Version féminineDe légers frissons. Je me réveille, une brise légère frôlant ma peau nue.Où suis-je ?Dans quel état j’erre ? Oui, j’ai osé la faire celle-là  ?Les yeux écarquillés, je ne reconnais rien de ce qui m’entoure, ni le paysage ni ces arbres luxuriants… même les couleurs sont bizarres.La verdure, je devrais dire plutôt la « rosissure » : chaque brin d’herbe est rose, du rose pâle allant à un rose bistre foncé, tirant même sur le grenat par endroit des pointes de certaines graminées géantes.Des fleurs inconnues parsèment le sol tels des nénuphars… non, on dirait des bouses de vache, mais… bleues…Les arbres, parlons-en des arbres… ils ne ressemblent à rien, ou plutôt si : à des bâtons de réglisse. Je déteste la réglisse.C’est quoi ce délire ? Tu n’as pas fumé de cannabis pourtant.C’est curieux, je suis comme suspendue dans les airs. Il me semble être clouée, ou plutôt collée comme une mouche à … J’essaye de me détacher de cet amas de fils gluants en me tortillant dans tous les sens.Aaarfff, une toile, une toile d’araignée !Mon Dieu (qu’a-t-il à voir dans ce délire celui-là  ?), la toile est immense.L’arachnide qui l’a tissée doit être très très grand, immensément énorme même. J’imagine une araignée grosse, velue toute poilue de partout, son énorme abdomen distendu par ses proies déchiquetées et avalées, ses pattes.Beurk !La peur panique (en un mot) m’assaille, me saisit d’effroi. Voulant me détacher au plus vite, je me trémousse, me tords dans tous les sens, en vain. Au contraire même, plus je me débats et plus je m’englue dans ses horribles filins comme un vulgaire papillon éphémère.Interdite, je stoppe net mes agitations. Dans ma tête, une voix inconnue me parle. c’est quoi ce bordel ! Une voix qui résonne dans ma tête ?.À nouveau, je me débats. La voix, encore :Elle a raison cette voix, si je continue à me débattre, je vais finir par attirer la grosse bébête qui monte, qui monte.En effet, si l’araignée est proportionnelle à la taille de cette toile, ou vice versa, inversement proportionnelle au carré de l’hypoténuse (je suis un peu perdue, jamais été forte en maths), pi j’vais prendre l’tangente, car je suis carrément dans la merde.Méga grosse merde ! Normal direz-vous après les fleurs-nénuphars bleues en bouses de vache !Ma gorge se noue, le cœur battant à la chamade au bord des lèvres. Je vais vomir. Mes yeux commencent à me piquer devant cette évidence morbide : je vais finir dévorée par une gigantesque araignée !Encore cette voix. Je la « sens » masculine. Comment peut-on « sentir » le genre d’une voix dans sa tête ? Mais que m’arrive-t-il ?À nouveau, j’observe autour de moi. Je cherche quelque chose d’anormal. Mais non, rien ! Enfin, si… tout est anormal !De grands arbres dont je ne connais même pas l’essence m’entourent. La toile tissée est tendue entre eux ; sous cette canopée, je ne vois même pas leurs extrémités. Je suis suspendue dans le vide à au moins cinq mètres du sol. Leurs feuilles ressemblent à des z’haricots verts (j’ai toujours eu horreur de cette réforme sur les liaisons), mais de toutes les couleurs, des z’haricots géants, multicolores et étincelants.J’hallucine complet !Je ne me rappelle plus rien. Bon sang, je suis où ? Qu’est-ce que je fous ici ?Dans le ciel, un soleil jaune orangé donnant une lueur « orageuse », comme avant une tempête de grêle, et deux planètes qui ne ressemblent en rien à notre lune. Des « lunes » en plein jour ? On dirait qu’elles sont en forme de… donuts.Je secoue la tête.Je vais me réveiller. Je suis en plein cauchemar. Qu’est-ce que j’ai mangé la veille qui me dérange autant ?—  Quand je te dis « saute », tu sautes !Encore la voix, impérieuse cette fois. Sauter de cinq mètres de haut, mais elle plaisante, la voix ! Je vais m’escagasser au sol comme une vulgaire figue !—  Non, je te rattraperai avant.D’accord, tu me parles dans ma tête. Tu me rattrapes. Et comme une conne je te réponds dans ma tête aussi. C’est pire que dans orange mécanique.Et la marmotte avec le papier alu aussi, hein ! C’est quoi ce délire ?Je sens sous mon dos la toile d’araignée frémir comme si… quelque chose avançait dessus imperceptiblement.Affolée, je scrute autour de moi attentivement et aperçois une énorme bête poilue venant sur ma droite avec un très gros abdomen, deux gros yeux noirs inexpressifs dans une rangée et quatre plus petits alignés en dessous, des mandibules crochues qui s’agitent avec des « clic-clic » très très inquiétants.Frissons d’horreur, il ne manque plus que Dracula, des loups-garous ou autres créatures effrayantes.Le fantastique n’est pas fantastique.Je vais hurler… Non je huuuurleeee à pleins poumons.Puis, d’un coup, ce ne sont plus que des cris, des grognements, des déchirements, des lambeaux de chair qui voltigent partout, du sang qui coule. Ça coupe, découpe, tranche, broie et déchiquette à tout-va autour de moi : un combat acharné. Un massacre sans tronçonneuse.Soudain, la toile se détend ; je glisse pour tomber dans le vide comme dans un puits sans fin.Dans un sursaut, j’essaye bien de me rattraper en battant des bras dans le vide dans un hurlement. Je vois ma vie défiler et le sol me sauter à la figure. Sursaut.Quelque chose me retient délicatement en suspension par la jambe et me dépose lentement au sol sans mal.À genoux, nue et tremblante je n’ose me retourner pour voir mon sauveur.Cependant, dans ma tête encore la voix :—  Ça va ?—  Oui, je crois.Je « sens » la voix derrière moi. Je me retourne lentement avec quelques appréhensions. Hé là , noooon ! J’ai été droguée ma parole, ce n’est pas possible autrement !Un immense, non, une gigantesque créature sortie du cerveau malade d’un écrivain de science-fiction, série B des années 50… Une immense bête poilue style lycanthrope, une créature anthropomorphe entre homme et loup. Ce qui est sûr, c’est « il » dans toute la splendeur masculine vu la taille de son phallus. Mon Dieu, des pensées libidineuses trottent dans la tête maintenant. Une grande malade !—  Oui, un mâle. Je m’appelle ARGAÏ.Je rougis cramoisie : j’ai oublié que la voix lit dans les pensées, il… lit dans mes pensées. Quelle honte !Une sorte de sourire ou plutôt un rictus apparaît sur ses babines baveuses.Vous avez déjà vu un mi-homme mi-loup sourire, vous ? C’est loin d’être rassurant.Mon premier réflexe est de prendre la fuite, le second aussi.Aussitôt, instinctivement tel un ressort je me redresse et fais demi-tour en courant pour foncer me cacher en direction de cette forêt aperçue auparavant sur ma gauche.Trop tard, je file.Je bats le dernier record olympique du 100 mètres : Usain Bolt n’a qu’à bien se tenir !Mes poumons vont éclater ; tant pis, courir, fuir plus loin vite.La canopée protectrice, enfin !Je slalome comme je peux. Vu la stature de « l’ani-mâle » (au moins 1,40 m au garrot), la taille de ses pattes, sa longueur, vu sa musculation, si je calcule sa détente en saut… je n’ai pas intérêt à traîner !—  Attends, répète la voix plus douce. N’aie pas peur.Facile à dire… Trouver une cachette, un abri, fuir loin de lui. Chut, ne pas penser !Une clairière dans laquelle je m’engouffre sans réfléchir, sans regarder.Trop tard : je tombe nez à nez avec une sorte de gros éléphant au grand cou un peu comme une girafe, au pelage frisé mauve avec des patins à roulettes accrochés à ses pattes. Ridicule, ce délire !Malheureusement, le bestiau me charge direct. Me voilà prise en tenaille entre le marteau et l’enclume. C’est la panique.Je tourne et retourne en rond, affolée, cherchant une issue, pour enfin bondir dans un élan, attrapant une liane au passage, je me balance, me propulse pour retomber juste derrière mon assaillant.Là -bas, des palétuviers (on dirait des palétuviers, mais je ne sais plus). Dans les racines en… scoubidous, je serai à l’abri et pourrai souffler un peu.Chut, je ne suis pas là . Ne pas penser. Il lit mes pensées.Un mur ; visualise un mur de briques et compte les briques.Une, deux, trois…Nous irons chez toi.Vite ! Dans un autre élan bondissant, mes jambes arrivent à me porter plus loin.Quatre, cinq, six…Tu me suceras.Là -bas à travers le fourré ! Plus loin, plus loin, vite, échapper à cette bête !Sept, huit, neuf…T’es une bonne meuf.Je déboule sur un plateau. Une falaise à pic sur un trou d’eau profond de dix mètresen contrebas.Dix, onze, douze…En avant la partouze.Va falloir que je fasse le grand saut. Putain, j’ai le vertige !Jusqu’ici, tout va bien, me dis-je en tombant.—  Noooon, ne saute pas. Attends.Splaaaaash.Treize…Je suis d’la baise.Je ne suis pas Johnny Weissmüller, j’ai pris un plat, j’ai mal au ventre, aux cuisses, les jambes douloureuses après tant d’efforts, les muscles complètement tétanisés.Derrière moi, j’entends un énorme « splash », et une gerbe d’eau m’asperge.Ça nage, un loup-garou ? Mince, je n’avais pas pensé à ça.Trop tard.Au moment où j’arrive à m’accrocher enfin à la berge, deux bras – non, deux pattes puissantes et velues – se posent de chaque côté de moi m’arrêtant net dans ma vaine fuite. Son souffle haletant sur ma nuque à nu.Arf, je suis à poil, lui aussi… Nooon !—  N’aie pas peur.Il est derrière, au-dessus, sur moi, partout, immensément fort, accolé à mon corps dépouillé. Ça n’a pas l’air de le gêner ; moi si.Il est près, tout près de moi, contre, tout contre mes fesses dénudées.J’entends ses mots, mais sans le son. Encore son incroyable pouvoir de la pensée… Je baigne en pleine science-fiction fantaisie.T’es pas bien, ma fille !Il m’attrape, me retourne comme un fétu de paille et me dépose assise sur la berge face à lui, à moitié sorti de l’eau. Il me regarde avec un sourire goguenard.Je recule en restant sur mes fesses, bras en arrière dans un lent mouvement, jambes écartées pour prendre mieux mes appuis dans ma fuite. J’expose ainsi à sa vue et malgré moi ma fleur déjà ouverte.Prenant subitement conscience de ma délicate, mais néanmoins provocante posture face à lui, je m’arrête net et vais pour me recroqueviller pour échapper à son regard.Trop tard. Un regard… de prédateur sexuel, concupiscent (il me fait penser au Loup de Tex Avery ; il ne manque plus que la langue).Mais arrête d’avoir des images !Il avance vers moi, attrape une de mes chevilles en levant ma jambe pour me lécher du pied en remontant vers mon entrecuisse qui commence à frémir.Je vais arrêter de regarder des hentaïs (mangas pornos), moi…Ce mâle est trop fort, trop lourd pour que je puisse me débattre efficacement. Mais ai-je envie de lui résister ?Ses babines baveuses atteignent mon abricot, ma figue ouverte et plongent dans mon calice dans un doux et lent léchage très attentionné. Je voudrais lui résister, mais je ne peux pas : mon corps va à sa rencontre, se tortille, se frotte contre sa langue qui me fouille intimement. Je griffe sa fourrure, j’enfonce mon ventre, ma chatte vers lui. Je suis déchaînée, je ne me reconnais pas.Je me retrouve à quatre pattes sous lui totalement à sa merci. Sa colonne de chair me prend fougueusement, s’enfonce bestialement en moi.Je hurle sans cacher mon plaisir brut. Dépravée !Le calme après la tempête.Une pensée de la bête à la belle contre son cou, le sexe viril encore enfoncé dans sa douce intimité :Je suis terrassée, foudroyée par une vague de plaisir. La petite mort…_________________Version masculineUne coquille-brancard avance sur un énorme coussin d’air dans le couloir des urgences du CHU. Les pompiers amènent une victime d’accident de cynoaéroplaneur, sport en vogue qui consiste à effectuer des figures acrobatiques avec l’aide de chiens ailés.—  Femme. 32 ans. Réanimée sur place. Le cœur est reparti, mais elle ne répond pas aux stimuli externes.—  Échelle de Glasgow ?—  4 à mon avis.—  OK. J’arrive.Le jeune interne arrive, se penche et examine attentivement la patiente.—  Des infos en plus ? Accident ? Médicaments ?—  Non, on ne sait pas juste un accident.—  Allez en soins intensifs, sous coagulant et en observation sous monitorat cérébral intercrânien. Électro et IRM ensuite.Aux soins intensifs, des infirmiers-veilleurs prennent en charge la patiente afin de surveiller ses fonctions vitales durant son coma profond.—  Je m’appelle MARc GAIlle. Je suis infirmier-veilleur, et ici on se tutoie. Tu m’entends ? Je suis là pour prendre soin de toi, dit-il d’une voix douce.Leurs soins essentiels consistent à apprécier les réactions des pupilles, tout comme les réactions sensitives, auditives, musculaires et respiratoires des patients plongés dans le coma.Marc vérifie régulièrement l’électrocardiogramme, la perfusion de sa patiente et lui explique comment vont se dérouler les soins.—  Attends, ne bouge pas. Je suis chargé de stimuler tes sens. Je vais donc soulever tes jambes et tes bras tout en te parlant.Il procède à quelques massages sur les membres raidis pour faire circuler le sang, lui raconte des histoires ; il en connaît des tas depuis qu’il est dans ce service.—  N’aie pas peur. Je reste près de toi.Marc est assis à côté du lit en lisant à voix haute un L3D « livre 3D ». Tout à l’heure, il s’est connecté sur FlashDeezOnLine pour lui faire écouter sa song-List :« Vous voyez cette plume ?Eh bien, c’est une plume… d’ange.Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l’air. J’ouvre les yeux, que vois-je ?…Il y eut un frisson de l’air.Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l’épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l’ange malicieux qui m’avait visité.Tous les trois, l’oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps…Le fou rire, quoi ! »– Plume d’Ange – Claude Nougaro De temps en temps, il lève sa tête et observe cette jeune femme inerte, comme endormie. Il n’a pas grand espoir quant à un potentiel réveil : il sait comment cela se passe.—  Ça va aller, souffle-t-il néanmoins comme pour se rassurer devant la fin inéluctable.Mais il essaye, il fait tout son possible avant l’application irrémédiable du protocole « SEDA-FIN », autrefois appelé « euthanasie ou suicide assisté » : la seringue, le produit et c’est fini pour les comas profonds._________________Électro plat. Plus rien à faire. Le protocole de fin de vie s’est achevé avec succès.—  On débranche tout.—  Avez-vous pu capturer les dernières pensées de la patiente pour la famille ?—  Tout est stocké sur le nouveau serveur-drive AlphaPrimeCentaury.Patiente décédée le mercredi 17 décembre 2330 à 10 heures._________________Toute ressemblance avec un personnage réel ou imaginaire, un pseudo ou autre fantaisie est purement fortuite et indépendante de ma volonté.Aucun animal n’a subit de maltraitance ou autre outrage lors de l’écriture à part quelques caresses et une gamelle d’eau fraîche.