Oyez, oyez, braves gens, la belle histoire de Marie et Lulu…Marie Ă©tait mariĂ©e depuis environ vingt ans. Le couple exploitait une petite ferme des environs de Cahors, dans une campagne de causses.Si la culture de la vigne et la chasse aux truffes prospĂ©raient, leur union commençait Ă battre de l’aile. Les enfants Ă©levĂ©s et partis de la maison, le grand Louis, dit Lulu, ne cultivait plus beaucoup son champ. Fini les baises endiablĂ©es dans le cuveau Ă vin, ou, l’étĂ©, dans l’odeur du foin qui sèche dans le prĂ©Â ! Une fois de temps en temps, vite fait, une culbute dans la grange derrière les crèches vides de bĂŞtes, et qui laissait Marie insatisfaite et malheureuse.Sous prĂ©texte de foires aux truffes, de vendanges ou de salons de l’agriculture – selon les saisons – le Lulu partait très souvent, trop souvent, laissant Marie se morfondre dans le grand lit Ă l’étage.Son minou se dessĂ©chait.PrivĂ© de rosĂ©e bienfaisante pour l’arroser, le poil devenait terne et cassant. Un dĂ©sespoir, une jachère mĂŞme pas fleurie ; la ronce et l’ortie y faisaient leur lit.Lulu venait et repartait sans un mot, accomplissait le minimum de travail Ă la ferme, et sous n’importe quel prĂ©texte disparaissait quelques heures ou quelques jours.On murmurait dans le village et les Ă©chos de ces bruits revenaient Ă Marie.On dit que le Lulu fricote avec la Jeanne et la Julie, et qu’à l’aurore encore on les a vus au bar du pont, en ville ou ailleurs.On les a vus Ă la boite Ă©changiste vers Montauban… etc.Dans les bars des environs, le Lulu louait Ă qui voulait l’entendre les langueurs de Louise ou d’Elise, roucoulait sur les rondeurs de Roberte et faisait rosir les rosières attablĂ©es avec leur galant.Tout ce bruissement rendait Marie encore plus triste et dĂ©sespĂ©rĂ©e. L’avenir ressemblait Ă un buisson d’épines et de poussière…ooOooLulu Ă©tait parti pour une virĂ©e de plus.Ce jour-lĂ , prenant conscience de son isolement, Marie tĂ©lĂ©phona Ă sa copine d’enfance, la rousse VĂ©ronique.— VĂ©ronique, au secours ! Lulu va me quitter ! Je sais plus quoi faire, y va me quitter, je veux pas !Le tout entrecoupĂ© de larmes et reniflements.— Marie, ma sĹ“ur, laisse un peu tes vaches, cochons, vignes et truffes, et viens causer avec moi. Ce soir, on va se faire une soirĂ©e filles, tu vas voir ça te fera du bien. Après, on avisera.Autant Marie Ă©tait prude et sage, autant VĂ©ronique flamboyait par tous les pores de sa peau. Elle rayonnait de joie et d’appĂ©tit de vivre.C’était sa première copine quand elle Ă©tait entrĂ©e au pensionnat de la Sainte Foye de Conques de Justine de Padirac. VĂ©ronique organisait des trafics de clopes et de mâles dans cette institution fermĂ©e Ă laquelle le prĂ©fet et l’évĂŞque confiaient leurs filles en espĂ©rant en faire des oies blanches prĂŞtes Ă farcir. VĂ©ronique s’était fait prendre Ă cause d’une fille enceinte qui avait tout avouĂ©, et n’avait dĂ» son salut qu’à l’intervention du prĂ©fet qui, soucieux de prĂ©server la rĂ©putation de sa fille, avait Ă©touffĂ© l’affaire. Tout Cahors savait le fin mot de l’histoire et en riait Ă l’apĂ©ro, mais…Marie appela ses voisins qui, serviables, rĂ©pondirent : oui, nous viendrons nous occuper des bĂŞtes, pas de souci.Marie se mit en route dans sa petite auto, en direction de la ville.VĂ©ronique l’attendait. Elle la prit dans ses bras avec beaucoup d’affection, lui plantant deux gros bisous sur les joues et un autre, plus gros encore, sur les lèvres.— Viens, ma caille, je vais m’occuper de toi !Comme jadis lorsque Marie avait du vague Ă l’âme, et que VĂ©ronique la prenait sous son aile. Comme quand, munies d’une clef barbotĂ©e au trousseau de la sĹ“ur portière, elles se faufilaient par la porte du cloĂ®tre, enfilaient la rue du bain, et sans dĂ©lai filaient au bar du pont pour s’enfiler des verres.Ainsi passèrent-elles une soirĂ©e de fĂŞte, de bar en bar, alternant rhum et tequila, rock et salsa, tango et samba. Les filles finirent dans les bras l’une de l’autre, Ă se raconter leurs histoires de filles, en pouffant de rire au passage des garçons.BourrĂ©es, ça c’est sĂ»r, et bien bourrĂ©es, elles rentrèrent Ă la maison bras-dessus bras-dessous, s’effondrèrent en vrac dans le grand lit de VĂ©ronique, et jusque midi ronflèrent en chĹ“ur.CaressĂ©e, massĂ©e, câlinĂ©e par VĂ©ronique, Marie reprit un peu forme humaine. Après un bain commun, oĂą elles Ă©claboussèrent toute la pièce par leurs Ă©bats, et un cafĂ©-tartine, vers cinq heures du soir elles se mirent Ă causer.— Alors, le Lulu, il te trompe, commença VĂ©ronique. Tu parles, c’est pas nouveau ! Tous les mĂŞmes, y a que la queue qui les commande ! Des clebs, des cabots en rut. Des bâtards bandants qui dĂ©bandent Ă la première contrariĂ©tĂ©. Tu comprends pourquoi je veux pas d’homme Ă demeure !— Oui, mais Lulu, il est pas pareil. Je sais qu’il m’aime, minauda Marie. Je veux pas le quitter, c’est un bon gars ! Je sais pas quoi faire pour lui plaire, il me regarde mĂŞme pas !— Marie, tu m’emmerdes avec tes jĂ©rĂ©miades ! Ton Lulu, il vaut pas mieux qu’un autre, mais si en plus tu l’allumes pas un peu, c’est sĂ»r qu’il va se barrer ! Je vais te donner un truc infaillible pour le garder. C’est Lili, la copine Ă Milou, celle qui frĂ©quente des chamanes et qui fait les quatre cents coups avec ses copains qui m’a enseignĂ© le truc. Imparable !Quelques jours plus tard, Lulu semblait calmĂ© et un peu plus Ă la maison, dĂ©cidĂ© Ă s’occuper de la ferme.Ce soir, j’essaie ! se dit Marie. Je verrai bien si ça marche.Une fois dans le lit, Marie s’approcha de son mari qui, couchĂ© sur le dos s’apprĂŞtait a ronfler comme un B52 au dĂ©collage. Glissant sa main sous la chemise de nuit de son homme, elle entreprit de faire un nĹ“ud au sexe de son mari.— Mais que fais-tu donc ? Lâche-moi, tu vas me faire mal ! dit le Lulu.— Mais non, tu va voir : je vais y arriver, Ă le nouer.Et Marie de le plier, de le tordre, de le courber dans tous les sens, si bien que son mari y prit plaisir et que l’objet en question finit par se dresser, dur comme une branche de chĂŞne.— Mais pourquoi fais-tu ça ? s’étonna le Lulu— Oh ! c’est juste pour essayer, rĂ©pondit Marie de son air le plus innocent. Je voulais m’amuser un peu et voir si ce qu’on dit est vrai.— Ah ! et qu’est-ce qu’on dit ?— Ben, qu’il est impossible de faire un nĹ“ud avec une bite, mais si tu en as assez, je recommencerai une autre fois.Se tournant sur le cĂ´tĂ©, elle fit semblant de dormir.— Eh ! tu me laisses pas dans cet Ă©tat ! lui dit Lulu, le machin Ă l’air, dressĂ© comme un poteau.Arriva ce qui devait : Lulu se mit Ă baiser sa femme tant et plus, puis quand le poteau redevint mou, Marie reprit son travail de nouage.— Bon Dieu de bon Dieu, je vais y arriver ! Tu sens ? Ça y est presque.— Oh oui ! mais continue encore, je sens que ça revient !Lulu revint Ă l’ouvrage pour le plus grand plaisir de Marie.— Remettons ça Ă demain, lui dit-elle une fois qu’ils eurent fini.— J’allais te le demander, Marie. J’en peux plus ! soupire Lulu.Et ainsi, des nuits durant, Marie tenta le nĹ“ud impossible, et plus elle s’acharnait plus le membre durcissait, plus il fallait le calmer et recommencer.Et ainsi Lulu, Ă©puisĂ© par ses nuits avec Marie, finit par renoncer Ă ses escapades, Ă apprĂ©cier Marie et rester avec elle.Ainsi va la vie !Cette histoire n’est pas nouvelle, juste adaptĂ©e au temps d’aujourd’hui. C’est un vieux conte des campagnes des CaraĂŻbes, qui se racontait sous les manguiers, du temps des commandeurs, dans les annĂ©es cinquante en Martinique.Innombrables sont les histoires qu’inventent les femmes pour garder leur compagnon, avec malice et souvent humour. C’est un conte KimbĂ© raid, en crĂ©ole.