Quatre heures du mat’, j’ai des frissons, je claque des dents et je monte le son. Pas tout à fait. Il est bien quatre heures du matin ou presque, j’ai quelques frissons car j’ai mis la ventilation à fond pour ne pas m’engourdir mais je ne claque pas des dents et la radio est en sourdine. Dans l’automne rougeoyant, la voiture fonce sur l’Aquitaine, nous sommes quelque part aux alentours de Saintes et, recouverte à moitié de mon blouson, Lou est endormie sur le siège passager abaissé à fond. Elle est vraiment adorable quand elle dort. Elle est toujours adorable d’ailleurs. Je n’en reviens pas que nous soyons ensemble, direction les Landes pour se prendre dix jours (seulement, hélas) de vacances !
Ah Lou…
Elle est là, endormie, abandonnée, ses mèches brunes en cascade sur son fin visage ovale. Sa bouche aux lèvres rosées et ourlées est entrouverte, ses mignons seins se soulèvent au rythme de sa douce respiration, ses paupières fermées cachent de splendides yeux noisettes et c’est moi, l’écureuil qui en ait l’exclusivité depuis… depuis juin…
Juin, juillet, août et maintenant septembre, début septembre.
Depuis qu’elle est entrée dans ma vie, je ne peux plus me passer d’elle. Et c’est avec réticence que je la vois parfois repartir chez elle alors que j’aimerais bien qu’elle s’installe définitivement chez moi, chez nous. Quand je lui en parle, elle rétorque que nous deux, c’est trop récent et qu’elle ne peut pas se permette de se lancer dans l’aventure comme ça, pour mon bon plaisir. Je comprends son point de vue, mais pour moi, il n’y a pas de doute à ce sujet : je l’aime et je l’aimerai toujours, quel que soit son âge. Lou est la première femme avec qui j’entrevois de vieillir alors que ce n’était pas si évident que ça avec Audrey, mon ex.Néanmoins, le fait que la moitié de ses CD et de ses livres garnissent mes étagères est un très bon signe. Idem pour sa garde-robe. J’ai même réussi à la convaincre d’accepter que je lui achète un bureau afin qu’elle puisse préparer sa thèse au calme. En effet, elle travaille toujours dans ce restaurant où je l’ai connue pour pouvoir se payer ses études. Tiens, ça me fait penser qu’elle a pris dans sa valise de la documentation pour son mémoire « De l’incidence des genres grammaticaux animés et inanimés sur la cognitive sumérienne ». Ça sonne bien, je suis fier d’aimer un tel petit génie mais je n’y comprends strictement rien. Mais je suis fier tout de même.
Je me demande souvent si je ne l’idéalise pas un peu beaucoup sur les bords…
Après avoir échangé nos places, je roule depuis minuit, ayant fait deux pauses sans qu’elle se réveille. Il faut dire que j’ai fait mon possible pour ne pas troubler son sommeil lors de mes arrêts. J’ai été surpris de la vitesse à laquelle elle s’est assoupie à peine cinq minutes après la passation de volant. Les kilomètres défilent, les mêmes bandes au sol, les mêmes phares, les mêmes éclairages. Seuls les panneaux varient de temps à autre avec des nombres qui diminuent lentement. Plus j’approche de Bordeaux, plus la distance s’allonge… Quelque chose me dit qu’il serait souhaitable que je m’arrête. Ça tombe bien, un panneau m’indique que l’aire de St Léger est à 12 kilomètres, soit cinq à six minutes de route. D’après la signalétique, j’y trouverai un restau pour caler mon petit creux et ma soif. Je présume que les sandwiches ne seront pas quatre étoiles mais il faut faire avec ce qu’on trouve…
Le panneau est à peine à cinq cents mètres derrière nous que Lou s’étire gracieusement, mon blouson qui la couvrait partiellement glisse sur ses genoux. Elle cligne des yeux, cherche à réaliser où elle se trouve puis me voit. Alors elle me sourit et j’en suis heureux comme tout. Je sais, je devrais plutôt regarder la route que ma compagne. Mais comme il n’y a personne ou presque devant comme derrière et que je garde quand même un œil sur la route, je peux me permettre le doux plaisir d’admirer celle que j’aime.
Elle remet un peu d’ordre dans ses cheveux, se cale au fond du siège et lisse ses vêtements. Elle tente tant bien que mal de se confectionner un chignon de fortune mais le résultat n’est guère probant. Le paradoxe de Lou, concernant sa coiffure, est qu’elle aime avoir des cheveux courts mais qu’elle refuse de se les couper… Moi, ça me convient parfaitement puisque j’ai deux femmes pour le prix d’une !
— Nous sommes où ? me demande-t-elle, la voix légèrement éraillée.— Nous venons de dépasser Saintes et je compte m’arrêter dans quelques kilomètres à l’aire de repos de St Léger. C’est dans une dizaine de kilomètres.— St Léger ? Ah, je connais, mes parents s’arrêtaient là quand on allait en Espagne.— Si tu connais, c’est pour le mieux car je n’y ai jamais mis les pieds ! dis-je en souriant.— La dernière fois, ça remonte au moins à cinq ans pour moi.
Et les kilomètres défilent rapidement contrairement à tout à l’heure.
Les portières grandes ouvertes par cette nuit tiède, nous sommes garés à quelques mètres du magasin. Lou est restée près de la voiture et je suis parti nous acheter quelques bricoles à grignoter et à boire. De retour, nos deux Coca Light Citron en main, je lui tends le sien après m’être délesté du reste. À chaque fois que j’ai cette boîte de métal froide en main, je ne peux m’empêcher de penser à cette fameuse fois où nous avons failli faire l’amour. De la façon dont elle boit son Coca tout en me regardant, je parie qu’elle pense à la même chose.
— Bois donc avant que ça soit périmé ! me lance-t-elle.— Mais oui, mais oui !— Je te voyais très songeur en train de contempler ton Coca !— Il y avait de quoi…— Je sais à quoi tu penses ! Des regrets ?— Non, puisque tu es là, près de moi !
Je pose alors ma boisson sur le toit de la voiture et je m’approche de Lou. Je fais de même pour sa canette puis je l’attire à moi :
— Non, puisque tu es à moi, mon amour !— Présomptueux !— Amoureux…
Et je l’embrasse.
Je resterais bien des heures à l’embrasser mais je doute qu’un parking à quatre heures du matin soit l’endroit idéal… Et puis, autour de nous, il y a un certain va-et-vient et ce n’est guère romantique. Du coup, nous retournons dans la voiture, Lou s’étant mise d’office derrière le volant sans rien demander. Les portières grandes ouvertes, nous mangeons les sandwiches tout en établissant le planning de la journée. Lou met plein de miettes sur son T-shirt blanc, certaines vont même s’égarer dans son décolleté. Je suis un peu jaloux : il n’y a que moi qui aie le droit l’explorer ! Sa jupe de la même couleur n’est pas à meilleure enseigne…Finalement, elle doit sortir de la voiture pour s’en débarrasser, devant même extirper son T-shirt de sa jupe pour faire chuter les miettes coquines. Bien sûr, je regarde attentivement la scène. Lou le remarque et me gratifie d’une splendide langue rose, mi-agacée, mi-amusée.
Puis les kilomètres défilent à nouveau… Pour Bordeaux, c’est simple, c’est tout droit ! C’est après que ça se compliquera. Un sérieux coup de barre m’assaille, je lutte pour ne pas m’endormir.
— Arrête de résister et dors un peu ! me conseille Lou.— Tu as raison, autant en profiter pendant que tu tiens le volant !— Tu n’as pas peur de me confier ta belle voiture ?— Bah, tu seras très belle en ange avec des petites ailes dans le dos !— Idiot !
Sur cette belle image, je m’endors. Je suis tellement vanné, qu’à peine mes yeux fermés, je suis déjà dans le pays des songes… Pays dans lequel je retrouve ma Lou, tous les moments que nous avons vécus et tous les moments que nous vivrons, plus particulièrement ceux qui furent et seront… torrides ! Et il y en a quelques-uns…
Je me laisse bercer par la voiture qui roule ; me laisse envelopper d’une douce chaleur, d’une douce sécurité. Dehors, les kilomètres continuent à défiler, inlassablement. Alors je rêve…
Je rêve de Lou, ma Lou, celle qui occupe mes pensées de jour comme de nuit, celle qui partage ma vie depuis même pas quatre mois. Je suis si bien avec elle que je pourrais croire qu’il y a des années que nous sommes ensemble. Lou, son visage magnifique, ses cheveux longs en bataille sur l’oreiller, la ligne de son cou sous son chignon, tout son adorable petit corps sous mes mains. J’en souris béatement, elle, moi, nous…
Et je sombre dans un univers tout doux avec elle à mes côtés. Je crétinise à fond, il ne me manque plus que les Bisounours dans le décor et le tableau sera complet. Mais c’est si bon de crétiniser à fond, d’être heureux ainsi, d’avoir un but dans l’existence, autre que son fichu travail, d’envisager un avenir radieux loin de toutes les conneries dont nous abreuvent les médias, surtout à la grand-messe du « Vingt heures », au milieu des massacres et autres catastrophes, le tout enrobé de sourires télégéniques.
Je flotte, je me sens si bien, une douce chaleur m’envahit, je me laisse aller. Je me sens totalement détendu, une petite jouissance s’empare de moi, je me sens choyé, dorloté, aimé. Une vague lente remonte mon corps, une chaleur diffuse irradie de mes hanches. En apesanteur, hors du temps, loin de tout.
Cette sensation est divine, irréelle, je n’y résiste pas… Trop réelle, trop présente et à la fois si diluée dans les nuages de bien-être qui m’entoure. C’est trop bon… trop…
J’ouvre les yeux, la voiture est arrêtée sous l’ombre de grands arbres. Lou est contre moi, sa joue posée sur mon ventre dénudé, mon pantalon béant, mon sexe dans sa bouche…
Je cligne des yeux, je fixe des yeux son chignon qui tressaille doucement au rythme des coups de langue qu’elle me donne. Les grands arbres du dehors semblent veiller sur nous à travers les vitres. Lou s’aperçoit que je suis réveillé ; sans lâcher ma tige enrobée de ses douces lèvres, elle se tourne vers moi, une lueur très coquine dans les yeux.Il y a décidément des surprises que je ne déteste pas du tout !
Sans me quitter des yeux, elle continue à me sucer délicatement, sa langue jouant avec mon gland sensible et frémissant.
La bouche chaude de Lou va-et-vient doucement sur la queue gonflée à tout rompre, puis elle s’arrête soudain, le gland pressé contre son palais. Ses doigts fins serrent la hampe, je gémis doucement… Je n’ose pas bouger, c’est trop intense ! Ses doigts massent délicatement mes bourses pleines, ses ongles égratignent ma peau sensible à travers la masse de mes poils hérissés. Sa bouche quitte ma tige raide, son regard ne me lâche pas.
— Réveillé ? dit-elle, d’une voix terriblement rauque et sensuelle.— Il… il ne f-fallait pas ?
C’est tout ce que j’ai pu articuler, tant mon cœur bat à tout rompre !
Ses yeux rivés aux miens, elle poursuit :
— Il y avait comme une petite bosse dans ton pantalon, je me suis dit que ça serait dommage de laisser filer ça…— E-en effet…— Donc, j’ai bien fait, non ?
Elle n’attend pas ma réponse, elle donne un coup de langue appuyé et terriblement vicieux sur mon gland ; je sursaute, des étoiles scintillent devant mes yeux.
Mon sexe turgescent est à présent collé sur sa joue tandis que la pointe de sa langue agace la base de ma tige dressée à mort, ses doigts agiles malaxent mes couilles gonflées. Sans pudeur, elle lèche de façon appuyée ma hampe qui s’agite de multiples soubresauts que j’ai beaucoup de mal à contrôler, tant l’effet qu’elle me fait est puissant.
Visiblement, elle s’en amuse !
Forte de son emprise sur moi, elle décide de me faire craquer, ce qui ne va pas être dur, vu l’état dans lequel je suis. Je proteste bien faiblement mais j’ai hâte d’en finir, de jaillir, de ne plus subir cette exquise mais si éprouvante torture.Ma tige est de plus en plus secouée de spasmes, mes mains se crispent sur le siège, ma bouche aspire l’air frais, je tente un ultime sursaut de contrôle. Rien à faire !
— Ca… ça va… jaillir… vite !!!
Je ferme les yeux, je serre les dents, la vague est là, puissante.
Complètement emporté, ballotté par les flots, je suis expulsé vers une sphère de plaisirs, déversant partout mon désir incandescent, lançant vers le ciel mes salves en fusion, me vidant totalement pour remplir l’univers.
Puis le silence après la fureur, un calme doux et apaisant…
Doux et si apaisant…
Lou est face à moi tandis que je reprends mes esprits. Ses lèvres sont étrangement luisantes, je sais pourquoi. Mon ventre est toujours dénudé, mon pantalon ouvert sur un sexe tout mou, las. Je souffle, je cligne des yeux. Je reprends pied. Par amusement, Lou caresse distraitement mon sexe amorphe.
Je la regarde, surpris de tout ce qui vient de se passer. Elle sourit :
— Comme ça, tu ne m’embêteras pas tandis que je conduis…— Comment ça ? Tout ça pour ça ?
Je suis un tantinet incrédule, elle continue de sourire, réajustant une mèche folle :
— Déçu ? Oh, tel que je te connais, tu ne voudras pas être en reste !— Ca, c’est sûr ! Tu ne perds rien pour attendre !!
Prestement, elle dépose un léger baiser sur mon sexe qui frémit puis s’assied posément face au volant. Sans attendre, elle tourne la clé de contact, la voiture vrombit. Elle me regarde, une étrange lueur dans les yeux :
— Nous sommes presque arrivés, il reste vingt kilomètres à faire au maximum, le temps pour toi de récupérer, de débarquer nos valises, de ranger un peu, d’aérer…— Et toi dans tout ça ?— Moi ? Moi, j’attendrai dans le lit que tu aies tout fini et… et défense de quitter ensuite la chambre tant que tu ne m’as pas fait jouir comme moi, j’ai pu le faire pour toi !!— Rien que ça ? dis-je, faussement bougon, en me rajustant, secrètement ravi de la tournure des événements.— Et tu n’as que dix jours pour y arriver !
Dix jours…