Lucie en redemande. Les écrivains sont des cochons.En rentrant tard chez lui Alexandre perçut dans le noir la présence de Lucie , qui avait les clefs . Un parfum subtil ? Un souffle ? Un objet déplacé ? Il la découvrit dans la chambre où entrait un discret clair de Lune. Elle était sur le lit , presque nue , à quatre pattes et le visage dans les draps. Elle balançait doucement ses fesses offertes entre lesquelles subsistait un peu de dentelle noire.— Encule moi , murmura-t-elle, presque suppliante.S’étant mis nu et à genoux derrière elle il admirait ce cul sans se décider à l’effleurer , savourant son plaisir à le voir frémir dans l’attente des caresses. Elle commençait à se trémousser d’impatience .— Tu y tiens vraiment ? dit-il en posant doucement sa main sur une fesse.Pour faire durer l’attente sans la frustrer il lui glissa deux doigts qu’elle reçut avec soulagement. C’était la première fois qu’elle demandait à être sodomisée sans avoir d’abord fait l’amour chrétiennement. Elle avait bien vite pris goût à ce plaisir pour lui même et non plus en simple variation…Il lui massait tendrement le trou du cul tout en éprouvant son érection de l’autre main. Elle se branlait discrètement par en dessous. Retirant ses doigts il posa une main sur chaque fesse pour les écarter légèrement et pointa son sexe là où elle l’espérait. D’une première poussée il ouvrit la voie et à la seconde il y était en entier. Les mains confortablement calées sur les hanches de sa maîtresse il la faisait aller et venir lentement et profondément. En bout de course elle accentuait la pression pour se sentir encore mieux prise . Il accéléra le mouvement au rythme des «Ah» et des «oui» de Lucie. Elle se redressa complètement et il se plaqua derrière elle en lui empoignant les seins. Leurs bouches se trouvèrent tandis que , d’un petit mouvement sec et vigoureux il l’enculait à fond. Elle poussa un râle et s’effondra , entraînant son amant qui l’inondait .Lucie et Marie de Heredia, n’avaient que quelques mois de différence d’âge. Elles s’étaient connues par l’entremise d’une sœur de Lucie, qui fréquentait le même cours de peinture que Marie. Un thé littéraire, organisé régulièrement par madame de Heredia, leur donnait l’occasion de se croiser, et ce jour là Marie entraîna discrètement Lucie vers un boudoir. Elles ne s’étaient jamais revues en tête à tête depuis leur baiser échangé un soir d’été dans le bois de Vasouy.— Lucie, il y a bien longtemps … Je suis heureuse de te revoir si belle. Bientôt vingt-cinq ans ?— J’en ai eu vingt-quatre en novembre.— Comment vas-tu ? Raconte-moi ta vie …— Elle est très calme et heureuse, entre mes parents, mes sœurs et l’écriture …— Belle, libre et diplômée, tu es bonne à marier…Attention sainte Catherine teguette !— Il faudrait le trouver ce prince charmant…— Et ce bel homme de l’Odéon ?— L’Odéon ?— Allons, pas de cachotteries, ma sœur t’a vue entre Mallarmé et un très bel homme.— Oui, il y avait du monde ce soir-là, ce devait être …— Non, non, non, ça ne marche pas. Raconte ! Je ne dirai rien à ta mère.— Non, dit Lucie tristement, depuis quelques temps il me délaisse… Je ne veux pas en parler.— Ah, c’est l’aveu ! Epanche-toi, je te comprendrai. Moi aussi on me délaisse …— Mais tu es mariée !— Hélas, oui. Le mariage ne protège personne contre les peines de cœur. Je délaisse mon époux pour un homme qui à son tour me fuit… Qu’ils aillent au diable tous les deux !— Tu es bien amère.— Une vague de temps en temps. Mais je sais aussi me consoler.— Pourrais-tu me conseiller ?— Je ne sais rien de ton homme. Mais, dis-moi, il aime les jeunesses ton satyre. Quel âge a-t-il ?— Trente-neuf ans, mentit Lucie.— Quinze ans d’écart ! C’est peut-être mieux pour apprendre. Mais pour les prochains tu devrais en essayer de plus jeunes. Sauf si tu te maries. Vingt ans d’écart c’est bien pour un mari. Il te laissera vite tranquille !— Mais je ne veux pas qu’il me laisse tranquille !— Bien sûr, c’est le début, la passion, le feu … Depuis quand dure votre liaison ?— C’est un cadeau que je me suis fait pour mon anniversaire. Le jour de mes vingt-quatre ans.— Novembre ! Mon Dieu ! Et moi qui jouais les femmes d’expérience ! Tu as failli me coiffer. À quelques jours près tu perdais ta fleur avant moi . Quel automne !— Mais tu es mariée depuis …— Deux ans en octobre. C’est pour ce triste anniversaire que j’ai offert des cornes, que dis-je, des bois, à mon cher mari, qui ne l’était que de droit, et non de fait !— Il préfère les hommes ?— Ah non, dit Marie en s’esclaffant, c’est moi ! Moi, je préfère les hommes !Egayée Lucie répliqua :— Tu…préfères ?— J’espère que nos mères n’écoutent pas aux portes.— C’est peut-être nous qui serions bien avisées de le faire. Mais tu as raison restons dans la décence.Un silence s’installa, bientôt rompu par Marie.— Nous pourrions parler… de Cuba, comme mon père.— Et pourquoi pas du procès Zola ? répondit Lucie.— Ah non, coupa Marie, ce n’est pas drôle !— Oui mais c’est lui mon rival, la cause de ma solitude.— S’il ne t’a pas délaissée pour une autre il reviendra ! Le vieux Zola n’a pas tes charmes.— Je crois que j’ai été maladroite. Je l’ai menacé par avance de le tromper.— Cela dépend des hommes… Il est écrivain ?— Oui, pourquoi ?— Ah, ce sont les pires !— Vraiment ?— Oui, petite dévergondée. J’ai malgré tout connu plus d’hommes que toi pendant les quelques mois de notre vie amoureuse. J’ai rattrapé les années perdues!— Mais pourquoi les écrivains ?— Je l’ignore, mais c’est un fait établi et vérifié par la méthode expérimentale. Les écrivains sont des cochons ! Par conséquent il se peut que… Tu ne me diras pas son nom ?— Alexandre.— Il se pourrait, dis-je, qu’Alexandre par vice te pousse à le tromper. Ce serait la vraie raison de son apparente indifférence.— Mais pourquoi ?— Ça l’excite bien sûr, ce vieux cochon . Il t’a eue vierge et ça aucun autre ne pourra le lui prendre. Il veut te modeler à son goût, faire de l’honnête jeune fille une dépravée. Rien ne plaît tant à ces hommes que de nous écarteler, au physique comme au moral.— Tu vas bien vite pour parler de quelqu’un que tu n’as jamais vu.— Tout artiste, tout écrivain rêve d’être Pygmalion. Il veut donner vie aux créations de son esprit malade. Je ne connais pas ton Alexandre, mais je connais mon Pierre. À la ville c’est un jeune homme très poli, très cultivé, dont toutes ces dames voudraient faire leur gendre . Bien sûr, il a écrit des romans un peu lestes, mais de nos jours les mères sont tolérantes envers les personnes célèbres. Surtout la mienne. Seulement voilà, le charmant célibataire écrit aussi pour ses tiroirs, et pour quelques amis, des petites pièces merveilleusement dégoûtantes qui font de ses romans des missels.— Tu parles de Pierre… Louis ? bredouilla Lucie incrédule.— Oui.— Pierre Louis est ton amant ?— Oui.— C’est passionnant, continue !— C’est mon père qui a décidé le mariage avec l’autre ! Mais moi je n’ai pas renoncé à mon choix. Il a fallu deux ans pour le convaincre de cocufier son meilleur ami. Mais j’ai découvert que tous ces scrupules masquaient un esprit très pervers. Il a voulu me photographier nue, et plus encore… je ne devrais pas …— Si, si !— Il m’a fait coucher avec sa maîtresse arabe et il nous a encore photographiées dans des situations …— Tu as couché avec une femme ?— Je ne dis pas que cela m’a déplu, mais je préfère les hommes. C’est d’être photographiée qui donnait son piquant à la situation.— Mais c’est terriblement compromettant.— J’étais folle d’amour. Je ne recommencerai pas ces bêtises. Depuis le départ de Pierre, je ne sais pas où sont les clichés. Je ne crois pas qu’il aurait osé les montrer… Mais il m’a tellement déçue…— Pourquoi ?— Au point où j’en suis je peux te l’avouer. Je suis enceinte.— Oh !— Et mon mari qui me touchait à peine ne veut plus du tout. Il ne faudrait pas que cela nuise à l’enfant, dit-il. Comme cochon, il ne vaut pas Pierre. C’est à se demander s’il écrit lui-même ses vers. Il a peut-être un nègre.— Pierre !— Oui ! Très bonne idée. Pierre-Louis écrit pour Henri de Régnier et baise sa femme au passage, voilà qui ferait un roman très amusant, concéda Marie.— Tu prends la chose avec humour.— Il le faut bien . Mais tu ne sais pas le pire. En apprenant la nouvelle Pierre s’est affolé et s’est enfui chez son grand frère, au Caire . J’étais si heureuse moi, de porter son enfant. Les hommes sont des lâches. Pas un pour racheter l’autre. Sois prudente Lucie, tu n’as pas de mari pour couver l’œuf d’un autre !— Alexandre en est bien conscient.— Pierre et moi aussi. J’aurais dû plus souvent me faire enculer. Ça n’enlève rien au plaisir, et quelle sérénité, quelle sécurité !— Ah, toi aussi tu …Lucie s’interrompit, sentant qu’elle était tombée dans un piège .— Oui ma petite, tu ne crois pas que j’allais te raconter toute ma vie sans obtenir la moindre confidence en retour !— C’est bien joué.— Alors, tu aimes ça ?— Oh oui, c’est tellement fort ! Comme un rayon de soleil qui entrerait dans mon cul …— Ah, que c’est joliment dit . J’oubliais que tu es poète. Ça fait du bien d’en parler non ? Comme, de se confier quand on écrit des poèmes en cachette.— Ça me pesait sur le cœur. Je suis donc normale.— Pour en avoir le cœur net, parles-en à tes amies.— Mais tu ne tiens pas tes promesses. Où sont les expériences prouvant que les écrivains sont des cochons ? Si j’écarte ton mari il ne reste que Pierre-Louis . C’est peu.— In cauda venenum … C’est vrai, au fond tu as raison. Mariée et toujours pucelle à vingt-trois ans passés, je méritais ce coup d’épingle . Je me suis bien rattrapée depuis. Quelle curieuse expression, s’il y avait du venin dans la queue nous serions toutes mortes !— D’une petite mort !— Quelle langue de vipère tu fais.— Pas de sermon ! Tu cherches bien à tromper ton homme.— Je l’ai menacé.— As-tu un candidat ?— Je l’ai menacé de le faire avec une femme.— Petite futée ! Rien de tel pour qu’il te pousse à exécuter ta menace !— C’était une parole en l’air.— Non, viens t’asseoir près de moi, tu verras si j’ai une langue de vipère.— Il faut que je t’avoue… j’ai aussi… je ne sais pas ce qui m’est arrivé…— Avec Rafaël ?— Non, avec Marie.— Tu l’as fait ?— Oui.— Tu as des remords ?— Non !L’attitude de défi de sa jeune maîtresse provoqua chez Alexandre une fameuse crampe d’écrivain contre laquelle un seul remède est efficace. Elle fut vite nue sur le lit. Il la prit d’abord comme un bon chrétien, mais elle ne semblait pas s’en satisfaire. Elle se mit à quatre pattes devant lui. Du bout des doigts il lui donna l’onction tout en soufflant :— Nous allons essayer autre chose.Son sexe s’enfonça facilement entre les deux moitiés de noblesse de Lucie. La brève douleur fut balayée par une onde de plaisir. Après quelques instants Alexandre se laissa aller sur le côté droit, entraînant sa partenaire en qui il restait aussi profond que possible . Couché sur le flanc il l’enlaça du bras gauche pour prendre ses seins . Du bassin il accélérait et amplifiait le va-et-vient de son sexe. Elle se masturbait et commençait à pousser de petits cris. Il lui en arracha deux ou trois plus forts en poussant en elle autant qu’il le pouvait, et s’arrêtant une seconde en bout de course . Puis glissant son bras droit sous elle il saisit un sein dans chaque main et roula sur le dos dans un mouvement qu’elle ne pouvait que suivre . Il la tenait prisonnière, allongée sur lui, pantelante . Pour finir il la fit asseoir, empalée, lui tournant le dos, les genoux sur le lit . Cambrée, en appui sur une main, elle se caressait de l’autre . Par dessous il continuait à s’agiter autant que la position le lui permettait . Pris d’une brève frénésie ils jouirent presque au même instant et elle se laissa tomber à la renverse.