Il portait beau le docteur Verrat, parcourant les rues du gros bourg de Saint Porcin d’un pas alerte, sa mallette de cuir dans une main et dans l’autre sa canne, sa longue silhouette sanglée dans une redingote dont il raffolait, chapeau sur le crâne et moustache affûtée. Il entretenait une passion admirative pour Napoléon III, cet empereur mal aimé essentiellement à cause du verbiage rouge et calomnieux de Victor Hugo, mais qui représentait pour lui le seul dirigeant visionnaire ayant fait faire au pays un bond prodigieux vers la modernité. Qui d’autre pouvait se targuer d’avoir en quelques décennies multiplié par six les voies de chemin de fer, créé les grands boulevards et les grands canaux avec Haussmann et De Lesseps ?Aussi en portait-il la moustache et la barbichette pointue, et il aurait bien encore porté un haut de forme, mais il n’en trouvait plus. Le grand bonhomme inspirait le respect et ses coups de canne étaient redoutés. En fait, ce n’était qu’une légende, une fable racontée aux enfants pour les faire tenir sages, et la canne en question ne servait qu’à dissimuler la seule faiblesse de Verrat, son goût immodéré pour les cigarettes anglaises qu’il enfilait dans le tuyau d’acajou, le pommeau d’argent à secret recelant un briquet.Ainsi, chaque matin, le docteur arpentait la ville pour effectuer ses visites, grondant ceux qui auraient pu se déplacer à la consultation, mais n’hésitant pas à revenir gracieusement à plusieurs reprises pour les cas les plus délicats. Vers midi, il regagnait du même pas alerte son cabinet, qui était en même temps son domicile, une grande maison bourgeoise située en plein bourg et entourée d’un parc agréable. Tout le rez-de-chaussée, pourtant vaste, était réservé à son activité professionnelle. D’un côté du hall, un salon servait de salle d’attente, de l’autre, son bureau aux murs tapissés de livres savants était strictement meublé en style Napoléon III et se prolongeait dans l’ancienne cuisine par une salle de consultation aux aspects d’hôpital, faïence blanche aux murs, vitres opaques aux fenêtres et mobilier métallique immaculé. Une autre porte en enfilade donnait sur une salle consacrée à la radiologie, avec un équipement du dernier cri et se poursuivait encore par une véritable petite salle d’opération où il pouvait pratiquer quelques interventions bénignes dans les meilleures conditions d’asepsie.Verrat vouait à son métier tous les moyens intellectuels et financiers dont il disposait, convaincu d’apporter au sein de cette bourgade rurale le meilleur de la médecine, de la même qualité que dans n’importe quelle grande ville. Et les patients savaient bien le reconnaître, se pressant en masse dans son cabinet, de treize heures trente à dix-neuf heures. Malgré cette charge quotidienne intense, à aucun moment le médecin ne doutait de sa vocation ni de son efficacité.La seule à pouvoir s’en plaindre aurait été Eugénie, son épouse, blonde accorte au fort joli minois. D’origine alsacienne, mais catholique très pratiquante, elle voyait en son époux sinon l’envoyé de Dieu, du moins l’un de ses serviteurs méritants qui soulageait la misère humaine. Aussi ne se sentait-elle jamais délaissée, même si Hubert passait bien plus de temps auprès de ses patients qu’avec elle. Pire, elle se tenait toujours disponible lorsqu’il consultait pour répondre immédiatement à ses moindres désirs, ne sortant pour aller prier à l’église et participer aux bonnes œuvres que lorsqu’Hubert effectuait ses visites. Eugénie n’était pas sotte et, comme on disait par ici, elle savait « veiller au grain ». En effet, héritière d’un négoce fondé par son père exilé d’Alsace pendant les troubles du début du siècle, une partie de la fortune d’Eugénie avait servi à acheter et aménager la belle demeure qu’ils occupaient. Elle savait bien qu’un docteur, qu’elle supposait tripoter des femmes nues à longueur de journée pouvait être soumis à la tentation et elle n’envisageait pas d’être supplantée un beau jour par une quelconque gourgandine. Son homme était séduisant, sa situation enviable, et nombreuses étaient celles qui auraient pu être tentées d’en profiter.Quand Hubert remontait à pas lourds en disant : « Quelle journée ! Je suis épuisé… », elle savait qu’il n’avait traité que rhumes, grippes et bronchites. Mais parfois, il grimpait le grand escalier quatre à quatre, relevait les jupes de son épouse et l’enfilait violemment sur un coin de table en criant : « Quelle salope, la mère X…, quelle salope ! », elle savait alors qu’il venait d’effectuer un examen gynécologique sur la « salope » en question qui avait tout fait pour le faire sortir de ses gonds. Eugénie se laissait alors volontiers lutiner, recevait l’hommage de son époux avec des soupirs de satisfaction et lui faisait une toilette génitale complète à grands coups de langue gourmande avant qu’il ne redescende, guilleret et soulagé, recevoir le patient suivant. C’était sa façon à elle de conjurer la concurrence et de rendre Hubert dépendant de son omniprésence. Car en plus, en parfaite maîtresse de maison, Eugénie s’occupait de tout, cuisinant, faisant les courses, veillant au ménage avec juste une aide deux fois par semaine, stérilisant l’outillage du praticien, veillant même à la tenue du parc en dirigeant le vieux jardinier. Ils avaient trouvé leur équilibre et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.Mais un jour, Félicie, la vieille aide-ménagère, déclara qu’il ne lui était plus possible d’assurer ses vacations. Elle était trop âgée et ses enfants lui avaient trouvé une place en maison de retraite près de chez eux, bien loin d’ici. Eugénie était fort ennuyée, car elle aussi peinait de plus en plus à tout assurer, les charges de la maison, l’accueil des patients et les velléités sexuelles de son époux. Retrouver une perle comme Félicie était quasi impossible, le monde et les mentalités ayant trop évolué. On exigeait ceci, on ne toucherait pas à cela, on souhaitait des horaires particuliers et des émoluments conséquents.Après mûre réflexion et comme l’opportunité se présentait, elle opta pour former elle-même une toute jeune fille issue d’une famille fort croyante, méritante et dans le besoin. C’était la quatrième d’une fratrie de huit enfants, qui avait des capacités intellectuelles, mais dont on ne pouvait assurer les études. Ainsi, à quatorze ans et son certificat d’études primaires en poche, Solange entra au service des Verrat, au grand soulagement de sa famille. Une bouche de moins à nourrir, tel était le contrat, et Eugénie aménagea une sympathique chambrette avec un cabinet de toilette sous les combles. Avec un toit à la Mansart, une fenêtre donnant sur le parc, l’espace était vaste, clair, gai avec un papier peint aux larges fleurs pastel, des meubles neufs en chêne clair, un bon lit, une grande armoire-penderie avec miroir, un bureau et même une commode pour le petit linge. La gamine fut éberluée. Disposer de tout cela pour elle seule, qui n’avait connu qu’une chambre sombre partagée avec trois autres de ses sœurs, même pas moitié moins grande avec des lits superposés, elle se croyait dans un palace. Quant à la douche, ce fut pour elle une découverte qu’elle n’apprivoisa qu’avec prudence, habituée qu’elle était au baquet et au broc d’eau plus ou moins tiède versé par un frère ou une sœur.La contrepartie était que, pendant deux ans, Solange devait apprendre à réaliser ses tâches avec Madame Verrat sans le moindre émolument – que le gîte et le couvert – comme les apprentis de l’époque. Ensuite, si tout s’était bien passé, elle percevrait un salaire d’où lui seraient retirés les frais d’hébergement… pour ainsi dire, pas grand-chose. Mais les exigences de la jeune fille étaient à la hauteur du milieu dont elle était issue, et elle se pensait déjà extrêmement favorisée au regard de sa famille. Hubert fut un peu agacé par la présence permanente de cette gamine sous son toit, mais il ravala ses remarques… peut-être était-ce là pour Eugénie une façon de combler le vide d’enfant qu’elle ne pouvait pas avoir. Et puis il constata vite que la petite Solange n’était qu’une ombre, d’une discrétion absolue, d’une grande timidité et qui ne s’adressait exceptionnellement qu’à son épouse.Solange avait des qualités certaines. Courageuse, habituée à aider en toutes circonstances, à s’occuper des plus petits, à laver la vaisselle ou les sols, rentrer le bois ou peler les pommes de terre, rien ne la rebutait. Il s’agissait juste de la civiliser un peu, car la porcelaine ne se lave pas comme un vulgaire grès, et l’argenterie pas comme de pauvres couverts en aluminium. Elle n’était pas sotte, elle apprenait vite et sa docilité émerveillait Eugénie qui se mit en tête d’améliorer les connaissances de Solange. Elle procéda par petites touches discrètes, plaçant quelques livres sur le bureau de la jeune fille, Jules Verne, Dumas, Hugo, Balzac et… un dictionnaire. Cet ouvrage combla de joie l’adolescente qui s’en ouvrit enfin à sa maîtresse.— Oh merci Madame. Vous savez, au début je n’ai pas trop osé toucher aux livres sur mon bureau, pensant qu’ils n’étaient pas à moi. Et puis, l’envie fut trop forte, je l’avoue. Mais de nombreux mots m’étaient inconnus et rendaient ma lecture parfois difficile. Ce dictionnaire, c’est merveilleux. Je vais pouvoir reprendre tous les mots que j’ai notés sur un vieux cahier de classe.Car elle avait tout inscrit soigneusement, comme une élève consciencieuse, avec parfois des annotations terminées par un point d’interrogation, le sens que le contexte lui avait suggéré. Un tel perfectionnisme émut Madame Verrat jusqu’aux larmes. Si elle avait perdu une perle, elle venait d’en trouver une autre. Elle récompensa la jeune fille en l’emmenant acheter de quoi se vêtir décemment, un matin où le docteur était en visite. Elles s’amusèrent beaucoup toutes les deux dans les différentes boutiques, et Solange revint avec des vêtements et des chaussures neufs, ce qui ne lui était encore jamais arrivé parce que, comme dans toutes les familles nombreuses, elle n’avait porté jusque-là que les affaires usagées de sa sœur aînée. Elle était au comble du bonheur.Très vite, Madame Verrat traîna avec elle sa petite soubrette partout où elle allait, de l’église pour prier pieusement au marché pour choisir les produits qu’elles allaient cuisiner. Solange abandonna les recettes presque uniques des façons d’accommoder les pommes de terre et d’utiliser le pain perdu pour des mets plus raffinés et des recettes plus élaborées. Scrupuleusement, elle notait tout sur des cahiers que Madame Verrat avait eu la gentillesse de lui offrir et, au bout d’une année, elle était capable de réussir parfaitement tous les plats préférés du docteur et savait parfaitement ce qu’il exécrait. Dorénavant, non seulement elle faisait la cuisine, mais elle servait sans trembler à la table qu’elle avait elle-même parfaitement dressée. Hubert et Eugénie goûtaient désormais au plaisir de partager l’intégralité des repas et de se faire servir très agréablement.Les progrès de Solange s’étendirent au ménage, à la lessive, puis, dès qu’elle atteignit ses seize ans, à l’accueil des patients. C’était désormais une belle jeune fille, toujours extrêmement timide et réservée, mais en même temps, très sûre et fiable dans les tâches qu’on lui confiait. Progressivement, Eugénie lui laissa prendre des initiatives et se consacra à d’autres activités où elle excellait, comme la broderie et la composition de bouquets. Ils n’avaient juste qu’à s’enfermer dans le secret de leur chambre quand un désir soudain s’emparait d’Hubert. Eugénie se prit même à observer les réactions de son mari à la vue de Solange qui était devenue, au fil des ans, une superbe jeune femme dotée de tous les atouts qui attirent les hommes. Certes, elle n’avait pas la grâce et l’élégance des filles de la bourgeoisie, mais elle n’était pas dénuée de charme et aurait tourné la tête à plus d’un. Hubert paraissait de marbre, pour lui, Solange faisait désormais partie des meubles. L’important était que sa maison soit bien tenue et que la cuisine soit bonne, c’était le cas, tout était parfait.Hélas, la perfection n’est pas de ce bas monde et un grain de sable vint en perturber les rouages. Eugénie fut soudainement prise d’une sorte de langueur, d’une grande fatigue. Oh, rien de grave qui allait certainement vite passer. Inutile d’inquiéter Hubert pour si peu. Simplement, elle délégua quelques-uns de ses pouvoirs à Solange qui assura parfaitement les courses et la cuisine seule, Eugénie n’apparaissant que pour les repas avec un peu plus de poudre de riz sur les joues qu’à l’habitude. Et très vite, dès les premiers patients arrivés, elle retournait s’étendre. C’est lors de l’une de ses envies subites qu’Hubert trouva son épouse livide, agitée de spasmes, ayant vomi son déjeuner dans les toilettes. L’œil exercé du praticien fut immédiatement alerté, il la porta jusqu’à son cabinet, Solange ouvrant les portes. Il lui fit l’auscultation la plus soignée qu’il put, toutes les analyses que son petit laboratoire lui permettait et plusieurs radios également.Pour la première fois de sa carrière, sa main était moite et tremblait lorsqu’il prit le téléphone pour appeler le grand hôpital où il avait été interne durant ses études. Après un bon quart d’heure d’attente, il put enfin s’entretenir avec son vieux professeur, chef de service, et lui délivrer minutieusement toutes ses observations. Il avait besoin d’une confirmation de son diagnostic dont, pour tout autre que pour Eugénie, il n’aurait jamais douté une seconde. Il sortit la grande Citroën du garage, enveloppa son épouse dans une couverture et chargea Solange de la responsabilité de la maison comme de renvoyer les patients chez eux. Il ne savait pas quand ils rentreraient. Le docteur revint seul, tardivement le lendemain soir, il ne toucha même pas à la collation que lui avait préparée Solange et alla directement se coucher, épuisé. Le lendemain matin, il courut la ville à toutes jambes, essayant de rattraper son retard, ne prit pas le temps de déjeuner et enchaîna les consultations jusqu’à plus de vingt heures. Solange servit le dîner à un homme fatigué, aux traits tirés et à la mine défaite.— Puis-je avoir des nouvelles de Madame, osa la jeune femme ?— Hélas, pas bonnes, Solange, pas bonnes. Il faut se préparer au pire, et pour très bientôt.— Mais… comment est-ce possible, elle allait si bien il y a encore quelques semaines ?— Un crabe, Solange, un crabe… et mal placé. Il n’y a rien à faire…La jeune femme ne voyait pas vraiment ce que représentait ce mot, ne connaissant que l’animal coûteux qu’elle cuisait parfois au court-bouillon. Ce devait être un terme médical qu’elle ignorait, car elle ne voyait pas comment cette bestiole marine aurait pu entrer dans le corps de sa patronne. Néanmoins, la perspective de sa fin proche lui tira quelques larmes. Et elle, qu’allait-elle devenir sa protectrice disparue ? Ce n’était pas le plus grave. Pour le moment, il lui fallait soutenir le docteur de son mieux et… espérer.— Juste un détail, sans vous ennuyer, Monsieur le Docteur. Madame me donnait de quoi faire les courses et maintenant…— Ah oui, bien sûr. Excusez-moi, je n’y avais pas pensé. Par habitude, je donnais à mon épouse, chaque début de mois, une somme nécessaire au fonctionnement de la maison et qu’elle rangeait je ne sais où. C’est à vous que je la donnerai dorénavant en comptant sur votre honnêteté. La somme est fixe, ne me demandez pas de complément, j’ai horreur de ces questions d’argent. Et si vous ne dépensez pas tout, le reste est pour vous. Faites pour le mieux.Il lui tendit une liasse de billets sortie de son portefeuille, une somme considérable pour Solange qui n’avait jamais tenu en main autant d’argent. Il est vrai que depuis ses seize ans elle percevait un salaire, cent francs mensuels dont il fallait retirer quatre-vingts francs d’hébergement. Elle ne touchait donc réellement que vingt francs, dont elle donnait la moitié à sa mère, le dimanche après la messe, pour l’aider à élever ses frères et sœurs. Le reste, elle l’économisait et venait de dépasser la somme fabuleuse de deux cent cinquante francs. Une fortune, SA fortune. Et là , elle compta et recompta, elle tenait dans sa main tremblante l’incroyable montant de mille francs. Elle réfléchit longuement. Ce ne pouvait être seulement pour les courses, tout au plus dépensait-elle cent ou cent cinquante francs par semaine, et encore. Ah oui, il y avait son salaire, mais vingt francs, ça ne faisait pas le compte. Mais peut-être y avait-il aussi le salaire de Jeannot, le jardinier, qu’elle ignorait. Il faudrait lui demander. On l’appelait « le jardinier », mais Jeannot faisait bien d’autres choses. Certes, du printemps à l’automne, il passait le plus clair de son temps à entretenir le parc. Mais le vieil homme, au moins cinquante ans, pensait Solange, faisait bien d’autres travaux, comme la peinture des fenêtres, des volets, des grilles, et l’hiver il s’occupait de la chaudière à charbon située dans la cave, qu’il chargeait matin, midi et soir. Le charbon, en voilà une autre dépense, mais aussi l’électricité et le gaz de ville. Solange se souvenait que, lorsque le préposé passait relever les compteurs, Eugénie courait jusqu’à sa chambre et revenait avec la somme demandée. C’est sûr, sa patronne cachait sa cagnotte dans sa chambre. Fallait-il en faire autant ? C’était certainement très sûr, mais peu pratique avec sa chambre au second étage. Elle envisagea plusieurs solutions : le four, trop risqué ; la boîte à sucre, là où les voleurs vont chercher comme sous le matelas ou les piles de draps ; elle opta finalement pour un endroit où elle seule avait accès, le placard à chaussures dans lequel il y avait une boîte en bois contenant le nécessaire d’entretien, brosses, chiffons et cirages, disposés sur un plateau mobile laissant un bon espace au-dessous pour d’éventuelles réserves. C’est là qu’elle cacha son trésor.Ce mois-là serait son mois de référence. Elle allait provoquer toutes les dépenses possibles, d’autant qu’elle tenait à ce que tout soit impeccable pour que le pauvre docteur n’ait pas de soucis supplémentaires. Les débuts de ses relations avec Jeannot furent difficiles, le bonhomme un peu bourru n’admettant guère que la bonne lui donne des ordres.— Moi, si c’est pas Madame qui m’le dit, j’fais pas.— Mais Jeannot, implora Solange, Madame est à l’hôpital, et gravement malade. Pour le moment, elle n’est pas capable de te dire les choses. Je ne suis pas là pour t’embêter, tu sais. Juste qu’il faut que le bon docteur soit dégagé de tout problème… Il a bien d’autres choses à penser. Il est déjà mal en point et bien fatigué, tu sais…Comme à son habitude, le taiseux ne répondit pas. Mais en fait il fit tout ce que Solange lui avait demandé. Il fit faire le plein de charbon, commanda un lot de peintures pour les grilles et les fenêtres, ses engrais et ses plants pour l’année, le carburant pour les machines. Il releva les compteurs d’eau, de gaz et d’électricité que Solange courut régler et accepta de signer le registre pour les cent cinquante francs de son salaire. Bilan, sur mille francs la jeune femme en avait déboursé sept cent cinquante le quinze du mois, elle ne parvint même pas à dépenser le solde en remettant à niveau tous les produits d’entretien, les produits de base de la cuisine, les apéritifs et les vins de la cave, car le docteur buvait systématiquement un verre de Bordeaux avec son fromage. Probable qu’Eugénie avait constitué une cagnotte de secours en cas de gros pépin. Probable également qu’elle dépensait pour ses bonnes œuvres. Toujours est-il que, passé ce mois exceptionnel, Solange dormait tranquille pour les mois à venir qui devaient être beaucoup moins dispendieux, et qu’elle abordait avec soixante-dix francs d’avance.Hubert allait à l’hôpital aussi souvent qu’il le pouvait. Il y passait les week-ends et s’échappait dès que le nombre de visites ou de consultations le permettait. Un jour, il appela Solange :— Mon épouse voudrait vous voir. Mais je vous préviens, elle est sur la fin et ce n’est pas très beau… Essayez de ne rien montrer.Solange monta, tout intimidée, dans la grande limousine noire. Cela peut paraître inouï, mais c’était la première fois qu’elle montait dans une automobile. On l’avait bringuebalée dans des remorques au moment des moissons, parfois sur le tracteur pour revenir des champs, mais jamais elle n’avait eu l’occasion de monter dans une voiture. Dieu que cet engin allait vite ! Elle s’avoua soulagée quand l’auto s’arrêta dans la cour de l’hôpital. Madame était dans un état tel qu’elle ne l’aurait pas reconnue. Amaigrie, des tuyaux connectés à ses bras, et ce teint… Jaune au-delà du jaune, virant presque au marron. Elle était à faire peur. Solange esquissa un sourire, réprimant son effroi.— Ma petite Solange, murmura la malade, prends bien soin de ma maison et de mon cher docteur. Il a fait tout ce qu’il a pu, tu sais, mais je sens bien que le Seigneur me rappelle à lui. Bon courage ma petite…Solange attendit d’avoir franchi le seuil de l’institution pour exploser en larmes, un chagrin dévastateur, inextinguible. Elle ne vit même pas le trajet de retour. Le docteur essaya en vain de la calmer, ce n’est que pour lui servir le meilleur dîner possible qu’elle contrôla tant bien que mal ses sanglots.Huit jours plus tard, les obsèques d’Eugénie eurent lieu. L’église n’était pas assez grande pour contenir la foule accourue de tout le canton. Le curé du haut de sa chaire tentait de prononcer des paroles apaisantes, mais sa voix était couverte par un brouhaha de sanglots et de nez mouchés. Hubert faillit à la tradition du petit coup à boire après le cimetière, c’était trop lui demander. Ils rentrèrent aussitôt à la maison, le docteur dans son cabinet, Solange et Jeannot assis sur les marches du perron.— Tu l’aurais vue il y a une semaine, elle était méconnaissable…— T’as ben de la chance de l’avoir vue, moi j’ai rin vu du tout.— Oh tu sais, c’était si horrible que j’en ai pleuré tout le soir et toute la nuit. Elle m’aimait bien parce que j’étais un peu comme la fille qu’elle a pas eue. Faut pas leur en vouloir.— Tout ce que j’sais, c’est qu’ce sera plus pareil…— Pourquoi dis-tu ça ? Le docteur a encore besoin de nous, non ?— Voui, mais ce sera plus pareil. J’te le dis.Quand Solange rentra se changer, elle entendit le docteur parler dans son bureau, au téléphone certainement. Elle lui prépara un bon dîner.— Oh, merci Solange, mais c’est trop copieux. Je n’ai guère faim. Voilà , tout est dit et fait, il n’y a plus qu’à apprendre à vivre sans Madame. Vous entendrez peut-être dire ici et là qu’en épousant Eugénie j’ai épousé sa fortune. Sachez qu’elle était et qu’elle restera l’amour de ma vie. Le reste, ce n’est que du matériel sans importance. Solange, je suis dévasté, incapable de travailler sereinement, incapable même de vivre ici au milieu des affaires de mon épouse. Alors je vais partir quelque temps, trois semaines, un mois, je ne sais pas encore. J’ai contacté un confrère qui a une maison de repos sur la côte, je vais essayer d’y retrouver un certain équilibre. J’ai vu toute l’affection que ma femme avait pour vous, c’est vrai que vous le méritez. Alors je vais vous confier une tâche difficile et douloureuse. Pendant mon absence, vous allez vous débarrasser de toutes les affaires d’Eugénie, faire le vide, que je ne sois pas obligé sans cesse d’y penser, vous comprenez ? Moi-même je n’aurais pas le courage de le faire. Et revoyez aussi la décoration de la maison, faites à votre goût et pour le mieux. Je crois que ça m’aidera à tourner la page. Tenez, voici vos mille francs pour le mois et encore deux mille francs pour ces dépenses de décoration, si ce n’est pas suffisant faites un crédit, je réglerai en rentrant.Solange ne sut que dire. Elle se tenait là , dans sa cuisine, trois mille francs dans la main, soudain investie d’une énorme responsabilité qu’elle mesurait à peine. Déjà , elle entendit vrombir le moteur de la Citroën, le docteur n’avait pas voulu passer une seule nuit de plus dans la chambre de la défunte et roulerait toute la nuit. Elle erra dans l’appartement, ouvrit toutes les portes et chercha par quel bout commencer. À n’en pas douter, il fallait commencer par enlever les affaires de Madame, toutes ses affaires personnelles de la chambre à la salle de bains. Ensuite, elle se dit que le mieux serait de se débarrasser des vieux meubles, pourtant jolis et de valeur, et de changer peintures et tapisseries. Après… après elle verrait. Si, une chose était certaine, il fallait un tapis dans le couloir et dans les escaliers. Elle trouvait depuis son arrivée que les bruits de pas étaient insupportables depuis le rez-de-chaussée. Dès le lendemain matin, après une nuit agitée, elle accrocha une pancarte à la grille, « Fermé pour congés annuels ». Puis elle fila au presbytère pour trouver de l’aide afin d’éliminer les affaires de Madame. On lui donna l’adresse de la présidente de l’association de bienfaisance dont faisait partie Eugénie. Après quelques atermoiements, la bonne femme se déclara prête à venir récupérer tous ces « trésors » dès le lendemain. Elle rentra et ouvrit grand les volets partout. Le docteur avait laissé un dernier mot sur son bureau :— Solange, n’oubliez pas de donner un litre de vin chaque jour à Jeannot. Ça ne lui fait pas de bien, mais je sais que mon épouse le faisait en cachette…Ah voilà ! La clé pour obtenir les faveurs de Jeannot. Elle fonça à la cave et porta une bouteille au jardinier.— Ah ben ça, en v’là une bonne idée !— Jeannot, tu en auras d’autres, tous les jours, mais il faut que tu me donnes un coup de main. Voilà ce qui m’arrive…Elle lui narra ce que le docteur lui avait demandé et ce qu’elle pensait faire.— Seulement tu vois, les meubles me paraissent avoir beaucoup de valeur et je crains de me faire engueuler si je les donne n’importe où. Y a-t-il de la place dans la cave ?— Ben tu sais comme moi, y a trois parties : le charbon et la chaudière, la cave à vin et le foutoir.— Qu’est-ce que tu appelles le foutoir ?— Oh, c’est un peu comme une décharge, un tas de vieux trucs entassés depuis bien avant qu’ils aient la maison…— Jeannot, il faut que tu vires ça et que tu fasses de la place pour les meubles. Ensuite, il faut que tu descendes les meubles à la cave.— Oh, ben ça c’est pas trop dur, ça se démonte. Mais dame, pour faire le vide… faudrait qu’je trouve mon beau-frère…— Va le chercher et ramenez aussi des cartons.Solange se démena comme une folle. Elle sortit tous les vêtements de sa défunte patronne, les triant par type : lingerie, lainages, robes, manteaux, tailleurs, chaussures, accessoires. À chaque fois, elle vérifiait les poches ou le contenu des sacs à main. C’est là , dans une pochette de cuir brun, qu’elle trouva la cagnotte d’Eugénie, cachée au milieu des autres sacs. Il y avait là quatre mille huit cent cinquante-trois francs, une vraie petite fortune. Elle courut cacher la pochette avec sa propre cagnotte, elle en parlerait au docteur dès son retour. Enfin Jeannot revint avec son beau-frère dans une camionnette de chantier. Elle remplit les cartons pendant qu’ils commençaient à vider la cave, puis elle alla les rejoindre. Elle fit bien, car au milieu des bassines percées, échelles pourries, cadres de vélos rouillés, il y avait également un joli secrétaire, une coiffeuse ancienne avec son broc et sa cuvette et un superbe lustre en cristal. Elle n’avait peut-être pas beaucoup de connaissances en matière d’antiquités, mais elle savait reconnaître ce qui avait de la valeur. Pendant qu’ils partirent vider le véhicule, elle nettoya l’endroit aussi bien qu’elle le pouvait, à grands coups de balais de paille, du sol au plafond. Elle disposa ensuite sur le sol de terre battue les vieilles planches qu’elle avait tenu à conserver, faisant comme un plancher grossier. Il n’y avait plus qu’à démonter les meubles et les porter là . Même si ça avait coûté une bouteille de vin supplémentaire, le soir la chambre était totalement vide, les cartons descendus dans le hall. Les dames des bonnes œuvres vinrent les récupérer le lendemain matin, un peu désabusées de n’avoir pas pu tripoter et papoter autour de cette marchandise de luxe. Elles le feraient au déballage, à n’en pas douter.Pour le reste, c’était sans compter avec les artisans dont le calendrier était trop chargé, ils pourraient, mais dans deux mois, et il fallait aller les dénicher sur le chantier où ils vous recevaient comme un chien dans un jeu de quilles. C’est en quittant l’un de ces chantiers qu’un jeune ouvrier peintre la rattrapa.— Hé ! Mademoiselle ! Vous avez bien dit que c’est pour le docteur Verrat ?— Oui Monsieur.— Alors… Euh… Si vous voulez et si ça vous arrange, je peux venir travailler le soir après débauche et les week-ends. Vous comprenez, le bon docteur a sauvé ma fille qui faisait une péritonite. Je lui en suis tellement reconnaissant, je ferais n’importe quoi pour le remercier. Sans lui…— Ah ça, c’est vraiment très gentil. Eh bien volontiers, vous pouvez passer ce soir, pour voir ?— D’accord, ce soir six heures.Ouf, un peu de baume au cœur. Le jeune homme, d’à peine une trentaine d’années, vint effectivement le soir même accompagné de sa femme et de leur adorable petite fille, sauvée de justesse par le docteur. Solange ne se souvenait pas de cet épisode, qu’elle avait pourtant dû vivre, et pour cause, le docteur ne parlait jamais de son travail ni de ses patients. Peut-être était-il effectivement parti, une nuit, en urgence vers l’hôpital, mais comme il était appelé, fréquemment personne n’aurait pu deviner. Il prit les mesures, en fit une fiche pour Solange et lui dit d’aller de sa part chez un fournisseur avec ces éléments et de choisir peinture, papier et moquette. Le lendemain, la jeune femme prit le bus jusqu’à la ville, fit les magasins de meubles puis le fournisseur et commanda. Elle avait été séduite par une chambre de style japonais, grand lit très bas, mobilier clair partiellement en bambou, elle prit donc un papier blanc avec quelques lés aux décors de bambous feuillus, d’autres aux motifs de porte coulissante en papier opaque. Moquette vert clair. Et puis de la laque gris perle pour la salle de bain et pour la cuisine, des bandes de moquette rouge pour le couloir et les escaliers. Le total dépassait un peu les deux mille francs, mais elle comptait dépenser très peu ce mois-ci, le docteur étant absent, juste la paye de Jeannot, elle se nourrirait sur les réserves.En deux semaines et deux week-ends, la maison avait partiellement changé. Solange redoublait d’activité, lavant tous les stores, portant les rideaux de velours et les tapis fanés chez le teinturier, briquait, encaustiquait, lavait les vitres pour plus de clarté. Jeannot, du moment qu’il recevait sa récompense quotidienne, jouait bien le jeu. Toute la grille et le portail furent repeints de frais d’un beau vert profond et les pics dorés. Les parterres furent bêchés et garnis de plants de fleurs multicolores. Il passa également le bas de façade, les marches et les balustres du perron au jet et à la brosse, donnant un vrai coup de jeune à la bâtisse. La troisième semaine, on fignola les détails. Le petit peintre, avec l’aide de Jeannot, démonta la lourde porte d’entrée couverte de nombreuses couches de laque, la décapa au brûleur puis à l’eau oxygénée, et la revernit de trois couches incolores mettant le bois en valeur.Solange nettoya et cira le secrétaire et le meuble de toilette trouvés dans la cave. Elle installa ces jolis petits meubles dans le grand hall : l’un, pour recevoir des fleurs coupées, l’autre, pour qu’elle puisse y poser un second téléphone et un agenda de façon à mieux seconder le docteur en prenant ses rendez-vous, comme une parfaite secrétaire. Elle nettoya patiemment chacune des pendeloques du lustre de cristal, rattacha celles qui s’étaient décrochées et se fit aider par Jeannot pour mettre en place la lourde suspension. Avec la moquette rouge de l’escalier, l’entrée avait pris une majesté inhabituelle.Bouillante d’impatience et n’y tenant plus, elle se résolut à utiliser une partie de la cagnotte d’Eugénie pour parachever la transformation. Elle acheta deux postes de télévision, jusque-là absents de la maison, et obtint ainsi la pose gratuite d’une antenne. Un grand téléviseur dans la salle à manger, un petit dans la chambre du docteur, espérant ainsi le distraire un peu. À la fin des trois semaines, la pauvre fille était absolument éreintée, plutôt satisfaite de ce qu’elle avait accompli, mais terriblement anxieuse de la réaction du docteur. Hélas, la troisième semaine était écoulée et elle n’avait toujours pas de ses nouvelles, ne sachant même pas où le joindre. L’attente fut insupportable. Elle trompa son impatience en achetant à vil prix des cageots de légumes et de fruits en fin de marché, et en fit des conserves et des confitures pour remplir une collection de bocaux trouvés en vidant la cave. Ce serait autant d’économies et de facilité pour l’hiver prochain. Enfin, un soir de la quatrième semaine, le téléphone sonna :— Solange ? Je rentrerai samedi soir. Préparez-moi un dîner léger.Ce genre de phrase laconique était bien de la facture de Verrat, mais sa voix lui parut étrangement calme et monocorde. Enfin le grand soir arriva. Le soleil se couchait à peine lorsque les pneus de la grosse voiture firent crisser le gravier bien ratissé de l’allée. Solange alluma le luminaire brillant de tous ses cristaux et se précipita sur le perron dans sa plus belle toilette. Surprise ! Plus de moustache, de barbiche ni de redingote, mais un costume de lin blanc cassé, de larges lunettes de soleil et une peau très bronzée. Le toubib était transformé.— Oh oh ! Mais ici aussi il y a eu des transformations à ce que je vois… Très bien la porte, le hall. Suivons ce tapis qui invite à aller voir plus haut… Parfaite, la chambre, j’aime beaucoup. Et bonne idée la télé, je l’ai beaucoup regardée ces derniers temps, n’ayant pas grand-chose d’autre à faire, et je craignais qu’elle ne me manque. Quoi d’autre ? Ah, la salle de bains. Jolie comme ça, plus moderne. Et la cuisine aussi, parfait. La télé dans la salle à manger, pourquoi pas ! Mais Solange, vous prendrez l’habitude de prendre vos repas à ma table. Rien n’est plus pénible que de manger seul…Le ton se voulait enjoué, les compliments un peu forcés, quelque chose sonnait faux dans l’attitude du docteur prodigue, et cela gênait beaucoup Solange. Elle s’installa un couvert face au docteur et servit le dîner, une salade frisée aux gésiers confits, fromage et tarte aux pommes. Il termina son verre de vin et déclara :— C’était parfait, Solange. Comme d’habitude, vous êtes parfaite.— Monsieur le Docteur, je fais ce que je peux. Mais vous paraissez… distrait, absent si je peux me permettre.— Oui, je sais, c’est un peu ça. Je vais vous faire une confidence. Vous savez, je me suis totalement effondré en arrivant chez cet ami. Un violent accès de dépression. Heureusement qu’il en est spécialiste. Sans lui et sans la chimie, je crois que je ne serais plus là aujourd’hui. Si je suis rentré, c’est que je pense avoir retrouvé toutes mes facultés intellectuelles, je les ai testées cette semaine en posant grâce à lui quelques diagnostics, tous justes. Et retravailler me fera du bien. Mais je suis encore dépendant de petits comprimés : les uns pour dormir, les autres, pour paraître en forme, mais ils me donnent le sentiment du cycliste qui se regarderait pédaler, si vous voyez ce que je veux dire. Mon mental et mon corps ne sont pas encore pleinement superposés. Il faudra encore quelque temps et je diminuerai progressivement les doses.— Bien, je l’espère de tout cœur. Je ne veux pas vous perturber avec cela, mais il faudra bien en parler à un moment ou à un autre. Autant le faire tout de suite et ne plus y revenir. Madame avait une « cagnotte » dans ses affaires, certainement celle qui lui servait au bon fonctionnement de la maison. Je dois vous la rendre, mais, comme je n’avais pas tout à fait assez pour couvrir tous les travaux, j’ai dû piocher dedans.— Il en reste ? Eh bien, gardez-la et on n’en parle plus. Quoi d’autre ?— Un coffret de bijoux. J’ai pensé qu’il ne fallait pas les distribuer à l’encan.— Vous avez bien fait. Si un jour j’ai le courage, j’y jetterai un œil. C’est tout ? Sachez que j’apprécie ce que vous avez fait, mais… je dois prendre mes pilules et aller me coucher. Bonne nuit.Ainsi passèrent des jours, des semaines, quelques mois. Hubert paraissait absent, les repas se déroulaient en silence, chacun se réfugiant dans la télévision. Pourtant le praticien réduisait régulièrement ses doses de calmants et d’anxiolytiques, sans pour autant recouvrer son assurance d’antan. Son arrêt prolongé, habituellement il ne prenait qu’une semaine de congés deux fois par an, avait un peu allégé sa clientèle, et puis il y avait ceux qui se sentaient gênés devant le veuf, ceux encore qui ressassaient les mêmes condoléances. Au point qu’il dut écrire un texte de remerciement, affiché dans la salle d’attente, pour couper court à ces refrains. Mais en plus, il avait réduit ses consultations aux stricts rendez-vous, pris par Solange sur son joli secrétaire : quatre par heure, de treize heures trente à dix-huit heures trente, soit pas plus de vingt par après-midi. Financièrement, il pouvait se le permettre et le revenu restait conséquent, avec une trentaine de patients par jour plus de vingt jours par mois. Au pire, il y avait l’héritage d’Eugénie qui le positionnait comme l’une des fortunes de la ville. Simplement, il avait perdu cette foi qui l’animait auparavant, cette certitude d’œuvrer pour le bien de l’humanité. Aujourd’hui, s’il n’avait pas le temps d’examiner telle ou telle personne, elle irait probablement chez un confrère et c’était très bien ainsi.Pire, un beau jour il fut pris d’une sainte colère. Madame Sery, épouse d’un brave commerçant, mais de nature volage, prit rendez-vous et vint minauder dans son cabinet.— Voilà Docteur, la chose est très… délicate. J’ai pensé que pour l’hygiène il était mieux de se raser le pubis, n’est-ce pas ?— Question de goût… mais la nature est bien faite. Avec ou sans poils, l’hygiène n’est pas un problème.— Donc, je me suis rasée intégralement, mais je me suis légèrement blessée. Regardez…Et la bonne femme, au demeurant plutôt belle plante avec déjà un décolleté plongeant comme un scaphandrier, se mit à tortiller du cul pour remonter sa jupe étroite. Peu à peu, l’étoffe noire tendue à l’extrême mit à jour le cercle de dentelle de ses bas soutenus par un porte-jarretelles de la même couleur. Puis apparut en parfaite liberté une de ces foufounes enfantines que se fabriquent à coups de rasoir les femmes accomplies. Tout proche, un minuscule sparadrap était censé couvrir la ridicule éraflure.— Voyez, Docteur, en plus c’est assez inesthétique. N’y aurait-il pas une crème ou quelque chose qui soigne et camoufle à la fois ?— Non, Madame. Et concernant l’hygiène, il serait mieux d’éviter de vous promener cul nu !Il fit le tour de son bureau, attrapa la mère Sery par une fesse et la conduisit manu militari sur le perron.— Madame, laissez ce cabinet libre pour les gens qui en ont vraiment besoin et utilisez une crème d’arnica pour les bleus que vous aurez aux fesses !Elle avait beau protester son indignation, il lui claqua la porte aux fesses et grimpa à l’étage, suivi par Solange médusée.— Solange, un verre de lait s’il vous plaît. Je vais me faire un ulcère si ça continue…— Si je peux me permettre, Docteur, voilà une saine colère que je n’avais pas entendue depuis fort longtemps. Je ne suis pas médecin, mais je crois que vous allez vraiment mieux.— (il rit) Vous avez peut-être raison. Je vais tenter d’arrêter tout traitement.Rire lui avait fait du bien, le lait également. Mais c’était insuffisant pour calmer la trique que lui avait donné le strip-tease de la mère Sery. Eh oui, des mois sans faire l’amour, il était parti au quart de tour. Et Eugénie n’était plus là pour apaiser ses pulsions. Du coup, en terminant son grand verre de liquide immaculé, il jeta un œil différent sur la soubrette. Il ne l’avait jamais regardée que comme une gamine, mais elle était devenue une jeune femme pleine d’avantages, et davantage encore.— Au fait, Solange, quel âge avez-vous ?— Vingt ans, Monsieur, bientôt vingt-et-un.— Dieu que le temps passe vite… Dites-moi, il y a longtemps que je ne vous ai auscultée ? Je ne parviens pas à me souvenir…— Jamais, Monsieur.— Jamais ? Ah, le dicton est bien vrai, ce ne sont pas les cordonniers les mieux chaussés. Eh bien il est grand temps de le faire, on n’est jamais trop prudent, je sais de quoi je parle. Ce soir, le dernier patient est à dix-sept heures. Faites vos ablutions et venez dans le cabinet après lui.— Bien Docteur.La perspective de voir le corps de cette petite le rendit tout guilleret en descendant prendre le patient suivant. Il travailla vite et bien, pensa-t-il, pressé de voir arriver Solange. Autant avait-elle pu le faire rire une heure plus tôt, autant elle redevint tout intimidée en s’asseyant devant lui devant le grand bureau, qu’elle époussetait cependant quotidiennement.— Alors, nous allons faire une fiche puisque c’est la première fois. La coutume et l’aide-mémoire. Nom, prénom, date de naissance, sexe, taille, poids…— … pour la taille et le poids, je n’en sais trop rien, excusez-moi.— Ce n’est pas grave, on va mesurer cela tout de suite. Déshabillez-vous et rejoignez-moi à côté.La jeune fille s’empourpra. Elle s’y attendait bien un peu, mais… pas aussi vite, pas comme ça… Elle ôta cependant ses vêtements, gardant juste soutien-gorge, culotte et chaussures.— Ah non, non, non. Complètement, même les chaussures. Je ne vais pas vous mesurer ni vous peser avec, ce serait tricher.Elle posa donc les derniers remparts de sa pudeur et revint dans la salle blanche, une main sur le pubis et un bras devant les seins. Le docteur avait posé sa veste et revêtu une blouse, blanche également.— Allez, Solange, détendez-vous. Vous n’êtes ni devant un homme, ni devant votre patron, mais devant le médecin. Tout ce qui se passe ici est confidentiel et ne regarde que vous et moi. Allez, mettez-vous là , pieds joints, dos au mur, bien droite et sans tricher. Voilà . Un mètre soixante-huit, hé pas mal ! Montez sur la bascule… ne bougez plus… soixante-deux kilos. Pile au milieu de la courbe, c’est parfait. Grimpez là -dessus et tenez-vous bien droite, les mains sur la couture du pantalon, que vous n’avez pas…Elle obéit avec un petit rire nerveux. Ce n’était qu’un marchepied, une boîte en bois peint avec un morceau de moquette dessus, qui permettait au médecin de placer le patient à hauteur d’observation. Et ce qu’il observait le ravit, son pantalon pouvait en témoigner, heureusement dissimulé sous la blouse. Oh, ce n’était pas Miss Monde, elle était au-dessus du poids et en dessous de la taille. Mais c’était « un bel animal », comme il pensait. Puissante et solidement charpentée, avec des chevilles, des poignets et des genoux un peu trop épais, elle était cependant harmonieusement charnue, avec une lourde poitrine qui tenait encore merveilleusement bien (ah ! la jeunesse !), une taille bien prise, un buste magnifiquement en V, peut-être un peu trop long, des hanches parfaitement galbées, des fesses un peu trop plates et trop basses, des jambes un peu trop courtes, mais tellement musclées, comme une parenthèse vers l’avant pour la cuisse, une autre vers l’arrière pour le mollet. Une belle touffe en éventail châtain terminait somptueusement un ventre plat et attirait autant la main que le regard.— Regardez loin devant vous, bien droite…Il soupesa l’un après l’autre les deux seins bien fermes, elle sursauta quand sa main en effleura le téton qui se dressa aussitôt, congestionnant l’aréole. Très sensible cette petite. Il en fit le tour, n’en finissant pas de se régaler de ce spectacle inhabituel. Il passa un doigt sur sa colonne vertébrale, du cou aux fesses, ce qui provoqua une chair de poule.— Penchez-vous en avant… encore… touchez la pointe de vos pieds avec vos mains…Le mouvement fit jaillir une partie de la vulve épaisse entre le haut des cuisses, admirables boudins velus. L’arrière de son crâne était assez plat, et l’on aurait pu tracer une ligne continue du sommet de la tête au coccyx, courbe parfaite sans le moindre défaut.— Bien, redressez-vous et levez les bras, mains sur la nuque…Il palpa les dessous des bras sans rien trouver d’anormal, mais lui tirant des grimaces.— Ah oui, désolé, mais une palpation sans grimaces n’en est pas une. Ce n’est pas une caresse, j’essaie de voir ce qu’il y a sous votre peau, et notamment les choses qui pourraient être anormales. Bien, tout va bien. Asseyez-vous maintenant au bord de la table, là .Il approcha le marchepied pour lui permettre de grimper et de se retourner. Il s’empara d’une sorte de maillet rond entouré de caoutchouc, lui prit un bras et frappa sur le coude, l’autre. C’était drôle, le bras bougeait tout seul. Il fit la même chose avec les genoux.— Très bien tout ça. Étendez-vous maintenant sur la table de torture. N’ayez pas peur, je plaisante. Mais je vais maintenant vous palper les glandes mammaires, les seins si vous préférez. C’est un endroit dont les tumeurs raffolent, il faut le faire régulièrement, même si ce n’est pas très agréable.Une main à plat, les doigts de l’autre en opposition, il procéda sur les deux globes quartier par quartier. Il y prenait un certain plaisir et finit par se dire que, si c’était sa première auscultation, elle ne verrait rien à redire s’il la pelotait un peu. Ce qu’il fit, l’air inspiré et concentré sur ses sensations, très professionnel. Bon sang quel délice ! Il bandait comme un taureau. Il osa même vérifier s’il n’y avait pas de tumeur dans les tétons en les étirant, les pinçant, les roulant entre pouces et index. Elle était rouge, le souffle court, et finit par lâcher un gémissement.— Je vous fais mal ?— Euh… non, pas vraiment… ça me fait des choses…— Des choses ? Et quoi comme choses ?— Ben… je sais pas trop… comme de l’électricité et ça me chatouille dans le ventre…— Ah ah ! Voyons cela…Il redoubla ses « palpations », serrant la base d’un sein d’une main pour en faire dilater l’aréole et massacra le téton de l’autre main. La jeune fille geignait plus fort et commençait à se contracter, arquant le dos.— Oh ! Docteur, docteur…— Oui Solange ?— Oh, c’est insupportable…— Quoi donc ?— Dans mon ventre…— Où ? Là ?— Oui… Non… plus bas…— Là ?— Encore plus bas…— Peut-être bien là ?— Oh oui… oui… ouiii !— Hum… Je vois.Il retira à regret sa main de l’épaisse toison, son majeur était déjà tout mouillé. Il alla s’installer sur un tabouret au bout de la table, entre les cuisses relevées de Solange qui suait à grosses gouttes. Il chaussa cette espèce de lampe frontale avec un grand réflecteur et fit plein feu sur la jeune vulve.— Vous croyez que c’est grave, Docteur ?— Pour l’instant, tout me paraît normal.— Normal ? Mais j’ai jamais senti ça ?— Vous avez un petit ami ?— Non…— Vous n’en avez jamais eu ?— Ben non, pas le temps, trop de travail à la maison.— Alors vous êtes encore…— Vierge, oui Docteur. Pourquoi ? C’est mal ?— Non non, vous êtes une fille sage, mais il vaut mieux que je le sache pour poursuivre l’auscultation.Bon sang, un tel petit bijou et toujours vierge de surcroît, et vivant sous son toit. Une belle vulve s’offrait à sa vue, épaisse, gorgée de sang, velue à souhait avec des poils déjà humides et collés le long du sillon. Il l’écarta de deux doigts, les nimbes se séparèrent avec un bruit mouillé. Deux belles ailes de papillon apparurent alors, discrètement froissées, roses, odorantes. Il les écarta d’un doigt provoquant un nouveau sursaut de la jeune fille. Quelle belle fleur au parfum musqué ! Il écarta encore, dégageant le petit capuchon sous lequel s’abritait un adorable bourgeon pâle, presque transparent. Il porta la main à son pantalon, caché par la table, pressant sa queue douloureuse d’être ainsi contrainte.— Comment qualifieriez-vous vos règles ? Régulières ? Abondantes ? Douloureuses ?— Euh… je n’ai pas de points de comparaison. Je dirais très régulières, abondantes les deux premiers jours, mais pas vraiment douloureuses. Juste un peu mal au ventre la veille, ça me prévient.Il rêverait de pouvoir goûter à tout cela à pleine bouche. Il se rehaussa et tira un peu sur les petites lèvres pour observer l’entrée de la grotte. Il aperçut en effet quelques lambeaux d’hymen, déjà partiellement déchiré, mais tout de même bien présent, confirmant les allégations de Solange.— Vous pratiquez souvent l’onanisme ?— Comment ?— Est-ce que vous vous masturbez, est-ce que vous jouez avec votre sexe le soir dans votre lit, par exemple ?— Oh non, Docteur. Chez nous, nous étions quatre à dormir dans la même chambre, alors… Et puis après j’étais pensionnaire chez les sœurs et il fallait dormir avec les bras sur les draps. J’en ai gardé l’habitude. Elles nous disaient que c’était mal et que ça pouvait rendre malade…— Donc vous ne touchez jamais à ce petit bouton-là (elle sursauta) ?— Non, Docteur, sauf en me lavant… C’est… sensible.— Ça vous fait mal quand je le touche comme ceci ?— Ah… non, pas mal… mais ça fait des choses…— Et comme cela ?— Ouh ! Oui, pareil.Il prit un peu de vaseline dans un petit pot et frotta doucement le minuscule organe. Les étriers où la jeune femme avait posé ses talons émirent des grincements tandis qu’elle se raidissait. Il continua imperturbablement, faisant de petits cercles de pression variable. Solange hoquetait et soufflait fort. Il insista, accéléra ses mouvements, augmenta la pression.— Docteur… oh docteur… oh… oh… hou… argh…Sournoisement et en vieux briscard du sexe, un autre doigt plongea dans la vaseline et vint se poser au centre de la petite rondelle palpitante et plissée, joliment nichée au fond d’une légère cuvette, bien entourée par l’intérieur si doux des fesses puissantes. Il entama là aussi de petits cercles à pression variable. Cette fois, Solange criait grâce.— Oh Docteur, qu’est-ce que vous me faites ? que m’arrive-t-il ? Je vais mourir ?— Mais non. Un docteur soigne les gens, mais ne les fait pas mourir.— Pourtant Docteur… je deviens folle… tout mon corps devient fou… Ah mon Dieu ! Ahhh ! ahhhhh !Quelques secondes plus tard ponctuées par trois « Ah » proférés à pleins poumons, le corps de Solange décolla de la table par trois fois, totalement arqué sur ses épaules et ses talons, puis elle retomba et se recroquevilla en fœtus, encore agitée de soubresauts. Hubert n’en pouvait plus de bander et se tenait le sexe à poignée à travers ses vêtements. Il allait éclater. Il posa sa lampe et se leva. Ce qu’il vit le rendit fou. Couchée sur le côté, une grosse bulle de cyprine sortait d’entre les fesses de la jeune fille, une de ces bulles comme on peut en faire avec la salive. Il n’avait jamais constaté ça auparavant. Bien sûr, l’explication était simple, lors de son observation il avait grand ouvert ce petit vagin qui avait emmagasiné un peu d’air, qu’elle chassait en se recroquevillant. Et comme elle mouillait abondamment, une bulle s’était formée et durait, durait… Il était émerveillé et aurait voulu la photographier, immortaliser ce phénomène aussi éphémère qu’exceptionnel. Un motif de plus pour bander encore plus fort si c’était possible.— Qu’est-ce qui m’est arrivé, Docteur ? Qu’est-ce que vous m’avez fait, demanda-t-elle avec le blanc des yeux injecté de sang ?— Pas grand-chose, le plaisir, seulement le plaisir. Ça vous a plu ?— Oh là là ! Je crois que oui, vraiment… mais ça m’a… bouleversée.— Je vois bien.Il hésita un peu et puis il osa, tenir n’était plus possible.— Solange, ma chère Solange, accepteriez-vous de me rendre un immense service ?— Oh, bien sûr, tout ce que vous voulez, dit-elle en se redressant aussitôt.— Vous avez déjà vu le sexe d’un homme ?— J’ai vu celui de mes petits frères quand je les changeais.— Vous savez à quoi ça sert, au moins ?— Oui, à faire pipi et… à faire l’amour, je crois.— Vous croyez bien. On urine quand il est au repos, mais pour faire l’amour il faut qu’il soit excité, et il devient plus gros. On appelle cela une érection. Avez-vous vu un sexe d’homme en érection ?— Non, jamais.— Alors, n’ayez pas peur, ça n’est pas méchant et ça ne mord pas.Prestement, il quitta sa blouse et son pantalon, entraînant son caleçon avec, et apparut complètement nu à son employée.— Voilà , regardez, dit-il à Solange redevenue rouge écarlate. Je voudrais juste que vous le caressiez avec votre main, un peu comme je vous ai fait tout à l’heure. D’accord ?Elle ne fit que hocher la tête, de nouveau timide. Il lui prit doucement le poignet et glissa son sexe apoplectique dans le creux de sa menotte, bien campé entre ses cuisses ouvertes.— Prends et serre bien, comme le manche de ton balai… voilà , comme ça… monte et descends, tu vois, ça coulisse… oh oui, c’est ça, vas-y… oh, c’est bon, continue, ne t’arrête pas… oh oui mignonne…La jeune fille obéissait docilement, faisant de son mieux, levant la tête de temps en temps pour chercher l’approbation de son mentor. Il lui caressa d’abord la tête, qu’il aurait bien aimé voir plonger sur son gland, mais c’était prématuré. Il lui palpa ensuite un sein, juste assez pour s’exciter. Il avait des réserves, des mois de frustration, le bas-ventre lui picotait déjà . Il l’encouragea encore, la fit accélérer, lui demanda de caresser ses testicules avec l’autre main, puis l’orgasme pointa le bout de son nez rapidement.— Oh Solange, c’est bon ce que tu me fais, oh oui, continue… plus vite… serre bien fort… oui… oui… ahhhh !Son rugissement effraya presque la soubrette, plus que les jets d’épais liquide nacré et chaud qui lui éclaboussèrent la poitrine et le ventre. Elle ralentit, le regarda, il avait la tête renversée en arrière, les paupières closes et crispées, la bouche ouverte.— Oh, Solange, oh comme c’était bon, oh merci belle petite…Il la serra contre lui, son sexe encore dressé contre son ventre tout doux, ses seins contre son propre ventre, sa tête contre sa poitrine. Elle enlaça sa taille de ses deux bras et murmura :— Vous êtes beau, Docteur, vous êtes très beau.C’est vrai que le bronzage, presque intégral à l’exception du maillot, lui allait bien et mettait en valeur son corps svelte et musclé qui n’avouait pas sa quarantaine passée. Elle leva la tête vers lui, il se pencha sur elle et sa bouche se plaqua sur la sienne. Leur premier baiser, le tout premier baiser pour Solange qui perdait haleine et se laissait envahir par cette langue inquisitrice. Elle tenta d’y répondre de son mieux, il en sourit malgré lui, touché par ces maladresses de pucelle. Puis soudain il se raidit, se redressa et se recula, reprenant raison une fois son plaisir assouvi.— Oh, je suis désolé, je n’aurais jamais dû. En vingt ans de carrière, je n’ai jamais fait ça. J’ai trahi Hippocrate… Je vous demande pardon, Solange. Promettez-moi que cela restera entre nous. Je… je… je me suis laissé emporter, vous êtes si belle, si désirable… Toutes mes excuses…— Docteur, remettez-vous, je ne vais pas me plaindre à qui que ce soit. Je suis heureuse d’être à votre goût. Est-ce que… l’auscultation est terminée ?— Euh… oui, bien sûr.— Vous me faites une ordonnance, maintenant ?— Non, pas de raison… ou plutôt si, mais pas besoin de l’écrire, c’est juste un conseil, ou disons un avis très personnel. Je crois que vous devriez porter des chaussures à hauts talons, ce qui mettrait vos fesses et votre poitrine encore plus en valeur. Et puis, attacher vos cheveux en petit chignon ou en queue de cheval. Vous avez un très beau profil qu’il faut également mettre en valeur… Mais qu’est-ce que je dis, je déraille encore. Vous me perturbez. Habitué à vous depuis si longtemps, je ne m’attendais pas à découvrir une aussi belle et séduisante jeune femme. Faites comme il vous plaira, votre corps vous appartient. Allons prendre une bonne douche, nous en avons bien besoin.La jeune femme ne répondit pas et monta dans sa mansarde, il fila dans la salle de bains. Au dîner, ils semblaient tous deux un peu gênés et laissèrent la télévision combler le silence et éviter à leurs regards de se croiser. Le lendemain, après avoir cherché dans sa garde-robe, Solange descendit avec des vêtements achetés l’été passé avec Eugénie et qu’elle n’avait encore jamais portés. Les chaussures surtout. Il s’agissait de très hauts sabots de bois au-dessus de cuir, dont elle craignait alors qu’ils ne fassent trop de bruit sur les parquets, mais c’était avant la pose des tapis. Un pantalon à pattes d’éléphant, de ceux qu’on enfile avec peine en trémoussant du popotin, lui moulait les fesses au millimètre. Autant que ce petit pull très échancré, aussi serré qu’une seconde peau, tellement que dans certains mouvements il laissait voir un peu de son dos ou même son nombril. Elle avait concocté une sorte de chignon vertical, enroulant ses cheveux à l’arrière du crâne, ne laissant libres que deux mèches soigneusement torsadées sur chaque tempe jouant avec deux créoles dorées. Une tenue pour un éventuel prince charmant qui l’aurait emmenée danser au bal du 14 juillet, ce qui n’était jamais arrivé. Tout le problème était dans l’équilibre et l’évitement de l’entorse. Elle s’entraîna tout le matin en parcourant le parc avec Jeannot pour lister tous les travaux qui étaient nécessaires. Le pauvre jardinier en avait les yeux exorbités, ne sachant où poser son regard, sur le fessier oscillant, sur la poitrine tressautante, ou sur le cou gracile et dégagé que l’on aurait eu envie d’embrasser et de mordiller. Ils étaient encore dehors quand le docteur revint de ses visites, en voiture cette fois, car certaines étaient en campagne. Il regarda à deux fois avant d’identifier formellement son employée. Jeannot s’éclipsa, il craignait un peu les rencontres avec « le patron » qui était rarement satisfait.— Voilà Docteur, j’ai suivi vos conseils. Je serai bientôt guérie, osa-t-elle en souriant ?— Vous, je ne sais pas, mais moi je vais faire une attaque, je le crains.— Puis-je émettre un avis à mon tour ?— Faites ?— Eh bien, du temps de vos redingotes, votre DS était plutôt accordée. Mais avec ces petits costumes, elle ne vous va plus du tout. Il faudrait penser à la changer pour quelque chose de plus… sportif, moderne.— Merci, j’y penserai.Solange était une femme et une femme sent les choses sans même avoir besoin de les analyser. Les regards insistants d’Hubert durant tout le repas, ses appels multiples dans l’après-midi, sa nervosité durant le dîner, tout lui indiquait qu’il était à peu près dans le même état que la veille avant qu’elle ne le soulage. Alors elle enfonça le clou.— Dites-moi Docteur, combien de temps faut-il attendre entre deux auscultations ?— Tout dépend si l’on est malade ou pas. Si on ne l’est pas, il est bien d’en faire une par an.— Vous voulez dire que je vais devoir attendre un an avant de revivre ce que j’ai vécu hier ?— Non, mais… attendez. Hier ce… enfin, il y a eu la consultation et puis… j’ai un peu dérapé. Je le reconnais, je me suis excusé, on ne va peut-être pas revenir là -dessus.— Mais moi j’ai bien aimé. J’y ai pensé toute une partie de la nuit, et maintenant, je n’ai plus les mêmes réponses qu’hier.— Ah bon ? Vous vous étiez trompée ?— Non, mais hier c’était hier, et aujourd’hui, c’est différent.— Comment ça, je ne comprends pas ?— Eh bien, oui, vous m’avez demandé s’il m’arrivait de me masturber, je vous ai répondu non, et c’était vrai. Mais aujourd’hui, je vous dirais que je me suis masturbée toute la soirée d’hier.Le médecin avala de travers une bouchée de son gâteau de riz et toussa fort.— Solange, nom d’une pipe, mais ça vous regarde… Vous n’êtes pas obligée de me le dire à table.— Ah bon, je croyais que c’était important… C’est vous qui me l’avez demandé.— Bon sang, mais qu’est-ce que vous cherchez ?— Beuh, rien, je suis désolée. Vous m’avez fait du bien, je vous ai fait du bien, du moins j’espère, et j’aimerais bien recommencer parce que ça m’a plu, c’est tout, répondit-elle d’un air boudeur.— C’était… une erreur. Ce n’est pas mon rôle. Trouvez-vous un petit ami, quelqu’un de votre âge. Mon rôle de médecin se borne à vous mettre en garde : attention de ne pas attraper de maladies vénériennes, utilisez des préservatifs. C’est tout.— J’ai compris. Je ne suis que la bonne et je ne peux pas plaire à Monsieur. Je vous présente mes excuses, je n’ai pas su rester à ma place.— Mais enfin Solange… cette discussion m’épuise… il ne s’agit absolument pas de ça et vous le savez bien. J’ai quarante-deux ans, vous en avez la moitié. Il faut être raisonnable et si vous ne l’êtes pas, je dois l’être pour deux.— Oui, excusez-moi. Je ne savais pas que l’âge rendait les choses impossibles. Moi qui vis vingt-quatre heures par jour sous ce toit, je dois offrir ma virginité au premier inconnu qui passe, pour peu qu’il ait aussi vingt et un ans. Je vais peut-être passer une annonce dans le journal…— Stupide ! Ce que vous dites est stupide.— Bien, je ne dirai plus rien. Bonne nuit Docteur, je vais débarrasser.Elle empila les assiettes, ramassa les couverts, porta le tout à la cuisine. Il resta là , assis à la regarder aller et venir, belle, jeune, fraîche, et ô combien désirable ! Elle ne le regardait pas, jetait des coups d’œil vers la télé, fermée comme quelqu’un qui vient de se faire éconduire. Elle revenait pour la énième fois ramasser les serviettes, il lui attrapa le poignet, l’attira à lui et l’assit sur ses genoux.— Fichu caractère ! Tu sais bien que je crève d’envie de toi et de te faire l’amour jusqu’au lever du jour.Il l’embrassa en pétrissant sa superbe poitrine au travers du fin lainage. Elle prit son visage entre ses mains pour lui rendre ses baisers de son mieux, progressant à chaque tentative, osant à son tour jouer de sa langue. Quand il se leva pour l’entraîner vers la chambre japonaise, une auréole humide marquait son pantalon sur la cuisse, là où elle était assise. Son désir n’était pas feint. Il la caressa très longuement puis dégusta sa chatte avec avidité et patience, la livrant à quatre reprises aux spasmes de l’orgasme. Alors seulement le pénis dilaté força son passage, aussitôt aspiré par l’étroit conduit débordant de cyprine. Il s’arrêta un long moment, immobile au fond de son vagin.— C’est ça que tu cherchais, hein ? Cabocharde, murmura-t-il tendrement.— Oui. Fais-moi l’amour jusqu’au lever du jour…Ils ne tinrent pas jusqu’au lever du jour, mais pendant deux bonnes heures elle eut le sentiment d’être comme un pantin s’agitant autour d’un même axe de chair gorgé de sang, tournoyant dessous, dessus, dans un sens et dans l’autre. Tout son corps exultait d’un plaisir dévastateur, renaissant sans cesse de ses décombres, rebondissant de surprise en surprise, ouvrant des perspectives improbables sur les voies de l’orgasme. Il lui fit tout, tout ce que son esprit recelait de fantasmes inassouvis, tout ce que la prude et trop croyante Eugénie avait toujours refusé. Il se fit sucer et éjacula dans sa gorge, veillant à ne pas l’engrosser, la sodomisa aussi pour se délecter du bonheur d’éjaculer en elle. Le lit et les corps étaient dévastés. C’est le moteur de la tondeuse de Jeannot qui les réveilla.— Désolée, il y a eu une urgence cette nuit, on n’a pas beaucoup dormi…C’est ce qu’elle dit à Jeannot, elle dit la même chose aux patients attendant la visite.Solange a descendu ses affaires d’un étage, a fait refaire totalement la cuisine avec des appareils plus modernes et plus pratiques. Hubert est allé chez son concessionnaire et en est revenu avec un coupé SM, Citroën-Maserati, gardant les mêmes qualités de confort que sa DS, mais avec un look et un brio sans comparaison. Pour les vingt-et-un ans de Solange, ils ont pris l’avion pour Las Vegas où ils se sont mariés en quelques minutes, sans témoins et en toute intimité. La sage petite soubrette s’était révélée et était devenue en quelques semaines la maîtresse idéale, accédant à tous les désirs, y compris les plus pervers, de son époux et y prenant un plaisir évident. Hubert ne se lassait pas d’elle ni de ses provocations. Mais la gourmandise de son épouse était telle qu’il avait parfois un peu de mal à suivre, surtout le week-end quand ils ne faisaient rien d’autre que l’amour et encore l’amour.Quand il dépassa la cinquantaine, le médecin se prescrivit quelques molécules stimulantes pour assurer son rôle auprès d’une épouse qui abordait tout juste la trentaine. Et ce qui devait arriver arriva. Un soir Hubert fit un malaise étrange qui laissa Solange perplexe et désarmée. C’était lui le toubib. Elle appela alors les pompiers qui arrivèrent une demi-heure après et transportèrent le médecin à l’hôpital de la ville voisine où il fit une seconde attaque cérébrale. On le crut mort, mais ses confrères firent l’impossible pour le sauver, un hélicoptère le transporta vers un hôpital parisien où il fut opéré à plusieurs reprises. Six mois après, et malgré une longue rééducation, Hubert revint chez lui dans un fauteuil roulant qu’il manœuvrait avec difficulté, et parlant avec une élocution hésitante. Ses cheveux avaient repoussé, dissimulant ses lourdes cicatrices, mais il n’était plus que l’ombre de lui-même. Solange fit goudronner en bitume rouge les allées du parc pour pouvoir promener son époux, ce qu’interdisaient les gravillons. Elle dut apprendre à conduire, revendit le bolide pour acheter un utilitaire permettant de charger facilement le fauteuil et fit transformer la salle d’attente en chambre pour le paraplégique.Elle ne toucha pas à son cabinet qui représentait toute sa vie et dans lequel il passait des heures, seul, amer. L’arrêt forcé de l’activité du docteur provoqua un grand émoi dans le bourg. On le regrettait, c’est certain, mais surtout il fallait qu’un autre médecin prenne sa place d’urgence pour subvenir aux besoins de la population. Tout le monde se démena, le maire en tête qui annonça un jour radieux qu’un jeune docteur, qu’il venait d’avoir au téléphone, allait arriver. Effectivement, mais… ça ne plut pas à tout le monde. En effet, Émilien Okouré, parlant un français impeccable et sans accent, était un Togolais ayant fait ses études en France. Comme il ne pouvait pas occuper le cabinet de Verrat, la municipalité avait mis à sa disposition un local et un minimum d’équipement. Cet athlète de près de deux mètres, beau comme un dieu, était d’une placidité étonnante et inspirait confiance à qui voulait bien l’approcher. Mais voilà qu’un vieux fond de racisme resurgit soudain, et la clientèle de Verrat ne se reporta pas chez lui, tant s’en faut. Le maire disait en confidence :— Si j’avais su… Mais c’est qu’il n’a pas d’accent le bougre ! Et puis « Okouré », ça pouvait être français en l’écrivant « Aucouret ». Ben ça… dire qu’on a équipé un cabinet…Quand Verrat apprit les difficultés de son jeune confrère, il demanda à Solange de l’appeler. Il vint d’autant plus volontiers qu’il avait le temps. En le recevant, Solange sentit ses yeux papilloter et son ventre papillonner. Bon sang quel beau mâle, songea-t-elle ! Il ausculta Verrat et écouta son histoire patiemment. Le courant passa entre les deux praticiens et devant cette démonstration de la stupidité humaine, Verrat décréta que Okouré serait son médecin et l’autorisa à s’en prévaloir. Mieux, eux qui n’avaient invité personne pendant dix ans, tout à leur passion dévorante, ils convièrent Émilien à déjeuner chaque dimanche. Solange se mettait ardemment en cuisine dès le matin et le grand Togolais arrivait vers midi, apportant toujours une bouteille de bon vin qu’il prenait soin d’acheter publiquement prouvant qu’il menait une vie normale. Il prenait Hubert dans ses bras puissants et le montait à l’étage comme si c’eut été un enfant. Solange suivait avec le fauteuil plié et, pour quelques heures, le handicapé retrouvait joyeusement son cadre de vie d’antan. Il intima même à son épouse d’aller ostensiblement en consultation chez leur nouvel ami.Tout cela finit par avoir un peu d’effet, et quelques personnes se décidèrent à fréquenter son cabinet, lui permettant tout juste de s’assurer une vie à peu près décente. Les consultations de Solange se résumaient plus à des conversations amicales qui émoustillaient fortement la jeune femme. La beauté et la force tranquille qui se dégageait de cet homme ne lui étaient pas indifférentes, et elle en sortait toujours avec des abeilles dans le bas-ventre. Il faut dire que depuis six mois et l’accident vasculaire cérébral d’Hubert, elle était au régime sec après des années de folie furieuse. Un jour, en aidant son mari à passer du fauteuil au lit, le siège roulant mal calé s’éloigna prématurément et Solange évita la catastrophe de justesse en retenant Hubert. Mais dans ce geste réflexe, elle se fit très mal au dos. Hubert l’envoya immédiatement chez Okouré, incapable de pratiquer la manipulation nécessaire. Elle ne put même pas monter en voiture et dut y aller à pied.— Bien, nous allons voir ça. Déshabillez-vous.Solange fit comme elle avait l’habitude avec son mari et posa tout, un peu intimidée cependant puisque Émilien n’était que le deuxième homme à la voir nue. Lui-même dissimula son trouble par un léger sourire, toutes ses patientes gardant au moins culotte et soutien-gorge. Quelle belle femme, songea-t-il ! C’est vrai que le corps de Solange avait évolué en dix ans. Elle avait perdu les rondeurs de la jeunesse et deux ou trois kilos superflus. Sa charpente restait solide, mais sa silhouette était mieux dessinée, les muscles plus marqués, un plein épanouissement qu’une légère ptôse des seins ne contrariait guère. Okouré commença quelques manipulations debout, en bras de chemise, la tenant serrée contre lui, et déjà elle se sentait mieux. Puis il la fit étendre sur la table d’auscultation et lui imprima des mouvements du bassin très lents, un bras passé entre ses cuisses, d’un côté puis de l’autre. La peau de ses mains était extraordinairement douce, contrastant avec la puissance qu’il inspirait. Naturellement, le bras frottait de temps à autre sur le minou de la jeune femme, caresse involontaire, mais qui l’excita au plus haut point. Quand il la retourna sur le ventre pour cibler une à une toutes ses vertèbres, elle était en grand émoi, rêvant que cette manipulation dure une éternité. Les larges paluches bicolores atteignirent les fesses qu’elles saisirent, ouvrant la vulve qui béa avec un bruit mouillé. Quelques gouttes luisantes souillèrent la table.— Eh bien ma chère Solange, on dirait que vous appréciez mon travail ?— Oh Docteur, vous n’imaginez pas à quel point. Je suis comme un instrument de musique qui a perdu son virtuose…— Hélas, ma chère, je compatis et le regrette pour vous. Car une telle sensibilité ne devrait pas rester inassouvie.— C’est vrai, vous avez tout à fait raison. Oh, je vous en prie, faites quelque chose, Docteur.Émilien bandait déjà fort, il prit ces mots pour une invitation. L’homme était en pleine vigueur et vivait seul dans ce patelin perdu, pour l’instant sans le moindre espoir de liaison. Il connaissait bien les Verrat et n’était déjà pas insensible au charme de Solange. Mais là , ça faisait beaucoup. Les effluves poivrés de cette chatte en délire lui titillaient les narines, la femelle appelait le mâle, le mâle prit le pouvoir sur le docteur en médecine. Il saisit les hanches et souleva son bassin pour la mettre à genoux, dos creusé, raie grande ouverte. Solange frémit en sentant le souffle du jeune docteur sur son arrière-train et s’étrangla quand les lèvres épaisses couvrirent sa vulve avec avidité. Une langue fouisseuse la parcourait du clitoris à l’anus, ne laissant aucun orifice inexploré, elle était en délire et mouillait comme une folle, la bouche aspirait goulûment ses sécrétions avec un bruit de mangeur de soupe. Sans cesser sa succion, Émilien se débarrassait prestement de ses vêtements. Libéré de ses entraves, il écarta largement les deux fesses blanches pour dévorer mieux encore le beau fruit mûr et juteux qui s’offrait à lui. Solange en brama de plaisir.Cependant, c’est quand il la retourna qu’elle eut presque un regret. De pénis, elle ne connaissait que celui d’Hubert, pourtant bien membré. Mais quand elle se retrouva devant le Priape d’Émilien, elle ne sut dire que « Oh mon Dieu ! ». La longueur autant que le diamètre de l’engin l’ébahirent. Ce n’était pas un sexe, mais… une trompe d’éléphant ou quelque chose dans ce genre qui ballottait devant elle, maintenue dans une courbe gracieuse par son propre poids. Elle hésita, fascinée, toucha du bout des doigts puis finit par empoigner. Sa main n’en faisait pas le tour. Saisie à deux mains, il en restait autant que le sexe d’Hubert, mais en bien plus épais. Sa bouche dut se distendre pour accepter l’énorme gland couleur de chocolat au lait. Tout son ventre se crispait, la brûlait et dégoulinait de cyprine. Elle engloutit tout ce qu’elle put, astiquant le manche d’une main, l’autre pressant les lourds testicules d’une taille accordée. Après un moment de cette impossible fellation, Émilien la renversa en arrière, jambes en l’air, et lui lécha de nouveau avidement l’entrecuisse. Quand il présenta le mandrin à l’entrée de sa chatte détrempée, elle murmura anxieuse :— Doucement, s’il vous plaît, doucement. C’est tellement énorme…— Rassurez-vous, Princesse, je ne veux pas vous abîmer. Mais soyez tranquille, il peut passer par là des bébés de plus de quatre kilos. C’est très souple.En effet, après la surprise du début, l’étroit conduit s’habitua et se modela à la forme du prodigieux intrus. Solange se sentait incroyablement remplie. Ses muqueuses distendues lui offraient d’inimaginables sensations jamais éprouvées. Quand le Togolais oscilla du bassin, le gland turgescent percutait doucement le fond de son vagin, repoussant le sensible col de l’utérus vers ses entrailles. Sa bouche était grande ouverte pour aspirer plus d’air. Tous ses sens étaient dans le rouge et elle sentit gronder un tsunami de plaisir qui la submergea rapidement. Okouré avait pris sa vitesse de croisière et pilonnait en cadence la poupée d’albâtre qui suffoquait au bout de sa queue. Il progressait de plus en plus, repoussant ses entrailles un peu plus loin à chaque coup de reins, bouleversant ses viscères et ravageant son ventre. Elle braillait, se tordait, rebondissait d’orgasme en orgasme toujours plus violents. À plusieurs reprises, elle eut la sensation de s’évanouir, revenant à elle dans une tourmente encore plus puissante.Elle finit, sans trop savoir comment, à quatre pattes sur la moquette, l’énorme dard toujours planté en elle, électrisée par les violentes claques que son amant distribuait sur ses fesses. Non pas qu’il fut violent, mais ce cul voluptueux lui inspirait spontanément la fessée, et les ondes de ses claques se propageaient jusque dans sa queue. La cyprine dégoulinait le long des cuisses, moussait dans la vulve en une curieuse mayonnaise battue et rebattue, qui faisait une collerette blanchâtre autour du pieu noir qui la pilonnait. Quand le colosse se crispa enfin, délivrant ses derniers spasmes dans ce ventre dévasté, les jets intarissables de sperme brûlant propulsèrent la jeune femme dans une explosion quasi nucléaire. Elle s’écroula, comme morte. Ne disposant pas de douche sur place, ils se rafraîchirent avec une serviette humide.— Je crois que ma queue a trouvé son écrin, commenta simplement Émilien.— Et moi un prodigieux étalon, renchérit Solange en livrant sa bouche aux grosses lèvres du toubib.Elle rentra chez elle le pas encore plus hésitant qu’à l’aller, les entrailles bouleversées, le vagin dilaté, les fesses cuisantes et les seins mâchés. Pourtant sa tête bourdonnait encore de milliers d’étoiles et le cœur battait encore dans ses tempes. Hélas, Solange avait bien peu d’occasions d’aller retrouver son amant qui continuait de venir déjeuner, imperturbablement, chaque dimanche. Mais ces deux-là , dès qu’ils étaient en présence l’un de l’autre, étaient soumis à une attraction irrépressible. De plus en plus souvent, ils s’absentaient ensemble pour aller chercher ceci ou cela, voir ci et ça, au point qu’Hubert s’en émut et flaira le danger. Et encore ne voyait-il pas le sein pressé, le baiser échangé furtivement, la patte fureteuse sous la jupe, trouvant une chatte ouverte sans la moindre culotte. Avec le temps, les amants prirent de moins en moins de précautions. Quand un dimanche Hubert perçut des sons humides provenant du hall, alors qu’ils étaient censés aller chercher du persil dans le jardin, il voulut en avoir le cœur net. Il approcha son fauteuil du grand escalier, se pencha autant qu’il le put… Trop peut-être. Le fauteuil bascula et ce n’est que dans sa chute qu’il saisit, comme un dernier cliché, la bouche d’Émilien sur celle de Solange, dépoitraillée, et la jupe relevée sur la taille. Après ce fut le trou noir. Les pompiers ne purent que constater le décès que le docteur Okouré certifia.Ils attendirent quelques mois avant de changer la plaque devant la belle maison bourgeoise. « Docteur Émilien Okouré ». Le cabinet avait été refait à neuf, réduit à deux pièces et une salle d’attente. Le couple s’était uni lors d’une escapade au Togo, une fête de trois jours et trois nuits. Solange appréciait que ses maris la fissent ainsi voyager. Merci Docteurs…