Le temps passa vite. J’avais bien aimé le film, mais Vincent était bien trop proche de moi pour que je puisse me concentrer à fond sur l’intrigue. Je sentais son parfum discret, l’odeur suave de sa peau. Je l’imaginais chaude sous mes doigts. Parfois, il bougeait un peu, et l’effluve de son shampoing envahissait brièvement mes narines. Insidieusement, le désir glissait en moi, me tordait les entrailles, gonflait mes veines, griffait mon souffle de plus en plus brûlant. J’osais à peine respirer. Résultat, à la fin du film, j’avais très mal au ventre, et ça n’avait rien voir avec le désir rentré !Je me levai et allai aux toilettes. Au calme dans sa salle de bain, je repris mon souffle, en me traitant indéfiniment d’idiote. Je m’étais jurée de ne plus jamais coucher avec lui ! Et pourtant, en cet instant précis, je ne rêvais que de cela ! Je rêvais de ses doigts fins sur ma peau, de ce contact qui éveillerait mes cinq sens et m’insufflerait une vague de passion que je ne saurais plus endiguer… Je rêvais de ses lèvres généreuses et douces contre le velouté de mes seins, et de sa langue sur mes aréoles rosées… Sa bouche provocante embrasserait les boutons de ma poitrine, lentement, sensuellement, jusqu’à ce qu’ils se dressent à ce toucher, frémissent au frôlement de son souffle…Je sursautai et tombai par terre, me faisant très mal à la cheville droite. Car je m’étais assise sur le rebord de la baignoire pour rêver toute à mon aise, et la surprise, me ramenant très brutalement sur terre, m’avait déstabilisée !— Aïe ! laissai-je échapper.La porte s’ouvrit et je frisai la crise cardiaque pour la deuxième fois de la soirée ! Aucun homme, jamais, n’avait franchi cette porte sans m’en demander l’autorisation… et si j’avais été les fesses sur le trône ?!— Excuse-moi, mais je me demandais ce que tu fichais…, dit-il avec une sorte de candeur désarmante. Tu sais que ça fait un bail que t’es là -dedans ?— Oh, tu crois, répliquai-je dans une grimace.— Que fais-tu par terre ?— Je suis tombée.— C’était ça le cri ? Tu as mal ?— Non ! Oui ! J’en sais rien !Il fit une moue perplexe, ce qui attira immédiatement mon regard sur sa bouche… seigneur, cette bouche…— Je vais t’aider… Voilà . Tout va bien ?Il me tenait toujours la main, et je me trouvais maintenant très près de lui. Je sentais à nouveau son odeur, et une très grosse envie de le « croquer » m’inonda. Son visage attentif n’était qu’à quelques centimètres du mien, ses yeux d’un bleu intense me dévisageaient comme s’ils auraient voulu marquer dans sa mémoire chaque trait de ma figure.Vite, pas une seconde à perdre. Tout en tentant de me dégager de l’étreinte aussi gentiment que possible, je me fis violence pour me répéter intérieurement : Il n’a que 19 ans, c’est un gamin, il n’a que 19 ans, il n’a que 19 ans, il n’a que 19 ans…Ce qui était sensé faire figure de douche froide foira lamentablement. C’est sans doute à cet instant précis que je compris instantanément que je fantasmais sur les hommes plus jeunes que moi. Je m’éloignai très vite. Il m’emboîta le pas, et même si je ne pus éviter de claudiquer un peu, je fus satisfaite de ne pas lui avoir montré qu’on pouvait se faire très mal en se vautrant par terre de cette façon.— Je fais une fête pour mon anniversaire dans deux mois. Tu viendrais ? fit-il en se resservant un verre.— Peut-être, c’est quand ? Du moment que c’est un week-end, il n’y a pas de souci. J’en parlerai à May.Je pris conscience qu’il allait avoir 20 ans. Cette pensée, loin de là  !, ne calma pas l’incendie qui commençait à dévorer sérieusement tout mon corps.— Un autre whisky-coca ? proposa-t-il.Alors ça, mon petit, pensai-je, tu peux toujours courir. J’essayais déjà de cuver tant bien que mal le premier verre… Je refusai poliment, et un blanc s’installa entre nous. Pour prendre une contenance, je m’assis à nouveau sur son tabouret devant le piano, et laissai courir mes doigts sur les touches… quelques secondes avant de sentir la paume douce et tiède de sa main glisser sur mon épaule, puis vers ma nuque. Il souleva un peu mes cheveux, et commença à me masser le cou.— Qu’est-ce que tu fais, Vincent ? parvins-je à articuler, immobile comme une statue.— J’ai l’impression que tu as bien besoin de te relaxer. Laisse-toi faire, ne pense plus à rien…Je voulus protester, mais sa main gauche vint rejoindre sa main droite, et de ses dix doigts de fée il malaxa consciencieusement ma peau, éveillant un trouble si grand en moi que je fermai les yeux. Tout en me massant la nuque et les épaules, il s’appuyait contre mon dos, de plus en plus intimement, jusqu’à ce qu’il me soit impossible d’ignorer l’étendue de son désir.J’émis un petit son étouffé. J’aurais voulu me retourner et happer de ma bouche cette bosse dans son pantalon qui me faisait battre le cœur si vite… Alors que tout mon être devenait plus tendu qu’un arc, je voulus encore dire non.— Vincent, je…— Chut… laisse-toi faire. Je promets, je serai sage…Sa voix était encore plus rauque que d’habitude. Mais je savais bien, moi, qu’il ne pourrait pas rester sage. C’était un vilain garçon, et moi, j’étais une vilaine fille. Je ne pouvais pas fuir son désir, je ne pouvais pas fuir sa présence, son contact. C’était au-dessus de mes forces. Mon corps incandescent me criait d’agir, de le laisser me prendre là , tout de suite, sur le piano.Alors, sans réfléchir, je me levai, me retournai vers lui et dans le même élan, l’embrassai à pleine bouche. Quand sa langue effleura la mienne, puis s’y accrocha passionnément, j’en fus électrisée, et me serrai tout contre lui. Mes mains s’enfoncèrent dans ses cheveux brillants, mes lèvres aspirèrent les siennes en un long baiser pantelant.Il m’attrapa par la taille et me guida jusqu’au canapé, sans cesser de dévorer ma bouche.— Je ne sais pas si…, commençai-je, le souffle coupé.Mais il reprit ma bouche, fiévreusement, presque religieusement. Je perdais la tête. J’allais me perdre moi-même, d’ailleurs, d’ici une seconde à l’autre. Nous basculâmes sur les coussins, et je tentai de le repousser une dernière fois. Je m’arrachai à ses lèvres.— Vincent, je t’en prie, ce n’est vraiment pas une bonne idée !Il mourait d’envie de m’embrasser encore et encore, je le voyais à ses yeux, à son corps haletant, mais il m’écouta, et me laissa finir.— On ne recouche jamais avec son ex, c’est un principe, murmurai-je.— Pourquoi ? souffla-t-il d’un ton aussi bas que moi.— Parce que c’est comme ça ! J’ai déjà fait la bêtise une fois… Je ne veux pas recommencer. Je ne veux pas coucher avec un homme qui ne m’aime pas.Il accusa le coup. Ses yeux se firent songeurs, sa main s’égara sur ma poitrine en feu. Ma respiration se calma peu à peu. Crispée et nerveuse, j’attendais que lui aussi admette la sottise d’un tel acte, mais il ne dit rien. Il s’allongea à côté de moi, et me fixa intensément.— J’ai envie de toi, murmura-t-il d’une voix caressante. Et toi aussi, tu en meurs d’envie… Pourquoi ne pas se faire plaisir…— Parce que… ça ne marche pas comme ça. Pas avec moi.Il resta silencieux, puis posa sa tête sur un coussin, toujours sans me quitter des yeux.— Tu as mis du fard sur tes paupières, remarqua-t-il. C’est vraiment très joli.— Arrête, tu complimentes toutes les femmes que tu croises, dis-je avec un peu d’amertume.— Mmmm, j’aime les femmes, acquiesça-t-il.Puis il se pencha vers moi et promena ses lèvres sur ma joue. Le brasier rugissait en moi, faisait de moi un fétu de paille se consumant lentement. Mon corps n’était plus qu’un volcan tout prêt d’entrer en éruption. Sa bouche s’égara à la commissure de mes lèvres. Je sentis son souffle rapide et tiède balayer mon visage.— Et toi, ajouta-t-il tout bas, je t’aime beaucoup beaucoup beaucoup…Je respirai un bon coup, et m’écartai un peu.— Oui, mais tu ne m’aimes pas tout court…Il hocha la tête, et se laissa retomber à côté de moi, enlevant sa main de ma poitrine frémissante.— Bon, OK, dit-il d’une voix plus ferme. Alors maintenant, dis-moi où tu as mal exactement, que je te frotte.Etonnée, je le regardai fixement. Il me sourit sans rien dire, et se levant brusquement, courut mettre de la musique, avant de revenir tout près de moi.— De quoi parles-tu ?— De ta cheville. Tu claudiquais tout à l’heure.Bravo pour ta discrétion, Charlotte, me dis-je avec exaspération.— Ce n’est rien. Je n’y pensais même plus.— Si si, laisse-moi te masser.Mon air dubitatif le fit sourire.— J’essaierai d’être sage, dans la mesure du possible, affirma-t-il.— Je ne te crois pas.— Peut-être que je serai sage… ou peut-être que non, ajouta-t-il, mi-figue mi-raisin.— Pfff. C’est la cheville droite. Mais attention, je t’ai à l’œil, vilain jeune homme.Il me fit un clin d’œil, puis d’un bond, s’agenouilla et saisit doucement mon pied droit. Il me massa un long moment, et je me laissai aller à me détendre un peu. Mais petit à petit, ses doigts remontaient plus haut, puis encore plus haut… Je le réprimandais régulièrement, mais comme douées d’une volonté propre, ses mains commencèrent à palper mes mollets, puis mes genoux… Il se pencha alors sur moi et d’un geste lent, entrouvrit mes cuisses. J’ouvris alors mes yeux pour rencontrer son regard brûlant.— Je ne peux pas Charlotte, balbutia-t-il. C’est plus fort que moi… Je t’en prie, essaie de comprendre… Je te désire si fort…Comment ne pas fondre à ses paroles ? Je soutins son regard, et ne fis pas un mouvement lorsqu’il m’embrassa à nouveau, au début patiemment, puis avec une fougue grandissante. Habitée de ce délicieux sentiment de braver l’interdit, je répondis enfin à son baiser et l’entourai de mes bras. Je sentis bientôt ses mains caresser mes cuisses, puis les ouvrir plus grand… Il se glissa entre elles, et s’étendit sur moi, le corps tremblant.Mes mains se coulèrent sous son Tee-shirt et caressèrent sa peau parfumée avec une avidité presque sauvage. Je me tortillais sous lui, recherchant un contact toujours plus intime. Lui se faisait pressant également, cherchant sans répit ma bouche, respirant à peine entre deux baisers. Ses doigts remontèrent le long de mon entrecuisse et s’insinuèrent dans ma culotte, où ils glissèrent presque naturellement le long de mon clitoris enflé de désir, avant de s’enfoncer doucement dans mon sexe ouvert, et moite de l’irrépressible attente. Je poussai un gémissement sourd, m’agrippant à lui comme à une bouée de sauvetage. Il caressa ma vulve avec une lenteur étudiée, au début. Puis la frénésie le gagna, et ses doigts s’agitèrent rapidement, malaxant adroitement ma chatte humide, tout comme il m’avait malaxé la cheville.Les yeux clos, je ne respirais plus que partiellement, envahie d’un plaisir si intense que je faillis jouir sur l’instant… Je criai un peu plus fort, et ce son exacerba davantage encore mon amant, qui se redressa brusquement, afin de se débarrasser de son pantalon qui nous gênait tant.Haletants tous deux, nous nous regardâmes un instant. Il était donc arrivé, ce moment fatal où la vapeur pouvait encore s’inverser, où je pouvais encore dire non, lui résister, faire preuve de cette maturité qui me manquait tant. Et je restais silencieuse, le suppliant du regard de se dépêcher. L’urgence faisait trembler mon corps, mes seins se soulevaient précipitamment sous son regard de feu.Il se leva donc, enleva son jean qui lui collait à la peau, et se dirigea vers une commode, d’où il sortit un préservatif. Puis, il plongea son regard au fond du mien :— Tu veux me le mettre ? murmura-t-il.Je fis oui de la tête. Il s’approcha de moi, sembla hésiter une seconde, puis écarta mes jambes et posa son front sur mon ventre tandis que sa bouche s’emparait de mon sexe gonflé de désir. Sa langue s’insinua en moi, me faisant crier faiblement. Il me lécha avec habileté, et seules quelques minutes suffirent pour que j’atteigne un orgasme incroyable… qui me fit trembler un long moment, les yeux violemment clos, le ventre secoué de spasmes extatiques.Le temps que je redescende sur terre, Vincent m’arrachait ma culotte et ma robe, et comme je ne portais pas de soutien-gorge, sa bouche trouva immédiatement le chemin de mes tétons dressés, qu’il suça avec application, avant d’égarer ses lèvres sur la courbe veloutée de mes seins.— Charlotte… souffla-t-il, les yeux clos.Je ne dis rien, mais comprimai ses fesses avec mes mains, avant de les glisser un peu partout sur son corps désormais nu. La chanson de Gary Jules, « Mad world » commença à cet instant, et comme le piano me rendait folle en certaines circonstances, j’attirai Vincent tout contre moi, en l’entourant de mes jambes.— Prends-moi… lui dis-je dans un souffle.Il me sourit tendrement, et me montra le préservatif.— On a oublié quelque chose, dit-il de sa belle voix rauque.Dans un soupir impatient, je me redressai un peu et saisissant son sexe qui était d’une fermeté époustouflante, je lui passai le préservatif. Puis, nous nous embrassâmes à nouveau, profondément, et Vincent se coucha sur moi, ses mains caressèrent mes fesses, avant de les ramener vers lui avec douceur. Je lui ouvris mes cuisses et sans l’aide de personne, son membre dur me pénétra profondément. Je laissai échapper un soupir de plaisir, tremblante. Il me serra très fort contre lui.J’avais le visage tout contre sa poitrine, et mis mon nez dans son cou, pendant que nous commencions à bouger ensemble. Le vent de la passion passa sur nous et sans plus aucune bride pour nous retenir, nous fîmes l’amour sauvagement, comme si le monde allait cesser d’exister, comme s’il ne restait plus que nous, nos deux corps fondus en un seul être éperdu de jouissance, que la course allait bientôt s’arrêter et que plus rien ne serait comme avant. Sans parler, sans se regarder, nous nous cherchions sans répit ; nos corps se reconnaissaient, comme s’ils n’avaient jamais été séparés, et le plaisir montait graduellement en nous.Mes ongles rentraient dans la peau de ses hanches, je me faisais violence pour ne pas crier trop fort à cause des voisins, et Vincent allait et venait profondément en moi, me conduisant jusqu’au bord du précipice où il m’abandonna soudain, dans un long gémissement, qui me laissa à demi folle.Je le sentis se répandre, s’agiter convulsivement avant de rester ancré en moi, immobile, ses muscles se détendant lentement. C’est seulement à cette seconde que je compris que je venais de ressentir un orgasme. C’était la première fois de cette manière, jamais je n’avais pu atteindre la jouissance par pénétration vaginale. J’eus un choc.Vincent se retira alors de moi, m’embrassa vaguement sur le front, puis disparut, nu comme un ver, dans le couloir menant à la salle de bain.— Je reviens, me lança-t-il, encore hors d’haleine.Je restai étendue, sans bouger, laissant mon corps s’apaiser lentement. La musique s’était tue. Seul le ventilateur, dans un coin du salon, émettait un ronronnement qui me berçait presque. Et voilà . J’avais fait l’amour avec lui, et en plus, c’est avec lui que j’avais eu mon premier orgasme. Ma jouissance disparue, la conscience me revenait douloureusement.L’écœurement que je ressentis pour moi-même, à cette minute, me submergea si fort que je me levai d’un bond, me jetai sur mes vêtements, enfilai ma robe encore humide, attrapai mon sac, et oubliant là ma culotte, je fuis hors de l’appartement comme si le diable était à mes trousses. Ce n’est que dans la voiture que je m’aperçus que je sanglotais sans pouvoir m’en empêcher. Je sortis fébrilement des mouchoirs de mon sac à main, et m’essuyai l’entrecuisse.Puis, je mis le contact, et fichai le camp de cette rue maudite aussi vite que je le pus, y voyant mal à travers les larmes qui noyaient mon regard.Lorsque mon téléphone portable sonna, je l’éteignis rageusement…