— Attends une seconde, n’appuie pas sur le bouton « Secours ». Pas encore.— Comment ça « pas encore » ?— Je peux sûrement faire quelque chose. Avec les moyens du bord.— Toi, tu as une idée derrière la tête !— Non. Une idée darde bien le bout de sa langue, tu as vu juste mais… pas derrière la tête.— Allez, pas de blague, il fait un temps superbe, 27 degrés cet après-midi et je meurs d’envie de parfaire mon bronzage à La Désirade. La semaine prochaine, il faut que je sois sublime au mariage de Joanne. Je vais éclipser toutes les décolorées de la soirée. J’espère qu’elles ont prévu du rimmel waterproof parce qu’elles vont pleurer de rage. Surtout qu’avec ma toute nouvelle robe prune, un dos nu en voile d’organza, elles seront vertes. Pauvres pommes. Je suis déjà toute excitée à l’idée de la porter, à même la peau, sans le moindre sous-vêtement.Un sourire moqueur étire la bouche de Jean :— La Désirade… j’ai mieux à t’offrir que cette plage de m’as-tu-vu !— Très drôle, tu oublies que nous nous sommes rencontrés au bout de cette lagune.— Justement, tu n’as plus rien à y faire maintenant que tu m’as trouvé.— Vraiment ? Finalement, je vais peut-être mourir asphyxiée dans cette cabine exiguë parce que tu auras inspiré tout l’air disponible avec ta tête enflée comme une baudruche.Jess tend de nouveau la main vers le gros bouton rouge au bas du panneau, Jean s’empare alors de ses longs doigts fins, les porte à ses lèvres, les effleure, léger papillon à la recherche du plus subtil des trésors, le pollen.— Mais tu ne vois pas qu’on est bloqués ? La semaine dernière, ils ont mis trois jours avant de sortir Mme Duché de ce foutu ascenseur. La pauvre petite vieille est restée trois foutus jours au quatrième. À un étage de chez elle… Quand ils ont ouvert, elle ressemblait à une Golden oubliée au fond d’un placard. T’en as marre de vivre ?— Pas du tout. C’est juste qu’on est bloqués, tous les deux et que c’est dimanche, alors…— À plus forte raison, banane, plus on tardera à enfoncer cette connerie de bouton et plus la semaine sera entamée quand on viendra nous sortir de cette boite à sardine, tu crois pas ?— Oui… mais non.Jess lui décoche un énième regard assassin, tout en essayant de dégager sa main et d’atteindre du bout de ses ongles nacrés le bouton qui lui fait de l’œil depuis un long quart d’heure. Elle lutte férocement, lui arrache un bout de peau au passage et voilà que la paume de la main droite de Jean se met à saigner. Le liquide poisseux goutte déjà sur la moquette. Ce n’est qu’une coupure superficielle mais le sang coule abondamment, rouge et épais.— J’aime quand tu te déchaînes, ma tigresse ! Et Jean lance une main qui se veut tendre et câline pour effleurer la joue de sa compagne.— Ne me touche pas, tu as les mains pleines de sang, j’ai pas envie d’envoyer ma petite blouse blanche au pressing. Elle en sort tout juste, vois-tu !— Pas de pressing aujourd’hui mon bébé, oublie tout. C’est dimanche et tu sais bien que je déteste dimanche, sauf si j’ai une chance de poser mes mains sur tes hanches.— Pauvre type, tu pourrais au moins avoir l’élégance d’inventer tes déclarations romantiques au lieu de piller FFF.— Pas faux mais là n’est pas la question. Regarde-toi dans la glace. Tes yeux s’enflamment, ton corps se tend vers moi. Je sens que tu commences à apprécier la situation, n’est-ce pas ?Jess roule des yeux de plus en plus furieux. Ce mec est cinglé, coincé dans une cage de moins de deux mètres cubes et il ne pense qu’à s’envoyer en l’air.— Tu aurais mieux fait de prendre l’escalier, au moins, tu aurais fait de l’exercice et on ne serait pas là comme des cons.Sur ce, elle croise les bras, fâchée, et aperçoit une jeune femme brune qui fait la tête et au-dessous, baissant les yeux pour vérifier qu’aucune gouttelette de sang n’est venue souiller sa blouse immaculée, elle découvre que ses jolis tétons pointent, se dressent fièrement sous le léger vêtement. Elle plaque alors ses bras plus fort sur sa poitrine, bien décidée à ne rien laisser paraître. Mais c’est un fait, cet abruti de Jean a raison. Leur petite bagarre l’a excitée. C’est toujours pareil, dès que son homme la touche, elle n’y peut rien. Son corps se défait, se dénoue dans la seconde comme un ruban trop serré. Sa bouche s’entrouvre, sa gorge s’assèche et… ses mamelons durcissent instantanément. Ce n’est certainement pas la température, il fait de plus en plus frais dans la cabine, à se demander si la climatisation n’est pas tombée en rade par-dessus le marché.Alors qu’elle essaie tant bien que mal de masquer les pointes coquines qui s’entêtent à donner du relief, elle croise le regard de Jean. Il a tout vu, bien sûr. Il a d’ailleurs abandonné son sourire goguenard et la contemple d’une toute autre manière. S’il continue, ses yeux vont sortir de leur orbite. Il l’a transpercée du regard, lors de leur toute première nuit, lorsqu’ils ont dansé ensemble sur la plage. Et depuis, elle n’a plus jamais été capable de lui résister. Plus jamais. Même après l’histoire de la voisine du premier. Il lui a lancé son regard de braise, et tous les reproches, les cris, les pleurs, tout a fondu et ils ont passé la nuit à la recherche du point G, prétendant être sur le point de le trouver pour mieux le perdre et repartir à sa quête dans chacune des pièces de l’appartement. Un vaste trois pièces, sans compter la véranda et la buanderie…Peine perdue. Jess sent maintenant, ses pointes dures et chaudes contre la peau nue de ses bras. Elle les abaisse lentement, fixant toujours Jean dans le miroir hexagonal de l’ascenseur. Il s’approche alors d’elle, tout velours, d’un long mouvement coulé, à croire qu’il glisse sur un parquet bien lustré. Il est tout contre elle à présent. Il retient sa respiration, elle aussi. Jean enfouit son nez juste au-dessus de son oreille pour s’imprégner de son parfum, les yeux mi-clos ; un mélange détonnant d’agrumes et de gingembre confit. Léger et capiteux à la fois, comme elle. Ses mains chaudes et puissantes viennent attraper les poignets de Jess et font courir leurs ongles à l’intérieur de ses bras qui frémissent. Chaud, froid, un microclimat semble régner dans la cabine.Les pointes arrogantes de Jess menacent de transpercer la dentelle et semblent lui jeter au visage, seras-tu capable de t’ériger comme nous ? Dis, seras-tu à la hauteur dans cet ascenseur ? Toi, le beau parleur, sauras-tu trouver les mots pour la faire chavirer ?Le fantasme de Jean prend corps. Et quel corps. Celui de sa petite merveille. Plus question de paroles désormais.En un rien de temps, sa main empoigne la ceinture cloutée de Jess, celle des Surplus ricains, qui souligne si joliment sa taille de ballerine trash.Débouclage rapide, la toile kaki, bien ajustée sur ses rondeurs s’affale sur ses cuisses de sprinteuse. Aujourd’hui, c’est dimanche, levés tard, vers 15h du matin, ils ont sauté dans leurs fringues sans passer par la case petite culotte, là voilà donc nue jusqu’aux genoux. La main droite de Jean, douce et décidée, s’invite dans l’entrecuisse de Jess. Sa bouche mord la nuque fraîche de Jess qui n’attendait que ça. Qui se retient à quatre de ne pas hurler tant l’envie gronde dans sa gorge. Dans son ventre. Au moment où les doigts de Jean crochètent la petite fente charnue, Jess ouvre les yeux un bref instant, avant de mieux laisser retomber sa tête sur l’épaule de son homme. Signe qu’il peut s’avancer, conquérante. Vaincue et heureuse de l’être, Jess ondule des reins pour rendre hommage au preux destrier qui a su la terrasser.À SUIVRE