Rebecca HapLa biographie de Rebecca Hap tient en quelques mots : Auteur de bandes dessinées érotiques américaine, probablement née dans les années 50. C’est tout.Après maintes recherches, ce sont les seuls renseignements que je suis arrivé à collecter sur cette auteure qui fait pourtant autorité, et ce, depuis de nombreuses années dans son domaine.Rebecca est d’une discrétion en ce qui concerne sa vie privée, qui confine au secret d’État, contre-modèle absolu et rafraîchissant aux standards qui président à la gestion de leur image des « people » de notre époque… !On sait cependant qu’elle grandit dans l’Amérique des années 60, époque flamboyante, qui marquera la jeune Becky (diminutif de Rebecca dont elle signe parfois ses dessins), elle le reconnaît elle-même dans une interview qu’elle accorda à Christian Marmonnier pour Rock & Folk en 2015. Interview qui constitue un exploit : Rebecca refusant la plupart du temps de se soumettre à l’exercice, si souvent prisé par certains.Ces années 60 qui vont constituer l’amorce d’un tournant dans l’histoire américaine continuent, cependant, à permettre à l’impérieux « American way of life » de façonner le monde, ses représentations, et les mentalités par la puissance d’un modèle triomphant, incontesté, aussi bien dans ses mythes (cinéma hollywoodien) que dans sa puissance économique (même si certains voyants passent déjà à l’orange au tableau de bord…).Ce modèle qui va nous façonner, nous, ados de cette époque, dans notre lointaine Europe, par petites touches, la musique (Yeah ! Rock’n’roll !) les jeans… ! Le Coca-Cola… (Coke, ne se disait pas, alors !) nous accrochant par ci, nous aguichant par là… Rebecca, elle, baignait dedans, et ce jusqu’au cou, noyée vive… Elle en était imprégnée… Elle était cette culture comme l’étaient les « Beach Boys. » – Round, round, get around, I get around…Yeah ! Get around, round… – et bien d’autres…Et cette culture, dont elle est pétrie, elle va la restituer dans ses dessins, celle-ci va sourdre de toutes ses vignettes dans chacune de ses planches… mais totalement dépecée, mise en pièce par un impitoyable détecteur de mensonges : son crayon.Il suffit d’observer un premier dessin, extrait d’un des premiers numéros de « Housewives at play » et daté de 1998, pour s’en rendre compte…Il met en scène deux créatures de rêve, deux jolies Milf’s comme les affectionne particulièrement Rebecca. Les deux femmes, dans leur plus simple appareil, sont en train de se livrer à une séance de débauche torride.L’une d’elles, la blonde, l’air ravi, son joli minois illuminé par un sourire radieux, une spanking bat à la main, la levant dans un geste qui laisse supposer qu’elle va vite s’en servir, si ce n’est déjà fait, est en train de sodomiser, avec violence, sa magnifique victime, entravée par des liens qui serrent et compriment son joli corps pendant que sa bourrelle la besogne avec un gode ceinture de belles dimensions.C’est, à coup sûr, une première séance de soumission, à laquelle la jolie voisine, ou amie, entrée sous un prétexte quelconque a lentement amené sa belle proie à succomber au désir qu’elle a su éveiller en elle… Puis elle l’a amenée là où elle voulait, la ligotant étroitement pour mieux la soumettre à son emprise brutale et impérieuse…Et la belle dévoyée déguste sa jolie proie, toute à sa merci, à violents coups de reins qui font se hausser celle-ci sur la pointe des pieds, et la supplicient au point de la faire sangloter, inondant de larmes son beau visage crispé par la douleur mais la faisant jouir : on voit couler sa cyprine sur ses cuisses.Intéressons-nous au décor : la jolie brune, en bonne ménagère, était en train de frotter et nettoyer le sol, la vadrouille imbibée de savon, abandonnée au milieu d’un amas de bulles, en est la preuve, elle a dû s’interrompre quand sa jolie voisine est entrée.Tout s’est donc joué de manière impromptue, et la violence de la scène est en total décalage avec ce que dit le décor d’un quotidien, où chaque élément a son importance quant au contexte et au scénario.Cela se passe… Dans la chambre de bébé d’une tranquille maison de la « middle class » américaine avec son environnement rassurant, tout ici ne parle que de quiétude, de douceur et de calme…De la jolie frise naïve, représentant un petit train sur le mur du fond, à la photographie des jeunes époux souriants, ou celle de la jeune maman serrant un poupon dans ses bras, image parfaite d’un bonheur sans nuages… au rocking-chair, symbole des moments de détente masculine, pris dans la chaleur d’un foyer apaisant, le dessin des petits ballons, enfantins, légers… innocents… le Teddy bear posé sur la desserte au fond, et les deux coussins de satin en forme de cœur, qu’on imagine roses posés au pied du berceau où s’agite un bébé, dont on aperçoit les mains et un pied…Car celle à qui la salace voisine fait subir ces outrages, est une jeune maman, qui allaite, en témoignent les jets de lait que sa bourrelle fait jaillir de ses seins ligotés et torturés…En iconoclaste patentée, Rebecca fait voler tout cet univers équilibré, sucré, rose bonbon (Walt Disney ?) en éclat, y plantant au beau milieu cette scène d’une luxure et d’une salacité inouïe qui prend tout son relief et donne ainsi, son symétrique, à lire en creux.Ce thème de la maternité dévoyée et roulée dans ce qu’une certaine morale considère comme la fange est une donnée récurrente de la grammaire Hapienne, et pourrait fournir du grain à moudre à certaines… Celui-ci revient de manière quasi obsessionnelle dans une majorité de ses dessins et vignettes où lorsqu’il n’est pas explicitement développé, il s’y retrouve en filigranes discrets mais marquants.Les dessins de Rebecca ne se regardent pas seulement, ils se lisent et se décryptent. Chacun d’eux, en fait, nous conte une histoire.J’ai découvert le travail de Rebecca Hap en 1999 dans une bande dessinée enfouie sous un fatras de bouquins, magazines et autres illustrés, sur l’étal d’une foire à tout… je tombai en arrêt devant le graphisme et la violence érotique inouïe qui explosaient dans chaque vignette de cette vieille BD oubliée, que je feuilletai furtivement, totalement sidéré.J’achetai la BD, le gars ne sachant même pas ce qu’il vendait, et rentrai la lire chez moi. À la fin de la lecture de ce numéro de la série « Housewives at play », j’étais accro au dessin et à l’univers que proposait cette auteure et je fus stupéfait quand je découvris qu’il s’agissait d’une femme : Rebecca… ! Rebecca Hap m’avait conquis.C’est la seule BD que j’achetai de Becky. Tout le reste, je le découvris sur le Net… faut-il pleurer, faut-il en rire… ?Le travail de Rebecca qui me parle le plus, même si ses BD sont amusantes, comme celles dans lesquelles elle parodie la vie sexuelle de ces stars, connues aussi pour en faire beaucoup (Britney Spears, Katy Perry…), c’est celui que je découvris par la suite dans ses albums. C’est là qu’on y retrouve indéniablement ses univers et personnages de prédilection, et de loin, les plus convaincants.Le personnage favori de Becky est la Milf middle class américaine, la jolie ménagère de la classe moyenne à la vie tranquille et rangée qui dans un basculement inattendu de son quotidien, va se retrouver dans des situations qui vont éveiller chez elle des désirs fous, insoupçonnés et terribles car mettant en péril l’équilibre de sa petite vie jusque-là tranquille et sans histoire(s)…Le monde du « College » (Université) l’intéresse aussi. La jeune et jolie étudiante, qu’elle en fasse une pom-pom girl sexy ou une ravissante cheerleader, la fascine et se trouve être, elle aussi, un personnage récurrent dans ses planches.Mais qu’elle choisisse de nous parler des bouleversements de la vie de la jolie Milf ou de la non moins jolie étudiante (le monde de Becky est essentiellement féminin), elle nous parle en fait de l’éveil des femmes à leur véritable désir, à ce forcené qui faisant irruption dans leur histoire va les emporter, peut-être ruiner leur réputation ou même leur vie, mais qui impitoyable « Prince Pas Vraiment Charmant », va les révéler sans pitié, à elles-mêmes.Dessinatrice hors pair, fascinée par le corps féminin, Rebecca développe sa technique graphique selon trois axes.Pour la BD, elle utilise un dessin plutôt simple, presque sommaire mais en même temps nerveux et puissant. L’encrage se fait à larges coups d’un pinceau énergique. C’est dans ces planches que l’utilisation des phylactères se fait très présente, parfois même envahissante.Dans ses albums, les illustrations, au crayon, beaucoup plus rarement à la plume, sans un mot de texte, sont recherchées, le dessin y est sophistiqué et élégant. Les magnifiques créatures qu’elle y croque sont simplement affolantes d’érotisme et de lubricité. Ces dessins sont pour la plupart rehaussés de nuances de gris (celles-ci de qualité) qui donnent à son travail une excellence et une finesse entre toutes reconnaissables. C’est de loin sa manière de s’exprimer que je préfère.Les bandes dessinées, devenues plus populaires, furent par la suite produites en quadrichromie, comme l’étaient les couvertures de ses albums.Dans l’interview qu’elle accorde à Marmonnier, elle fait part de ses difficultés avec son éditeur, Fantagraphics, qui ne la soutient plus, mais qui détient deux albums qui ne peuvent être édités. Je n’ai trouvé aucune production nouvelle depuis 2016.Je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle entre le travail de Rebecca et celui de qui je considère comme étant l’égal des Grands Maîtres, je veux parler de Monsieur Maurilio Manara. En ce qui me concerne, il n’y a pas matière à y réfléchir une seconde : le Maître impose son étalon.Si Manara s’émerveille et nous fait partager son extase devant le miracle qu’est pour lui la Femme, à travers le regard d’une poésie graphique à la maîtrise absolue, rien dans ses dessins, même lorsqu’il montre les scènes les plus osées, n’est vulgaire ni même cru ou choquant, que ce soit dans la violence ou la dépravation, ses femmes restent d’une beauté sublime. Il y a toujours chez lui cette élégance et cette grâce que lui inspire son sujet : elles.Il n’en va pas de même avec Rebecca, qui, elle, règle ses comptes et (nous) balance des torgnoles aux moralisateurs de tous poils.Et elle le fait avec une violence et une crudité voulue et assumée, il y a chez elle une jubilation évidente à mettre en scène les situations les plus choquantes. En elles-mêmes, la plupart des scènes sont de pures provocations que je ne décrirai pas ici sous peine d’être « hors charte » (Laughing Out Loud !)…Les sujets qu’elle aborde ne sont pas tous ma tasse de thé, si les scènes de femmes entre elles me ravissent, tant par la qualité du dessin que par la manière dont elles sont mises en scène (aspect très important de l’art de Rebecca) l’inceste par exemple qui n’est pas spécialement un sujet que je goûte particulièrement, exerce sur l’artiste une véritable fascination, et se retrouve en permanence dans son travail, que ce soit dans ses BD ou dans ses albums.Je faisais le parallèle avec Manara un peu plus haut : rien chez lui ne me choque, pas un seul de ses dessins ne m’a un jour fait lever le sourcil réprobateur. Il n’en va pas de même avec Rebecca, même si ce n’est pas le sourcil réprobateur qui se lève, certaines scènes, certains dessins me font sourire et penser que là, c’est un peu « Too much… », comme on dit intelligemment.Encore une fois, je ne décrirai pas… mais il y a manifestement chez elle cette volonté de pousser la provocation au bout du bout d’une manière tout à fait délibérée et assumée.Son érotisme puissant et subversif dont la violence me subjugue et me ravit, son humour corrosif et jubilatoire me séduit d’autant que j’y retrouve un peu de l’esprit déjanté du magazine américain « Mad » qui me valurent, avec la lecture des aventures du commissaire San Antonio de Frédéric Dard, les plus belles crises de fou rire solitaire de mon adolescence.Becky est une sale gosse. J’adore !