La fille se tenait debout, à l’entrée de la résidence étudiante, vêtue d’un justaucorps moulant bleu marine. Si l’on avait regardé sa poitrine ou son entrejambe, on aurait distingué, à travers le tissu, l’empreinte en relief de ses jeunes tétons ou celle, en creux, du sillon de sa chatte. Mais en fait, ce n’était pas ce qu’on regardait de prime abord. Son vêtement était percé de larges ouvertures ovales qui découvraient des pans de son épiderme, sur l’abdomen et les cuisses. Et c’est ce qui attirait l’œil, bien qu’on n’y vît rien de déshonnête, seulement de la peau très blanche !La fille était brune, musclée, nerveuse. Elle fumait, en tapotant sa cigarette. À première vue, elle ne semblait pas commode. Ce n’était pas le genre à lui mettre la main au cul. De toute manière, Serge n’aurait pas osé, évidemment.Serge était un petit homme dans la cinquantaine, timoré, marié à une femme de quinze ans sa cadette qu’il ne touchait plus. Non qu’elle fût laide, bien au contraire : c’était une pimpante secrétaire, peu farouche, aux appas généreux. Mais elle le trompait. Il en avait conçu une honte irraisonnée. Par un cercle vicieux que les sexologues connaissent bien, il n’était plus parvenu à satisfaire sa femme. Se lassant de l’humiliation d’assauts inutiles, il avait fini par renoncer.Sa femme n’avait pas demandé le divorce ni même quitté le domicile conjugal, dont elle payait fidèlement la moitié du loyer. À mots voilés, elle signifia qu’elle utiliserait l’appartement pour le « repos de la guerrière », entre ses nuits de travail et les séminaires à La Baule qui, dès lors, se multiplièrent. Vivre en colocataire avec son mari cocu lui convenait… Serge l’avait accepté, comme une fatalité, se reprochant d’avoir épousé une fille « Too Much » pour lui…Après la séparation de corps (elle dans le lit, lui sur le canapé du salon), sa femme se mit à collectionner la lingerie cochonne, les tenues affriolantes. Ses jupes, trop courtes, n’évitaient la vulgarité que d’un petit centimètre. Tout cela seyait parfaitement à la nature de cette blonde secrétaire, dont on vantait le savoir-faire et la compréhension innée des affaires délicates. En son absence, Serge aimait inspecter sa garde-robe. Il fouillait son linge sale, touchait, reniflait. Ses petites culottes usagées envahissaient littéralement la salle de bain. Serge les lisait à livre ouvert, fantasmant les heures supplémentaires que sa femme avait faites, ainsi que ses longs week-ends studieux, lesquels, avait-il remarqué, ne tombaient jamais pendant ses règles !Serge n’avait pas de maîtresse. Un reportage à la télévision, consacré à la lutte contre la prostitution, lui avait fait envisager ce recours. Mais les « maisons » étaient fermées, les trottoirs devenus bien vides. L’activité avait migré sur des sites en ligne, disait-on. Or Serge ne comprenait rien à l’informatique.Le hasard faisait qu’il habitait face à la résidence de l’université. Il voyait ainsi les étudiantes lui passer sous le nez, dans une confusion de minois insolents, de poitrines arrogantes, de derrières qui étaient à tomber à genoux devant. Ces filles ne se doutaient pas du trouble coupable qu’elles instillaient, à leur insu, dans le cerveau de Serge. Les aborder lui semblait impossible. On lui rirait au nez, pensait-il. Il n’avait pas tort. De plus, avec la manie du « balance ton porc », il pouvait passer pour un prédateur pervers. Cela l’effrayait.Serge avait acquis des jumelles pour regarder dans les studios de la résidence. Il fut déçu. Souvent, il ne s’y passait rien d’excitant. Il n’avait pas de vue sur les salles d’eau, seule chose qui aurait été vraiment intéressante. Toutefois, avec la canicule, des étudiantes se mirent à vaquer chez elles en sous-vêtements, fenêtres ouvertes, pour s’aérer. Même, il en zooma une, carrément à poil ! Une Africaine, sûrement. Magnifique, des tresses sur la tête, rasée ailleurs. Serge sourit de son préjugé qui lui faisait penser qu’elle aurait dû mieux supporter la chaleur que les autres, qui n’avaient pas le cul à l’air, hélas !Un jour que Serge regardait aux jumelles la fille au justaucorps bleu marine, à l’entrée de la résidence, il fut surpris par sa femme.— Tu mates la jeune en bleu marine ? lui demanda-t-elle, un brin moqueuse.— Oui, je me demande ce qu’elle trafique, dit Serge. Elle stationne là , aux aguets. Parfois, elle échange un mot avec un passant, qui disparaît aussitôt.— Tu crois que c’est une dealeuse ?— Peut-être, dit Serge, qui n’y avait pas pensé.— Eh bien, tu te trompes. D’après ce qu’on raconte, c’est une étudiante en relations humaines, qui joue à l’entremetteuse. Elle fait l’intermédiaire entre les passants que tu vois l’aborder et des étudiantes.— C’est incroyable, souffla Serge, qui n’y avait pas pensé non plus.— Oui, qui croirait qu’une mère-maquerelle se dissimule dans ce petit lot ? Il n’y a plus de moralité chez les jeunes ! Quand je vois ça, je remercie la Sainte Vierge que t’aies pas été cap’ de me foutre en cloque. Ça m’évite bien du tourment !Serge médita longuement. Aucun des hommes qui accostaient la fille en bleu marine ne se faisait rire au nez ni ne provoquait de scandale. Pourtant, c’était surtout des vieux. Alors, pourquoi ne pas risquer le coup ? Il s’y résolut. Le rouge au front, il arpenta le pavé jusqu’à l’entrée de la résidence, là où se trouvait la fille. Elle fumait, en tapotant sa cigarette. À première vue, elle ne semblait pas commode… (voir plus haut). Il s’approcha, bredouilla.— Vite, fit la fille. Française ou étrangère ? Vaginale ou clitoridienne ? Missionnaire ou levrette ?— Af… Africaine, troisième étage… Je… je l’ai vue, nue, par sa fenêtre…— Nue, par sa fenêtre ? Poilue ou lisse ? enchaîna la fille, qui était très binaire.— Lisse, souffla Serge.— Africaine ? Troisième étage ? Lisse ? Donnez-moi votre 06 et filez !Quelques jours plus tard, la fille bleu marine appela Serge. Elle précisa qu’elle serait toujours sa seule interlocutrice. Les étudiantes, qui allaient sur le terrain pour « la chose », refusaient les contacts directs, par discrétion. Tout devait être convenu avec elle, à l’avance, pour éviter les malentendus. Serge dut détailler ses desiderata, avec une précision chirurgicale des plus intrusives. Ça lui fut malaisé. Mais moins par téléphone avec une tierce personne, que ça ne l’eût été face à face avec celle qui ferait « la chose ». La fille dit qu’elle rappellerait, après avoir tout expliqué à Lissa (l’étudiante en question). Ainsi fut fait, et le rendez-vous fixé, à son domicile, un samedi, pendant lequel sa femme « travaillait » à La Baule. S’agissant d’une première fois, Lissa serait accompagnée d’une amie, par mesure de sécurité.Le jour S (un samedi), Serge était fébrile. Une heure à l’avance, il s’était scotché à sa fenêtre, scrutant l’entrée de la résidence. Enfin, deux Africaines apparurent : brassière suspendue à la poitrine, jean déchiré, tennis flashy. Celle qu’il identifiait comme Lissa avait ses drôles de tresses et portait un sac à dos. Quand elles entrèrent dans son immeuble, Serge se colla au judas de la porte de son appartement. Les allers et retours de l’ascenseur manquaient de le faire défaillir. Puis il découvrit les deux étudiantes dans l’optique déformante. La sonnette tinta trois fois, comme les trois coups, au théâtre.Avec des jeans genre Monoprix qui laissaient apparaître leur string, les filles faisaient cheap. Mais elles provoquaient un trouble inexprimable, celui de la grisette. Émanait d’elles ce charme discret de l’occasionnelle, qui fait le larron. Après les présentations, au demeurant superflues, Lissa fila dans la salle de bain. Elle en sortit en talons aiguilles seulement, transportés dans le sac à dos. Elle demanda :— C’est à votre femme, toutes les culottes, dans la salle de bain ?— Oui.— Elle va pas rentrer, au moins ?— Non, elle est à La Baule.— Où ça ?— La Baule, sur la Côte d’Amour.— L’amour ? fit la jeune femme, perplexe.Dans l’appartement, le décor était en place. Il y avait un canapé, dans lequel Aïssatou (l’accompagnatrice) avait pris place. Serge s’était déshabillé, pour s’asseoir tout nu sur une chaise, face à un tabouret. Lissa se mit debout, entre Serge et le tabouret. Son corps était d’une perfection stupéfiante. Ses seins, lourds et légers à la fois, virevoltaient au moindre mouvement qu’elle esquissait. Serge doutait : rêvait-il ? Il hésitait à bander !Ce fut Aïssatou qui le débloqua. Celle-ci avait la mission de surveiller mais semblait quelque peu embarrassée. Une scène de sa jeunesse revint à Serge. Il allait au lycée à pied, longeant une voie de chemin de fer de banlieue. Le matin de bonne heure, l’atmosphère était souvent brouillardeuse. Comme des ouvrières se rendaient au travail, dans les usines alentour, il en profitait pour les surprendre, le sexe sorti de la braguette. La première, c’était l’érection. La deuxième, la masturbation. La troisième, l’explosion spermatique. La gêne d’Aïssatou lui rappelait la confusion de ces prolétaires d’antan. Serge en éprouva un regain de vigueur. Jusque-là inerte, sa nouille gonfla, elle durcit.Debout, entre lui et le tabouret, Lissa n’était pas davantage super à l’aise. Elle n’était plus une vierge effarouchée, cependant, se livrer à un quinquagénaire inconnu était moins banal que de couchailler avec des copains. Lissa avait cassé sa tirelire pour se payer des talons aiguilles, mais ça ne lui conférait pas l’aplomb d’une professionnelle ! Serge vit que son érection se précisait, en des proportions estimables.Heureusement, le scénario était convenu… Lissa tourna le dos à Serge puis s’inclina en avant, prenant appui des bras sur le tabouret. Ainsi, elle présentait son fessier. Serge se nettoya les doigts de la main droite, au liquide hydroalcoolique. Et posa une perle de gel lubrifiant sur l’index, qu’il introduisit doucement dans l’anus. Visiblement satisfait, il déclara que c’était doux et chaud. L’index sorti, il recommença, avec le majeur. Cette fois, il imprima de longs va-et-vient, pressant la vessie. Lissa réagit, elle dit quelque chose que Serge ne comprit pas. Ce n’était pas du français. Les deux étudiantes pouffèrent, elles se détendaient.— Qu’est-ce qu’elle a dit ? demanda Serge.— Qu’elle aimait « par le cul » ! répondit Aïssatou, étouffant un rire.Ensuite, Lissa se présenta debout, face à Serge. Elle écarta les jambes. Serge s’était de nouveau désinfecté la main droite, et enduisit l’index de gel. Lissa tira de côté ses lèvres foncées, charnues et fort grandes. Serge pouvait ainsi caresser facilement le clitoris, bien visible, comme la tête d’un papillon qui déploierait ses ailes. L’étudiante baissa la tête, se regardant en train d’être méthodiquement masturbée. Sans doute, plus aguerrie, eût-elle émis quelque geignement ? Mais elle restait silencieuse, très attentive cependant, accentuant bientôt l’action tactile de Serge par un mouvement résolu du bassin, d’avant en arrière, qui allait s’accélérant, en même temps que son pouls.— Ça va ? interrogea Aïssatou.— Ça vient, rassura Lissa, sans se déconcentrer.Un ébranlement généralisé ne tarda pas à parcourir son corps, qui se raidit. Elle afficha dès lors un large sourire, visiblement enchantée d’avoir correctement exécuté la première partie du scénario. Serge ne se souvenait plus d’avoir fait jouir une femme, quand bien même fût-ce ainsi.— À vous, maintenant, dit Lissa.Serge désinfecta et lubrifia encore ses doigts, de la main gauche cette fois, qu’il passa derrière l’étudiante, pour lui mettre le majeur dans l’anus désormais bien assoupli. Collé contre le ventre de la jeune femme, il lui téta le sein gauche, tandis que, de ses doigts longs, délicats et fins, elle lui pinçait les tétons. Serge bandait maintenant ! Il bandait sans vergogne, comme aux plus beaux jours de sa jeunesse, hélas éphémère. De la main droite, il branla son membre turgescent dans un tissu de dentelles qu’il avait pris. À l’éjaculation, il fut affecté de violents soubresauts, de plaintes, de râlements. Les étudiantes s’inquiétèrent… Mais il se remit, alors elles s’en amusèrent. Leur stress avait disparu.Lissa prit une douche. Espiègle, elle s’essuya, dans les moindres détails, avec l’une des serviettes de la femme de Serge. Puis elle se rhabilla. Elle invita Serge à convenir d’une autre rencontre, par l’intermédiaire de la fille bleu marine. Puis elle échangea quelques mots, en étranger, avec Aïssatou, qui acquiesça.— Si vous voulez faire la chose avec Aïssatou aussi, on peut la faire toutes deux, ensemble, quand vous voulez.En sortant, elle ajouta :— Moi, c’est Lissa parce que je suis lisse. Elle, c’est Aïssatou, parce qu’elle a tout. Vous comprenez ?Serge ne savait pas ce qu’il ferait. Il avait conscience d’avoir gravement péché contre la morale. En attendant, sa femme allait rentrer. Serge rangea. Il mit au linge sale le tissu de dentelles dans lequel il avait déchargé. C’était la dernière petite culotte que sa femme avait portée. Que lui révélerait celle d’aujourd’hui, qu’elle avait traînée sans en changer, comme d’habitude ? Il le saurait bientôt. Il suffisait d’attendre. Elle allait s’en débarrasser. Les bourses encore douloureuses, il pourrait alors gicler dessus.