aurais dĂ» rester aux aguets. Oui. Car alors que je tends une bière Ă Alain, celui-ci relâche sa vigilance. William, qui n’avait pas bougĂ© ni Ă©mis un son depuis son entrĂ©e dans le studio, bondit du sofa. Se projette sur l’arme d’Alain, lui pique en deux mouvements, un coup de coude, un renversement de poignet. William tient le flingue et Ă©tend son bras. Nous n’avons jamais su qui Ă©tait la cible. Peut-ĂŞtre Ă©tait-ce seulement une dĂ©cision, une action de dĂ©sespoir. Son doigt allait appuyer sur la dĂ©tente qu’un coup sourd et Ă©touffĂ© jaillit de l’autre cĂ´tĂ© de la pièce. Je reçois une giclĂ©e chaude et vermeille sur le torse, qui suinte sur mon top blanc. Je suis dĂ©goĂ»tĂ©, Milly aussi. Juliette hurle. Nicolas s’exclame d’indignation. Richard rigole. Charlène le frappe. Le corps de William se renverse près de moi, sans vie, le front arrachĂ©. RaĂŻssa vient de tirer son ancien amant qui l’avait flouĂ©. Je la trouve belle, encore et encore, malgrĂ© cet instant sauvage : ses yeux noirs, insondables, il y brille quelque chose de lumineux. Ses lèvres rubis, bien dessinĂ©es, assez grandes, pulpeuses, aguichantes, Ă embrasser. Ses seins compressĂ©s, rehaussĂ©s dans sa robe laissant deviner sa peau mate. Ses longs cheveux noirs et ondulĂ©s qui glissent sur son Ă©paule. D’un mouvement de cou gracile, d’un geste habituĂ©, elle les repousse derrière son dos, obĂ©issant Ă son corps tout entier. Et sa voix chaude, sensuelle et traĂ®nante, presque provocante :— Tu devrais aller te doucher, propose-t-elle Ă Milly, abaissant son bras et son arme. Il y a toutes sortes de tenues dans la salle de bain.Ă€ voir son visage dĂ©pitĂ©, Alain semble vouloir s’excuser d’avoir lâchĂ© son guet. Je lui fais signe que non, tout va bien, c’est ma faute en fait. Mais il s’approche de moi, comme s’il voulait ĂŞtre au petit soin avec une Milly ensanglantĂ©e, collant mes vĂŞtements sur mon corps. Je jette un dernier regard Ă la scène : Richard a la lèvre en sang, groggy, Charlène l’a bien frappĂ©. Elle prend la suite des opĂ©rations demandant Ă Nicolas et Alain de transporter le corps de William plus loin. J’entre dans les cabinets. – 33 – Je me dĂ©maquille sous la douche. Je lave, frotte puis rince mon corps couvert de sang du premier spadassin et de William. Je fais vite pour ne rien rater Ă la rĂ©union d’espions, Ă cĂ´tĂ©.Des tenues sont exposĂ©es. Une robe en organza, lĂ©gère, agrĂ©mentĂ©e d’une encolure en V, d’un ourlet asymĂ©trique et d’une magnifique dentelle. Elle semble dĂ©contractĂ©e et sophistiquĂ©e. Une jupe patineuse Ă plis plats, noire, idĂ©ale pour Milly. Il y a aussi un slip brĂ©silien en tulle, avec de somptueuses arabesques brodĂ©es Ă l’avant, un petit bijou Ă l’arrière. Charlène et RaĂŻssa ont pensĂ© Ă tout.Mais c’est l’heure de vĂ©ritĂ©. J’opte pour le jeans et la chemise pour homme. Je trouve des Ă©lastiques et des baguettes chinoises dans la trousse Ă maquillage sur le comptoir, j’attache mes cheveux longs en style samouraĂŻ, en chignon au-dessus de la tĂŞte. C’est comme ça que mon personnage de proprio underground se coiffe, c’est comme ça que Ricard me connaĂ®t.Dans le miroir, je me dĂ©visage. Inspire profondĂ©ment. Expire.Je sors.Silence dans la pièce. Les premières personnes que je vois sont mes alliĂ©es de toujours, RaĂŻssa et Charlène. Elles me font un petit sourire de complicitĂ©. Nicolas est confondu, il fronce les sourcils, lève un doigt, il indique la place qu’occupait Milly. Puis avec hĂ©sitation, montre la porte de la salle de bain d’oĂą je sors. Il refait la mĂŞme gestuelle quelquefois, ne s’expliquant pas ma prĂ©sence parmi tous ces convives. Juliette par contre est plus alerte : elle est frappĂ©e de stupeur, ouvre la bouche, muette, les yeux braquĂ©s sur mon apparition. Et tandis que Richard se met Ă rire de sa naĂŻvetĂ©, je vois Alain Ă©branlĂ©, il a rapidement saisi que je suis Milly et peine Ă embrasser le fait avoir Ă©tĂ© sĂ©duit par un travesti.Richard opine du chef, tout en conservant son gloussement sarcastique :— Eh bien, tu nous as bien eus ! Ça oui ! tu nous as bien eu ! Ça a toujours Ă©tĂ© toi, en fait, tu as toujours Ă©tĂ© partout. Okay, je l’admets, tu es un maĂ®tre en dĂ©guisement, l’as des espions !S’il avait eu ses deux mains libres, Richard aurait applaudi tranquillement. Mais après sa première tirade, il se tourne vers Nicolas et l’interrompt dans ses rĂŞveries :— Nicolas ! Quelle heure est-il ?Celui-ci s’empresse de regarder sa montre :— 18 h 57 m’sieur !Richard reste son patron, après tout. Notre chef de Service bedonnant sourit en serrant les lèvres :— Très bien. Merci. (il dit mon nom) J’ai crĂ©Ă© un Service dans le Service, tu sais ? Un groupe d’action complètement sous mes ordres qui ne rend des comptes qu’à moi. Et moi, Ă personne !— Quoi ? s’insurge Juliette.Je louche vers RaĂŻssa, elle voit mon stratagème, me pointe subtilement son tĂ©lĂ©phone : parfait, elle enregistre tout. Nous n’avons qu’à laisser parler Richard. Il est l’heure de passer aux aveux. Richard ignore sa subordonnĂ©e et insiste :— Ainsi nous en avons entendu parler, de cette « Milly ». Dans des hĂ´tels du sud, entre autres. En effet, je comprends mieux maintenant pourquoi tu n’étais jamais en sa prĂ©sence (Richard rit de nouveau) et je savais que tu prĂ©parais quelque chose, je savais que tu Ă©tais insatisfait de ta mission actuelle, je le savais… quelle heure ?— 18 h 58 m’sieur !— Alors je voulais te garder Ă l’œil. J’ai montĂ© toute cette opĂ©ration pour te faire tomber. L’informateur que RaĂŻssa a rencontrĂ©. L’Aristo qui avait dĂ©jĂ retournĂ© notre chère Juliette. William, qui gĂ®t lĂ -bas, achetĂ© par un de mes hommes. Tout ça pour te faire tomber dans mon filet, pour que tu crèves la gueule ouverte… poursuit-il, hargneux, tortueux.— Mais pourquoi ? s’écrit Charlène. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?— Il m’a toujours hĂ©rissĂ©, avec ses petites analyses Ă la con et sa capacitĂ© Ă toujours s’en tirer !RaĂŻssa rigole :— Vraiment Richard, juste pour ça ? (elle rit de plus belle) en fait, nous avions raison dès le dĂ©but : tu es juste jaloux !— Bah, en mĂŞme temps, je me faisais un petit pĂ©cule pour mon dernier tour de piste ! Avec mon Ă©quipe secrète opĂ©rationnelle, je pouvais nĂ©gocier avec tous les Services du monde entier… je connais tout de tous les gouvernements ! Je suis encore plus fort que Jonathan ! J’ai repris ses activitĂ©s et vous n’avez rien vu !— Quoi ? s’exclame Charlène— Et en mĂŞme temps, petit salopard, je te faisais tomber, je suis le seul maĂ®tre-espion dans cette pièce !— Mais c’est toi qui es attachĂ©, je le signale, le nargue RaĂŻssa.Richard ignore les interventions de mes amies, il me fixe et dans ses yeux, je vois un feu noir. Mais qu’est-ce que je lui ai fait… ?— Quelle heure ?— 19 h 59 m’sieur !— Ta gueule Nico ! le fait taire Juliette, mais Richard continue sur sa lancĂ©e :— J’ai toujours des coups d’avance sur vous tous ! D’ailleurs (Richard prononce mon nom de manière mĂ©prisante), je t’ai mĂŞme envoyĂ© un agent ennemi dans les pattes !Des cloches d’une Ă©glise lointaine sonnent. Richard a un rictus au visage. La porte du studio se fait soudainement dĂ©foncer par un puissant coup de pied. Des Ă©clats de bois s’envolent. Je me projette par terre. Je distingue qu’une silhouette fine, grande, mince, vient d’entrer en force. Des cuisses musclĂ©es et Ă©lancĂ©es, des fesses toutes rondes et rebondies sous une croupe arquĂ©e. Des hanches en A sous une taille fine. Des Ă©paules de nageuse recouvertes de cheveux noirs ondulĂ©s dĂ©passant sous sa cagoule. Agressive, la silhouette tient un fusil d’assaut. Elle le porte au visage, l’œil dans le viseur. Le canon est prolongĂ© par un modĂ©rateur de son. Ce fusil peut tirer quatre balles Ă la seconde. Et l’intruse a en ligne de mire RaĂŻssa et Charlène, pĂ©trifiĂ©es. Les mĂŞmes pensĂ©es que les miennes ont dĂ» leur traverser l’esprit : quatre balles la seconde, un silencieux, ça y est, c’est la fin, on ne peut pas ĂŞtre plus rapide qu’un fusil d’assaut. Surtout que Richard affirmait avoir deux Ă trois coups d’avance, qu’on ne pouvait rien lui faire, comme s’il avait tout prĂ©vu. En effet. Alors, c’est ainsi que tout se termine… Surtout que Richard ricane et persifle :Personne d’entre nous n’ose un geste quand l’indĂ©sirable armĂ© traverse le studio d’un pas agile et sĂ»r. Elle nous vise les uns après les autres, calculant les trajectoires de ses futurs projectiles, ses meilleures chances pour elle, par qui commencer… ?— Mais tirez ! s’égosille Richard.Entre alors un nouvel intrus, un simple Glock Ă la main, le danger pointĂ© vers nous. Cheveux en broussailles, petite barbe de trois jours, un hispter. Richard rigole :— Ah ah ! je vous l’avais bien dit !Ce nouvel importun, nous le connaissons bien, RaĂŻssa et moi. C’est Éric, notre ami, mon agent infiltrĂ© chez Richard. Éric me salue subtilement du menton. Richard continue de dĂ©lirer :— Faites un carnage !Éric lève son arme vers Richard qui s’étouffe. La tueuse ne calcule plus la trajectoire de ses balles vers nous, elle se tourne vers le gros homme attachĂ© au radiateur. Elle s’avance parmi nous. N’a jamais eu l’intention de nous tirer dessus. Elle se poste devant Richard qui bafouille. La peur soudaine dans ses yeux. Elle baisse son calibre. Et lui donne un Ă©norme coup de crosse au front. Richard s’effondre, assommĂ©. Enfin muet. Hors d’état de nuire.La nouvelle arrivante se tourne vers nous et enlève sa cagoule : Malika !— Rapace ? s’exclame RaĂŻssa.Malika nous sourit, extĂ©nuĂ©e, et laisse tomber son arme :— Ma mission est terminĂ©e…Je me prĂ©cipite vers elle, lui touche le visage, vĂ©rifie que c’est bien elle, les yeux verts, son grain de peau, ses lèvres, je balbutie :— Depuis tout ce temps, tu… ?Malika lève son regard vers le mien et j’y entre, dans un monde de fruits verts, de pommes et de papayes sucrĂ©es, un jardin luxuriant, un monde Ă dĂ©couvrir, dĂ©jĂ explorĂ©, toujours Ă Ă©lucider :— Oui… mais je t’ai aimĂ©.Sans rĂ©flĂ©chir Ă autre chose, je la prends dans mes bras. Elle m’entoure des siens. Nous nous perdons l’un dans l’autre, fusion des corps dĂ©sirĂ©s, fragrance Ă inspirer : mais quel est donc ce monde de dupes dans lequel j’erre depuis trop de temps ?Je me sens enlacĂ© soudainement par d’autres bras, d’autres cheveux viennent se perdre entre les miens et ceux de Malika, il y a huit mains, six seins, dans mon dos, sur mes Ă©paules, Charlène et RaĂŻssa sont venus nous rejoindre pour nous Ă©treindre. C’est si bon d’être aimĂ©.Dans le studio de ce AirBnB de la tour Elizabeth, parmi les ombres offertes par la lampe sur pied et par les quelques lumières des rĂ©verbères extĂ©rieurs, quatre ĂŞtres s’embrassent et se pressent sur les cĹ“urs de chacun. Quatre autres personnes sont tĂ©moins de ce recueillement : Juliette interdite, Alain qui n’en revient toujours pas d’être tombĂ© sous le charme de Milly, Nicolas qui joue son rĂ´le de dadais pour qui les Ă©vènements se produisent trop rapidement. Éric se tient Ă distance, la tĂŞte baissĂ©e. Richard, inconscient, ne pourra jamais apprĂ©hender le fait que tout le monde s’est retournĂ© contre lui. Nous avons les preuves qu’il conspirait pour des intĂ©rĂŞts personnels. Il a trahi tout le monde. Tout le monde l’a trahi Ă son tour.ÉpilogueCharlène des Affaires Internes a lancĂ© une opĂ©ration de perquisition dans les maisons et planques connues que Richard utilisait. Il en a rĂ©sultĂ© que les agents ont dĂ©couvert d’autres planques et que dans celles-ci, des documents dĂ©montrant les agissements de son Ă©quipe « extraService ». Ces documents sont devenus des pièces Ă conviction pour son procès. Actuellement, Richard est en dĂ©tention dans un centre secret de notre gouvernement. Il sera accusĂ© de conspiration, de trahison, de dĂ©lit d’utilisation illicite d’une information privilĂ©giĂ©e, d’intelligence avec une puissance Ă©trangère et d’incitation Ă la guerre : l’armement des rebelles en ÉrythrĂ©e pour mettre la main sur le contrĂ´le du dĂ©troit de Bab el-Mandeb, reliant la mer Rouge au golfe d’Aden, c’était lui et son Ă©quipe. Seulement pour se faire du fric…Nous sommes dans notre appartement, Ă Malika et moi, lorsque Charlène vient nous annoncer la nouvelle. RaĂŻssa fume une cigarette sur la terrasse et nous Ă©coute dans l’encadrement de la porte vitrĂ©e, sur la terrasse, en contre-jour du soleil couchant. Malika hausse la voix et m’informe que Charlène est lĂ . Je suis dans mon bureau, et je tente d’écrire le plus vite possible pour parvenir Ă la fin de l’histoire. Je vais les rejoindre quand je termine la phrase : « Tout le monde l’a trahi Ă son tour. » Mais est-ce que l’histoire est terminĂ©e, ou ne sera-t-elle qu’un nouveau jalon dans nos existences ?Nous sommes tous heureux d’apprendre que Richard restera la fin de ses jours enfermĂ©s, qu’il sera puni par la justice et que nous avons de nouveau conclu avec succès une mission des plus hasardeuses. DĂ©cidĂ©ment, Charlène, RaĂŻssa et moi formons une Ă©quipe de choc ! Malika a d’ailleurs dĂ©cidĂ© de changer de cĂ´tĂ©. Elle a dĂ©missionnĂ© de son ancien Service pour consacrer son temps Ă son travail de professeur d’art dramatique, Ă l’universitĂ©. Il va sans dire qu’il y a eu des tractations entre les gouvernements, que nous avons mis cartes sur table et que notre Service a pu la recruter.Ainsi, nous sommes une Ă©quipe de quatre espions qui peuvent faire changer le cours des choses.*Après le dernier Ă©pisode du AirBnb de la tour Elizabeth, une fois que nous avons appelĂ© le chauffeur du fourgon pour qu’il rĂ©cupère Nicolas et Juliette et les mène au Siège du Service pour interrogatoire sur leur possibilitĂ© de complicitĂ© avĂ©rĂ©e avec Richard, nous avons pu questionner Malika. Alain et Éric se tenaient un peu plus loin. J’ai commencĂ©Â :— Malika, depuis tout ce temps, tu Ă©tais cette agente Ă©trangère dont parlaient les documents de l’Aristo ?— Oui. Oui, mais je t’ai aimĂ©, comme j’ai dĂ©jĂ dit. Et je jouais double, je jouais triple, je ne sais plus : ma principale mission, donnĂ©e par mon propre Service, Ă©tait de l’abattre, lui, Richard. Il en connaissait trop sur les agissements de notre gouvernement : il fallait que je le discrĂ©dite, quitte Ă le faire disparaĂ®tre. Je me suis donc rapprochĂ© de lui, il m’a recruté… et lui, et bien, il voulait que je te brĂ»le… il connaissait tes points faibles, il me les a dits, j’en ai alors profité…— Donc notre rencontre au bar, avec nos amis communs, Carl, Max, cette rencontre n’était pas fortuite, n’était pas due au hasard ?— Non, elle faisait partie de son opĂ©ration spĂ©ciale…— C’est donc pour ça que je n’ai jamais eu de rĂ©ponse lorsque j’ai demandĂ© au Service d’officialiser une liaison avec toi…Il y a eu un silence dans l’AirBnb : je m’étais fait flouer par celle que j’aimais, Malika, avec son long tatouage en forme de licorne sur son corps. J’aurais dĂ» m’en douter, les documents de l’Aristo l’évoquaient, avec son signe distinctif !— Pardonne-moi, mais c’est lĂ que je me suis mise Ă jouer un quatrième jeu… quand je me suis mise Ă t’aimer. J’ai espionnĂ© Richard Ă son tour…Elle s’est tournĂ©e vers Éric, lui sourit :— J’étais lĂ Ă votre rencontre au cafĂ©, tous les matins. Je vous ai suivi lorsqu’il t’a invitĂ© dans sa planque. La nuit suivante, j’ai installĂ© des camĂ©ras qui dĂ©tectent les mouvements, j’ai tout sur mon ordi.Éric a hochĂ© la tĂŞte, comme s’il Ă©tait dĂ©jĂ au courant. RaĂŻssa a soufflĂ©, Ă©bahie : « J’aimerais bien voir ça ! » Malika a plongĂ© ses yeux dans les miens, Charlène et RaĂŻssa Ă©coutaient attentivement ces rĂ©vĂ©lations, Éric a pris la parole :— Quand tu m’as parlĂ© de Malika, la nuit de notre rupture, je la connaissais dĂ©jĂ Â : elle Ă©tait venue tout me dire, peu de temps avant.Un nouveau temps de silence. Alain s’est raclĂ© la gorge puis s’est avancĂ© d’un pas :— Excusez-moi, mais… (il ne savait pas qui regarder, il Ă©tait mal Ă l’aise), mais si je comprends bien… (il a levĂ© sa main, a tendu son doigt, m’a pointĂ©) lui… il a fait l’amour avec chacun de vous… c’est bien ça ?RaĂŻssa a Ă©clatĂ© de son rire de gamine que j’aimais tant et est venue enrouler ses bras autour de mes Ă©paules :— T’as tout compris ! C’est un sacrĂ© sĂ©ducteur, ou sĂ©ductrice, ça dĂ©pend !Charlène a ri aussi de l’interrogation parfaitement normale d’Alain et nous avons pardonnĂ© Ă Malika qui avait pris notre camp et avait accompli sa mission en assommant Richard, une fois qu’il s’était confessĂ©. Moi je me rendais compte, en regardant Alain, qu’en effet, il ne restait plus que lui Ă me faire pour avoir baisĂ© tout le monde dans cette pièce…*Soleil de fin de soirĂ©e, RaĂŻssa Ă©crase sa clope dans le cendrier et entre dans l’appartement. Charlène vient de nous confirmer les accusations portĂ©es contre Richard. Malika se rĂ©jouit :— Il faudrait bien fĂŞter ça, non ?— Oh que oui ! s’exclame une Charlène habillĂ©e pour sortir, en short de cuir court, laissant paraĂ®tre ses longues et douces jambes et ses talons.Elle porte un haut rouge, serrĂ©, Ă fines bretelles, sans soutien-gorge, semble-t-il, et ses cheveux en queue de cheval contournent son Ă©paule et tombent sur ses seins. RaĂŻssa masse gentiment les Ă©paules de Malika en s’attardant derrière elle :— Bonne idĂ©e ! Mais avant tout, j’aimerais savoir…Elle s’assied sur la table entre Malika et moi en faisant un petit saut. Elle est en jeans, moulant son cul Ă merveille et une petite chemisette Ă©chancrĂ©e, blanche, contrastant avec son Ă©paisse chevelure noire.— Malika, quand Richard t’a dit « connaĂ®tre les points faibles » de notre ami ici, qu’est-ce qu’il t’a dit ? continue RaĂŻssa en connaissant parfaitement la rĂ©ponse, mais voulant l’entendre de Malika.Malika m’a jetĂ© un coup d’œil complice, RaĂŻssa et Charlène aussi, Malika a dit en riant :— Vous le savez bien ! Il aime qu’on joue avec son cul !RaĂŻssa s’égaye en entendant ces mots et poursuit le questionnaire :— Et comment joues-tu avec le sien ?Malika se tourne vers Charlène, les yeux faussement outrĂ©s, la moue sarcastiquement indignĂ©e :Charlène hoche la tĂŞte, souriante : « Oui, j’ai racontĂ© Ă RaĂŻssa mon «opĂ©ration de sĂ©duction ratĂ©e» envers toi. Et nos confidences… il y a peu d’enculeuses qui se rencontrent, finalement ! » RaĂŻssa bondit sur ses pieds, lève un doigt, ingĂ©nue :— Je vous rappelle, mesdames, que c’est moi « la première », qui ai pu ouvrir la fine barrière de son anus !Les trois femmes rigolent ensemble et je suis « faussement » dĂ©couragĂ©, je tente de dire un mot, puis deux, mais les trois femmes discutent ensemble rapidement, je ne peux me faire entendre, je dis seulement :— Oubliez pas que je suis lĂ , youhou ! en faisait un signe de la main, mais elles m’ignorent.Malika vient de leur proposer de leur montrer sa collection d’objets sexuels. Ce sont trois obsĂ©dĂ©es du sexe. Qu’ai-je donc fait pour en arriver là  ? Je les rejoins dans notre chambre après avoir terminĂ© mon cafĂ©. Malika a tout posĂ© sur le lit, en ordre de grandeur, du simple plug en mĂ©tal, Ă celui connectĂ© qu’elle a portĂ© au restau de bord de fleuve, lors de vacances. Puis les godes non rĂ©alistes, arc-en-ciel ou en pierre, les vibromasseurs clitoridiens, puis les dildos plus rĂ©alistes, Ă ventouse, que Malika utilise le plus souvent avec son harnais. Elle leur montre aussi les menottes, les poids Ă pince, les petites roues dentelĂ©es :— Vous utilisez ça des fois ? sonde RaĂŻssa en tenant une de ces petites roues.— On n’a pas essayĂ© encore.Charlène tient dans sa main le plus gros godemichet que Malika possède :— Et ça, tu l’as utilisĂ© sur lui… ?— Non, quand mĂŞme pas ! rĂ©pond-elle en riant.RaĂŻssa enfile un harnais, Malika l’aide Ă bien l’accrocher Ă ses hanches : Ă regarder ces trois femmes dans la chambre Ă coucher, avec RaĂŻssa se rĂ©jouissant de porter un gode-ceinture par-dessus son jeans : « Je n’en ai jamais utilisĂ© un encore ! », avec Charlène apprĂ©ciant avec sa langue pointue un autre pĂ©nis en silicone, je ne peux qu’avoir une Ă©rection impossible Ă retenir.— N’avions-nous pas dit que nous sortions pour fĂŞter ?— Pourquoi sortir ? On a tout ici ! contre-propose RaĂŻssa la nymphomane avec sa voix de jeune fille.Malika lui caresse la joue : « Nous pourrons toujours revenir ici… » Charlène, toujours avec le plus gros gode dans sa main, interroge Malika : « Et quand tu le prends ? qui prends-tu ? Lui, ou Milly ? » J’interviens alors, joueur :— Mesdames, s’il vous plaĂ®t, c’est tout de mĂŞme ma vie privĂ©e !— Ça dĂ©pend, les deux, rĂ©pond Malika en me regardant. Mais ce soir, nous pourrions sortir au Saloon, qu’en dis-tu ? me lance Malika, espiègle.RaĂŻssa enlève le harnais lui donnant l’impression d’avoir un pĂ©nis entre les jambes :— Ça me va, je ne connais pas ce bar. Et oui ! affirme-t-elle en me regardant, on pourra revenir ici, c’est un vĂ©ritable trĂ©sor tout ça !J’acquiesce aussi. Au Saloon ? Revoir Jojo et Marco ? Pourquoi pas ? Je zyeute vers mon bureau et vers le manuscrit en allant Ă la salle de bain me prĂ©parer. Que sera donc la conclusion de cette histoire d’amour ? Car au final, bien que nous soyons dans un polar porno, c’est juste une belle histoire d’amour. Au pluriel.*C’est donc quatre femmes enlacĂ©es qui dĂ©ambulent dans les rues du Village gai de la MĂ©tropole, toutes plus coquines les unes que les autres. RaĂŻssa me demande si Malika et moi pratiquons l’amour libre, je lui rĂ©ponds affirmativement, avec le consentement de l’autre. RaĂŻssa m’embrasse, contente, et je remarque Charlène descendre sa main vers les fesses de ma conjointe.Nous entrons au Saloon et Milly est cĂ©lĂ©brĂ©e pour son retour. Jojo vient lui faire la bise, Marco aussi, quelques autres amies. On ouvre des bouteilles, on festoie. Charlène nous dit qu’elle a passĂ© quelques coups de fil pour la cĂ©lĂ©bration de la rĂ©ussite de notre mission. Quelque temps plus tard, Éric, Alain et Juliette entrent au Saloon, intriguĂ©s. RaĂŻssa accueille tout le monde en hurlant de joie et prĂ©sente Éric Ă Milly :— C’est toi ? lui demande-t-il, en la matant de la tĂŞte au pied, subjuguĂ©.Milly hoche la tĂŞte, heureuse de la rĂ©action. Alain boit une bière et l’observe de loin, sourire aux lèvres. Milly se dit qu’il faudra aller le voir, lui parler, peut-ĂŞtre flirter avec lui, qui sait ? Juliette, dont l’enquĂŞte a fait preuve de son innocence, semble heureuse d’être lĂ , discutant avec Malika et Charlène. Cette dernière sert le corps de ma compagne, il est vrai qu’elles n’ont pu aboutir leur relation… qui sait comment toute cette soirĂ©e finira ?RaĂŻssa revient vers Milly, deux verres Ă la main, et lui en donne un : « Buvons ! Ă€ nous ! » Elle enlace Milly, puis la surprend soudainement, l’embrasse Ă pleine bouche. Je suis interloquĂ©, RaĂŻssa rigole, me dit prĂ©cipitamment qu’elle vient d’en discuter avec Malika, qu’on quitte le Saloon prochainement, que j’ai envie de te prendre, me chuchote-t-elle en prononçant mon nom de garçon. Milly, moi, hoche la tĂŞte et sourit Ă RaĂŻssa :— Ça me ferait très plaisir, RaĂŻssa… ça fait longtemps…— Malika et Charlène seront lĂ aussi, naturellement.— Bien sĂ»r.— Et Éric, et Alain, et Juliette !— Quoi ?Je ne sais plus quoi penser, Milly non plus. RaĂŻssa obtient tout ce qu’elle dĂ©sire et en fait une parfaite espionne. D’ailleurs, qui penserait que dans ce bar LGBTQIA+, sont rassemblĂ©s sept agents de renseignements, tous avec de diffĂ©rents genres et attirances sexuelles.De mon cĂ´tĂ©, j’ai compris ce qu’il me faut : la possibilitĂ© de naviguer d’un genre Ă l’autre. J’ai besoin des deux, je ne pourrais pas abandonner complètement un genre pour rester tout le temps dans l’autre, peu importe lequel. Ă€ voir tout ce beau monde autour de moi, je ne sais pas du tout comment se terminera la soirĂ©e. Mais je suis prĂŞt. Je suis prĂŞte. Ă€ tout.