Comment tout cela est-il arrivé ? Je ne sais pas trop, mais là j’ai fait une vraie connerie.Des potes depuis des années, une réunion de famille, le cochon en Lorraine depuis dix-huit ans pour le dernier week-end d’août, une amitié sans faille, un pur moment de partage festif, juste que j’ai divorcé, – enfin ma femme m’a quitté – et je suis parti sept ans oublier ce naufrage, loin très loin.De retour depuis onze mois, j’étais attendu, avec mes anecdotes, mes aventures et mes conneries. J’ai un côté pittoresque et me charge volontiers pour amuser la galerie.Me voilà donc célibataire, vieux célibataire devrai-je dire, soixante ans tout ronds. Je suis un peu perturbé par mon âge canonique, mes dernières aventures féminines – pas merveilleuses, soyons clair –. Je suis toujours amoureux de mon ex, mais bon la vie…En général, avant le week-end du cochon, chacun débarque comme il veut ou comme il peut et cela s’éternise parfois du milieu de semaine avant, au milieu de semaine après. Il y a des chambres pour la plupart et un grand dortoir pour les gamins, tout en haut dans le grenier. Enfin, les gamins… ils ont bien grandi depuis l’époque où je venais avec mes propres enfants et ma compagne.Parmi cette joyeuse bande se retrouvent les cousins et les cousines, je devrais dire « la » cousine. Seule fille au milieu de cette bande de garçons, elle joue un peu les garçons manqués pour être à l’unisson.Pour ma part, je suis le « tonton bourlingueur » de toute cette bande de grands couillons. Parce que, pour être grands, dans cette famille, ils le sont. Marie, 1,76 m, 55 kg, 26 ans, elle est l’aînée de tous, des jambes longues, mais longues, des hanches étroites, des petites, mais vraiment petites fesses, un cul de gamine, un visage sérieux sur des grands yeux noirs, mais qui s’illuminent dès qu’elle sourit, alors là elle devient belle, radieuse, rayonnante. Bref, un joli brin de fille, tout ce que j’aime chez une femme – une femme, pas une gamine – que j’ai connue suçant son pouce et poussée trop vite, mais là , neuf ans après, pfffff ! Bin, elle a changé, et pas en mal.Je ne fais pas cas, juste je regarde de loin et la vie suit son cours. Entre les arrivées des potes, Mamy me cajole parce qu’il y a longtemps que je suis pas venu et je leur ai manqué. Ça papote, ça discute, ça lève le coude et les jeunes ne sont pas en reste. Étant à demeure et sans sorties prévues, les parents en ont pris leur parti. De toute façon les voitures sont dans la cour et le Papy a cadenassé la grille. Tout le monde est à la même enseigne, les enfants, les petits-enfants, les copains et les copines, « t’es venu, tu restes ! »Je suis arrivé le jeudi après-midi, la première soirée se termine vers minuit gentiment, les vieux vont se coucher, mais les jeunes me demandent de rester un peu traîner avec eux. Mon fillot me connaît, je ne suis jamais le premier au lit et il adore mes histoires. On picole, on fait tourner un…, on écoute de la musique, je fais rire cette joyeuse bande. Marie est juste à côté de moi et je reçois un texto, je sors mon portable pour regarder et là mon fillot me dit :— Tu t’emmerdes pas, Tonton, un S 9 dernier cri !— Ouais, bin j’ai acheté ça, mais je galère un peu. Y a des trucs que je comprends pas et qui m’énervent.— Si tu veux un coup de main, on peut t’aider.J’ai juste envie d’une sonnerie précise, il faut aller sur internet, puis refaire le format et enregistrer et enfin, bref j’y arrive pas.— Donne, je m’en occupe.Quinze minutes plus tard, c’est fait et tout le monde m’appelle pour entendre la sonnerie. Ils sont pliés de rire et moi je vais au lit. Bonsoir tout le monde !Je m’écroule sur mon lit, me disant : « une bonne nuit de sommeil, demain on attaque plus fort, un autre de mes potes arrive et là , c’est du sérieux ». Je sombre doucement, quand un texto arrive :« Tonton, tu dors déjà ? »Bizarre, un numéro que je connais pas.« Non, je suis juste en train de penser ».« Tu penses à moi ?Hein, c’est quoi ce délire ?« Bon, allez les jeunes, allez vous coucher. Moi, je pionce. Bonne nuit ».« Bonne nuit, tonton, pense à moi. Marie ».Ah merde ! C’est quoi, ce délire ? Ils se foutent de ma gueule, ces petits cons ! Attends demain matin…Le matin blême derrière les volets, il fait gris, pas chaud après cette canicule, qui me rappelait les Îles. Brrrr, la Lorraine, pays hostile. Elle me rejette, pourtant je me sens bien là , parmi les presque miens, de la pure amitié sans faux semblant, sans reproche. Et puis, les événements de la nuit reviennent. Ah, les petits cons ! Ils veulent jouer, alors jouons.Je débarque tranquille, les anciens sont là , on me sert un café.— Tu veux… ?— Non, merci. Un café, une clope et je suis d’attaque. Alors, c’est quoi le programme ?— Ce soir, c’est soirée pizza. Chacun fait sa pizza et on a un pizzaïolo qui s’occupe de la cuisson dans le four à pain ancestral. Une tuerie !Le pizzaïolo, je le connais bien. C’est le fils de la famille, le père de Marie, pas un tendre, une vie compliquée, plus que la mienne, c’est dire ! Mais il a l’alcool méchant, pas chez lui, mais en dehors un vrai con.Je reçois un texto. Pfff, ils sont lourds les jeunes !Tonton, tu me prépares un chocolat, j’arrive.Je vais voir Mamy pour lui dire de préparer un grand bol de lait chaud pour tout le monde, parce que les jeunes arrivent. Mamy rigole :— Pour tout le monde ? Arrffff ! ‘Y a que Marie qui prend du chocolat, les autres c’est café fort.— Euh… ah bon ? Bin, je sais pas, mais ils arrivent.Sur ce, courageux, je me barre près des hommes en train de préparer le barbecue et observe de loin. Je suis pas à l’aise et vais l’être de moins en moins. Marie arrive seule, embrasse tout le monde – sauf son père ! – et vient me demander son chocolat :— Euh… c’est Mamy qui s’en est occupé, il est dans la cuisine.J’ai l’impression que tout le monde me regarde : « pourquoi elle lui demande son chocolat ? » En fait, tout le monde s’en fout, je deviens parano…Midi, on prend l’apéro. De nouveaux arrivants, embrassades, contents de se revoir, « ah tu nous as manqué, bla-bla-bla ».Texto :« Je suis pas assez jolie pour toi ?Ah Seigneur ! je ne crois en toi, mais si tu existes, envoie-moi un signe, une pluie de grêle, un tremblement de terre, la foudre, je sais pas, mais envoie un signe…Rien, de rien !Alors je réponds :— Tu es surtout trop jeune et la nièce de mes meilleurs amis. De plus, je suis invité par tes grands-parents, cela me paraît suffisant, point.On déjeune copieusement arrosé, une petite sieste s’impose. Je sombre doucement dans le sommeil. Ce soir notre deuxième pote arrive et là les choses sérieuses vont commencer.Je suis dans un demi-sommeil, entre rêves et réalité, je suis bien dans ma torpeur. Je fais surface, doucement, rien ne presse… Ah la joie de ne rien faire !Mais y a un truc qui cloche, je sens comme une présence dans mon dos, une chaleur animale. Hé, hé, le chien a profité pour me rejoindre. Cela me rappelle des souvenirs, quand je gardais la maison et le chien des enfants, le gros, venait me rejoindre la nuit, parce que la nuit, tu dors et tu ne dis pas non.Mais là , c’est juste collé contre moi, cela épouse parfaitement mon dos, la courbe de mes reins, mes fesses et mes cuisses. Et puis, c’est léger, aérien, alors que dans mes souvenirs le gros est plutôt affalé contre moi. Un doute s’immisce en moi, non, non, arrête de rêver, bah tiens, ce n’est pas un rêve, Marie est vraiment là , dans mon lit, allongée contre moi.Je crois que la dernière fois où je suis sorti d’un lit aussi vite, c’est parce qu’un serpent y était aussi… et là , c’est tout aussi dangereux, voire même encore plus dangereux !Je suis debout au bord du lit et elle me regarde avec un regard, mais un regard de… de… bin, de salope ! Oui, de salope assumée ! Loin de la gamine, non là vraiment, la femme-enfant dans toute sa splendeur, tentatrice, sûre d’elle, de son pouvoir, de l’attraction qu’elle a sur les hommes, sur un homme.J’enfile à la hâte mes claquettes et sors de la chambre, lâche que je suis, surtout conscient que je bande comme un cerf, que mes idées sont tout sauf chastes et que des images me traversent l’esprit que je censure moi-même.Respire, respire lentement. Réflexion, concentration. Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as peur d’une femme ! Nan, j’ai peur d’une gamine diabolique. Mais tu as déjà eu des jeunes filles dans tes bras. Oui, bien sûr, mais tu avais trente ans de moins et pas dans une maison pleine de famille, d’amis. Nan, pas comme ça ! J’ai l’impression de trahir, de bafouer des valeurs, d’être le dernier des salauds, mais aussi simplement un homme et là , c’est un cadeau, un vrai beau cadeau. Vieux machin, tu commences à y croire. Non, mais tu t’es vu, avec ta gueule ridée et ton début de brioche ? Bin, oui, pas si mal. Qu’est-ce qu’il est con ! En plus, il devient gâteux, il croit au père Noël. Nan, mais à la mère Noël, oui !Tout le monde ou presque est dans le jardin, les gamins me refilent une bière, histoire de se mettre dans l’ambiance. On est loin de l’apéro, y a des coins partout pour s’asseoir. Je rejoins les anciens, enfin les plus anciens que moi, on parle tranquille, la vie là -bas, pourquoi je suis revenu, où je vais m’installer, que si je veux je peux venir quelque temps, ici chez eux, y a de la place. Mais bien sûr, si vous saviez, mon dilemme, ma tentation, vous me jetteriez dehors.De la maison, mon amie, la tante, m’appelle :— Ton téléphone arrête pas de vibrer, y en a une qui s’inquiète, me dit-elle en rigolant.— Euh merci, oui, oui, je vais voir.Trois texto :« Tonton, viens me parler »« Tonton, je te fais peur ? »Bah tiens, si tu savais !« Tonton, parle-moi »Qu’est-ce que tu veux que je te dise, que tu es belle comme le jour, que j’ai envie de te prendre comme une chienne que tu es, mais que tu mérites mieux que cela ? Que je suis pas celui que tu crois et surtout, surtout, je suis un vieux con. Qu’est-ce que tu attends de moi, qu’espères-tu ? Qu’imagines-tu ?« Tonton vient me parler, je suis là où tu m’as laissée ».Mais je vais te laisser là , rien de moins.« Tonton, je suis malheureuse, j’ai besoin de parler ».Ah là , je sais plus quoi opposer, vous feriez quoi à ma place ? Oui, je sais, certains vont dire : « trouve une excuse et barre-toi ». Mais, mais je suis un éternel romantique et la demoiselle en détresse me fait fondre, surtout si elle a un petit cul.La chambre ? Nan, faut pas. Dans une chambre, c’est intime, comme un cocon. Dans une chambre, hein, vous faites quoi dans votre chambre, vous ?Je lui réponds que je veux bien parler, mais dehors, dans le jardin, au milieu des autres. Je serai à son écoute, si elle besoin de moi je serai là .La voilà , la grande sauterelle, elle a quitté ses lentilles pour une paire de lunettes. Ses yeux sont un peu rouges. Ainsi, elle fait très fille sage. Je m’empêche d’avoir des idées, « comme en tailleur elle serait parfaite », non, elle a toujours son jean, moulant à l’extrême, et son petit, très petit haut. Elle approche de moi avec un demi-sourire, un peu boudeur. Pour me donner une contenance, je sors une cigarette et là elle me crucifie.Face à moi, elle se tourne de profil, prend appui sur une jambe, remonte sa hanche délicatement, comme si elle offrait son petit derrière à ma vue et sort son briquet de sa poche arrière et elle me le donne. C’est fort d’érotisme, ce petit déhanchement, sensuel, élégant, ce regard. Ah, ce regard ! L’air de dire, « tu vois ce que tu perds ».J’en rougirais presque, ça y est je bande encore, mes pensées se bousculent, j’allume ma clope et file à la tireuse prendre une bière. Je demande à la cantonade si quelqu’un en veut, évidemment Marie :— Oui, moi, je veux bien que tu me serves.Je lui rapporte son verre et là elle m’entraîne vers le fond du jardin. Nous marchons doucement en discutant tranquillement. La teneur de la conversation est un peu pesante, la défection de son père dans son rôle, sa mère, que je connais à peine, qui n’est pas stable dans ces relations, son frère qui s’enfonce dans la déprime, elle tient cela à bout de bras et c’est lourd pour elle, pauvre petite.Intérieurement je m’insulte, elle a juste besoin d’une oreille et d’une épaule, d’un tonton qui donne des conseils et moi je m’imagine des trucs salaces, pauvre vieux con que tu es. Je cajole, je rassure, je conseille, j’ai moi-même deux filles pas beaucoup plus vieilles que Marie, alors je sais faire.Là , je tiens bien le rôle du protecteur, du tonton qui rassure sa fillote, j’arrive même à la faire rire. Elle prend nos deux verres vides et va à la tireuse faire le plein. Lorsqu’elle revient près de moi, j’ai repris une clope et cherche mon briquet et là les deux mains pleines, elle se déhanche doucement de profil et me dit :Je tends la main vers mon godet et lui dis :— Fais-le toi-même et arrête tout de suite ce petit jeu.La réponse ne se fait pas attendre :— J’ai envie que tu me touches, prends le briquet là où il est.Le briquet se dessine bien au fond de sa poche au travers du tissu tendu. Sa fesse est bien relevée vers moi, elle ajoute même un petit mouvement. Je perds pied, vaincu, je tends la main, glisse deux doigts dans la poche pour attraper le briquet. La chaleur de son corps, sa fesse, est là contre ma peau, je bande, j’ai envie de prolonger cet instant, mais non c’est impossible, je me saisis du briquet, retire mes doigts, allume ma cigarette et lui redonne. Nos doigts s’effleurent, nos yeux plongent dans le regard de l’autre, elle sait qu’elle a gagné.