— ChĂ©rie, tu es là  ?J’appelle ma femme Ă voix basse, en marchant Ă tâtons dans l’obscuritĂ© du salon pour ne pas rĂ©veiller nos amis qui dorment dans la chambre du bas.En me rĂ©veillant avec une envie pressante, j’ai constatĂ© que ma femme avait eu la mĂŞme envie que moi. Pour ne pas la dĂ©ranger, j’ai attendu qu’elle revienne des toilettes. Sans nouvelles au bout de quelques minutes, je pensais qu’elle devait avoir un petit problème. Les toilettes Ă©tant juste au bout du couloir, je me suis levĂ© pour aller l’aider. La place Ă©tait libre, ma femme n’était pas lĂ . Je me suis dĂ©pĂŞchĂ© de faire ce pour quoi je m’étais levĂ©, avant de partir Ă sa recherche.Entendant du bruit au rez-de-chaussĂ©e, j’ai pensĂ© que Marie Ă©tait descendue boire un verre d’eau dans la cuisine. Il fait chaud, je me suis dĂ©cidĂ© Ă la rejoindre, pour boire moi aussi.Sur la pointe des pieds, sans faire de bruit, je suis descendu lentement. Aucune lumière, la cuisine Ă©tait vide. VoilĂ pourquoi, je suis dans le salon Ă appeler Marie Ă voix basse :— ChĂ©rie, tu es là  ?Toujours aucune rĂ©ponse.Alors que je m’apprĂŞte Ă remonter, j’entends Ă nouveau un bruit.— Marie ? C’est toi ?Nous avons louĂ© cette grande maison en Bretagne pour passer une semaine de vacances avec nos amis. Bernard, qui a divorcĂ© et refait sa vie avec VĂ©ronique, occupe une chambre Ă l’étage Ă cĂ´tĂ© de la nĂ´tre. Paul et HĂ©lène, nos amis de toujours, occupent la chambre du fond. Nous nous sommes mariĂ©s la mĂŞme annĂ©e, chacun Ă©tant le tĂ©moin de l’autre. L’unique chambre du rez-de-chaussĂ©e est occupĂ©e par Pierre, cĂ©libataire endurci qui a multipliĂ© les conquĂŞtes avant de trouver la perle rare, Sylvie, avec qui il vit maintenant, enfin, pour combien de temps ?Nous nous voyons rĂ©gulièrement, parfois chez l’un, parfois chez l’autre. Nous passons tous les rĂ©veillons ensemble depuis de nombreuses annĂ©es, et parfois un week-end ou une semaine de vacances comme aujourd’hui, après avoir dĂ©posĂ© notre fils chez mes parents.Marie n’est pas lĂ , le salon est dans le noir, tout est Ă©teint. Pas un bruit, j’ai dĂ» rĂŞver. Peut-ĂŞtre dans le jardin ? Elle aura voulu prendre le frais, il fait si chaud cette annĂ©e. Elle voulait peut-ĂŞtre rĂ©flĂ©chir, depuis quelque temps je la trouve soucieuse. Hier, j’avais l’impression qu’elle me faisait la tĂŞte, rien de prĂ©cis, juste une impression. En venant, dans la voiture, elle semblait prĂ©occupĂ©e, elle n’a pas dit un mot. Demain, je lui en parlerai, si elle a des soucis je me dois de l’aider. Hier soir, elle Ă©tait fatiguĂ©e quand j’ai voulu la prendre dans mes bras, elle m’a repoussĂ© gentiment d’un « plus tard »… plus tard, plus tard, depuis trois jours que nous sommes arrivĂ©s, elle a trouvĂ© tous les soirs une excuse, et dans la journĂ©e pas question, nos amis sont lĂ .Le jardin est vide, la lune est claire, si Marie Ă©tait lĂ je la verrais. Bon, je retourne dans notre chambre, elle doit avoir regagnĂ© notre lit.Alors que je pose un pied sur l’escalier, encore un bruit, non, je ne rĂŞve pas. Je n’ose Ă©lever la voix :Pas de rĂ©ponse, mais le bruit se prĂ©cise, plus aucun doute, Pierre et Sylvie sont en train de s’envoyer en l’air, comme des jeunes mariĂ©s. Je souris me souvenant des premières annĂ©es de notre mariage avec Marie, toujours envie l’un de l’autre.Ne pas les dĂ©ranger. Je dois remonter sans faire de bruit. Mais un cri vite Ă©touffĂ© me fait sursauter, Sylvie vient de jouir, bel orgasme, me dis-je intĂ©rieurement. Ils seront fatiguĂ©s demain matin.C’est alors que je me rends compte que le cri vient du petit bureau Ă cĂ´tĂ© de la chambre de nos amis. Je tends l’oreille, aucun doute. Des chuchotements me parviennent. Une voix grave, la voix caractĂ©ristique de Paul, vite suivie d’une voix fĂ©minine, celle de… de Marie, de ma femme. Non pas possible, je rĂŞve, plutĂ´t un cauchemar. Ce n’est pas Sylvie qui vient de jouir avec Pierre, mais bien ma femme avec Paul.Je serre les poings, avec l’envie d’ouvrir la porte et les surprendre, mais le mal est fait, plutĂ´t rĂ©flĂ©chir calmement. En tremblant, je m’approche et tends l’oreille pour mieux les Ă©couter. Ils parlent Ă voix basse :— Tu aurais pu faire attention, tu en as mis partout. Il n’y a pas de serviette ici, comment vais-je faire ?— Avec ta nuisette.— T’es fou, ça va se voir, passe-moi ton tee-shirt.— Tiens… mais avant vient, j’ai encore envie de toi, de ta bouche. Suce-moi.— Non, il faut que je remonte, Julien va peut-ĂŞtre se rĂ©veiller.— Tu m’as bien dit que quand il dort, il dort.— Oui, mais dĂ©jĂ hier j’ai eu peur en remontant me coucher. Je n’aurais pas dĂ» t’écouter, il faut faire plus attention.— Tu en avais autant envie que moi.— Bien sĂ»r, mais il faut ĂŞtre prudent. J’ai toujours peur que Julien ne l’apprenne, ce serait terrible. Souviens-toi de la frayeur que j’ai eue lors de la soirĂ©e chez Bernard au mois de mai, on a failli ĂŞtre surpris par sa femme, tu te rends compte, la honte. Nous n’aurions jamais dĂ» venir ici tous ensemble, c’est trop risquĂ©, trop tentant.— J’ai toujours envie de toi, je t’aime… et toi, tu m’aimes ?— Bien sĂ»r, je t’aime, sinon je ne serais pas lĂ .Un silence.Je les devine en train de s’embrasser. J’ai envie de pleurer. Je suis paralysĂ©, la gorge nouĂ©e… C’est ma femme qui enchaĂ®ne, reprenant son souffle :— Tu oublies que je suis mariĂ©e, comme toi d’ailleurs… Tu penses Ă ta femme ?— Un mot de toi et je la quitte. Tu sais qu’il n’y a plus rien entre HĂ©lène et moi, on reste ensemble par habitude.— Ben voyons, tous les mecs disent ça Ă leur maĂ®tresse. Le premier soir ici, je n’ai pas rĂŞvĂ©, je vous ai entendu.— Le cĹ“ur n’y Ă©tait pas, je le fais pour qu’elle ne se doute pas que je vois quelqu’un d’autre.— Eh ! Tu vas bientĂ´t me dire que tu t’es forcé ?— Parle Ă Julien, je parlerais Ă HĂ©lène. C’est toi que j’aime, c’est avec toi que j’aimerais refaire ma vie.— Non voyons, nous en avons dĂ©jĂ discutĂ©. Je ne veux pas quitter Julien.— Je lui parlerai si tu veux.— Surtout pas. Je ne veux pas qu’il sache.— Tu ne m’aimes pas vraiment… Tu l’aimes plus que moi ?— Oh ! Ne complique pas tout. Je t’aime, je suis bien avec toi, profitons des moments passĂ©s ensemble. Mais, je ne veux pas perdre mon mari, je veux rester avec lui, et fonder une famille.— Tu ne peux pas aimer deux hommes.— Et toi alors ! Avoue-le, tu aimes encore HĂ©lène. Tu ne veux pas vraiment divorcer.— Allez, viens, embrasse-moi, j’aime tes seins humm !— ArrĂŞte… Cette fois, il faut vraiment que je remonte.— D’accord, la nuit prochaine on se retrouve ici.— Non, j’ai trop peur. Et puis, je suis en vacances avec Julien, Ă l’inverse de toi, je ne peux pas passer de l’un Ă l’autre. Depuis une semaine, je le nĂ©glige, il ne mĂ©rite pas ça, et j’ai aussi envie de lui.— Je suis jaloux quand je t’imagine dans ses bras en train de…— VoilĂ autre chose, n’inverse pas les rĂ´les.— Demain, tu auras changĂ© d’avis.— Pas demain, pas de risque inutile. Et dans la journĂ©e, fais bien attention, pas de geste qui pourrait nous trahir. Sinon, c’est fini entre nous.Je les entends s’embrasser. J’ai envie d’hurler. MĂŞme si sa dĂ©claration d’amour me va droit au cĹ“ur.Vite, regagner notre chambre avant qu’ils ne sortent et me trouvent devant leur porte.En haut de l’escalier, malgrĂ© l’obscuritĂ©, je vois la porte du bureau s’ouvrir lentement, Marie sort en nuisette, suivie de Paul en caleçon. Il la tient par la main, ils se regardent comme deux amants avant de se sĂ©parer. Elle se colle Ă lui, l’embrasse Ă pleine bouche, il lui caresse les fesses et les seins au travers le fin tissu, sa main remonte le long de sa cuisse.La colère est mauvaise conseillère. Sans faire de bruit, je regagne notre chambre et me glisse dans notre lit. Ma chĂ©rie, mon amour, comment est-ce possible ?Quelques minutes, j’entends l’escalier craquer, Marie arrive sur la pointe des pieds dans notre chambre, je fais semblant de dormir. Sa silhouette se dessine sur la porte, avant de disparaĂ®tre dans la salle de bain. Pas de douche bien sĂ»r, mais j’entends l’eau couler, elle fait une petite toilette avant de venir dans notre lit.Sans attendre, je pose ma main sur sa hanche :— Ma chĂ©rie, tu Ă©tais où ?Je la sens trembler, elle Ă©tait certaine que j’étais endormi. Elle me rĂ©pond d’une voix mal assurĂ©e :— Aux… aux toilettes, dors mon chĂ©ri.— Tu as un problème ?— Non, non, tout va bien.Je m’assieds et allume la lampe de chevet pour voir ses rĂ©actions, elle sursaute. Je lui souris en essayant de masquer ma colère, je deviens condescendant :— Ma chĂ©rie, tu es malade ?— Non non, je t’assure, tout va bien… T’es gentil, mais ça va. Éteins la lumière et rendors-toi… Bonne nuit.— Pourtant, tu es restĂ©e plus d’une heure aux toilettes. Et pourquoi ce passage dans la salle de bain ? Tu es malade et tu ne veux pas me le dire ?Marie devient blĂŞme, elle baisse les yeux sans oser me regarder :— Rassure-toi, je vais bien.— Si ça va… Viens, j’ai envie de toi.— Non, on pourrait nous entendre.— Comme nos amis tout Ă l’heure. Tu n’as pas entendu Pierre et Sylvie en bas ? De vrais jeunes mariĂ©s.Marie se crispe. Je la prends dans mes bras et l’embrasse :— Tu as du mal Ă digĂ©rer.— Non.— Pourtant tu as une drĂ´le d’haleine.Elle bafouille, je passe ma main entre ses cuisses. Sentant l’humiditĂ©Â :— Dis donc, tu as l’air sacrĂ©ment excitĂ©e, tu en as envie toi aussi.Elle n’ose dire non, mais je la sens nerveuse, stressĂ©e. J’insiste d’une voix pleine de douceur :— Que se passe-t-il ? Comment puis-je t’aider ? … Tu as l’air soucieuse depuis plusieurs jours.— Non, ça va, je suis juste un peu fatiguĂ©e, ne t’inquiète pas.Je lui fais une bise sur la joue, tout en tendant le bras vers la lampe de chevet. Mais, je retiens ma main qui va Ă©teindre :— Dodo… Au fait, tu Ă©tais passĂ©e où ?— Ben…Je ne lui laisse pas le temps de trouver un mensonge. Toujours avec mon plus beau sourire :— Je t’ai cherchĂ©e partout… D’abord aux toilettes, j’avais aussi envie d’y aller. Puis, je suis descendu au salon, j’ai bu un verre d’eau dans la cuisine, j’ai mĂŞme fait le tour du jardin, espĂ©rant te trouver. Tu n’y Ă©tais pas non plus… on a dĂ» se croiser.— ….Marie reste silencieuse, sa tĂŞte bourdonne. Sans plus d’animositĂ©, je poursuis :— J’étais inquiet, ma chĂ©rie…Marie frĂ©mit, l’angoisse se lit sur son visage. Elle essaie de parler, aucun son ne sort de sa bouche, ses lèvres tremblent. Je fais comme si je ne remarquais pas son trouble.— Tu peux tout me dire. Tu as un problème au bureau ?— Non, voyons.— Pourtant tu sembles prĂ©occupĂ©e depuis quelque temps. En venant, tu n’as pas dit un mot de tout le voyage, tu Ă©tais songeuse, et depuis que nous sommes arrivĂ©s, tu n’as pas acceptĂ© une seule fois que je te touche, encore hier soir.— Je te l’ai dit, j’étais fatiguĂ©e, tu peux le comprendre. Je compte sur ces vacances pour me reposer.— Je comprends tout justement, c’est pour ça que je veux t’aider.Silence. Elle me regarde les yeux suppliants, comme si elle appelait au secours.Cette fois, je sens la peur monter en elle, des larmes perlent au bord de ses yeux. Elle tourne la tĂŞte, ne pouvant plus soutenir mon regard accusateur.Je dĂ©cide d’arrĂŞter son supplice, difficile de ne pas montrer ma colère trop longtemps contenue, elle doit la deviner dans mon regard. Ma voix est plus forte, plus dure :Devant son silence, je lui jette Ă la figure en martelant bien mes mots :— Avec Paul… Mon meilleur ami…— Oh ! Mon Dieu.Elle me regarde, les yeux ronds, muette de stupeur.— Tu veux divorcer, tu vas vivre avec lui ?— Non, bien sĂ»r que non.— Que fais-tu avec lui alors ?— Je ne sais pas. Ça a commencĂ© bĂŞtement, j’ai voulu arrĂŞter dix fois, mais je n’ai pas pu.— Et ça dure depuis longtemps ?— Lors de la soirĂ©e oĂą tu as eu un malaise, il m’a aidĂ© Ă te raccompagner chez nous, tu t’es vite endormi… et là …— Vous avez profitĂ© de la situation.— Je ne voulais pas, ça s’est fait sans trop savoir comment.— Mais ça va faire bientĂ´t un an… Vous vous voyez souvent, Ă l’hĂ´tel, chez lui ? Chez nous ?— À peine huit mois… Pas très souvent… Une seule fois Ă l’hĂ´tel quand tu Ă©tais en dĂ©placement Ă Londres, il a eu beau insister, je n’ai jamais voulu recommencer… le plus souvent chez lui Ă midi, quand HĂ©lène n’est pas lĂ . Parfois dans sa voiture. Jamais chez nous, je te le jure. Sinon une fois aussi lors d’une soirĂ©e avec nos amis.— C’était chez Bernard, au mois de mai ?— Oh ! Tu sais ça aussi.— Comment avez-vous fait ?— Après le dĂ®ner, tout le monde somnolait. On a rĂ©ussi Ă s’isoler quelques minutes.— Baiser Ă la sauvette, comme une salope… Tu l’as bien sucĂ© aussi, tu aimes ça.— Noon… ArrĂŞte, mon chĂ©ri, j’ai honte.— Donc dès que j’ai le dos tourné… tu me dĂ©goĂ»tes.J’éteins la lumière d’un geste rageur.— Mon chĂ©ri, je m’en veux. Je n’aurais pas dĂ». Pardonne-moi.Elle se colle Ă moi, je la repousse.Le lendemain, je descends aider Ă prĂ©parer le petit dĂ©jeuner. Nos amis sont dĂ©jĂ dans la cuisine. Il ne manque que Pierre et sa jeune femme.— Alors Julien, tu as abandonnĂ© ta chĂ©rie,— Elle est un peu fatiguĂ©e, elle va arriver… Elle a mal dormi, sommeil agitĂ©.Paul blĂŞmit, il n’ose pas me regarder. Je fais la bise aux femmes prĂ©sentes. Les tenues lĂ©gères laissent entrevoir quelques trĂ©sors, mais je n’ai pas la tĂŞte à ça.Marie arrive, elle a les yeux rouges, elle a passĂ© un peignoir sur sa nuisette. Juste un bonjour gĂ©nĂ©ral, elle s’assoit Ă cĂ´tĂ© de moi, sans un regard vers son amant.VĂ©ronique, la femme de Bernard l’apostrophe :— Tu as une tĂŞte de dĂ©terrĂ©e, ma chĂ©rie, je ne te demande pas ce que tu as fait cette nuit.Et se tournant vers moi :— Il faudrait que tu la laisses un peu dormir, vous n’êtes plus jeunes mariĂ©s.Cela dĂ©tend un peu l’atmosphère, mais Paul n’ose pas bouger, Marie ne dit rien. L’ambiance devient lourde. Nos amis sentent que l’orage va arriver, sans savoir pourquoi.Mon cafĂ© avalĂ©, je les quitte sans un mot et monte dans notre chambre. Je suis rejoint quelques minutes après par Marie. Ma valise est sur le lit, j’y jette rageusement mes affaires.— Que fais-tu ?— Je m’en vais, je ne reste pas une minute de plus ici. Reste avec ton amant.Elle est affolĂ©e :— Non… Je t’en prie mon chĂ©ri, ne fais pas de scandale devant nos amis, j’ai trop honte.Sans savoir quoi faire ni quoi dire, elle reste les bras ballants Ă me regarder boucler mes affaires. Je descends ma valise Ă la main, sous le regard intriguĂ© de nos amis toujours autour de la table. Pierre et Sylvie, encore Ă moitiĂ© endormis, les ont rejoints.Juste un mot d’adieu :— Salut, et je me dirige vers la porte.Marie descend en courant, en pleurs. Pas besoin d’en dire plus, nos amis comprennent qu’un drame vient de se jouer.HĂ©lène, la femme de Paul, m’interpelle :— Que se passe-t-il ? Expliquez-nous.Je regarde ma femme, et dĂ©signant son mari du menton :— Demande Ă Paul, il t’expliquera mieux que moi.HĂ©lène voit son mari la tĂŞte basse. Son regard passe de lui Ă Marie les larmes aux yeux. Elle comprend :— Salaud… et toi salope, tu te dis mon amie.Je les laisse s’expliquer et claque la porte en sortant. J’entends Marie crier « Attend moi mon chĂ©ri, j’arrive ». Trop tard, je dĂ©marre avant qu’elle ait pu rĂ©agir, je ne veux plus la voir.Bernard m’a tĂ©lĂ©phonĂ© le lendemain, il m’a appris que nos amis sont tous partis dans la journĂ©e. Mais quel cirque ! Paul a dĂ» subir la colère de son Ă©pouse, HĂ©lène n’arrĂŞtait pas de crier. Il lui a jurĂ© que c’était la première fois, que plus jamais… Ils sont partis ensemble rapidement, laissant Ă Bernard le soin de fermer la maison.Le soir, Marie rentre tard chez nous. Bernard et sa femme l’ont raccompagnĂ©e, par discrĂ©tion, ils n’ont pas voulu entrer. Je n’ai rien dit, l’explication ce sera pour demain, j’ai besoin de rĂ©flĂ©chir. Nous avons encore trois jours avant d’aller rechercher notre fils chez mes parents.Nous nous couchons sans un mot. La nuit porte conseil.—oOo—Difficile de trouver le sommeil, tout se bouscule dans ma tĂŞte… Cocu, je suis cocu… Me tromper avec mon meilleur ami, quelle traĂ®trise… ! Et Paul, aucun respect pour notre amitiĂ©. Il me le paiera.Très en colère, je ne peux accepter, impossible de pardonner Ă Marie. Mais je l’aime toujours. Les mots que j’ai entendus au travers de la porte me prouvent qu’elle m’aime aussi. Pourrais-je vivre sans elle ? Suis-je dĂ©cidĂ© Ă tourner la page ? Je ne sais pas, c’est trop tĂ´t… Pas de rĂ©conciliation sur l’oreiller… Il nous faut discuter, voir oĂą en est notre couple. Une explication s’impose…J’ai mal dormi… Ma dĂ©cision est prise. Le pardon n’est-il pas une preuve d’amour ? Notre couple devrait en ressortir plus fort. Marie dort encore, elle doit ĂŞtre fatiguĂ©e, je l’ai entendue se tourner et retourner toute la nuit, elle aussi a dĂ» rĂ©flĂ©chir.Enfin, elle bouge, je la prends dans mes bras, un bisou dans le cou avant de lui parler, de lui dire mon amour. Sans me regarder, elle se lève : — Je vais prĂ©parer le cafĂ©, me dit-elle d’une voix timide. Elle se retourne Ă la porte de notre chambre :— Il faut qu’on se parle. Je sens un brin d’angoisse dans sa voix. J’imagine qu’elle a honte, elle va me demander pardon, elle va pleurer pour m’attendrir. Je la laisserais s’excuser, avant de la serrer dans mes bras pour lui montrer que je lui pardonne, que notre amour est le plus fort. J’imagine son soulagement, son visage radieux. Heureux de se retrouver, on s’embrassera et je la porterais sur notre lit pour sceller notre rĂ©conciliation.Dans la cuisine, nous prenons notre petit dĂ©jeuner en silence, j’attends qu’elle parle la première.Elle me regarde Ă la dĂ©robĂ©e, elle semble gĂŞnĂ©e, la honte, la peur que je la quitte. Avant mĂŞme d’avoir dĂ©barrassĂ© la table, en regardant son bol vide, Ă©touffant un sanglot, elle parle d’une petite voix :— Excuse-moi, mon chĂ©ri. Je ne sais pas comment c’est arrivĂ©. Pardonne-moi, je n’ai jamais voulu te faire souffrir.— Avec mon meilleur ami en plus, je n’aurais jamais cru ça de toi. Qu’ai-je fait ?— Ce n’est pas ta faute, je n’ai rien Ă te reprocher. Tu as toujours Ă©tĂ© un bon mari, un bon père, un bon amant.En l’entendant, j’ai l’impression d’avoir un sourire bĂŞte en pensant Ă sa joie quand je l’embrasserai. Mais je veux tout savoir :— Alors pourquoi ?— Je ne sais pas, ça n’a rien Ă voir avec toi. Un enchaĂ®nement, je ne pouvais plus lui dire non.— …— Je suis tombĂ©e amoureuse.— Quoi ? … Amoureuse ?— Excuse-moi, je sais que je te fais du mal, mais c’est la vĂ©ritĂ©, ça ne se commande pas. Je suis amoureuse de Paul, et il m’aime aussi.— Mais…— Ne m’interromps pas, c’est assez difficile… Julien, j’ai pris ma dĂ©cision, je veux vivre avec Paul. Il faut qu’on se sĂ©pare.— Quoi ? Mais il est mariĂ©.— Il n’aime plus HĂ©lène. Il m’a avouĂ© son amour. Il veut divorcer depuis longtemps, c’est moi qui ne voulais pas.— Et maintenant, tu veux ?— Cette nuit, j’ai compris que je ne pourrais pas vivre sans lui. Mon chĂ©ri, la moitiĂ© des couples divorce, cela n’a rien d’exceptionnel. Restons bons amis, en souvenir de nos annĂ©es de bonheur.— Moi, je t’aime toujours.— J’ai bien rĂ©flĂ©chi. Soyons adultes, nous n’allons pas nous dĂ©chirer. J’ai toujours beaucoup d’affection pour toi.— De l’affection… ? Une boule dans la gorge m’empĂŞche d’en dire plus. Nous restons de longues minutes en silence, sans nous regarder. Enfin, je me lève et pars dans notre chambre. L’émotion est trop forte, j’éclate en sanglots, je crois aussi entendre les pleurs de Marie qui est restĂ©e dans la cuisine.La journĂ©e se passe comme un dimanche de retour de vacances, on traĂ®ne, on range, mais nous nous Ă©vitons. Ni Marie ni moi n’avons envie de croiser le regard de l’autre ni rajouter le moindre mot.Le soir, je m’installe dans la chambre d’amis.En partant se coucher, Marie me dĂ©pose une bise sur la joue « Merci » et elle ferme la porte de notre chambre.Cette nuit encore, j’aurais du mal Ă trouver le sommeil. Je pense qu’il va falloir que je contacte un avocat, dĂ©jĂ je me demande comment nous allons partager tout ce que contient notre maison, tous nos souvenirs. Et comment l’annoncer Ă notre fils ?MARIEOuf ! ça n’a pas Ă©tĂ© facile, mais c’est dit. Je suis soulagĂ©e. Impossible d’aimer deux hommes en mĂŞme temps. J’ai dĂ» choisir entre le confort auprès de Julien ou la folie avec Paul.J’ai bien vu la surprise sur le visage de Julien. Il ne s’attendait pas Ă ce que je prenne les devants. C’est mieux que de l’entendre me dire qu’il ne voulait plus de moi, qu’il voulait me quitter. Pourtant il avait l’air triste, sĂ»rement son ego de mâle.J’ai aimĂ© Julien Ă la folie, c’était mon homme. J’ai voulu l’épouser pour fonder une famille, notre fils est son plus beau cadeau. J’ai encore des sentiments pour lui, mais voilĂ , je suis amoureuse de Paul, sinon jamais je n’aurais trompĂ© mon mari. Au dĂ©but, j’ai eu du mal Ă faire la diffĂ©rence entre l’amour et le dĂ©sir que j’avais pour Paul. Petit Ă petit, je me suis prise Ă mon propre jeu, je pensais Ă lui tous les jours, je suis tombĂ©e amoureuse sans savoir comment, ça ne prĂ©vient pas. Cette nuit, j’ai pris la dĂ©cision, la bonne dĂ©cision.C’est triste pour Julien, mais on n’a qu’une vie, je veux la vivre pleinement.Sans ces vacances communes, Julien n’aurait jamais rien su, je n’aurais jamais osĂ© lui parler, osĂ© prendre une telle dĂ©cision. C’est mieux comme ça, plus de mensonges.J’aurais pu faire plus attention, Paul a insistĂ©, je n’ai pas su lui rĂ©sister. Le retrouver la nuit quand Julien dormait, un vrai vaudeville, mais j’avais tellement envie d’être dans ses bras au mĂ©pris de toute prudence, au point de repousser Julien depuis notre arrivĂ©e.Ce soir, avant d’aller me coucher, j’ai juste dit Ă Julien :— Si tu es d’accord, j’irai m’installer dans notre studio en ville, le locataire est parti depuis un mois.Il a acceptĂ© d’un signe de tĂŞte, que pouvait-il me rĂ©pondre ?Maintenant, je me sens seule, j’aimerais me rĂ©fugier auprès de Paul, me blottir contre lui, il saurait me rassurer. J’aimerais le voir, entendre sa voix, lui annoncer la bonne nouvelle. Lui ne doit pas oser m’appeler. J’imagine la scène terrible qu’HĂ©lène a dĂ» lui faire, maintenant il est libre lui aussi, comme moi il doit prĂ©parer ses valises. Nous allons pouvoir nous installer ensemble, vivre notre amour au grand jour.Pas question de l’appeler chez lui, de peur de tomber sur HĂ©lène. J’attends de pouvoir l’appeler Ă son bureau, nous serons plus tranquilles :— Bonjour, Paul.— Bonjour.J’ai l’impression de le dĂ©ranger, il doit ĂŞtre avec des collègues.— Comment vas-tu ? Pas trop dur avec HĂ©lène ?— Non non, ça va.— J’aimerais te voir rapidement.— Que se passe-t-il ?— J’ai parlĂ© Ă Julien. On se sĂ©pare, c’est toi que j’aime, je suis libre maintenant. Nous allons pouvoir vivre ensemble, mon amour.— Mais…— Tu n’es pas content, mon chĂ©ri ? Maintenant que tout le monde sait, nous n’avons plus Ă nous cacher… je t’aime.— Moi aussi je t’aime. Mais… Il vaudrait mieux ne pas nous voir pendant quelque temps.— Quoi ? dis-je d’une voix angoissĂ©e.— HĂ©lène m’a pardonné…— Tu veux dire… Tu ne veux plus la quitter ?— Non, bien sĂ»r. Elle a compris mon erreur, et m’a pardonnĂ©.— Ton erreur… ? Mais, et moi ?— Tu es libre maintenant. C’est ce que tu voulais.— Mais… mais, je t’aime… J’ai reniĂ© mon couple, ma famille, ma vie pour toi, pour vivre avec toi.— Ne fais pas l’enfant. Tu ne croyais tout de mĂŞme pas que j’allais quitter HĂ©lène ?— Mais… tu me disais.— Ce n’était qu’un jeu, pour pimenter nos Ă©bats… Ne me dis pas que tu as pris notre petite aventure au sĂ©rieux ?— Petite aventure ? … Salaud.— Tout de suite les grands mots… Nous avons passĂ© du bon temps ensemble. D’ailleurs, tu me plais toujours autant.— Mais alors ?— Nous pourrions nous revoir de temps en temps, il faudra juste faire un peu plus attention.— Quoi ? Salaud…— Ce sera mieux comme ça, non ?— Salaud…Je raccroche brutalement et frappe la table d’un poing rageur « salaud… salaud… ». La douche froide, Paul m’a racontĂ© des bobards, il a jouĂ© avec mes sentiments. Les petites soirĂ©es intimes dans cette auberge Ă la sortie de la ville quand Julien n’était pas lĂ , le câlin dans la voiture avant de me raccompagner, j’y ai cru, moi, Ă ses mots d’amour, j’y ai cru comme une ado boutonneuse. BercĂ©e par ses belles paroles, j’ai Ă©tĂ© naĂŻve, alors qu’il ne pensait qu’à mon cul. Je prends conscience un peu tard que pour lui ce n’était pas sĂ©rieux, que ce n’était qu’un jeu.J’étais si heureuse avec Julien, j’ai tout gâchĂ©. Bien sĂ»r, comme tous les couples, ce n’était plus la passion des premières annĂ©es, mais la routine c’est aussi le bonheur. Me croire amoureuse, au point de vouloir le quitter pour refaire ma vie, je ne suis qu’une idiote. Tout dĂ©truire pour un mec qui ne cherchait qu’une aventure.Que puis-je faire maintenant ? Je me rends compte que je suis en train de faire une grande connerie, la plus grande connerie de toute ma vie.Je ne peux m’en prendre qu’à moi, tout est de ma faute. Julien, pardon ! Notre conversation me revient en mĂ©moire, j’ai honte de t’avoir dit que j’étais amoureuse de Paul ? Je voulais juste ĂŞtre honnĂŞte au moins une fois. HonnĂŞte ? Comme si ce mot avait encore une valeur, moi qui t’ai trahi avec ton meilleur ami. Tu avais l’air accablĂ©, je ne t’ai pas laissĂ© parler. Étais-tu prĂŞt Ă me pardonner ? Je ne le saurai jamais. Je t’ai fait souffrir, pardon.Mais, c’est trop tard. Quelques jours après, je reçois le courrier d’un avocat. La machine est en route.La nuit, les remords m’empĂŞchent de dormir. Pour retenir Julien et me faire pardonner, j’ai bien essayĂ© de lui parler, de lui dire ma faiblesse, mes regrets. Je lui ai mĂŞme parlĂ© de notre fils. En vain, sa dĂ©cision Ă©tait prise, je l’avais blessĂ©, j’ai senti que rien ne pouvait le faire changer d’avis.ÉpilogueJulien a vite compris que Paul ne quittera jamais sa femme. Il aime toujours Marie, il aurait pu lui pardonner cet Ă©cart, mĂŞme avec un ami. Il Ă©tait prĂŞt Ă le faire, mais Marie l’a rejetĂ©e. Elle a fait son choix au dĂ©triment de leur couple et de leur famille. Ça, Julien ne peut l’accepter. Il ne peut oublier les mots terribles qu’elle lui a dits « je suis amoureuse de Paul », ils rĂ©sonnent encore dans sa tĂŞte.La procĂ©dure par consentement mutuel est rapide, Julien et Marie divorcent sans vouloir se dĂ©chirer. Ils n’habiteront pas loin, ce sera plus pratique pour la garde alternĂ©e de leur fils.Julien revoit ses amis, Bernard et VĂ©ronique, et parfois Pierre et ses nouvelles conquĂŞtes. C’est chez Bernard qu’un soir, il a rencontrĂ© Camille, une jeune femme divorcĂ©e, amie de VĂ©ronique. Ils se sont revus plusieurs fois. Bernard savait ce qu’il faisait quand il les a invitĂ©s ensemble.Marie a rompu avec tous leurs amis, ou plutĂ´t ce sont leurs amis qui se sont dĂ©tournĂ©s d’elle et de Paul, coupables d’avoir brisĂ© la belle entente qui les unissait. Elle a conscience maintenant que son avenir, c’était Julien. Elle n’a jamais cessĂ© de l’aimer, mais comment lui faire comprendre ? Il n’a rien voulu entendre, son amour-propre a Ă©tĂ© plus fort que leur amour. Elle a tout perdu.Elle espère qu’un jour… Pour l’instant, elle vit seule.Dès le dĂ©part de Marie, Julien a voulu se venger de Paul, ce faux frère. Dans un accès de colère, il devint mesquin et envoya un petit courrier anonyme au fisc signalant une entreprise qui… cette entreprise Ă©tait celle de Paul.Après quelques ennuis avec la jeune femme qui dĂ©barqua un matin dans son bureau pour lui demander ses livres de comptes, Paul usa une nouvelle fois de son charme, et mit la contrĂ´leuse dans son lit. Ce qui affecta l’intĂ©gritĂ© de cette fonctionnaire zĂ©lĂ©e de l’administration fiscale.Il s’en tira Ă bon compte, avec un petit redressement pour la forme.HĂ©lène Ă©tait enceinte, leur famille allait s’agrandir dans quelques mois. Toujours aveuglĂ©e par son amour pour son mari, elle ne sut jamais que Paul avait remplacĂ© Marie aussi rapidement, grâce Ă Julien.